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| Vendredi 8 Mars 2002 |
Ça n'est pas tout à fait au hasard que je traîne dans les couloirs de cet étage en particulier. En fait, ça n’est pas du tout au hasard. Le Quartus Area est le département des Sciences Humaines Sorcières et des Sept Arts Magiques, soit des cursus qui ne me concernent pas. Mais de base j’ai emprunté un bouquin a un pote et ce mec se trouve sûrement vers cette zone.
Le bouquin, de base, je comptais le lire. C’est vrai, juré. Mais au final il a traîné dans ma chambre à l’appart’ et j’y ai pas touché. J’ai fini par me rendre à l’évidence ; je ne vais sûrement pas le lire alors autant qu’il retourne à son propriétaire qui, apparemment, le lit régulièrement, lui. C’est d’ailleurs pour ça que je voulais le lire, mon pote me l’avait conseillé. Mais faut que je me rende à l’évidence, c’pas mon truc de lire des gros livres et tout…
Tant pis, c’est conscient que je vais me faire secouer que je retrouve ledit pote et que je lui restitue l’objet. La conversation se passe exactement comme je m’attendais qu’elle se passe : il me demande si je l’ai lu et si j’ai aimé avec un large sourire, j’essaie de bricoler un avis sur un truc que j’ai pas zieuté une fois, il commence à douter (me connaissant) et me demande mon passage préféré, je fais genre j’ai trop tout aimé et du coup je peux pas trop choisir de passage, il insiste, j’invente un truc par rapport à ce que j’ai lu dans le résumé là, il me demande si je l’ai vraiment lu (là, il n’y croit déjà pu), j’abandonne et j’avoue que je l’ai pas vu, il me fait la morale de jamais aller au bout de ce que je dis que je vais faire et il récupère son bouquin mais je vois que, en vrai, il est pas vraiment déçu parce qu’il me connaît et que, au fond, il y croyait pas du tout que j’allais le lire son bouquin.
Bref, c’est plutôt nonchalant que je tourne les talons pour m’en aller. J’ai les mains dans les poches et la tête dans les nuages. Je ne fais que passivement attention à mon entourage et dans ma tête, il y a sa musique qui joue que je fredonne machinalement sans trop le capter. J’ai même pu trop le titre là, tout de suite. Je sais que ça fait…
La-da-da-da-dahh
Puis je continue à fredonner tout seul comme ça, dans les couloirs. Assez bas pour rester discret mais je sais que certains élèves me jettent un regard quand je passe assez près d’eux et qu’ils m’entendent chanter. Pas que je sois spécial, que j’ai une voix d’ange ou, au contraire, que je ne sais pas chanter. T’façon je chante trop bas pour que ça s’entende. Juste un réflexe parce que j’ai un peu l’air de parler tout seul comme ça. Et je m’ambiance un peu seul aussi, en bougeant la tête et en marchant un peu en rythme.
La-da-da-da-dahh
Doucement, j’retrouve les paroles et je me mets à chantonner. Toujours bas, mais à fond dans mon délire.
Straight off the fuckin' streets of C-P-T
King of the beats you ride to em in your Fleet
Or Coupe DeVille rollin' on dubs
How you feelin' whoopty-whoop nigga whut?
Je marque une pause tout en continuant à avancer. Est-ce que j’ai le droit de dire ça ? Je regarde autour de moi. Puis je lève les yeux au ciel. Vous savez, ne sait-on jamais que quelqu’un soit perché là-haut à me mater. Ben non, y'a personne. En plus je chante seul. Donc j’ai le droit, non ? Je hausse les épaules et me remets à fredonner machinalement en quittant le plafond des yeux. Mais j’m’arrête vite de marcher. Et de chanter d’ailleurs. J’suis en train de tourner dans le couloir et y’a une meuf qu’à l’air de s’faire tirer les bretelles par un élève plus âgé qu’elle et ça m’intrigue. Ok, ok. La curiosité c’est un vilain défaut. Mais j’y peux rien. Comme ils m’ont pas capté, je me planque un peu derrière le coin du mur pour écouter si y a quelque chose de croustillant là-dedans.
Finalement, rien de dingue. ‘Fin vite fait… Apparemment, la meuf n'est pas censée être là. L’autre élève, là, il lui dit qu’elle a rien à fiche à l’UMS même. C’est vrai qu’elle fait jeune, l’asiat’. Oui, parce que c’est une asiat’. J’ai le droit de le relever ; moi aussi je le suis. Elle a pas trop l’air de savoir comment se défendre. J’suis curieux aussi, maintenant ; qu’est-ce qu’elle fait là ? Elle a sûrement une bonne raison de se glisser à l’UMS. Moi, quand j’étais à Poudlard, il m’est déjà arrivé de retrouver des potes à l’UMS… Ou de faire des conneries. Et quand j’me faisais choper ? Ben c’était pas cool. Du coup, j’me dis que ça doit pas être cool pour elle non plus, quoi qu’elle fasse ici. J’sais pas, ça me motive à lui filer un coup de main.
Ah ben, t’es là ! J’t’attends depuis t’aleur, là bas !
Je fais mon entrée dans la scène, large sourire aux lèvres, l’air détendu comme tout. J’suis pas stressé t’façon, y a pas de raison. J’fais mine de m’adresser à la jeune fille avant de regarder l’autre mec qui semble perplexe. Confus ? Peut-être pas convaincu. J’prend un instant pour faire mine de comprendre c’qui s’passe, comme si ça faisait pas un instant que j’observais la scène dans mon coin.
Oh, j’vois. Mec, c’est cool, je la connais.
Le gars sort un “ah ouais?” pas totalement convaincu et il nous regarde tour à tour, la meuf et moi, comme s’il cherchait un signe qui nous trahirait. Du coup je réfléchis vite et je rajoute une couche.
Ouais, c’est ma cousine…
Je regarde la meuf une petite seconde. Mouais… C’est risqué. On a beau être tous les deux asiats, pour peu que le mec soit doué pour reconnaître les origines… Juste au cas où, je tente un truc.
... Éloignée.
Le gars fronce les sourcils et a l’air encore plus confus. J’crois qu’on précise pas particulièrement quand la cousine est éloignée. Ou si ? J’sais pas, j’connais pas mes cousins. Ma mère m’a déjà dit que j’en avais surtout du côté de mon père mais, ça, j’ai aucun moyen de le vérifier.
Bref, elle avait besoin d’aide pour les cours mais j’suis overbooké avec mon double-cursus alors j’lui ai dit de passer...
Je fais mine de m’emporter dans mes explications et de commencer à raconter ma vie et, du coup, le mec baisse un peu sa garde. J’fais mine de remarquer qu’il est pas trop intéressé par ma life et du coup je ricane.
‘Fin, j’vais pas l'assommer avec les détails hein, tu connais.
Ou pas ? Qu’importe.
Allez viens, on bouge. On a déjà perdu du temps pour tes révisions là.
Je fais un geste à la jeune fille pour l’inviter à me suivre, priant fort pour qu’elle pige mon jeu et qu’elle me suive. Ce serait pas ouf qu’elle croit que j’essaie de la kidnapper ou quoi et qu’elle se mette à gueule “à l’aide”. Heureusement pour moi, qu’elle pige ou pas, la meuf rentre dans mon jeu et, pour rendre le truc authentique, j’passe une main autour de son épaule pour m’éloigner avec elle, faisant signe au mec en mode “bye bye”.
Bon, qu’est-ce que tu fais là ? T’es paumée ?
Je demande enfin à la demoiselle en lâchant son épaule une fois qu’on est assez éloignés de l’autre gars pour qu’il ne puisse plus être une menace.
J’peux te filer un coup de main. Tu cherches quoi ? Ou qui ?
Autant dire que je connais pas tous les élèves du campus mais, qui sait, on peut toujours être chanceux. “Fin dans tous les cas maintenant que j’me suis mêlé à sa présence ici j’peux pas juste l’abandonner et la laisser se débrouiller toute seule. C’est grand l’UMS, quoi. Et rien ne garantit qu’elle va pas tomber sur un autre élève qui va questionner sa présence ici ! J’suis un peu en mode super-héros là, c’est trop drôle. N’empêche j’suis pas un forceur… C’est qu’elle m’a suivi la meuf ! Si elle veut se débrouiller seule, elle n’a qu’un mot à dire et j’lui fiche la paix. Au fond j’espère quand même qu’elle a un truc à faire d’intéressant parce que j’me fais chier. Tout le temps, quand j’suis à l’UMS et que j’fais pas du Quidditch. C’est immanquable. Si elle pouvait avoir une connerie en tête ce s’rait cool. Après faudrait qu’elle assume de m’en parler aussi… ‘Fin, on verra bien, n’est-ce pas ?