Protego !

Comme l’année précédente, Ulysses s’était inscrit au club de duel dès qu’il avait vu le formulaire passer. Contrairement à l’année précédente, il avait bien l’intention de venir chaque semaine sans faute, cette fois-ci. La sixième année était peut-être plus corsée dans le niveau des cours, il n’en restait pas moins qu’il y en avait moins, des cours, qu’en cinquième année, d’autant plus qu’Ulysses avait passé l’année précédente à rattraper un retard de quatre ans dans plusieurs matières. Alors son programme avait vraiment été chargé, et plus d’un samedi, il avait sacrifié le club de duel pour pouvoir étudier un peu plus et s’assurer les meilleures notes. Cette année, il osait croire pouvoir gérer les études et le club de duel à la fois.

Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il découvrit que le professeur Chastang ne ferait pas le club seul, puisqu’il y aurait un intervenant… et quel intervenant ! Ulysses avait entendu parler de lui, évidemment, comment ne pas en entendre parler ! Ils s’étaient déjà croisés de loin aussi, au cours de rencontre de sang-pur et autres nobles, mais c’était probablement la première fois qu’il avait l’air… accessible. Parce qu’il avait l’air à peu près à égalité avec Professeur Chastang, sur cette estrade, et les profs n’étaient pas si éloignés de la réalité… alors que Sa Majesté le Prince ça mettait une distance, de suite. Enfin bref. La présentation se fait, une élève pose quelques questions plutôt pertinentes, même si oser demander à décaler l’horaire surprend Ulysses. Tout le monde n’avait pas les mêmes manières, visiblement.

S’ensuivit une démonstration du sortilège de désarmement puis c’est au tour des élèves. Ulysses eut un moment de latence avant de réaliser qu’il devait se trouver un.e binôme. Avec qui donc allait-il pouvait se mettre ? En regardant autour de lui, il aperçut au loin Joséphine. Un sourire s’esquissa sur ses lèvres. Quitte à se lancer des piques sans cesse, pourquoi pas y rajouter des sorts, tiens.

Cependant, Ulysses ne se dirigea pas vers Jo, car une voix sur le côté attira son attention. Il se tourna pour faire face à une tête toute aussi rousse que celle du Prince… la plus jeune sœur. Bizarrement, tout le barratin sur “il a l’air plus accessible” n’était plus d’actualité, parce qu’autant le Prince était au niveau du prof et il y avait encore une certaine distance, autant là… c’était juste une autre élève, et Ulysses ne savait plus comment répondre. En même temps, justement, elle n’était qu’une élève parmi tant d’autres à Poudlard, n’est-ce pas ?

« Heu, oui, carrément ! »  répondit-il alors.

L’accent d’Accalia, qu’Ulysses devinait irlandais plus par logique qu’en connaissance des différents accents anglophones, mettait Ulysses en confiance d’une certaine manière. A chaque fois qu’il devait s’adresser à quelqu’un qui avait un accent plus anglais, il se mettait la pression tout seul d’avoir un accent le plus anglais possible aussi, de cacher son accent français tant bien que mal. Surtout depuis qu’on lui avait demandé s’il était espagnol. Quitte à être reconnu comme étranger, il préférait encore être correctement identifié.

« Enchanté Accalia, répondit-il en serrant la main tendue, je suis Ulysses, en sixième année. Tu as déjà eu l’occasion de t’entraîner au duel par le passé, ou c’est une première ? »

Avec un tel frère… Et en même temps, s’il y avait vraiment un partage des rôles, peut-être que, justement, elle allait apprendre pour la première fois cette année ? Puis bon, Ulysses voulait être sûr d’à qui il avait affaire avant de commencer l’entrainement aussi… Savoir s’il avait un peu d’avance, pas du tout, ou carrément du retard.

Alors que je viens de poser la question pour connaître le niveau d'Accalia, son sourire me répond déjà. Ouais, d'accord, ok, le partage des tâches, ça veut pas dire que la future Grande Prêtresse ne sait pas se battre, message reçu.

« Ce n'est pas vraiment une première fois. Je m'entraîne au duel depuis que je suis toute petite… Avec ma tante Melody. »

La tante Melody… L'arbre généalogique se dessine dans ma tête. La tante, l'héritière qui a échappé au trône. J'ai entendu les histoires sans qu'on ne me les explique, j'ai compris sans chercher. Comment y échapper ? L'écart entre l'image que j'ai d'une tante et l'image que j'ai de la princesse Melody me perturbe un peu, m'amuse, aussi.

Je calcule ensuite l'information qui est venue plus tôt dans la phrase. « toute petite ». Même ma mère n'a pas osé. Enfin, quoi que, sous un certain angle, on pourrait argumenter que… Mais ce n'était rien de vrai, et je n'étais pas assez intéressé. Résultat, je me retrouve face à la princesse d'Irlande et je risque de lui faire perdre son temps. Quoi que, ça peut être divertissant, un noob, je présume. Allez. On va s'en sortir. Puis, de toutes façons, on est là pour apprendre, n'est-ce pas ?

« Je sais désarmer mes adversaires sans aucun souci. Mais si tu as envie de t'entraîner sur moi, je t'en pris ! »

J'ai l'impression qu'elle se détend et commence à s'amuser. Bon, on a l'air de se rejoindre sur l'idée que je peux être divertissant alors.

« Si tu arrives à me désarmer plus de trois fois d'affilé, je veux bien te montrer le sortilège du bouclier ! »

Je hausse les sourcils.

« Tu ne te mouilles pas trop ! Ton offre dure combien de temps ? » je demande en riant légèrement.

Accalia se met en position, je fais de même. Ok, on se concentre. Un mouvement du poigner, Expelliarmus ! et… ah bah d'accord, j'aurais pu lancer un Lumos, j'aurais été plus efficace dites donc. Accalia m'encourage et mon conseille d'imaginer quelqu'un que je déteste. Mes mâchoires se serrent. J'essaye en général de ne pas trop penser à ça. Je n'ai juste pas envie, c'est toujours à l'arrière de ma tête de toutes manières… Présent, sans mériter mon attention.

« Ou à qui tu veux faire une blague ! »

Je fais une moue plus convaincue. C'est plus léger comme idée. Le temps que je m'y remette, Accalia m'a déjà désarmé. Elle a l'air si fière en attrapant ma baguette, je ne peux m'empêcher de sourire. J'ai pas envie d'imaginer quelqu'un que je déteste à sa place, elle ne le mérite pas. Je peux visualiser mon père. Ou Icare. Ou Jo. Faire une blague. C'est cool. Elle me rend ma baguette, et je me concentre aussitôt que je l'ai à nouveau en main.

Juste une blague innocente.

Juste une baguette qui vole, un peu comme un Accio, finalement.

Un mouvement du poignet sec, un Expelliarmus ! bien articulé.

La baguette d'Accalia tressaute.

Ce n'est pas encore le vrai succès, mais c'est déjà mieux ! Je lève les yeux au ciel, je n'arrive même pas à me convaincre.

« J'ai l'impression d'être un enfant qui réapprend la magie de zéro. Même en première année je m'en sortais mieux en cours. »

Accalia me désarme à nouveau, je tente de la désarmer à nouveau, j'échoue majoritairement à nouveau. Je sens la frustration qui monte. C'est terrible. Je ne comprends même pas pourquoi je n'y arrive pas. Sans être absolument le meilleur partout, j'ai toujours été dans la tête de classe. J'ai des facilités. Je ne suis pas habitué à avoir de vraies difficultés. « Imagine que je suis quelqu'un que tu détestes ! A qui tu en veux ! »  J'attrape ma baguette plus fermement. Je ne veux pas m'abandonner à la colère, je ne veux pas perdre le contrôle de ma magie et envoyer un sort trop violent, mais j'en ai marre d'échouer.

« Expelliarmus ! »

Le mouvement ne manque pas de fermeté, cette fois, on ne pourra pas me reprocher ça.

On pourra me reprocher de ne pas avoir contrôlé mon sort.

La baguette a volé dans ma direction, Accalia dans l’autre. Elle aurait pu bloquer le sort, je le sais. Et je m’en veux d’autant plus. Comment aurait-elle pu s’attendre à une telle force, quand j’avais à peine fait bouger sa baguette jusque là ? J’aurais pu prévenir, je sentais que je n’allais pas contrôler le sort—mais justement, c’est pour ça que je n’ai pas pu prévenir.

J’accours vers elle sans penser à ramasser sa baguette, trop inquiet de savoir si elle n’avait pas mal chuté.