Plus la journée avançait, et plus mon désespoir grandissait. Est-ce que c’était possible d’avoir déjà un tel besoin de revoir la jeune femme ? Je ne l’aurai jamais cru… et je me félicitais d’avoir tenu toute notre correspondance secrète. La dernière chose dont j’avais besoin en cet instant, c’est que quelqu’un se mette dans la tête de m’aider à voir plus clair dans la mienne ! Une fois les cours enfin achevé, je pris soin de fumer discrètement dans un coin de l’Université avant de transplaner. Merlin merci, mes pères n’étaient pas encore rentrés, Aliocha était à traînailler encore on-ne-sait-où, et Nana devait sûrement prendre le thé avec une de ses amis en ville. Même Poivre et Pepperoni étaient en train de dormir, ce qui arrangeait mes affaires. Je me lava pour me débarrasser de l’odeur de cigarette froide, puisque Aria n’aimait pas cela, puis je passa dans ma chambre. Oh, je pouvais déjà entendre mon frère se moquer gentiment de moi, alors que je prenais un de mes costumes réservés pour les grandes occasions. S’il était assez suicidaire pour se présenter devant Monsieur Blackwood en survêtement et en tongs, tel n’était pas mon cas.
C’est en costume, bien coiffés et avec un bouquet de cyclamens rosâtres que je fis face au Manoir Blackwood. L’anxiété grandissait alors que j’actionnais la sonnette de l’entrée, me maudissant intérieurement de ne pas avoir fumé un peu plus. Au vu du stress qui ne faisait que monter, un paquet entier n’aurait sûrement pas suffit à me calmer. Les joues bien trop rouges, je me retrouva brutalement devant le père d’Aria. Ce n’était pas prévu : j’aurai plutôt parié sur sa mère. En plus d’avoir été ma professeur à Poudlard, j’avais toujours eu l’impression qu’elle m’aimait plutôt bien. Alors que Vladimir Blackwood… avait de nombreux démêlés avec Aliocha, si je puis dire. « Monsieur Blackwood… ! Je viens… en fait, je souhaiterai voir Aria, et… » Je déglutis avec difficulté, devant son air froid et impassible. Mon frère n’avait pas tord en disant que parfois, il était effrayant ! « Je voulais aussi vous dire que… Eh bien, pour ce qui s’est passé ce matin, ce n’était pas… Jamais je ne voulais… » Les mots qui me venaient immédiatement à l’esprit, mais restaient coincés au fond de ma gorge, étaient : « je ne voulais pas attenter à sa vertu. » Le cours d’Arts et de Littérature sur l’époque victorienne de cet après-midi était en train de faire des ravages. « Aria ! » Je me mords la lèvre inférieure, un peu honteux d’avoir élevé la voix en reconnaissant la jeune femme en haut des escaliers, dans l’encadrement de la porte. Au fond, je n’avais qu’une envie : qu’elle me libère de son père. « Est-ce que… est-ce que je peux y aller, monsieur ? » Si je n’avais pas les mains empêtrées dans mon bouquet, je triturerai à coup sûr ma cravate gris perle. L’homme en face de moi regarda sa fille, puis moi, avant de lâcher un soupir qui me semblait bien las. « Si vous le souhaitez… et si Aria le souhaite, j’y consens. Mais j’aimerai m’entretenir avec vous, monsieur… ? » « Harry Romanov. » Soufflais-je, mortifié de voir une étincelle moqueuse au fond des yeux du père d’Aria. Comment est-ce que j’avais pût ne pas penser à quelque chose d’aussi basique que de me présenter ? Au moins, j’étais admis dans le Manoir, et je pouvais avoir une discussion avec Aria sur… tout ce qui s’est passé.
Do I dare ?