Donc, là, c’est le salon…
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| Samedi 5 Janvier 2002 |
Sal ! Je suis de retour ! Viens dire bonjour !
... Je passe un très mauvais moment.
Je fais de mon mieux, je le jure, pour donner l’impression que tout se passe bien dans le meilleur des mondes mais c’est un peu compliqué je l’admet. Le problème c’est qu’il y a beaucoup trop de changements en ce moment… Chose que je déteste, s’il faut que je le rappelle.
Je sais un peu gérer les choses qui me déplaisent… Je n’ai plus 11 ans. J’ai grandi et je me suis renforcé. Mais il y a toujours un moment où ça ne va plus, où mon cerveau me dit stop... Et là c’est le cas. Certains diront que j’abuse peut-être un peu, que ça n’est rien… D’autant plus que les changements n’ont pas été tous négatifs.
Il y a eu la rencontre de mon père et d’Adèle Bennett quand Vicky et moi avions ce devoir en commun, lequel a bien secoué les choses. Comme j’ai dis, tout n’est pas négatif là-dedans, au contraire ; mon père est content et il fait beaucoup d’efforts dernièrement pour tout, alors ça m’enlève un poids des épaules. Mais faut que je m’y fasse quand même… J’ai l’habitude d’être la figure d’autorité du domicile depuis la mort de ma mère, mon esprit refuse d’accepter que les choses avancent pour le mieux.
Et puis, alors que j’ai besoin de temps et d’espace pour accepter ce “détail” et tout ce qui gravite aussi tombe une autre nouvelle… Apparemment, mon père a accepté d'accueillir mon cousin à la maison.
J’en sais pas grand chose sur ce gamin, en vrai. Jusque-là j’ignorais presque en avoir un. J’ai dis “presque” parce qu’à sa naissance j’avais quatre ans, qu’à quatre ans ma mère était toujours en vie, et peut-être que j’ai juste oublié qu’elle m’a parlé de lui. Je sais qu’à l’époque, j’ai déjà entendu mes parents parler de ma tante, la sœur de ma mère.
Je me revois, dessinant sur la table du salon alors que mes deux parents étaient assis sur le canapé à papoter de choses et d’autres. Ma mère a alors évoqué s’inquiéter pour sa petite sœur et puis ils ont évoqué des histoires de “grandes personnes”, comme on les appelait à l’époque. Je m’en souviens parce que, bien que je n’ai plus la moindre idée de ce qui a été évoqué, ils chuchotaient et lançaient des regards furtifs de mon côté de temps en temps pour s’assurer que j’étais assez concentré sur le coloriage que je faisais à ce moment-là pour ne pas les écouter. Il me semble qu’il s’agissait d’un loup, en plus.
Maintenant… Qu’est-ce que ce gamin vient faire chez moi? Mon père m’a vaguement expliqué quand il a eu la nouvelle le mois dernier. Je n’y pensais déjà plus parce que le jour où il m’en a parlé je n’avais pas dormi de la nuit alors j’étais détaché. Mais à me concentrer, j’entends très bien l’explication rapide que m’aura confié mon père; à savoir que la mère du gamin est morte et que du coup ils ont cherché une famille pour lui et que c’est tombé sur nous, comme mon père était marié à sa tante avant qu’elle ne meure. Il faut croire qu’il y a une malédiction qui plane sur la famille de ma mère… J’ai aussi apprit que le gamin - Azel, je crois - a un passif avec les familles d’accueil, qu’il en est pas à sa première “nouvelle vie dans un nouveau foyer”, du coup mon père m’a explicitement expliqué qu’il comptait sur moi pour faire en sortes que les choses se passent au mieux pour lui.
Moi, ça ne me pose pas de problème. Ni d’accueillir le gamin chez moi, ni de l’aider. Je sais bien ce que ça fait de perdre sa mère, bien que je ne sache pas quelle relation il avait avec la sienne - surtout s’il a fait le tour des familles d'accueil -, je sais aussi ce que ça fait de se sentir paumé- bref, je crois avoir assez vécu pour lui donner un coup de main, à ce gosse. D’autant plus que c’est le neveu de ma mère… Je ne saurais l’expliquer, mais c’est comme si le monde venait de réaliser qu’on en avait assez bavé mon père et moi et qu’il a offert Adèle à mon daron, et Azel à moi pour sauver ce qu’il reste de l’héritage de la famille de ma mère.
Peut-être que je suis juste dingue. J’en sais rien. Mais j’ai envie de faire un vrai truc. J’ai vraiment envie que ce gosse apprenne à être heureux ici comme je n’ai pas pu l’être et qu’il aie un vrai futur, pas une vie morose à porter son tuteur chaque fois qu’il s’affale et à cauchemarder les yeux ouverts.
Le truc, c’est que tout ça va constituer un nouveau changement. Un nouvel être à accueillir dans ma vie. Dans ma chambre. Dans mon quotidien. C’est pas un détail… Dans l’idéal j’aurais eu besoin de temps pour m’habituer au fait que mon père fréquente Adèle Bennett et tous les changements qui vont avec puis j’aurais eu besoin de temps pour accepter l’arrivée d’Azel dans nos vies. Mais je n’ai pas eu le choix et, du coup, je suis nerveux comme pas possible.
Si nerveux que, lorsque mon père est allé chercher Azel et m’a laissé la maison, j’ai dis “merde” et j’ai fais le ménage la clope au bec, malgré les risques. Le risque de ne pas assez couvrir l’odeur, de voir mon père débarquer à nouveau trop tôt. Tout ça, j’ai décidé de n’en avoir rien à secouer parce qu’il fallait que je me détende. Puis il n’y avait pas trop de ménage puisque mon père laisse moins les choses s’entasser dernièrement, alors le temps de couvrir l’odeur et d’éteindre ma cigarette? Je l’ai eu aisément.
Le temps que mon père et Azel n’arrivent, j’ai eu même le temps de réfléchir à comment j’allais accueillir ce gamin, c’que je pourrais bien lui dire, je ne sais pas… Au final j’ai pas trop avancé là-dessus. J’ai juste fini par me rappeler qu’à cette heure-ci j’aurais pu être à Poudlard loin de ces nouvelles responsabilités et de cet appartement moisi. J’ai senti le mauvais coup dès qu’on m’a annoncé que je rentrais chez moi et qu’on mon père avait signé une autorisation, que c’était important.
Et puis avant que je puisse y penser? Mon père est revenu. C’est là qu’il s’est exclamé pour m’inviter à venir voir comme s’il me ramenait un cadeau de son voyage d'affaires, avec une voix presque guillerette.
Je ne sais pas ce qu’Adèle a fait de mon père mais j’ai besoin qu’on me le rende, c’est plus possible là.
Salut. Azel, c’est ça?
Je me retrouve face à un gamin qui ne fait pas plus que sept ans d’apparence, et encore je suis gentil. Encore un détail qui me touche immédiatement. J’ai l’habitude de ne pas faire mon âge et encore, moi, j’ai ça de moins que mon visage ne donne aucun indice sur mon âge. On se dit souvent que je suis bien jeune parce que je suis petit, ce qui est déjà assez pour être agaçant… ‘Fin, quand je donne la peine de m’agacer.
Moi c’est Sally. On va vivre ensemble maintenant, on dirait.
Je regarde le gamin dans les yeux en parlant comme pour chercher à lire dans ses pensées. Mais bon, ça c’est pas mon délire ; je suis Occlumens pas Legilimens. N’empêche que je ne vois pas le vent passer entre ses deux yeux, au gosse. J’ai pas l’impression qu'il soit totalement con ou, du moins, il n’en a pas l’air. C’est du positif, j’imagine.
Mon père commence à montrer l’appart à Azel alors que je ramène ses affaires à la chambre. Il n’y a pas grand chose à montrer… Le salon, la cuisine presque collée à ce dernier, la salle de bain, la chambre de mon père - qu’il a longtemps ignorée préférant dormir au sol et me laisser le porter sur le canapé mais qui remplit bien sa fonction à présent - puis ma… notre chambre. Alors je sais qu’il va bientôt venir et j’observe ma planque une dernière fois avant qu’elle soit envahie par un nouvel être. Déjà il y a un matelas posé au pied de mon lit en attendant que l’on trouve un lit pour Azel ( Lisa a promit à mon père qu’elle l’aiderait pour ça ) et je me demande s’il est là pour le gamin ou pour moi.
J’ai rien contre Azel. Je ne lui en veut pas d’être là et de prendre une partie de ma vie privée. Je n’en veux pas non plus à mon père ; il n’allait pas le foutre à dormir ailleurs, c'est logique. Mais, une nouvelle fois, je maudis ces appartements de merde. J’en aurais jamais fini ; c’est vraiment un sale coin ici. Cette chambre c’était ma petite bulle, ma zone de confort… Je soupire lourdement à l’idée de ne plus avoir même cet espace pour souffler dorénavant.
La vie, ça craint.
Sal… Tu aurais pu enlever tes posters là…
La voix de mon père me tire hors de mes pensées alors qu’il débarque, comme prévu, avec le gamin à ses côtés. J’admet que mes posters n’inspirent pas la joie et le bonheur ; entre les jeux-vidéos, les films d’horreur, les groupes de rock et de métal, les peintures de Larry, toute cette jolie déco restant dans le ton du sombre et du sanglant… C’est peut-être pas idéal pour un gosse, j’en sais pas grand chose. Mais si en plus de tout ce que je supporte sans broncher je dois abandonner ça ? Je crois que je vais finir par vriller. Et je n’en ai pas envie ; je souhaite que les choses se passent bien autant que mon père, je le jure.
Ca va, c’est rien..
Après tout, il n'y a rien de gore non plus dans ma déco, il s’y fera non?
J’entend un long soupir du côté de mon père mais il n’ajoute pas de commentaire, pour l’histoire, et reprend sa bonne humeur;
Bon je vous laisse faire connaissance et installer tout ça, je vais cuisiner quelque chose de bon pour ce soir ! Ça va aller entre vous deux?
Mon père me regarde droit dans les yeux. Je me demande s’il a remarqué que j’ai un peu de mal aujourd’hui ou s’il craint juste que je fasse n’importe quoi parce que je suis un ado. Je me dis qu’il espère juste bien faire et j’acquiesce d’un mouvement de tête.
Tout va bien se passer, t’en fais pas.
Un dernier sourire en ma direction, et en celle d’Azel. Un dernier “amusez-vous bien” et mon père disparaît dans la cuisine où je peux très bientôt l’entendre s’activer, la pièce n’étant pas assez lointaine pour que le son ne m’atteigne pas.
Bon, on va t’aménager un coin comme ça t’auras ton monde et j’aurais le mien.
Chose que mon père a déjà commencée ; en arrivant ici j’ai remarqué qu’il a poussé mon bordel dans un coin de la chambre pour laisser de la place vers l’autre moitié. Peut-être qu’on devrait pousser le matelas vers là, comme ça on aurait déjà une idée d’où mettre le lit. On va vite être serrés, cette chambre n’est pas bien grande… Mais bon, on devrait réussir à faire aller.
Apparemment tu vas rentrer à Poudlard bientôt? T’y es déjà allé?
Je lui demande pour faire la conversation, histoire qu’il capte qu’il peut parler. Déjà qu’il n’est pas simple de se douter que je ne déteste pas tout le monde, si je reste silencieux - comme j’ai envie de le faire - ça risque d’envoyer les mauvais signaux. Alors, encore, je prend sur moi pour faire l’effort.
En arrangeant la chambre, je tombe sur une sacoche qui traînait et que je n’avais pas consultée depuis un moment. Je regarde à l’intérieur et interpelle Azel.
Dis, t’aimerais pas dessiner par hasard?
Je sors un bloc-note et du matériel de dessin du sac. Rien de dingue, juste des crayons de couleur entre autres délires de ce style. Larry m’a passé ça quand il a essayé de m’apprendre à dessiner, soit disant qu’il ne s’en servait plus du tout. Même après avoir constaté de mon incapacité à réussir à représenter un bonhomme bâton, il a tout de même insisté pour que je garde ça. Je me demande si, à l’époque, il pensait déjà à se suicider… Peut-être que c’est pour ça qu’il m’a passé autant de trucs. Ou alors peut-être qu’il aimait simplement m’offrir des trucs. Ou alors un peu des deux?
Ah, il ne vaut mieux pas que je m’aventure dans cette direction… Encore moins vu mon humeur.
Un ami m’a laissé ça et je suis vraiment nul pour dessiner. Si tu veux, tu peux l’avoir.
Je range à nouveau le matériel dans la sacoche tout en parlant. Je ne dis pas que je suis “nul” en mode fausse modestie. Je suis vraiment nul. C’est aberrant. Larry me taquinait souvent là-dessus.
Je tends la sacoche à Azel en haussant un peu les épaules.
On a qu’à dire que c’est un cadeau de bienvenue. Du coup… Bienvenue.
… Ça va être fun, cette cohabitation.
Codage par Libella sur Graphiorum
Dernière édition par Sal Denvers le Mar 6 Aoû - 23:45, édité 1 fois