Les vacances étaient enfin là ! Une semaine en famille, à réviser les ASPIC le plus possible. Du moins, tel était le programme à partir de demain après-midi. Après une journée passée dans le train, j'avais envie de bouger. J'avais envie de sortir, prendre l'air, aller au Lussuria. En réalité, je n'étais pas sortie de Poudlard depuis les attentats à l'UMS. Je n'étais même pas retourner à l'Université pour les cours de danse le lundi soir, j'en étais incapable, ça me filait trop les jetons. Ce qui m'avait aidé à tenir contre les cauchemars était la préparation du flashmob du 1er avril. Créer une chorégraphie, la faire apprendre aux autres et vivre ce moment m'avait aidé à passer à autre chose. Je me sentais prête à retourner chez moi, à aller au night-club de mon oncle.
Ce qui me motivait à y aller aussi était l'emprunt que j'avais fait à mon oncle. Pas celui qui tenait le night-club, nan, l'autre. L'Auror. L'avantage de son fils, mon cousin Arsène, était son côté fouineur à fond. Alors, quand je lui avais dit que je voulais accéder aux dossiers de son père, il m'aida direct. Les dossiers sont évidents confidentiels pour le public, alors mon cousin utilisa un de ses tours pour me permettre d'accéder au bureau de Shay. Enfin, un de ses tours. C'est plutôt de lui que mon oncle se méfie. Mais moi ? Que dalle, j'ai jamais essayé de rentrer dans son bureau. Jusqu'à aujourd'hui. Après le train, j'ai donné mes sacs à mes parents avant d'aller chez mon oncle Shay, sous prétexte de me préparer à ma soirée avec ma cousine. Arsène papota longtemps avec son père qui croyait donc ses affaires en sécurité. Je rentrais dans son bureau pour commencer à chercher ce que je voulais. Les dossiers des criminels. Q, R, S… Sa, Sc, Sch, Sco, Scott… Bingo ! Angelo Scott. J'attrapais ma baguette pour en faire une copie en regardant derrière moi -personne n'arrivait, n'est-ce pas ?- avant de fourrer le dossier dans mon sac, et je montais précipitamment dans la chambre de ma cousine pour réellement me préparer.
C'est pomponnée et en ayant eu ce que je voulais que je me rendis compte au Lussuria. Comme j'arrivais tôt (genre juste après le dîner des honnêtes gens), le bar n'était pas encore bondé. La musique jouait en fond, en attendant que la mère de Judas vienne performer, et il n'y avait qu'une poignée de personnes sur la piste de danse. Moi, je m'installais au bar. Le barman n'était pas encore arrivé, alors j'en profitais pour sortir le dossier et les articles de journaux que j'avais découpés : l'attaque du bar en février, et l'attaque de l'UMS en mars. Je voulais comprendre. Je mis alors mes lunettes et je commençais à lire.
Angelo Arès Logan Scott. Sérieux, qui appelle son enfant comme ça ? Remarque, je m'appelais bien Zia Camélia Luna Nightshade, mais mes parents n'étaient pas mégalo au point de m'appeler comme une déesse. Bref. Angelo Arès Logan Scott, né le 1er février 1976, il venait donc d'avoir 26 ans. Ancien Serdaigle (j'aurais pas parié là-dessus), il avait comme signe distinctif d'être Métamorphomage (je savais déjà) et d'être tatoué du dieu Arès sur le bras. Aussi mégalomane que ses parents, donc. Je terminais de lire la première page avec juste les informations personnelles quand je vis dans mon champs de vision un jus de citrouille. Je relevais la tête et vit Judas. « Hey ! Ça va ? » Dans ma famille, quand on communiquait avec Judas, on parlait tous, en même temps qu'on signait. Seule ma petite sœur Enola signait silencieusement. « Comment se porte Spencer ? » Parler à Judas me permit de fermer avec un air naturel ce dossier presque pas volé, comme c'est une copie, et de retirer mes lunettes pour les poser contre l'étiquette. Histoire de brouiller les pistes.
Judas est tellement adorable quand il parle de sa copine. Lui si réservé devient subitement le muet le plus bavard que je ne connaisse. Il signe beaucoup plus vite, et beaucoup plus. Spencer a fait ci, Spencer a fait ça, Spencer revient le voir pendant les vacances, etc. Vraiment, je ne connais pas de couple plus mignon que celui de mon cousin ! Je l'écoute en souriant, jusqu'à ce que Judas tourne la tête et fait un signe de la main. Je regarde dans sa direction et je vois… Angelo Scott. Derrière le bar. C'est une plaisanterie ? « Qu'est-ce qu'il fait là, lui ? » Je me mets frénétiquement à signer, sans parler. Histoire que seul Judas me comprenne. « Angelo travaille ici. Il ne t'as pas dit ? » Non, non, il ne me l'avait pas dit, j'aurai retenu, sinon ! Je fronce les sourcils alors qu'il s'approche de nous. Super, plus malchanceuse que moi, tu peux pas. Judas me montre rapidement le signe-nom qu'il lui a attribué, et je manque de m'étouffer avec mon jus de citrouille quand il a décidé de l'appeler Gentil. Gentil. Par Merlin, mais qu'est-ce que Angelo lui a fait ? Il sait se montrer sympathique ? Ou un sort de l'Imperium ? « Bonsoir. Tu te souviens de ma cousine ? Zia. » Je lis à l'envers ce que Judas a écrit, avant de lever les yeux. « Bonsoir. » Judas nous sourit, plutôt content -je ne sais pas de quoi-, avant de réécrire frénétiquement. « Je dois aller me préparer. Angelo : Zia peut commander ce qu'elle veut sans payer. Pas d'alcool ! Elle n'aime pas ça. » Je continue rapidement de lire à l'envers, avant que Judas nous adresse un dernier sourire avant de quitter le bar.
Je finis par me tourner vers Angelo, la mine sévère. « Qu'est-ce que tu fais ici ? Pourquoi tu bosses ici ? Et depuis quand ? Y a plein d'autres bars dans le coin ! » Pourquoi il a fini dans le bar de mon cousin ? Il ne pouvait pas finir barman à la cafétéria des Aurors ? Ça, ça aurait été drôle ! Déjà que je flippais pour mon père, maintenant je flippais pour Judas. La vie était vraiment injuste, comme disait mon petit frère. Vu la manière dont Judas parlait de Angelo, cela voulait dire qu'il bossait là depuis un moment, qu'ils avaient parlé, et… Hé, mais. Comment Judas savait que je le connaissais ? « Pourquoi Judas t'a demandé si tu te souvenais de moi ? Tu lui as déjà parlé de moi ? Et pourquoi il t'a donné comme signe-nom Gentil ? Tu l'as ensorcelé ? » Vraiment, c'était pour moi la seule explication plausible à cette réaction, et à cette interpellation. Gentil, le mec qui avait tué des étudiants gratuitement à l'UMS, et qui avait failli me tuer moi ? Vraiment, gentil n'était pas le premier, ni le dernier adjectif qui me sautait à l'esprit quand je pensais à Angelo. « Et pourquoi tu travailles ? Je croyais que les Scott étaient super riches. » A cause de lui et à cause de cette histoire de Fondateurs, où traîne mon jumeau, j'ai cherché les histoires des familles Sang-Purs. Je savais maintenant, de manière un peu plus claire, à quel point les Scott pouvaient être influents et respectés. Et pété de thune. Comment il a fini barman ?
Mes interrogations furent interrompues par l'arrivée de ma tante et de mon cousin sur scène. Les applaudissements se firent entendre, pendant que je levais les mains en l'air pour les agiter, en faisant tinter mes bracelets à mes poignets. Au Lussuria, j'applaudissais toujours à la manière des sourds-muets. Ma tante commença à chanter, sur un rythme assez entraînant, relançant ainsi les danseurs sur la piste. Je me retournais alors vers Angelo, qui avait commencé à se mettre au travail. « J'ai un marché à te proposer. » Le jeune homme commençait à se trouver vraiment dans le sillage de ma famille, et je n'aimais pas trop ça. « Après l'attentat à l'UMS, mon oncle m'a demandé si j'avais vu… Des choses, reconnu des gens. Je n'ai rien dis. » Je n'étais même pas trop sûre de savoir pourquoi je n'avais rien dit, au fond. Au moment où je m'étais retrouvée seule avec lui, qu'il avait commencé à me poser des questions, j'avais les réponses bloquées dans ma gorge. Je n'ai rien pu raconter. J'ai dit que je n'avais rien vu. Je vivais avec ce poids sur le cœur, qui s'était alourdi en découvrant que Angelo travaillait ici. « Je continuerai à me taire. Mais… S'il te plaît. Laisse ma famille en dehors de… tes trucs, là. Contente de servir tes verres ici, sèche les cours de mon père, ne fais pas exploser l'école primaire. S'il te plaît. » Je n'étais pas vraiment sûre de savoir pourquoi il m'avait laissé partir, ce jour-là. Pourquoi il m'avait laissé la vie sauve. Peut-être que je pouvais profiter de cet avantage pour éloigner ma famille de toute cette histoire. Je ne pouvais rien faire pour mon oncle Shay qui était en plein dedans ; mon jumeau s'en approchait dangereusement à cause des Fondateurs, mais je pouvais essayer de limiter les dégâts. Je ne devait pas me contente d'essayer : je devais le faire. Même si Angelo n'avait pas la fibre familiale, je pouvais le convaincre. Du moins, je l'espérais.
J’ai fait un rêve fou, cette nuit. Une fille se transformait en cygne. Seul l’amour pouvait rompre le sortilège mais son prince en aimait une autre… et elle se tuait.