Old friends, new memories Jeudi 8 avril 1999Cela faisait une bonne dizaine de minutes déjà que je regardais avec un air faussement intéressé les présentoirs de la boutique. Dénommée Barjow & Beurk, dans un total rationalisme et un manque d’imagination flagrant si propre aux Anglais, elle m’avait tout de l’air bien sage pour une boutique se trouvant sur l’Allée des Embrumes. Comme chacune des boutiques bordant la rue, si je me dois d’être sincère. Sans doute mes yeux avaient épuisés leur content d’émerveillement face aux entorses légères faites à la loi. Participer aux plupart des conflits européens – je ne me remettrais d’ailleurs jamais d’avoir raté ma chance lors des deux Guerres Mondiales – m’avait sans doute quelque peu… déshumanisé. Je m’autorisa un sourire ironique, dévisageant mon propre reflet dans l’une des vitrines abritant une breloque prétendument ensorcelée avec de la magie noire. Étais-je vraiment humain.e avant ma transformation ? Les rues de  Požun n’étaient pas hospitalières pour les va-nu-pied tel que le petit Andrej… Vol, mensonge, chapardages des plus faibles que soi, rixes… Ma supposée humanité c’était très certainement envolée bien avant ma transformation en créatures de la nuit assoiffée de sang. Rien n’avait changé depuis : la seule différence résidait dans le fait que j’avais un peu plus de moyen pour me battre, désormais.

Mon regard glissa sur une jeune femme, présente dans la boutique depuis que j’en avais traversé le seuil. Blonde comme les blés, au teint aussi glacial que le blizzard d’hiver… Elle me semblait familière des lieux, ou peut-être extrapolais-je un peu trop ? Je ne pouvais pas m’en empêcher : au fil d’une vie aussi longue que la mienne, il était courant que des attitudes, des gestes nous sautent tout de suite aux yeux, assez pour que nous en tirions nos propres conclusions. Ce qui tenait, je devais bien l’admettre, autant de la bénédiction que de la malédiction. « Combien en demandez-vous pour ceci ? » Je désignais d’un geste vaguement intéressé ce qui me semblait être une poupée vaudou, bien que je ne sois pas très versé.e dans l’art de cette religion. Et que je ne pourrai jamais l’être en me plongeant dans leurs coutumes puisque, pour ce faire, il me faudrait traverser une étendue importante d’eau. Ce qui m’était tout bonnement impossible. « Et pour cela ? Et cet objet-ci ? » Je pointa mon doigt sur deux autres objets, qui ne me semblaient pas si intéressants que cela. Mais, pour être honnête, une autre idée avaient émergée dans mon esprit. Malgré tout mon or, pourquoi payer lorsque je pouvais voler ? Dérober une boutique de magie noire pourrait se révéler on ne peut plus… amusant. Il n’y avait qu’un seul moyen pour parvenir à mes fins : gagner la confiance de la charmante demoiselle – presque une enfant, devrais-je dire – tenant boutique. Un peu de batifolage ne saurait me faire défaut. Après tout, n’étais-je pas en quelques sortes un.e expert.e ? « Et cela ? » Je la désigna, avec un grand sourire. Charmeur. Destructeur ? En tout cas, malicieux. « Quel prix mettez-vous sur votre personne, votre charme, votre esprit et votre beauté ? » Peut-être en faisais-je un peu trop, mais je n’y pouvais rien : depuis que j’avais appris à lire, j’aimais m’adonner à des envolées lyriques d’envergure. [b][color=#4E0707]« Un mot gentil vaut plus que tout l’or du monde, n’est-il pas ? » Concluais-je en tentant de traduire avec plus ou moins d’acuité ce fameux proverbe slovaque que me répétait Ľudovít.
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