22 Octobre 2001
"Connaissez-vous mon frère Angelo ?" J'acquiesce doucement. Le tristement célèbre Angelo Scott, ancien mangemort capturé et emprisonné à Azkaban après la défaite de Lord Voldemort. Andrew Scott l'ayant défendu lors de son procès, les chefs d'accusations contre lui s'étaient limités à l'utilisation d'un sort interdit et sa peine avait été quelque peu allégée grâce à sa collaboration avec les aurores. J'avais déjà étudié cette affaire en première année de droit car elle avait fait polémique dans le monde des sorciers, et fait couler beaucoup d'encre dans les journaux à l'époque, remettant en question l'intégrité de l'avocat. "Souhaitez-vous vraiment un stage avec un avocat dont vous admirez les valeurs qui a défendu un Mangemort ?" Je prends une seconde pour réfléchir. C'est une question pertinente, et je serais tentée de répondre que l'erreur est humaine, mais je crois qu'une démonstration moins bateau est requise. "La famille..." je réponds avec un sourire un brin mélancolique. "C'est compliqué, n'est-ce pas ?" Je me redresse légèrement sur mon siège. "Vous savez, mon frère aîné était un mangemort lui aussi. Pas seulement un sympathisant, les crimes qu'il a commis sont aussi ignobles qu'ils sont impardonnable. Pourtant, même en sachant cela, je l'aurais défendu au mieux si j'avais été son avocate. Je l'aurais probablement regretté après coup, mais je l'aurais fait." Enfin, en l'occurence mon frère n'avait pas eu le plaisir d'être traduit en justice devant le magenmagot puisqu'il n'avait pas survécu à la bataille de Poudlard. Par ma faute. "Le problème c'est que tout n'est pas blanc ou noir, une personne n'est pas foncièrement bonne ou mauvaise. Je ne le crois pas en tout cas. Ces gens qui finissent à Azkaban ont aussi une famille, des amis, des gens qui connaissent leur bon côté et qui les aiment d'une manière ou d'une autre. C'est facile de l'ignorer lorsque l'on défend des inconnus, mais quand il s'agit d'un lien de sang c'est une toute autre histoire j'imagine. Votre frère à tout de même purgé sa peine, je fais confiance au système peut être s'est-il suffisamment racheté aux yeux de la justice magique pour n'écoper que de trois ans d'emprisonnement ?" je hausse les épaules, c'est la manière dont je vois les choses en tout cas, peut être que je me trompe et dans ce cas là je commettrais mon propre lot d'erreur avant de changer d'avis. Mais ça, ça me regarde. "J'aurais aimé que mon frère purge la sienne, c'est tout ce qu'il méritait. Mais il n'a même pas eu de procès, il est mort pendant la bataille de Poudlard." J'ajoute d'un ton sans émotion.
Après tout, Anthony est mort de ma propre main. Je n'aurais jamais pensé en arriver là, mais il ne m'a pas laissé le choix. C'était lui, le mangemort meurtrier devenu fou, ou Benjamin, mon angélique petit frère qui n'avait rien demandé à personne. Je n'avais pas hésité, et si je devais tout recommencer, je ne changerais rien du tout. Seulement j'aurais préféré qu'Antho ne meurt pas, qu'il soit capturé par les Aurors après la défaite du Seigneur des Ténèbres, et soit jeté à Azkaban pour de longues années de tortures. Mourir était bien trop facile, je lui avais presque fait une fleur. Il aurait mérité d'être enfermé avec les fous et les détraqueurs, parce qu'une fois sortit de cet enfer il aurait eu droit à sa deuxième chance, à sa rédemption. Et peut être Benji et moi aurions retrouvé notre grand frère que nous adorions dans le passé. En mourant, cette seconde chance s'était envolée.
Je me tais tandis que Mr.Scott semble s'absorber dans la relecture de ses notes. Je ne suis pas une grande pipelette, ni de ceux que le silence met mal à l'aise et qui ont ce besoin de tout le temps trouver un moyen de meubler la conversation. Je peux lire dans son regard absent qu'il s'est plongé dans ses propres réflexions, j'imagine donc qu'il est de bon ton de le laisser arriver au terme du cheminement de ses pensées. "Je vais être honnête, Miss Castellane. Vous m'intéressez, mais je veux voir vos capacités. Pour cela, j'aimerais votre avis sur une affaire secrète sur j'étudie. Mais pour cela, j'aimerais vous faire signer ce contrat de confidentialité. Vous devez savoir que si cela fuite, je saurais que c'est vous. Et je n'hésiterais pas à vous faire renvoyer de l'Université. Vous voilà prévenue." Voilà qui pique ma curiosité. Est-ce qu'un étudiant étant déjà arrivé à ce stade de l'entretien avait déjà eu le culot de refuser de signer, mettant un terme à l'entrevue ? Le culot ou un manque de courage évident. A mon humble avis, cela relèverait de la stupidité pure, tant qu'à faire autant essayer, qu'y aurait-il à perdre ? Au pire des cas, la réponse proposée ne lui plaira pas, et on en ressortira instruit, au mieux la conclusion apportée lui plait et on décroche un stage. Je parcours rapidement le parchemin, sans omettre les petits caractères, et signe à l'endroit indiqué. "Connaissez-vous Cormac Everglade ? Il est le directeur du Département des Transports Magiques du Ministère." Je hoche la tête, en première année on nous demandait de connaître par coeur le squelette du Ministère de la Magie, département par département, ainsi que le noms de chaque employés ayant une certaine place au sein de la hiérarchie. "Durant ma dernière année d'étude, j'ai été l'avocat de son ex-femme. Il a été accusé d'homophobie envers son fils Peter, que vous connaissez comme le professeur Romanov, professeur de Sortilèges à Métamorphose. J'avais gagné le procès, à l'époque. Et je monte une nouvelle affaire contre lui. Sa secrétaire l'accuse de harcèlement moral, au point de causer un burn-out dont il n'a eu que faire. Ce sont ses accusations-là qui sont strictement confidentielles." Je réceptionne le dossier, le parchemin encore vierge et la plume qu'il me tend, en écoutant attentivement le reste des instructions. "Ce que j'aimerais que vous fassiez est que vous lisiez ce dossier -dans mon bureau, il est hors de question qu'il sorte de cette pièce sans moi-, que vous preniez des notes et que vous me disiez ce que vous feriez, en tant qu'avocate. Prenez votre temps, j'ai d'autres choses à faire, comme arroser mon avocatier. Je ne ferais pas de bruit. Vous pouvez également vous servir dans ma bibliothèque. Miss Castellane ? Bonne chance."
Je prends une grande inspiration, tout est clair, ce n'est pas tellement différents des devoirs que l'on nous donne en cours de Droit constitutionnel, de droit privé ou de droit public. Seulement, là, je dois le faire bien plus rapidement que je n'en ai l'habitude.
J'ouvre le dossier, prête à m'y plonger. Franchement, ce n'est pas beau. Cormac Everglade ce traîne un sacré bagage au niveau de la justice. Pour un directeur de département, je le trouve bien problématique. Homophobie, Harcèlement, Racisme, Fraude, Détournement, la liste est longue. Il ne doit pas être bien difficile de trouver d'autres détails incriminant, supportant cette plainte déposée par sa secrétaire. Seulement ce n'est pas exactement ce que Mr.Scott m'a demandé, il veut connaître l'angle que je choisirais pour plaider la cause de la jeune femme. Quelle stratégie adopterais-je ?
Pendant un long moment, durant lequel je ne calcule même pas ce que fait l'avocat, mon cerveau tourne à plein régime et je griffonne sur le parchemin à toute vitesse au fur et à mesure que je parcours le dossier et établi la manière dont j'aborderais ce procès. Au bout d'un certain temps, je me redresse finalement, cherchant le regard de Mr.Scott, lui adressant un petit signe pour lui indiquer que j'avais terminé, après m'être relue une dernière fois. Je me levais et m'installais à nouveau dans l'autre fauteuil du bureau lorsqu'il s'approchait pour me rejoindre.
Quand il me fait comprendre que j'ai toute son attention, je me lance, gardant mes notes sous la main mais exposant mon travail de mémoire principalement. "Le cas du harcèlement morale est particulier à défendre puisqu'il est un principe en droit sorcier britannique que la charge de la preuve repose sur le demandeur qui s'estime être victime de harcèlement moral. En l'occurence, Ms.Oakley, ainsi au cours du procès, la défense de Mr.Everglade se basera simplement sur le fait de prouver que tout ce qu'elle aura subit repose sur des intérêts objectifs du département et plus largement, du Ministère. Bien sûr si la défense échoue à le démontrer, les juges du Magenmagot se prononceront automatiquement en la faveur de Ms.Oakley." Je m'interromps une seconde pour reprendre mon souffle et lui laisse une seconde pour estimer de la véracité de mes dires avant de reprendre. "Bien sûr il serait bien trop léger de se reposer sur la supposition que la partie adverse échouera, il est donc judicieux de monter un dossier comportants les éléments attestant de l'existence de ce harcèlement moral que nous fournira votre cliente. Dans sa plainte, Ms.Oakley déclare des comportement irrespectueux, insultants et déplacés notamment dans les notes que l'accusé lui laissait et les hiboux qu'il lui envoyait dans le cadre professionnel et personnel. Elle affirme les avoir conservés et ce sont des preuves recevables au tribunal, cela permettra d'établir également que le harcèlement continuait en dehors des heures de bureaux, et impactait la vie personnelle de votre cliente puisque plusieurs de ces notes sont datés au samedi et au dimanche et adressées à la résidence de Ms.Oakley. Le mari de la plaignante pourrait être appelé à la barre pour témoigner de cela."
Je lui glisse le parchemin retranscrivant la déposition de la femme et continue mon discours. "Ms.Oakley mentionne également avoir fait part de ses désagréments à plusieurs de ses collègues, qui, eux aussi, pourront être appelés à témoigner devant la Cour. Par ailleurs, votre cliente a eu la bonne idée d'aller consulter un médicomage spécialisé en médicomagie du travail. Vous me direz qu'il n'est pas qualifié juridiquement à déclarer quelqu'un inapte en raison de harcèlement moral, cependant il est en mesure de le présumer et donc de témoigner de l'état de santé physique et psychologique de la plaignante, à la barre." Cette fois je lui présente le rapport manuscrit et signé de la main du médicomage en question. "Enfin, votre cliente parle d'une baisse de salaire et de la suppression de plusieurs primes. Elle a déjà fourni les documents nécessaires à le prouver, à savoir ses 12 derniers bulletins de paie et l'on peut voir, qu'en effet, la baisse correspond à la période où elle affirme avoir commencé à sentir le changement d'attitude de Mr.Everglade."
Je repose mes feuilles sur le bureau, ravie de ne pas avoir vraiment eu besoin de se soutient pour exposer ma défense concernant l'affaire. "Au final, ce n'est pas les premiers entretiens que Mr.Everglade à avec la justice magique, et il semblerait que ce ne soit jamais pour des raisons bien glorieuses. Il a été établit plusieurs fois par ce même tribunal qu'il s'agit là d'un homme qui n'accorde pas beaucoup de respect à autrui, comme en atteste les accusations pour homophobie ou racisme par exemple dont il a été reconnu coupable. C'est important de le préciser puisque l'avocat de la défense va probablement tenter d'amadouer les juges en jouant sur une image d'un directeur respectable, qui a autre chose à faire que persécuter son assistante. Il faut le décrédibiliser au mieux pour que les juges n'accordent aucune valeur aux paroles de Mr.Everglade s'il est appelé à témoigner."
J'expire doucement. J'ai enfin terminé, je croise mes mains sur le bureau, attendant patiemment le verdict de l'avocat. J'espère ne pas avoir fait fausse route, et quand bien même, qu'il saura voir le sérieux que j'ai mis dans ce travail.