Clémence Castellane

Histoire

Je suis né dans le manoir familiale des Castellane à Montpellier un matin de février, sous un climat étrangement doux pour l'hiver, dans un silence étonnant pour un bébé. Ma naissance n'a rien eu de notable à l'échelle familiale, d'une part parce qu'on attend jamais grand chose d'une femme, d'une autre parce que j'avais déjà un plus grand frère promis à un brillant avenir. Ne vous méprenez pas, j'étais un enfant voulu et j'ai reçu tout ce dont j'ai eu besoin dans mon enfance, seulement ma venue au monde n'a rien eu d'exceptionnelle. Celle de mon plus jeune frère a subit le même sort d’ailleurs quelques années après moi.
Les Castellane sont une famille de Sang-Pur moyennement traditionaliste, mes parents tout du moins, la pureté du sang n’est pas leur priorité absolue, leur ligne de conduite est plutôt basée sur la prospérité sociale et financière.
Gabrielle Castellane, ma mère, est la femme la plus douce que j'ai jamais connue. Elle nous a élevés, moi et mes frères, malgré les nourrices et tutrices engagées par mon père, mettant toute sa vie en pause pour faire de notre éducation sa priorité jusqu'à notre admission à Beauxbâtons. Épouse parfaite, mère dévouée, Daniel, "Dan", Castellane, mon père ne pouvait rêver mieux. J'ai toujours été beaucoup plus proche de mon père, parce que j'ai eu, dès mon plus jeune âge, un respect sans faille pour lui. C'est le genre d'homme qui remplit une pièce quand il y entre, le genre d'homme qui te fait te sentir important seulement parce que son regard se pose sur toi, le genre d'homme qui force le respect et l'admiration que tu l'aimes ou non.
Directeur du bureau de la Coopération Magique Internationale au Ministère des Affaires Magiques, il était malheureusement peu à la maison, souvent en déplacement. J'avais pris l'habitude d'aller bouquiner dans son bureau à la maison, de m'installer dans son grand fauteuil en cuir, derrière ce bureaux en bois massif dont ma tête dépassait à peine le bord. Il était mon héros. Peut-être parce qu'il n'était jamais là et que tout le côté parentale à fait de notre mère la figure d'autorité par excellence. Peut être parce qu’il est plus simple d’aimer quelqu’un qui n’est pas là, et d’écarter ses défauts au profit de ses qualités. Leur mariage n'a jamais été parfait, comme souvent dans les familles comme la mienne, les mariages sont arrangés pour des raisons politiques, économiques et sociales. Mais si mes parents ne s'étaient jamais rencontrés avant leurs fiançailles, je suis convaincue qu'ils ont appris à s'aimer au fur et à mesure qu'ils construisaient leur vie et ont finis par véritablement tomber amoureux l'un de l'autre.
Mes frangins, Antho et Benji, quant à eux, ben, c'était mes frangins. On a eu une relation banale de frères et soeurs, moi admirative et Antho d'abord agacés d'avoir une gamine dans les pattes en permanence, puis protecteur quand la gamine a commencée à avoir une vie de son côté et l’a rejoins à l'école. Avec Benjamin c’était pareil, je ne supportais pas qu’il me copie, mais je gardais toujours un œil sur lui.

Si mes frères avaient chacun leur domaine d'excellence respectif, Anthony était un scientifique de talent, Benjamin déjà un athlète très prometteur, j'ai pris le parti de développer mes compétences sociales, et de devenir une petite politicienne à mon échelle. J'étais douée à l'école, j'étudiais beaucoup, mais surtout je voulais commencer à créer mon réseau, engendrer un intérêt. Et pour être honnête c'était d'une simplicité enfantine. Belle, intelligente, de Sang-Pur, donc par définition inaccessible et fascinante, j'étais solaire. Je me suis efforcée de soigner cette image, de nourrir ce personnage, de lui donner du relief, des couleurs. Dans mon monde, celui de la haute-société, on se voit répéter sans arrêt que l'image et les relations sociales sont très importants. J'ai suivis cette idée, choisissant précautionneusement mes amis, amadouant les bonnes personnes, restant éloignées de celles qui auraient pu entacher ma réputation sans avoir vraiment l'air de les repousser. Bref, j'étais une gosse de riche, une peste, mais pas la pire.

Au cours de ma 3ème année d'études, mon père est demandé en Angleterre. Le climat politique mondiale commence à s’assombrir et le Ministère de la Magie du Royaume Uni a appelé les pays voisins a envoyer des délégations afin de se préparer au pire grâce à une cellule de crise créée  spécialement pour l’occasion. Père n’a pas pu refuser et nous avons tous dû déménager à Londres. Je n'avais aucune envie de quitter Montpellier, ni Beauxbâtons. Surtout pas pour atterrir dans un pays réputé pour sa gastronomie désastreuse et son temps gris et pluvieux. Pourtant, c'est ainsi que ce fût, transférée à Serpentard dans le châteaux de Poudlard pour le début de ma 4ème année.
L'adaptation n'a pas été facile pour moi, je parlais bien anglais mais à ce moment là sûrement pas assez pour l'entendre, le comprendre et le parler 24h/24 et j'ai pris un peu de retard dans les cours. Poudlard en soit n'était pas horrible, moins charmant que mon ancienne école sans aucun doute, mais tout à fait convenable. L'ambiance en revanche y était étrange, 1994, il paraissait qu'un certain mage noir très puissant de renommée mondiale était réapparue soudainement. Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Tu parles d'un surnom ! Ce sorcier avait terrorisé le monde sorcier pendant 10 ans avant de se faire complètement annihiler par un nourrisson un an après ma naissance. Même en France, l'homme avait traumatisé les foules bien qu'ayant opéré majoritairement au Royaume-Uni et mes camarades étaient tous angoissés à l'idée de son retour.
C’est dans cette période que les familles comme la mienne ont dû commencer à prendre position. Bien sûr la plupart rejoignaient la cause du seigneur des Ténèbres sans hésitation aucune, par peur ou loyauté. Mais notre famille ne partageaient ni leurs valeurs ni leur mode de fonctionnement. Alors que faire ? Rien n’était dit à voix haute bien sûr, c’est pas comme si mon père allait annoncer pendant le dîner « hey j’ai rejoins Voldemort », mais j’étais suffisamment âgée pour remarquer les indices. Et puis surtout, c’est à cette même période que mes parents ont commencé à se disputer, pour la première fois de ma vie, j’ai remis leur mariage en question. Bien sûr que ma mère n’allait pas approuver cela, elle était trop lumineuse pour rejoindre les ténèbres en revanche ça ne m’étonnait pas plus que ça que mon père rallie la cause. Davantage pour l’apparence que par réelle conviction mais quand même. Je ne crois pas qu’il ait réellement participé à quelconque action, il n’était pas un mangemort, juste un sympathisant disons, qui était en mesure de mettre certaine ressources à disposition, et avait une place de choix au Ministère. Mon frère Anthony en revanche, a directement adhéré à la cause du mage noir. Je l’ai vu s’enfoncer peu à peu dans les recoins les plus sombres de la magie et de l’esprit, et s’éteindre en vacillant. Il a tenté de nous convaincre, Benji et moi. Mais Benjamin, bien que légèrement influençable par son aîné, n’était pas le moins du monde intéressé par ce qu’il se passait en dehors de son équipe de Quidditch. Quant à moi, j’ai joué la carte de l’idiote blonde qui n’y comprenait rien pour qu’il me fiche la paix. Je voulais rester concentrée sur mes études, sur ma vie à Poudlard, et j’étais un peu inquiète pour mon grand frère. Je voyais de mes propres yeux ce qu’il devenait et ça ne m’attirait pas le moins du monde. Par contre, c’est dans cette période qu’il m’a introduit à la légilimancie, et m’a entraîné à la pratiquer tous les jours. Probablement au cas où il réussirait à me faire « entrer dans les rangs ».

La guerre a atteint son apogée au cours de ma dernière année au château. Mais le véritable tournant, c’était la bataille de Poudlard. Tout le monde au château savait que ça arrivait, et tout ceux qui le souhaitaient ont eu le temps de partir. J’ai hésité jusqu’à la dernière seconde, et le combat venait tout juste de commencer quand j’ai finalement décidé que je n’avais pas ma place ici et que je ne souhaitais pas risquer de me battre contre mon frère. Mais je n’ai pas eu le choix parce qu’au moment de m’éclipser on m’a fait savoir que, pour une raison qui m’a échappée, Benjamin avait décidé de rester avec ses amis de Gryffondor et de se battre. Anthony venait de lui tomber dessus au moment où je l’ai retrouvé près de la Grande Salle. Notre aîné était comme différent, fou de rage, il lui hurlait qu’il trahissait toute la famille et il a attaqué. Malheureusement pour lui, son domaine de prédilection était les sciences théoriques, et Benji était déjà plus douée en magie que lui malgré son plus jeune âge. Le cadet a prit l’ascendant. J’étais pétrifiée, je ne pouvais pas intervenir, de toute manière Antho ne ferait jamais véritablement du mal à notre petit frère, je pouvais le lire sur son visage, mais il était tiraillé, comme s’il se battait contre lui même. Seulement il s’est emporté, et Benji a commencé à se fatiguer, un sort a fusé et il s’est écroulé à terre, désarmé et totalement à la porté du mangemort. J’ai regardé Anthony, son regard, son regard était fou, rien en lui ne me rappelait mon grand frère. Je n’ai rien dit, il a levé sa baguette, sortant enfin de l’ombre j’ai levé la mienne et je savais ce qui allait suivre, le sort interdit. Mais il ne prononça jamais les mots puisque mon sort l’a atteint en premier. Un éclair vert, et c’était finit. Quand le corps d’Anthony s’est écroulé par terre, j’ai croisé le regard de Benji, terrifié en comprenant ce qui venait de se passer. Je venais de tuer mon aîné pour sauver mon cadet.
Je n’ai pas attendu plus longtemps pour saisir la main de Benjamin et transplaner à la maison, heureusement que les barrières de Poudlard avaient été brisées à l’arrivée de l’armée du Seigneur des Ténèbres. Il était inconsolable. Si il a longuement pleuré dans mes bras ce soir là, il m’a promis inlassablement qu’il ne dirait jamais rien et protégerait ce secret quoi qu’il arrive. Et c’était ainsi, nous n’en avons jamais reparlé.

Après la victoire d’Harry Potter et de ses partisans, nous avons pu rendre hommage à Anthony, et faire notre deuil. Ma mère a été dévastée comme si une part d’elle même était partie avec son fils aîné. Elle s’est couchée, ravagée par le chagrin, et à ce jour ne s’est toujours pas relevée. Mon père lui, n’a jamais été inquiété pour son implication avec tout ça.
Quand à moi, l'année scolaire ayant été très perturbée je n'ai pas passé mes ASPICS et ait préféré redoubler mon année pour entrer à l'UMS avec un dossier parfait et surtout mérité. Je n'aurais jamais été satisfaite en entrant en Droit magique en m'appuyant sur une bulletin dans lequel la notation des professeurs avait été biaisé compte tenu des circonstances atténuantes des grands bouleversements politiques impactant évidemment le château en son coeur.

Presque 4 ans plus tard, je suis à l’UMS, suivant assidûment le cursus de Droit Magique. Si mes parents habitent à Londres, j’ai exigé un appartement pour commencer à prendre mon indépendance et surtout fuir l’ambiance désastreuse qui s’est emparée de mon foyer. Tout n’est pas rose évidemment, chacun se reconstruit de son côté. Mais le fait est que j’ai tué mon frère aîné et que j’ai aucune idée de comment vivre avec ça. Personne ne l’a jamais su. Et j’espère que ça restera comme ça. Mais ça commence à me bouffer suffisamment pour que je cherche une alternative, un moyen de penser à autre chose. Alors j’ai commencé à sortir, à traîner dans les soirées étudiantes, à traîner avec des gens que l’on pourrait qualifier de peu recommandables. C’est là que la spirale commence à t’aspirer. L’alcool te désinhibe, te rends heureux, la drogue te calme, distrait tes pensées. Tu bois aux soirées, fume pour dormir, prends un cachet pour tenir la journée et tu recommences le lendemain. Tu rencontres des gens qui font pareils, mais tu ne connectes vraiment avec personne parce que tout le monde vient à ses soirées pour se sentir moins seul mais chacun est coincé dans sa tête.
C’était un bon échappatoire pendant un temps, les deux premières années de ma vie à l’UMS, jusqu’à ce que ça ne devienne plus suffisant. Alors à ce stade, il y avait deux solutions possibles. Se noyer ou remonter à la surface. Et j’avoue que le choix ne me paraît pas si évident pour le moment. Je ne peux pas parler à Benji, mon père n’est jamais là, ma mère est totalement déconnectée, et Antho est mort. Et moi je me suis malheureusement rendue compte que j’étais capable de foutre ma vie en l’air tout en gardant mes notes à un niveau presque excellent. Je suis dans un genre d’entre deux, je fais encore la fête mais j’essaie de garder un certain contrôle sur les substances. On dirait que j’ai un caractère addictif. Je suis sur une ligne très mince et très fragile, je ne sais pas encore de quel côté j’ai envie de tomber. Sans compter que j’ai entendu parler de l’apparition d’un nouveau jeu sur le campus qui se propage comme une traînée de poudre, mais la plupart disent qu’il faut rester éloigner de tout ça, que c’est dangereux.