Rose Elmas brossait longuement ses cheveux blonds. Avec le temps, elle avait pu obtenir un miroir dans sa cellule, et pouvait admirer son beau visage tous les jours. Malgré ses 36 ans, malgré les seize années passées à Azkaban, elle restait belle, et elle le savait. Elle continuait de prendre soin de soi. Non pas pour ce lâche de Eliézer qui ne reviendrait jamais, mais pour sa fille. Belladone. Elle n'avait jamais pu la voir, elle n'avait jamais pu la prendre dans ses bras. Elle ne savait pas à quoi elle ressemblait, mais elle savait qu'elle était belle. Comme elle. Elle savait qu'elle serait douée en poison. Comme elle. Après tout, comme on dit, les chiens ne faisaient pas des chats, n'est-ce pas ? Par exemple, elle n'avait pas pardonné à l'homme de sa vie de l'avoir dénoncée aux Aurors. Et apparemment, Belladone ne lui pardonnait pas de ne l'avoir jamais élevée. La preuve, sa fille ne lui avait jamais répondu à ses lettres. Elle ne lui avait jamais rendu visite. Si les Aurors qui gardaient la prison ne lui assuraient pas qu'elle apprendrait le décès de sa fille, si ça devait arriver, elle douterait encore de la survie de sa descendance. Comment une fille pouvait faire ça à sa propre mère ?
C'est pour ça qu'elle avait décidé d'utiliser son joker. Son joker qui venait d'arriver, derrière les grilles de sa cellule. « Bonjour, Thomas. » Elle se retourna, et lui lança un grand sourire. Le jeune homme la fixait. Il devait avoir été étonné d'être contacté par Azkaban. Les Aurors lui avaient dit qu'elle l'avait réclamé. Qu'est-ce qu'une empoisonneuse qu'il ne connaissait pas pouvait bien avoir à lui dire ? « Tu dois te demander comment je te connais. Et bien, je connaissais tes parents. » Rose reposa sa brosse, avant de se lever pour s'approcher de la grille. « Je les ai connu… Avant la chute du Seigneur des Ténèbres. » Elle lui fit un charmant clin d'oeil. Enfin, Thomas semblait comprendre. Elle les avait connus dans la communauté Mangemort. Bien évidemment, le jeune homme pensait à ses parents, Evan et May Scott-Rosier. Mais il ne savait pas que c'était ses réels parents qu'elle avait connu. Tyler et Amber. Après tout, avait-il besoin de le savoir ? Elle savait très bien qu'il avait été adopté. Elle avait beau être enfermée depuis seize ans, elle n'était pas coupée du monde. Ni totalement idiote. Elle avait bien compris qu'il ne connaissait sûrement pas ses véritables origines. Et puis, ça lui ferait un joker supplémentaire !
« Je leur ai rendu un service, quand j'étais encore en liberté. Il y a longtemps, donc. Ils me doivent une dette, mais comme tu peux voir… » Elle tapa contre ses barreaux. « … il y a peu de chances qu'ils viennent me voir. » Léger mensonge. Si il y avait peu de chance qu'ils remplissent leur dette, c'était parce que Tyler et Amber étaient morts, des années auparavant. « Mais comme tu es leur fils, c'est à toi que revient cette charge ! » Elle lui sourit, avant de lui tourner le dos. Elle alla près de son tout petit bureau, où elle écrivait les lettres à Belladone, là où elle lui faisait ses cadeaux. Elle se versa un verre d'eau, avant de montrer la carafe à Thomas. « Tu en veux, ou ils t'ont conseillé de ne rien accepter de comestible de ma part ? » Elle eut un sourire en coin. Rien ne semblait pouvoir la déstabiliser. Même pas le fait que les Aurors la croit toujours capable d'empoisonner ses visiteurs, après tant d'années en prison. Certes, ça lui était déjà arrivé, et ils ne comprenaient toujours pas comment elle avait fait son coup. Mais après tout, avaient-il besoin de comprendre comment et pourquoi ? Ils disaient que oui, mais elle n'en était pas sûre.
Elle but lentement son verre d'eau, alors que son jeune visiteur commençait à montrer des signes d'impatience. Après tout, elle ne lui avait toujours pas dit pourquoi elle lui avait demandé de venir. « Calme-toi, tu vas tout savoir. Ce que les personnes en liberté sont impatients ! Alors que ça fait 16 ans que je veux quelque chose que je n'ai jamais eu. » Elle reposa son verre, et se re-rapprocha des barreaux. Elle posa son avant-bras contre la grille, et posa son front contre cet avant-bras. Elle plongea son regard dans celui de Thomas, avec un air sérieux, pour la première fois de la visite. « Ce que je veux, c'est ma fille. Et si tu réussis, je serai peut-être même d'humeur à te donner des informations sur tes parents... » Rose Elmas avait obtenu une petite notoriété quand elle avait été arrêtée, et cette notoriété continuait toujours. Oh, bien sûr, elle n'était pas aussi connu que les Lestranges, ou les Malefoy, mais certains férus de cette période la connaissait. Et seuls ceux qui avaient suivis les procès avec avidité, et qui continuaient d'étudier les journaux aujourd'hui savaient qu'elle avait été condamnée en étant enceinte.
« Son nom est Belladone. Elle m'a été retirée dès que j'ai accouché, je n'ai même pas pu la prendre dans mes bras. » C'était la seule plaie encore vive de Rose Elmas. Sa fille était tout pour elle, et elle ne l'avait jamais touchée. Elle l'avait même à peine vue. « Je lui écris des lettres, et elle ne me répond pas. » Si ça se trouve, Thomas ne voyait toujours pas où elle voulait en venir. Ou, au contraire, il commençait à avoir des doutes. Rose ne pouvait pas savoir, elle était experte en poison, pas Legilimens. « Je veux que tu ailles lui apporter une lettre en main propre, de ma part. Et que tu prennes une photo d'elle. Je ne sais même pas à quoi elle ressemble. Tu imagines, toi, une mère qui ne sait pas à quoi ressemble sa propre fille ? » Rose trouvait ça scandaleux, mais ça ne suffisait pas pour convaincre les Aurors d'emmener sa fille de force ici. C'est pour cela qu'elle devait passer par d'autres moyens moins… Clairs, dirait-on. « Belladone a 16 ans, aujourd'hui. J'ai fais le calcul, elle est sûrement en 6e année à Poudlard. Ne cherche pas une blonde comme moi ; elle est métisse. Son père est noir. Ou était. J'espère qu'il l'était. » Si Eliézer devait être en vie, Rose voulait avoir le plaisir de le tuer elle-même. « Ta dette ne sera réglée que quand elle m'aura donné une réponse. Écrite, ou même si elle fait l'effort de venir enfin me voir. »
Mardi 18 février 2002
Il était tard, le soir, mais ça ne m'empêchait pas de prendre ma baguette et mes sacs pour aller dans la Forêt Interdite. Enfin, du moins, à la lisière. J'étais en manque de ciguë, l'une de mes plantes préférées. Beaucoup la connaît pour son histoire et sa toxicité. Dans le passé, elle était même utilisée pour soigner, non sans risque. Les médecins d'aujourd'hui n'osent plus. Mais ils n'ont pas de sang d'empoisonneuse dans les veines. Moi, oui. J'ai trouvé la manière de séparer le poison dans la plante. Il suffit simplement de la diluer plusieurs fois avec de la lavande, et j'ai ainsi un excellent décontractant. Bien sûr, la recette est de moi ; bien sûr, je n'en ai jamais parlé à personne. Personne ne sait que je sais aussi bien créer des textures à partir de plantes.
Je suis donc là, dans la nuit, à chercher à la lumière de ma baguette cette plante si reconnaissable, quand on a un oeil aussi entraîné que le mien. Et j'ai tellement l'habitude d'en récolter que je sais immédiatement où aller. Quand je trouve mon coin favori, je me mets à genoux, et je commence à creuser. Je ne vais pas couper la tige, je veux aussi les racines, pour en replanter, au besoin. J'étais très concentrée sur ma tâche, jusqu'à ce que j'entende mon prénom. Pas Hécate, non. Mon nom de naissance. Je me figeais, avant de me redresser, et de me tourner. Je ne connaissais pas le type qui me faisait face, mais une chose était sûre : je ne l'aimais pas. « Il n'y a pas de belladone ici, vous pourrez en trouver dans les serres de Botanique. » Je suis uen experte pour jouer la cruche qui pense qu'il cherche des fleurs, et non pas une vraie personne. Je fronce les sourcils quand il insiste que c'est bien moi qu'il cherche. Belladone Elmas. Je n'utilise plus ce nom depuis six ans, comment pouvait-il le connaître ? « Désolée, vous vous trompez de personne. Je m'appelle Hécate Voisin, pas Belladone. » Puis je lui tournais le doss, pour reprendre ma cueillette, le cœur battant. Comment est-ce que je pouvais me sortir de cette situation ?
☾ I inherited the sin, and I become the monster that I was born from ☽