Les amis de mes amis

Sirius venait d’arriver sur la place principale de Druid’s Oak. La petite ville sorcière était une ancienne cité médiévale et donnait l’impression d’être située à une toute autre époque. Les maisons étaient faites en pierre et une musique traditionnelle se faisait entendre dans les rues principales. Il n’y avait que le look des personnes se promenant dans le village qui pouvait les trahir. Et en ce week-end, il y avait du monde ! Il faut dire que la petite ville était située à moins d’un kilomètre du campus, aussi, la majorité des étudiants venait se promener ici.

Sirius n’aimait pas le monde et regrettait presque d’avoir accepté l’invitation de ses amies, car oui, Sirius venait accompagné. Il ne savait comment mais May et Fey s’étaient toutes deux liguées contre lui. S’il connaissait très bien la deuxième pour qu’elle soit l’une de ses amies les plus proches, May était arrivée dans sa vie il y avait à peine trois semaines et Sirius peinait encore à supporter son caractère énergique. Malheureusement pour lui, les deux filles se ressemblaient bien trop et elles avaient désormais un point commun : Sirius.

Tout avait commencé il y a deux jours, quand Fey et lui s’étaient croisés dans un couloir sur l’UMS pour discuter de tout et de rien. Sirius s’était permis de râler du fait qu’il n’avait plus aucun vêtement chaud pour l’hiver, les températures ayant brutalement chutées depuis le début de la semaine. Ce à quoi Fey lui avait alors proposé de l’accompagner dans la petite ville de Druid’s Oak où elle comptait justement acheter quelques vêtements. Elle y allait accompagnée de May Sheppard et Sirius avait automatiquement grimacé. Une sortie avec deux filles comme celles-ci, ce n’était jamais une bonne idée. Mais Fey avait été persuasive, insistant sur le fait qu’elles sauraient le conseiller pour mettre des vêtements chics et qu’ils iraient se détendre aux Pays des Merveilles à la fin.

Et Sirius devait bien avouer que bénéficier de conseils féminins ne serait pas du luxe ! Il n’avait pas beaucoup de goûts en matière de mode et les filles sauraient surement le conseiller à ce sujet. De plus, il savait que, malgré tout, Fey et May restaient des filles atta-chiantes. Alors … il avait fini par dire oui.

Il venait de remonter le col de sa veste quand il vit une jeune femme blonde lui faire de grands gestes au loin. Fey. Toujours Fey avec ses grands gestes extravagants. Sirius lui fit un petit signe de la main, se disant qu’elle n’arrêterait pas d’agiter le bras tant qu’il n’y aurait pas répondu. Puis, il jeta un regard autour de lui, comme s’il craignait qu’on le remarque. Sauf qu’il y avait tellement de monde que personne ne prêtait attention à Sirius ni à Fey.

« Salut, toi ! » chantonna-t-elle en le serrant contre elle. Sirius s’efforça à ne pas être trop tendu lorsqu’elle passa un bras autour de son cou et se contenta de tapoter son dos. Il était maladroit et détestait ça. Les câlins, les embrassades. Pour un demi-loup, il avait vraiment tout à revoir … « Hâte de faire les magasins ? On va te trouver les meilleures fringues de tout le Royaume-Uni ! » Sirius leva les yeux au ciel. « J’attends de voir avant de me prononcer. » déclara-t-il, non sans un sourire. « On s’assoit ? J’imagine que May n’est pas du genre ponctuelle ? » ironisa-t-il.

Fey le guida jusqu’à un banc en bois, près de la fontaine, lui parlant de tout et de rien. C’était d’ailleurs davantage elle qui faisait la conversation que lui. Au bout d’une vingtaine de minutes, cependant, ils virent arriver May en courant, essoufflée comme si elle courrait depuis chez elle. « T’as une mine superbe, une vraie petite étoile ! » lança-t-elle d’un ton toujours aussi enjoué à Sirius qui s’était levé. « Petite étoile, ça lui va SI bien ! » se moqua Fey et Sirius balaya d’un geste sa remarque. « Ne commencez pas toutes les deux ou j’vous jure que je me casse. » déclara-t-il. Voilà pourquoi il avait longuement hésité à venir.

« Désolée pour le retard, vous deux. J’ai failli m’enfermer toute seule dans mon appart’… Une vraie galère si j’avais dû appeler les pompiers ici, hein ? » continuait de bavasser May, ponctuée par les remarques de Fey qui était toute admirative. Sirius, lui, ne voyait que les cheveux ébouriffés de l’étudiante et ses joues encore rouges de sa course. Il allait vraiment faire du « shopping » avec ces filles-là ? Il poussa un long soupir, se demandant s’il ne regrettait pas déjà.

« Tu veux aller où, Fey ? Je connais absolument rien de la ville, j’ai pas eu le temps de la visiter avec mes parents. Je pense qu’autant de magie aurait trop fait flipper mon père, il est pas encore prêt… » poursuivit May en riant. May était une Née-Moldue ? Ou une Sang-Mêlée ? Etrange … Il ne l’aurait pas vu là pourtant. A nouveau, Sirius jeta un regard autour de lui, comme si un ancien camarade de Serpentard allait le juger de traîner avec une fille au Sang Impure. Mais il avait dépassé tout cela, n’est-ce pas ?

« Je pense que dans cette rue, à droite, il y a pas mal de magasins sympas. » répondit Fey en montrant du doigt une ruelle. « J'avoue ne pas avoir trop eu l'occas de les voir non plus. Et franchement, tu devrais ramener tes parents ici. J'ai trop envie de les rencontrer ! » Sirius souffla dans ses mains pour les réchauffer. C’était dingue de faire aussi froid au mois de septembre ! « Bon, on pourrait se rentrer à quelque part ? » Fey se tourna vers lui. « T'inquiètes pas, on ira boire un café à un moment aussi, tu auras besoin de repos pour continuer tes achats ! »

Sirius esquissa un sourire hypocrite. « Besoin de repos, c’est certain, mais pas à cause des achats … » Il regarda tour à tour les deux filles pour bien leur signifier que leur simple présence l’exaspérait, puis il prit la tête du petit groupe vers la rue que Fey avait désigné.

Les filles bavassaient joyeusement derrière lui, Sirius n’écoutant que d’une oreille. Il avait mis sa capuche de sweat sur sa tête et rentrait les mains dans ses poches pour se protéger du vent froid de la ruelle. Les rues étaient pavées et les talons des filles claquaient sur le sol. Une douce odeur de vin chaud se faisait sentir un peu plus loin et partout, les lumières des magasins attiraient les clients. Sirius s’arrêta devant une devanture où il était écrit « Un Sorcier, une Sorcière ». Il n’y avait pas l’air d’y avoir trop de monde à l’intérieur et les mannequins en vitrine inspiraient assez bien Sirius. Il entra donc sans plus se poser de questions avec la seule idée de trouver un endroit chaud pour finir au plus vite cette corvée.

Il imaginait sans mal que si sa mère avait été là, elle aurait déjà râlée à deux reprises de la mauvaise humeur de Sirius et aurait fait tout un plat pour qu’il s’achète des tee-shirts à col rond pour qu’il ait plus chaud, à la place des cols en V. Finalement, ça avait du bon de sortir acheter ses vêtements sans sa mère sur le dos. Il s’approcha d’un étale et commença à observer différentes chemises rayées. Il fit une grimace, se disant que ce n’était pas tellement à son goût.

« Vous avez besoin d’acheter quoi, vous ? » demanda-t-il en revenant près des filles qui ne cessaient de hurler dès qu’elles voyaient un joli ensemble. Mains dans les poches, il s’appuya contre une étagère. « Y’a pas grand-chose ici … » grimaça-t-il, lassé.

Sirius eut l’impression d’avoir largué une bombe en entendant l’exclamation de May à sa question. « Besoin ? Dans quel monde tu vis, pour croire qu’on fait du shopping par besoin ? » Perplexe, Sirius regarda tour à tour les deux filles qui gloussaient entre elles. Oh Merlin, que quelqu’un lui vienne en aide ! Ils étaient tellement à des kilomètres l’un de l’autre. Ils n’avaient rien à faire ensemble et Sirius se sentait presque de trop ici. Qu’est-ce qui lui avait pris d’accepter cette sortie shopping ? Il était soudain très nerveux, et, de crainte, que les filles le remarquent, cela le mettait en colère, grognon.

« C’est toi qui as choisi cette boutique, de quoi tu te plains ? » protesta May quand il dit qu’il n’y avait pas grand-chose ici. « C’est bien parce que tu as vu quelque chose qui te plaisait, non ? » Sirius n’osait pas regarder la jeune femme dans les yeux. Elle l’agaçait. Il haussa les épaules comme un enfant boudeur et ne cessait de jeter des coups d’œil vers la porte de sortie. Peut-être qu’il pourrait prendre la fuite ? Aller se réfugier ailleurs ? Loin des filles et de leurs gloussements …

« C’est simple. Il y a des personnes que tu admires ? Je sais pas, des chanteurs, des musiciens ? System of a Down ? U2 ? Les Backstreet Boys ? » Sirius plissa le nez. Seul un nom de groupe lui avait parlé. Les autres étaient sans doute trop Moldus pour qu’il connaisse, bien qu’il se jura de noter précieusement ces noms dans sa tête pour aller écouter leurs morceaux plus tard. Il se figura le chanteur des Bizarr’s Sisters. Peut-être devrait-il racheter une veste en cuir ? Ou au moins quelques tee-shirts sombres, mais dans cette boutique, tout était trop voyant.

« Qui ça ? » questionna Fey, les yeux brillants de curiosité. « Tu ne connais pas Daron Malakian ? » s’étonna Sirius, haussant un sourcil. « Leur dernier album passe sur toutes les radios ! Aerials ! t’as pas entendu ? » Mais Fey avait une autre carte à jouer puisqu’elle changea subtilement de sujet.

« Dis-donc Sirius, petite étoile... C'était qui cette fille qui t'a volé à moi au mariage ? Elle avait l'air de te plaire... En tout cas, elle est mignonne ! C'était quoi son nom, déjà ? Emma ? Alyssa ? » Sirius fronça les sourcils, pas sûr de suivre de qui la jeune femme parlait. Puis il comprit et roula des yeux. « Tessa. » la corrigea-t-il. Tessa Plisetsky. Il adorait cette fille. Elle était comme une perle précieuse qu’il aimerait protéger de tout. Mais elle était loin de lui plaire comme le sous-entendait Fey.

« Bref, je la connais pas, mais je connais les meufs. » poursuivit-elle. « May et moi, on peut te trouver les meilleures fringues pour que tu puisses la faire craquer, pas vrai May ? Voilà de quoi tu as besoin. » Sirius secoua la tête. « Je n’ai pas besoin de la faire craquer. Elle ne m’intéresse pas. » dit-il d’un ton ferme avant de changer de rayon et ainsi peut-être changer de sujet de conversation. « Je veux juste trouver des vêtements pour moi. Parce que mes hauts me serrent et que, oui, j’ai besoin d’acheter des vêtements. » dit-il en appuyant son regard sur May. Il attrapa alors un haut marron assez banale. Il fit une grimace, peu sûr de son choix. Il reposa alors le vêtement et continua à chercher plus loin. « Stanger, je suis aussi prêt à sortir avec Tessa qu’avec toi. » s’agaça-t-il devant l’insistance de Fey. « Aucune fille ne m’intéresse. » conclut-il en attrapant un jean slim. Il se saisit d’une chemise noire assez sobre et commença à se diriger vers la cabine d’essayage.

« Vous voulez m’aider ? Trouvez-moi des vêtements dans ce style pendant que j’essaie ceux-là. » Puis le garçon referma le rideau derrière lui et poussa un long soupir. Pourvu que les filles aient de meilleurs choix que lui …

Note pour lui-même : ne plus jamais, au grand jamais, accepter une sortie shopping avec Fey et May. JAMAIS.

Qu’importe ce qu’il pouvait dire, elles avaient déjà leur idée en tête et n’en démordait pas. A peine avait-il dit que les filles ne l’intéressaient pas, qu’elles avaient sauté sur l’occasion pour l’humilier sur un autre sujet. Réfugié dans sa cabine d’essayage, il s’efforçait de ne pas écouter leurs babillages incessants.

« Non parce que je connais pas mal de gars… » avait commencé May, parlant en même temps que Fey. « Tu serais étonné des contacts que j’ai gardé de mon école primaire. Riches, intelligents, la totale. Ou même de Poudlard, je peux te dire qui peut être intéressé… Enfin, dis-moi tout. Blond, brun, cerveau ou physique ? »
« Eh ouais, c'est vrai ça ? » parlait Fey. « Je t'ai jamais trop vu sortir avec des filles, ou avec qui que ce soit, d'ailleurs... Tu serais pas un peu... ? Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Je suis pas genre... ta meilleure amie ?! Je suis déçue. Tu sais, tu dois pas avoir honte ! »

Il y eut un silence, comme si les deux jeunes femmes s’étaient rendues comptes qu’elles avaient parlé en même temps. Sirius profita pour s’admirer dans le miroir, non sans une grimace. Il détestait voir son reflet. Si sa mère avait été présente, elle n’aurait eu de cesse de dire à quel point il ressemblait à son père, ou pire à son grand-père Parkinson qu’il n’avait jamais connu. Un loup-garou lui aussi.

« Excellente idée ça May ! » s’exclama soudain Fey en tapant surement des mains. « En plus, tu as de plutôt bons goûts, de ce que je sais ! J'ai sûrement quelques gars à te présenter, moi aussi, mais il faut que j'y réfléchisse. »
« Pas besoin. » grommela Sirius en passant la tête par le rideau. « Ce tee-shirt est bien ? »

Il écarta totalement le rideau pour que les filles puissent le regarder. Sirius essaya d’ignorer les vêtements que May avait retenus pour lui : un pull flashy, un gilet avec des paillettes. Pour qui elles l’avaient pris ? Une boule disco ?

« Du coup, les hauts serrants, ça me paraît pas être une si mauvaise idée, hein May ? » conclut Fey en l’analysant. « Et quand tu auras un date, on pourra venir t'aider à te préparer, et on pourra écouter System of... euh... enfin votre truc là ! »
« Bon sang, mais qu’est-ce que vous ne comprenez pas dans ‘Foutez-moi la paix sur ce sujet’ bordel ! » soupira-t-il en refermant le rideau avec une force qui fit tomber la tringle. « BORDEL ! »

La vendeuse s’approcha d’eux. C’était une petite femme avec un nez pointu et des lunettes roses flashy.

« Par la barbe de Merlin ! Que se passe-t-il ici ?! »
« Laissez, madame, je vais remettre. »

Si Sirius en avait eu la capacité, il aurait surement rougi de mettre le magasin dans l’embarras avec sa force démesurée. Au lieu de ça, il donna un coup de baguette pour remettre le rideau en place, se changea sans aucun mot adressé aux filles et ressortit avec ses affaires. Il reposa le tee-shirt sur un portant et, toujours silencieux, sortit en pleine rue.


Mains dans les poches, capuche sur la tête, il entendit les filles lui courir après en gloussant.

« BORDEL, foutez-moi la paix. Sérieusement ?! Il vous faut quoi de plus à part que vous m’emmerdez avec vos conneries de dates et de Tessa et de mecs … » s’agaça-t-il.


Il s’était arrêté pour leur faire face.

« J’en ai rien à foutre des filles, j’en ai rien à foutre des mecs et surtout, j’en ai putain rien à foutre de vos machins de séduction ou quoi. Je voulais juste sortir acheter des vêtements et je pensais que vous ne seriez pas trop désagréable pour m’accompagner. Mais bordel, vous faites chier. »

Le jeune homme les regarda un instant. Était-il allé trop loin ? Avait-il réussi à s’exprimer ? Allaient-elles encore partir en riant ? Il levait déjà les yeux au ciel à cette idée.

Jeudi 8 novembre 2001

Sirius se grattait le nez en lisant la Une de la Gazette des Sorciers. Un gros titre annonçait « Un prince amoureux » avec une photo en noire et blanc de Fey Stanger discutant avec intérêt avec Bleddyn Iceni. Sa Fey. Qui sortait avec un prince. D’abord, Sirius avait secoué la tête, surpris et choqué. Fey Stanger ne sortait pas vraiment avec les mecs. Elle couchait avec eux, faisait la fille séductrice avant de les jeter quand ils l’avaient lassé. Mais là, elle s’attaquait à un prince. Sirius avait alors eu un sourire narquois à cette idée. Fey ne savait pas à quoi s’attendre avec Bleddyn. Certes, il était moins menaçant au premier abord que l’était Louve, sa sœur. Mais Bleddyn restait un ennemi redoutable, Sirius en était certain. Alors se faire mener à la baguette par Fey ? Sirius en doutait. Fey finirait par se faire avoir à son propre jeu.

Pensif, Sirius se disait qu’il aurait pu être avec Fey. Malgré son air extraverti et sa façon de traiter les mecs, Sirius l’appréciait pour les conseils qu’elle lui avait donné et pour le courage dont elle faisait preuve. C’était une fille de caractère dont la compagnie plaisait à Sirius. Et elle était belle. Dangereuse, mais belle. Mais la vérité était que Sirius n’avait jamais voulu être l’un de ces garçons qu’elle jetait au bout de trois mois. Non, il préférait cent fois son amitié avec elle. Et il avait curieusement hâte qu’elle arrive pour lui balancer cet article de journal à la figure.

Assis à une table du Blooddale, Sirius attendait May et Fey qui devaient l’y rejoindre. Depuis leur virée shopping de septembre, Sirius parlait toujours occasionnellement aux filles. Il savait qu’il ne ferait plus de sortie shopping avec elles et, Merlin merci, elles avaient visiblement abandonné l’idée de le caser avec une fille, ou un mec. Peut-être que son excès de colère avait eu un certain effet au final ?

La serveuse s’approcha, une jolie rouquine, et déposa une Azkaban grisée devant lui.

« Merci. » souffla-t-il, poli, avant de tourner la tête vers le jukebox qui jouait seul au loin.

Une légère musique rock résonnait dans l’air et l’ambiance de ce bar lui plaisait. Sa vie à l’UMS était désormais bien entamée et il avait commencé à avoir des lieux privilégies, comme ce bar-ci. Il allait aussi commencer ses cours particuliers avec Louve, pour l’apprendre à gérer son demi-loup. Depuis un mois également, il prenait des cours avec Dae-Hyun et ce soutien l’aidait enfin à s’acclimater dans ce cursus qu’il avait mis tant de temps à accepter. Bien sûr, à ses parents, il n’en disait rien, ne voulant pas reconnaître devant eux qu’il s’était trompé de cursus. Non, il assumerait jusqu’à la fin de l’année et en juin, il verrait ce qu’il ferait. En attendant, il était là, pour le meilleur et pour le pire. Et, la vérité, entendre cette musique jouer lui donnait curieusement envie de sortir sa guitare et de suivre les accords du morceau.

Une personne passa alors devant lui et s’assit à sa table. Sirius fronça les sourcils, décontenancé. Cette personne n’était ni Fey, ni May.

C’était un jeune homme, la vingtaine, peut-être presque trente ? Ses yeux étaient d’un vert sombre et ses cheveux châtains tiraient sur le roux. Elégant, détendu, il s’installa face à Sirius un grand sourire aux lèvres, comme s’il savait parfaitement ce qu’il faisait.

« Sirius, n’est-ce pas ? » demanda-t-il.

L’étudiant de 1ère année haussa un sourcil et reposa le journal de la Gazette à plat sur la table.

« Ca se pourrait … » répondit-il, méfiant.

Que lui voulait ce type ? Sirius jeta un regard autour de lui pour voir si May et Fey étaient dans le coin, mais rien n’indiquait leurs présences. Pourtant, ce type lui disait quelque chose. Sa voix lui était familière sans qu'il puisse remettre le doigt sur l'endroit d'où il le connaissait.

« Un Azkaban grisé, à cette heure ? » reprit le jeune homme. « Fan de cocktail, ou le fait de me rencontrer te rendait vraiment anxieux ? »

Cette fois-ci, c’était vraiment trop étrange. Si Sirius avait été davantage démonstratif dans ses gestes ou ses expressions du visage, il aurait été facile de dire qu’il était de plus en plus étonné, dubitatif, et peut-être un poil anxieux.

« Euh … pardon hein … j’vais sans doute être très désagréable … » commença Sirius en sentant l’agacement pointer. « … mais putain vous êtes qui ? Et vous me prenez pour qui ? »

Le jeune homme face à lui fronça à son tour les sourcils, comme visiblement étonné par la tournure que prenaient les choses. Non mais c’était quoi, une blague ? C’était qui ce type ?

« Toi… tu n’es absolument pas gay. »

GAY ?! Sirius regarda autour de lui, comme pour être certain que personne n’écoutait leur discussion et qu’aucune connaissance ne se trouvait dans le coin.

« Je … oui, bien vu, affirmatif. Je ne suis pas gay. » affirma d’un ton un peu trop rude Sirius.
« Même pas un tout petit peu curieux. » s’étonna le sorcier face à lui.
« Aucune chance. » répondit Sirius, en grinçant des dents cette fois-ci.
« Tu es sûr que tu es Sirius ? »
« Bordel, mais qu’est-ce que tu m’veux ? Je … »

Sirius s’interrompit. Les pièces du puzzle se mettaient en place. Il ouvrit la bouche, les mots encore suspendus. Ce gars-là s’était présenté à lui. Il connaissait son prénom. Il pensait qu’il était gay. Il l’avait dragué … alors qu’il avait rendez-vous avec May et Fey.

May et Fey …

« Les garces … » soupira-t-il, en tendant l’oreille autour de lui.

Elles devaient forcément être dans le coin, non ? Jamais elles n’auraient envoyé quelqu’un pour se moquer de Sirius si elles n’avaient pas pu assister à leur propre blague ?

« En plus, j'ai l'impression de t'avoir déjà vu... »

Sirius tourna la tête vers le mec, car maintenant ce n’était plus qu’un pauvre mec venu se payer sa tête. L’air mauvais, Sirius répondit :

« J’ne pense pas. On ne fréquente pas ... les mêmes endroits. Par contre, je suis curieux d’une chose : qui t’a envoyé à moi ? »

Sirius se pencha par-dessus la table et pencha la tête.

« Deux petites femmes … L’une brune, l’autre blonde. Toutes deux surexcitées et … »

A nouveau, Sirius s’interrompit. Un bruit avait retenu son attention. Un bruit qu’il connaissait fort bien. Des gloussements, des chuchotements. Et la voix de Fey tentant de calmer les rires de May. Sirius roula des yeux et sans un regard pour le mec, il se leva de table et se dirigea vers l’endroit d’où les bruits venaient : derrière le bar. Un verre se cassa au même moment où Sirius penchait la tête par-dessus le comptoir. May et Fey étaient accroupies l’une contre l’autre. Visiblement, la blague les avait beaucoup amusé car May peinait à contrôler son fou rire tandis que le rouge était monté aux joues de Fey.

« Qu’est-ce que vous foutez là ?! » lança-t-il.

Fey fut la première à redresser la tête puis à se lever complètement, l’air de rien.

« Oh ben mince, Sirius, quelle surprise ! »

La jeune femme se saisit d’un verre et d’un chiffon et fit semblant de s’occuper à le frotter, comme si elle prenait son job très au sérieux.

« On a besoin d'un job étudiant avec May, du coup on fait le ménage, pas vrai ? Tu sais ce que c'est, trop de shopping, pas assez de Gallions... »

Sirius les regarda l’une l’autre, ne pouvant s’empêcher de secouer la tête face à leurs sourires débiles. Il tourna la tête vers le mec qui s’était lui aussi approché derrière lui. En faites, en les voyant là, accroupies, maladroitement entremêlées pour espérer saisir un peu la discussion, la colère avait disparu. Et les voir encore plus tenter vainement de se sortir de cette situation était ridicule.

« Vous savez que vous êtes de vraies pestes ? » dit-il, rentrant les mains dans ses poches. « J’y crois pas que vous ayez réussi à monter un coup comme ça. Vous êtes vraiment tordues … »

Il les regardait l’une l’autre, comme s’il découvrait tout d’un coup leur véritable visage. Il attrapa sa baguette et d’un Accio attira le journal resté sur sa table.

« Je me demande ce que ton petit-ami Bleddyn penserait de tes coups montés … »

Cette fois-ci il s’était tourné vers Fey pour lui présenter la Une du journal sur laquelle elle était présente.

« Félicitations. J’ignorais que tu visais la couronne d’Irlande. »

Il haussa un sourcil avant de se tourner vers le mec. En le regardant à nouveau, il savait d'où est-ce qu'il l'avait déjà aperçu : au QG des Pendragon. Il était l'un des proches d'Oscar Swan, le président. Son conseiller ou un truc du genre.

« J’ignore ce qu’elles t’ont dit à mon sujet et j’n’veux même pas le savoir. Je ne suis pas intéressé. En revanche, si un jour tu veux leur rendre la pareille et te payer leurs têtes, fais-moi signe. »

Il déposa quelques Gallions sur le comptoir et les glissa vers la rouquine de l’autre côté. Puis il leva les yeux vers Fey et May.

« Comptez sur moi pour me souvenir de me venger. Vous ne le verrez pas venir. Je vous le promets. »

Puis, sans se retourner, il sortit du Blooddale. Il était difficile de savoir ce que Sirius pensait réellement de tout ça. Était-il véritablement en colère ? Déçu ? Indifférent ? Amusé peut-être ? En tout cas, une chose était sûre. Les filles auraient bientôt le retour du bâton …