J'écrase ma clope sur ma botte avant de me relever, mes lunettes de soleil sur le nez. J'en porte toujours à l'extérieur, sauf, évidemment, quand Alekseï me les vole après un moment de débauche, comme avant la rentrée. J'ai pu les récupérer, en lui promettant qu'il avait intérêt à me servir de modèle quand j'aurais besoin de lui. Mais pour le moment, je n'ai pas besoin de lui. Il est beau, certes, mais il a déjà été mon modèle, ce n'est pas une beauté neuve. Pour mon cours de pratique personnelle, j'ai besoin de sang neuf. J'ai besoin d'une beauté atypique, d'une beauté nouvelle, d'un défi à la hauteur pour mon intellect et à mon talent. Je sais que mon père est d'accord pour me servir de modèle, j'aimerais me servir de son aura pour réaliser une vanité revisitée. Mais jamais, ô grand jamais, il ne viendrait poser dans une salle de classe remplie d'étudiant, même pour moi. Non, ça, ce sera un travail pour la maison. Je pourrais travailler ma technique, ou le paysage, ou même les objets, cet après-midi. Ce n'est pas dans mes envies, mais il faut bien. C'est ce que je pensais, jusqu'à ce que je vois enfin la personne qui me servirait, aujourd'hui. Une beauté mystérieuse et asiatique. Un vrai défi pour mon cerveau d'artiste.
Rapidement -parce que mon cours ne va pas tarder à commencer-, je me dirige vers lui, et lui fais signe pour qu'il s'arrête. « Excuse-moi de te déranger. Je me présente, je suis Arthur Blackwood, je suis étudiant en Art en troisième année. J'aimerais savoir si tu accepterais de me servir de modèle cet après-midi… Je pourrais même te payer, si tu le souhaites. » Heureusement, fort heureusement, il me dit oui. De toute façon, un non m'aurait vexé, et cela se serait ressenti dans mon art. D'un geste, je lui fais signe de me suivre, en lui expliquant : « Ce sera de la pratique personnelle. L'UMS met tous les étudiants dans une même salle, et chacun avance sur ses projets perso. Du coup, on se mettra dans un coin, personne ne fera attention à nous. » La salle est grande est très lumineuse, et, comme je l'avais dis, en entrant, des étudiants étaient déjà en train de travailler de leur côté. Certains avaient des modèles, d'autres travaillaient sans. Je me dirigeais vers mon coin favori, à côté d'une fenêtre. Avec le rideau, je pouvais changer la luminosité à ma guise. Je désignais le divan qui était à côté, en sortant mon matériel. « Je t'en pris, installe-toi confortablement. J'aimerais faire plusieurs essais, alors ça risque d'être un peu long. »