My name is Blurryface and I care what you think. Wish we could turn back time, to the good old days. When our mama sang us to sleep but now we're stressed out.Used to dream of outer space, but now they're laughing at our face saying "Wake up you need to make money"Ft. Darach Fowl
Wake up you need to make money
Mardi 14 Septembre 1999
Un mois et demi que je suis de retour en Angleterre, et ça va. Bon, je vais pas mentir, j’ai fort le mal du pays. L’Argentine est encore bien ancrée dans mes pensées, et dans mon coeur. Je m’endors le soir doucement bercé par le son des groupes qui jouaient dans les peñas le long des plages, je cherche encore les odeurs de grillades qui s’élevaient toute la journée dans les rues, j’ai l’impression d’entendre parfois le rire d’Apolline résonner dans la maison quand je jouais avec elle...Des fois quand je me lève, je met une seconde à capter où je suis, je suis perdu pendant quelques instants parce que je reconnais pas la pièce autour de moi, ou que c’est pas le décor auquel je m’attendais. Et par « des fois » je veux dire « absolument tous les matins ». Ces derniers temps, dès que je joue, je peux pas m’empêcher de chanter les mêmes airs que les amis de Juan Carlos m’ont appris, ou que j’ai trouvé dans ses carnets. J’ai terminé de développer les dernières pellicules de l’Argentique, et franchement j’ai même pas trié, j’ai tout accroché dans ma chambre, je peux passer des heures à parcourir les souvenirs étalés sur les murs. C’est normal je suppose, je viens d’y passer 5 ans de ma vie quand même, c’est pas rien. Surtout quand ce voyage m’a tant apporté sur le plan personnel, c’est dur de lâcher prise et de changer de cap pour retourner à sa vie d’origine. Enfin d’origine, oui et non. Si on va dans ce sens, j’aurais jamais dû quitter l’Argentine en premier lieu, ou bien y retourner bien plus tôt que ça avec ma mère. Seulement la route a déviée, et le Royaume-Uni est censé être mon chez-moi à présent. Et jusque là je m’y suis jamais sentie trop mal de toute manière, mais faut bien avouer qu’à l’instant où j’ai posé le pied hors de l’aéroport à Buenos Aires, je n’ai plus pu me défaire de ce sentiment d’être véritablement rentré à la maison. C’est pour ça que j’ai du mal à me faire à l’idée d’être rentré ici, à Londres, de manière permanente. Enfin, cette nostalgie est tenace mais elle finira par s’amoindrir au bout d’un moment.
Cependant le retour à la vie européenne s’est faite de manière assez fluide contre toute attente. J’ai pas mal suivis les évènements des années précédentes au Royaume-Unis, avec le Seigneur des Ténèbres, les mangemorts, Harry Potter et compagnie. En toute honnêteté, j’ai pas regretté d’avoir été littéralement à onze mille kilomètres de tout ce bordel. Mais j’ai pas oublié que ma mère, sa chérie et les jumelles était toujours là, en plein coeur du conflit. Et si ma mère en soit, n’avait pas tellement de raisons de s’inquiéter étant moldu, Adriel représentait quand même un pont direct entre leur deux-mondes, la mettant probablement en danger malgré tout. La preuve, Jordan ne s’en est pas sortie. C’est pour ça que ma mère a finit par me demander de rentrer à la maison, je crois qu’après avoir été témoin de la douleur de la perte d’un enfant, elle a eu besoin de me ramener auprès d’elle.
Sauf que ça s’est pas passé exactement comme elle l’espérait je suppose, puisque j’ai accepté de revenir sur le territoire britannique, mais refusé catégoriquement de retourner vivre chez elle et Adriel. C’était suffisamment déplaisant de mon point de vu d’avoir à quitter l’Argentine, je n’étais pas prêt à la pardonner de m’avoir menti pendant toutes ses années. Je peux pas m’empêcher de me dire que si elle avait été honnête avec moi, j’aurais eu une chance de revoir mon père en vie au moins une fois. Et ça, ça s’oublie pas en un claquement de doigts.
Du coup, je me suis inscrit à la fac. Enfin, j’étais déjà inscrit à l’université de Buenos Aires, je prenais des cours d’Arts, de photos surtout, et j’ai réussis à négocier à l’UMS de rentrer directement en deuxième année. Et ce qu’est vachement cool c’est que non seulement j’y étudie la photographie, ce qui me passionne de plus en plus, mais en plus on touche à toutes sortes d’art comme la peinture, le dessin, le stylisme, et c’est super intéressant parce qu’au final tout se recoupe plus ou moins. Bien sûr, en suivant mon idée de faire ma vie de mon côté, j’ai compris que le plus intéressant pour moi serait de prendre une chambre en colocation dans un appartement des Estudines. Ça, ça m’a un peu inquiété au début, parce qu’on sait jamais sur qui on tombe et qu’un mauvais match ça peut vite tourner au drame. Mais là encore j’ai eu de la chance, je m’entends bien avec mes colocs, ils ont une bonne balance fête-étude, et par là je veux dire qu’ils font la fête ailleurs que dans notre appartement, donc tout va bien. A présent le seul impératif, était de trouver un petit boulot pour pouvoir payer le loyer.
Heureusement le campus universitaire est vaste, et la petite ville de Druid’d Oak accueille pas mal de commerces qui proposent des contrats étudiants intéressants. Comme par exemple le Blooddale qui était à la recherche d’un nouveau barman depuis quelques jours. Comment je l’ai su ? Un de mes colocataires est allé faire un essai en se disant que c’était une bonne planque, sauf qu’il n’avait pas capté que c’était un établissement destiné aux créatures magiques – avec un nom pareil, il avait pas fait le lien, franchement – et il est revenu en chouinant qu’il avait jamais vu autant de vampires réunis au même endroit, et que ça l’angoissait de trop. Moi personnellement, j’ai rien contre les vampires, certes ils ont un côté un peu flippant, mais il me fallait absolument un taff, et j’allais pas faire la fine bouche non plus. Du coup je m’y suis pointé, j’ai rencontré le propriétaire, Darach Fowl, et tout est allé assez vite ensuite. L’avantage que j’avais c’est que déjà grâce à l’Occlumencie, je pouvais me défendre sans trop de problème face à une potentielle tentative de manipulation mentale, ce qui ne m’est arrivé qu’une fois depuis que j’y bosse – juste un mec bourré qui voulait que je continue de le servir après la fermeture, rien de très palpitant – et ensuite, j’avais déjà de l’expérience en restauration. En cuisine plus qu’au bar, il est vrai, mais c’est un détail parce que dans le p’tit resto où je bossais à Buenos Aires, on était vite amené à être polyvalent.
Avec Darach, j’ai envie de dire que le courant est passé, mais en vrai je suis incapable de prédire comment ça va se dérouler. C’est un demi-vampire de ce que j’ai cru comprendre, mais surtout il est...je cherche le mot correct pour le définir…je trouve pas, disons que c’est une tornade ce mec, et moi je suis le calme juste avant. Je l’ai sentie direct pendant l’entretien qu’on était deux personnalités diamétralement opposées l’une de l’autre. Je suis pas timide comme tout le monde semble le penser au début, je suis juste introverti et stressé de la vie. Lui c’est clairement le gars super sociable, qui pose pleins de questions, et qui est toujours dans l’action. Typiquement le genre de gens qui me stressent du coup. C’est pas grave en soit et ça a rien à voir avec le travail de toute manière, le plus important c’est qu’il m’a embauché au final et que moi, je vais pouvoir payer mon loyer sans m’inquiéter.
Sans m’inquiéter quand je serais à l’aise, et que je saurais tout ce que j’ai à savoir, parce que je suis en direction du bar pour mon premier jour, et l’anxiété est à son comble.
Je jette un œil à ma montre. 17h12. Je me suis sappé en noir, en général c’est ça, les autres couleurs sont trop salissantes, mais je me suis rendu compte en sortant de la douche que j’avais aucune idée du code vestimentaire, si code vestimentaire il y a. J’ai perdu quinze minutes à débattre intérieurement sur le bon choix de vêtements à faire, et j’en suis toujours pas convaincue à cent pour cent parce que je suis incapable d’être sûr à cent pour cent d’un choix sans émettre un petit doute. Au pire Darach me reprendra et m’informera pour la prochaine fois. Pour aujourd’hui, ce sera jean et tee-shirt noir, en croisant les doigts pour que ça aille.
Druid’s Oak n’est qu’à quelques minutes à pieds de la résidence étudiante, du coup j’ai décidé d’en profiter pour prendre un peu l’air avant d’arriver, histoire d’essayer de me calmer un peu. Je veux dire, de toute façon Darach sait que j’ai pas beaucoup d’expérience derrière un bar, il sait qu’il doit me former un minimum. Mais et si j’étais pas à la hauteur ? Si il trouvait qu’en fait ça allait pas le faire et que je ferais mieux de rentrer chez moi ? Si il me trouvait trop lent ou pas assez sociable avec les clients ? Nope, je vais pas commencer à partir là dedans, je suis presque arrivé au Blooddale, y a pas de raisons que ça se passe mal. N’est-ce pas ? Et merde, je baisse les yeux sur ma main, j’ai recommencé à la gratter nerveusement, et une petite goutte de sang perle déjà sur ma peau. Je m’arrête une seconde pour sortir ma baguette et refermer la blessure à l’aide d’un Episkey. Mauvaise idée de rentrer dans un bar à vampire en saignant, non ? Je vais pas le tenter en tout cas, même pour la blague.
Je regarde ma montre. 17h26. J’arrive enfin devant l’enseigne et, après avoir pris une grande inspiration, pousse la porte d’un air peu assuré. Mon regard sonde la pièce dans son entièreté à la recherche du patron que je repère en train de s’activer derrière le bar. Y a pas grand monde, en terme de clients je veux dire, mais en même temps un mardi après-midi, c’est peu étonnant. Probablement pour ça que Darach m’a fait venir sur ce créneau pour me former, me montrer comment tout fonctionne et compagnie, pour être sûr d’avoir le temps sans se faire trop interrompre par ses clients.
Je m’approche du bar, je sais pas si il m’a vu mais comme il est en train de faire un truc, j’ose pas l’interrompre. Peut être que je devrais me racler la gorge ou l’interpeller pour lui signaler ma présence ? Non, je suis con, c’est un demi-vampire, il sait que je suis là. La question, c’est pourquoi je suis là ? Parce que, je viens de capter, il m’avait dit 18h30. Et il est même pas 17h30. J’hésite, je suis pas sûr à cent pour cent, qu’il m’a remarqué. Si je fais demi-tour maintenant et que je sors discrètement, est-ce que je passe moins pour un bouffon ?
Fais chier, je me suis tellement mis la pression aussi, je tenais en pas en place chez moi, et j’ai pris la direction du bar sans faire gaffe à l’heure. Enfin, vaut mieux avoir une heure d’avance que de retard quelque part, non ? Je fais quoi du coup, je me barre en...Ha non, trop tard, je viens de croiser son regard. Je me redresse. "Bonjour Mr.Fowl." je lui lance à moitié en paniquant sans réussir à me rappeler si je devais l’appeler par son prénom ou non. "Elijah Nuñez, je suis là pour mon premier jour." Je dis, comme si il ne savait pas qui j’étais, comme si il m’avait déjà oublié depuis hier pendant mon entretien. Je stress, ok ? Et je sais que j’ai l’air trop con, je m’en rends compte, passons. "Je suis un peu en avance, je sais, je peux revenir plus tard si vous préférez." J’ajoute en me grattant la nuque, histoire d’avoir l’air encore plus anxieux que maintenant. Juste pour le kiffe. Purée je suis vraiment un bouffon. Je lui ai sorti "un peu en avance", comme si c'était pas une heure. Je me dit que perdu pour perdu, autant en profiter pour lui demander si ma tenu lui convient, comme ça au pire si il me dit de revenir dans une heure – à l’heure prévue de base – je passerais me changer chez moi. "Joli tee-shirt."
…
…
Pourquoi ? Pourquoi mon cerveau me fait des crampes comme ça tout le temps ? Je veux lui demander si ma tenue est correct pour le travail, et tout ce que j’arrive à pondre c’est « joli tee-shirt » ? Ben si là il me trouvait pas encore trop con, je crois que je viens d’enfoncer le dernier clou dans le cercueil. - Note à moi même, ne pas faire cette vanne à voix haute dans ce bar - "Enfin je veux dire, j’espère que c’est bon ma tenue, pour bosser ?" Je me rattrape vite en détournant le regard, gêné de ma propre connerie. J'ai envie de me frapper la tête contre le comptoir, et de disparaître dans un trou à la fois. Nan, sérieux, pourquoi je m'inflige ça à chaque fois ?
Un mois et demi que je suis de retour en Angleterre, et ça va. Bon, je vais pas mentir, j’ai fort le mal du pays. L’Argentine est encore bien ancrée dans mes pensées, et dans mon coeur. Je m’endors le soir doucement bercé par le son des groupes qui jouaient dans les peñas le long des plages, je cherche encore les odeurs de grillades qui s’élevaient toute la journée dans les rues, j’ai l’impression d’entendre parfois le rire d’Apolline résonner dans la maison quand je jouais avec elle...Des fois quand je me lève, je met une seconde à capter où je suis, je suis perdu pendant quelques instants parce que je reconnais pas la pièce autour de moi, ou que c’est pas le décor auquel je m’attendais. Et par « des fois » je veux dire « absolument tous les matins ». Ces derniers temps, dès que je joue, je peux pas m’empêcher de chanter les mêmes airs que les amis de Juan Carlos m’ont appris, ou que j’ai trouvé dans ses carnets. J’ai terminé de développer les dernières pellicules de l’Argentique, et franchement j’ai même pas trié, j’ai tout accroché dans ma chambre, je peux passer des heures à parcourir les souvenirs étalés sur les murs. C’est normal je suppose, je viens d’y passer 5 ans de ma vie quand même, c’est pas rien. Surtout quand ce voyage m’a tant apporté sur le plan personnel, c’est dur de lâcher prise et de changer de cap pour retourner à sa vie d’origine. Enfin d’origine, oui et non. Si on va dans ce sens, j’aurais jamais dû quitter l’Argentine en premier lieu, ou bien y retourner bien plus tôt que ça avec ma mère. Seulement la route a déviée, et le Royaume-Uni est censé être mon chez-moi à présent. Et jusque là je m’y suis jamais sentie trop mal de toute manière, mais faut bien avouer qu’à l’instant où j’ai posé le pied hors de l’aéroport à Buenos Aires, je n’ai plus pu me défaire de ce sentiment d’être véritablement rentré à la maison. C’est pour ça que j’ai du mal à me faire à l’idée d’être rentré ici, à Londres, de manière permanente. Enfin, cette nostalgie est tenace mais elle finira par s’amoindrir au bout d’un moment.
Cependant le retour à la vie européenne s’est faite de manière assez fluide contre toute attente. J’ai pas mal suivis les évènements des années précédentes au Royaume-Unis, avec le Seigneur des Ténèbres, les mangemorts, Harry Potter et compagnie. En toute honnêteté, j’ai pas regretté d’avoir été littéralement à onze mille kilomètres de tout ce bordel. Mais j’ai pas oublié que ma mère, sa chérie et les jumelles était toujours là, en plein coeur du conflit. Et si ma mère en soit, n’avait pas tellement de raisons de s’inquiéter étant moldu, Adriel représentait quand même un pont direct entre leur deux-mondes, la mettant probablement en danger malgré tout. La preuve, Jordan ne s’en est pas sortie. C’est pour ça que ma mère a finit par me demander de rentrer à la maison, je crois qu’après avoir été témoin de la douleur de la perte d’un enfant, elle a eu besoin de me ramener auprès d’elle.
Sauf que ça s’est pas passé exactement comme elle l’espérait je suppose, puisque j’ai accepté de revenir sur le territoire britannique, mais refusé catégoriquement de retourner vivre chez elle et Adriel. C’était suffisamment déplaisant de mon point de vu d’avoir à quitter l’Argentine, je n’étais pas prêt à la pardonner de m’avoir menti pendant toutes ses années. Je peux pas m’empêcher de me dire que si elle avait été honnête avec moi, j’aurais eu une chance de revoir mon père en vie au moins une fois. Et ça, ça s’oublie pas en un claquement de doigts.
Du coup, je me suis inscrit à la fac. Enfin, j’étais déjà inscrit à l’université de Buenos Aires, je prenais des cours d’Arts, de photos surtout, et j’ai réussis à négocier à l’UMS de rentrer directement en deuxième année. Et ce qu’est vachement cool c’est que non seulement j’y étudie la photographie, ce qui me passionne de plus en plus, mais en plus on touche à toutes sortes d’art comme la peinture, le dessin, le stylisme, et c’est super intéressant parce qu’au final tout se recoupe plus ou moins. Bien sûr, en suivant mon idée de faire ma vie de mon côté, j’ai compris que le plus intéressant pour moi serait de prendre une chambre en colocation dans un appartement des Estudines. Ça, ça m’a un peu inquiété au début, parce qu’on sait jamais sur qui on tombe et qu’un mauvais match ça peut vite tourner au drame. Mais là encore j’ai eu de la chance, je m’entends bien avec mes colocs, ils ont une bonne balance fête-étude, et par là je veux dire qu’ils font la fête ailleurs que dans notre appartement, donc tout va bien. A présent le seul impératif, était de trouver un petit boulot pour pouvoir payer le loyer.
Heureusement le campus universitaire est vaste, et la petite ville de Druid’d Oak accueille pas mal de commerces qui proposent des contrats étudiants intéressants. Comme par exemple le Blooddale qui était à la recherche d’un nouveau barman depuis quelques jours. Comment je l’ai su ? Un de mes colocataires est allé faire un essai en se disant que c’était une bonne planque, sauf qu’il n’avait pas capté que c’était un établissement destiné aux créatures magiques – avec un nom pareil, il avait pas fait le lien, franchement – et il est revenu en chouinant qu’il avait jamais vu autant de vampires réunis au même endroit, et que ça l’angoissait de trop. Moi personnellement, j’ai rien contre les vampires, certes ils ont un côté un peu flippant, mais il me fallait absolument un taff, et j’allais pas faire la fine bouche non plus. Du coup je m’y suis pointé, j’ai rencontré le propriétaire, Darach Fowl, et tout est allé assez vite ensuite. L’avantage que j’avais c’est que déjà grâce à l’Occlumencie, je pouvais me défendre sans trop de problème face à une potentielle tentative de manipulation mentale, ce qui ne m’est arrivé qu’une fois depuis que j’y bosse – juste un mec bourré qui voulait que je continue de le servir après la fermeture, rien de très palpitant – et ensuite, j’avais déjà de l’expérience en restauration. En cuisine plus qu’au bar, il est vrai, mais c’est un détail parce que dans le p’tit resto où je bossais à Buenos Aires, on était vite amené à être polyvalent.
Avec Darach, j’ai envie de dire que le courant est passé, mais en vrai je suis incapable de prédire comment ça va se dérouler. C’est un demi-vampire de ce que j’ai cru comprendre, mais surtout il est...je cherche le mot correct pour le définir…je trouve pas, disons que c’est une tornade ce mec, et moi je suis le calme juste avant. Je l’ai sentie direct pendant l’entretien qu’on était deux personnalités diamétralement opposées l’une de l’autre. Je suis pas timide comme tout le monde semble le penser au début, je suis juste introverti et stressé de la vie. Lui c’est clairement le gars super sociable, qui pose pleins de questions, et qui est toujours dans l’action. Typiquement le genre de gens qui me stressent du coup. C’est pas grave en soit et ça a rien à voir avec le travail de toute manière, le plus important c’est qu’il m’a embauché au final et que moi, je vais pouvoir payer mon loyer sans m’inquiéter.
Sans m’inquiéter quand je serais à l’aise, et que je saurais tout ce que j’ai à savoir, parce que je suis en direction du bar pour mon premier jour, et l’anxiété est à son comble.
Je jette un œil à ma montre. 17h12. Je me suis sappé en noir, en général c’est ça, les autres couleurs sont trop salissantes, mais je me suis rendu compte en sortant de la douche que j’avais aucune idée du code vestimentaire, si code vestimentaire il y a. J’ai perdu quinze minutes à débattre intérieurement sur le bon choix de vêtements à faire, et j’en suis toujours pas convaincue à cent pour cent parce que je suis incapable d’être sûr à cent pour cent d’un choix sans émettre un petit doute. Au pire Darach me reprendra et m’informera pour la prochaine fois. Pour aujourd’hui, ce sera jean et tee-shirt noir, en croisant les doigts pour que ça aille.
Druid’s Oak n’est qu’à quelques minutes à pieds de la résidence étudiante, du coup j’ai décidé d’en profiter pour prendre un peu l’air avant d’arriver, histoire d’essayer de me calmer un peu. Je veux dire, de toute façon Darach sait que j’ai pas beaucoup d’expérience derrière un bar, il sait qu’il doit me former un minimum. Mais et si j’étais pas à la hauteur ? Si il trouvait qu’en fait ça allait pas le faire et que je ferais mieux de rentrer chez moi ? Si il me trouvait trop lent ou pas assez sociable avec les clients ? Nope, je vais pas commencer à partir là dedans, je suis presque arrivé au Blooddale, y a pas de raisons que ça se passe mal. N’est-ce pas ? Et merde, je baisse les yeux sur ma main, j’ai recommencé à la gratter nerveusement, et une petite goutte de sang perle déjà sur ma peau. Je m’arrête une seconde pour sortir ma baguette et refermer la blessure à l’aide d’un Episkey. Mauvaise idée de rentrer dans un bar à vampire en saignant, non ? Je vais pas le tenter en tout cas, même pour la blague.
Je regarde ma montre. 17h26. J’arrive enfin devant l’enseigne et, après avoir pris une grande inspiration, pousse la porte d’un air peu assuré. Mon regard sonde la pièce dans son entièreté à la recherche du patron que je repère en train de s’activer derrière le bar. Y a pas grand monde, en terme de clients je veux dire, mais en même temps un mardi après-midi, c’est peu étonnant. Probablement pour ça que Darach m’a fait venir sur ce créneau pour me former, me montrer comment tout fonctionne et compagnie, pour être sûr d’avoir le temps sans se faire trop interrompre par ses clients.
Je m’approche du bar, je sais pas si il m’a vu mais comme il est en train de faire un truc, j’ose pas l’interrompre. Peut être que je devrais me racler la gorge ou l’interpeller pour lui signaler ma présence ? Non, je suis con, c’est un demi-vampire, il sait que je suis là. La question, c’est pourquoi je suis là ? Parce que, je viens de capter, il m’avait dit 18h30. Et il est même pas 17h30. J’hésite, je suis pas sûr à cent pour cent, qu’il m’a remarqué. Si je fais demi-tour maintenant et que je sors discrètement, est-ce que je passe moins pour un bouffon ?
Fais chier, je me suis tellement mis la pression aussi, je tenais en pas en place chez moi, et j’ai pris la direction du bar sans faire gaffe à l’heure. Enfin, vaut mieux avoir une heure d’avance que de retard quelque part, non ? Je fais quoi du coup, je me barre en...Ha non, trop tard, je viens de croiser son regard. Je me redresse. "Bonjour Mr.Fowl." je lui lance à moitié en paniquant sans réussir à me rappeler si je devais l’appeler par son prénom ou non. "Elijah Nuñez, je suis là pour mon premier jour." Je dis, comme si il ne savait pas qui j’étais, comme si il m’avait déjà oublié depuis hier pendant mon entretien. Je stress, ok ? Et je sais que j’ai l’air trop con, je m’en rends compte, passons. "Je suis un peu en avance, je sais, je peux revenir plus tard si vous préférez." J’ajoute en me grattant la nuque, histoire d’avoir l’air encore plus anxieux que maintenant. Juste pour le kiffe. Purée je suis vraiment un bouffon. Je lui ai sorti "un peu en avance", comme si c'était pas une heure. Je me dit que perdu pour perdu, autant en profiter pour lui demander si ma tenu lui convient, comme ça au pire si il me dit de revenir dans une heure – à l’heure prévue de base – je passerais me changer chez moi. "Joli tee-shirt."
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Pourquoi ? Pourquoi mon cerveau me fait des crampes comme ça tout le temps ? Je veux lui demander si ma tenue est correct pour le travail, et tout ce que j’arrive à pondre c’est « joli tee-shirt » ? Ben si là il me trouvait pas encore trop con, je crois que je viens d’enfoncer le dernier clou dans le cercueil. - Note à moi même, ne pas faire cette vanne à voix haute dans ce bar - "Enfin je veux dire, j’espère que c’est bon ma tenue, pour bosser ?" Je me rattrape vite en détournant le regard, gêné de ma propre connerie. J'ai envie de me frapper la tête contre le comptoir, et de disparaître dans un trou à la fois. Nan, sérieux, pourquoi je m'inflige ça à chaque fois ?
(c) crackle bones