feat. Sara Horiuchi
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| Samedi 23 Février 2002 |
Sara Horiuchi est la troisième personne que je ramène au manoir.
Quand j’ai invité Frost, le soir de la fête qui a dégénéré, c’était le premier gars que je ramenais et que je présentais à Mao depuis vingt-et-une longues années. Je pensais qu’il faudrait vingt-et-une années de plus avant que quelqu’un d’autre ne vienne ici… Mais je me suis trompé.
Il y a eu Clémence la semaine dernière, même si ça n’était pas particulièrement prévu. J’aurais préféré l’inviter à l'appartement mais, que voulez-vous… Puisque Mao a décidé qu’on allait se rabibocher si je restais vivre quelque temps avec elle au manoir, je n’ai pas eu trop de choix outre celui-ci. Et puis, au moins, Mao était contente. Il m’a fallu un temps pour comprendre mais je l’ai pigé ; Mao espérait que Clem et moi nous formions un beau petit couple de Sang-Pur et que Clémence ne soit la mère de ses futures petits-enfants. Je crains qu’elle ne soit déçue au bout du compte… Je ne compte pas épouser ni moins encore donner des enfants à Clémence. J’imagine que je mettrais un terme à notre relation quand j’aurais obtenu ce que je veux. Du moins quand elle ne me sera plus utile.
D’ailleurs, le fait que Sara vienne au manoir est lié à la raison pour laquelle Clémence y est venue également ; mes vrais parents. Je suis à fond dans les recherches, vous l’aurez compris. J’ai assez parlé de mon plan qui consiste à pousser Shin’ichi a raconter ce qu’il faut à Clémence pour enfin connaître la vérité, la vraie. J’ai eu un début de réponse avec Ian et Sirius qui laisserait entendre que je pourrais entre l’oncle de Tristelle, Ian et Chao Wen. J’y crois moyen. Mais il y a un truc à creuser.
Sur trois fronts donc : travailler du côté de Clémence et Shin’ichi, approfondir les recherches avec Ian Wen et Sirius Green et … interroger. Sara Horiuchi.
Je dois vous expliquer, je présume.
J’ai beau avoir deux pistes à explorer, je continue à réfléchir énormément à mon histoire. C’est que je dépend un peu d’autres personnes pour l’instant ; je dois avancer doucement dans mon plan avec Clémence, je ne peux pas précipiter les choses, et j’attends que Ian ou Sirius me donnent des nouvelles comme on l’avait prévu de l’autre côté. Alors en attendant, je ne reste pas les bras croisés. Surtout comme je suis soit en cours soit coincé chez Mao qui fait de plus en plus de scènes quand je sors … Donc j’ai le temps de réfléchir à tout profondément et de discuter avec Chishiya.
D’ailleurs c’est ma petite voix qui m’a mit une idée dans la tête ! Je réfléchissais plus ou moins sérieusement à l’image qu’auraient pu avoir mes parents. J’essayais de peindre le portrait de Arisu Hamabe, ma mère, et de son mari. Qu’était leur caractère? A quoi ressemblaient-ils? Est-ce que je portais leurs traits? Je crois que le premier article à ce sujet dans la Gazette disait que je ressemblais beaucoup à ma mère…
C’est à ce moment-là que Chishiya a lâché sa petite vanne.
Tu sais à qui tu ressemble beaucoup, en revanche? Le professeur Horiuchi. Tu te souviens? On n'arrêtait pas de te charrier avec ça. Franchement, lui, il aurait pu être ton père, personne n’aurait été surpris.
Et Chishiya avait eu raison.
Le professeur Horiuchi a été mon professeur de Sortilèges et d'Enchantements à Poudlard. Et, à raison, on me comparait énormément à lui. Même en 1ère année, avec ma gueule de bébé là, personne n’y manquait.
akutenshi busujima (1991)
Ça ne me dérangeait pas vraiment, au commencement, parce que je trouvais que le professeur Horiuchi était un bel homme. C’est quand mes camarades (qui me malmenaient déjà à ce moment-là et qui continueraient jusqu’à mon arrivée à l’UMS) commencèrent à raconter que ma mère avait eu une aventure avec lui que cela devint problématique.
A cette époque, les choses étaient plus simples dans ma tête. Plus simples, mais je ne sais pas si elles étaient meilleures.
Chishiya n’existait pas réellement. Si c'était le cas, alors il n’était qu’une petite présence dans ma tête que je ressentais plus que j’entendais. Cette présence qui me poussait à grimper aux arbres ou à jouer dans la boue alors que je venais d’enfiler un costume tout propre et repassé, ce qui résultait en punition et en engueulade avec maman. Cette présence qui me faisait hurler quand on me tirait les cheveux ou qu’on me traitait de “chintok” à Poudlard et qui, de ce fait, m’attirait plus de problèmes à moi qu’à mes persécuteurs… Parce que je ne savais pas ce que ce mot voulait dire mais que je devinais que ça n’était pas gentil. Cette présence qui faisait que, même seul avec Mao dans un si grand manoir, je ne me sentais pourtant jamais vraiment seul. Il m’arrivait de souhaiter avoir un petit frère ou une petite sœur pour jouer mais je m’en sortais mieux que je m’en serais sorti, j’en suis sûr, sans cette présence.
Aussi, Mao était “maman”. Premièrement parce que j’ignorais être adopté. Mais aussi parce qu’on avait un semblant de relation mère/fils. Il y avait un problème indéniable, mais j’étais convaincu que le problème était moi. Maman m’aimait fort. Elle me faisait la cuisine, elle m’achetait des bonbons, elle me lisait des histoires avant que j’aille me coucher, elle m’achetait de jolis vêtements, elle me faisait des câlins. Et moi je pensais l’aimer en retour parce que maman était ma mère et que tous les enfants aiment leur mère. Du moins c’est ce que je pensais. Et j’étais le problème parce que je n’étais pas normal. Parce que je poussais les enfants de mon âge du haut de la structure de jeu quand on allait au parc et que j’explosais de rire quand ils pleuraient parce qu’ils s’étaient cassés une jambe. Parce que je faisais des “vilains dessins” (c’est comme ça que maman les appelait avant de les jeter dans la cheminée du salon d'hiver) avec des personnages effrayants et des enfants morts. Parce que je parlais tout seul. Parce que j’allais jouer à l’étage supérieur alors que c’était formellement interdit. Parce que j’embêtais nos elfes de maison. Parce que… Parce que j’étais “un sale gosse, voilà tout”, disait maman après m’avoir engueulé, dépitée, souffrant presque de constater, encore une fois, que j’étais un garçon pourri jusqu’au fond du cœur et que rien ne le changerait.
A Poudlard, quand les garçons de 3e année me bousculaient et chantonnaient méchamment “la maman du chintok couche avec le professeur Horiuchi”, assez fort pour que je le l'entende mais pas assez pour que le prof concerné aie le malheur d’en avoir écho, je ne comprenais pas exactement ce qu’ils entendaient par là. J’avais onze ans et j’étais surprotégé par ma mère, c’était à peine si j’étais certain qu’il fallait une femme et un homme pour faire des gosses. Je le savais au fond, mais comme je n'avais qu’une seule maman, moi, je me disais que, peut-être… Tout comme je savais que ces gamins voulaient dire que ma maman aurait fait des câlins d’adultes avec mon professeur de sortilèges. Tout comme je savais que c’était faux, et que ces gamins savaient aussi que c’était faux mais qu’ils faisaient semblant d’y croire pour m’énerver, et que ça marchait, en plus. Et, tout à coup, même si j’aurais aimé avoir un papa aussi beau que le professeur Horiuchi, au fond, j’ai commencé à détester cette idée et à haïr ce professeur. Je me demande si le professeur concerné l’a déjà même remarqué, que je ne l’aimais pas. J’étais un enfant intelligent mais “dissipé”, comme disent les professeurs quand ils veulent dire “votre gamin me casse méchamment les couilles, madame”, alors peut-être que, pour le professeur Horiuchi, je n’étais pas plus que ça : dissipé. Casse-couille.
Mais depuis, vous l’aurez compris, j’ai grandi. Avec ça, les choses ont changé. Maman n’est plus maman : elle est Mao, la femme qui m’a adopté, cette connasse. Je ne suis plus malmené par mes pairs. Je sais comment on fait les bébés. La présence est devenue une personne avec qui je partage mon esprit. Certaines choses demeurent ; je ris toujours lorsque je vois un gamin se casser le bras. Mes dessins sont toujours (vilains) glauques. Je suis toujours un étudiant intelligent mais “dissipé”. Sauf que, maintenant, au lieu de faire chier les profs, je suis les cours dans un état second et je crois que personne ne le sait vraiment. Je pense qu’on s’en doute mais que personne n’a encore trouvé de preuve pour l’affirmer haut et fort.
Avec mon évolution, j’ai presque oublié ces sept années durant lesquelles j’ai eu ce fameux Daichi Horiuchi en guise professeur de sortilèges et d’enchantements. Enfin, ça n’est pas exact ; cette vérité est simplement passée au second plan. Des détails ont déjà ravivé le souvenir… Mais pas à ce point. Lorsque Chishiya a plaisanté sur le fait qu’il aurait pu être mon père… Ça m’a frappé. Quand j’étais à Poudlard, je n’y pensais pas plus que ça. C’était une vilaine taquinerie. D’abord, c’était stupide parce que je crois que, même tout jeune, je n’arrivais pas à imaginer Mao avec un homme quel qu’il soit. Et puis j’ai appris que j’étais adopté et l’idée est devenue plus stupide encore ; je ne suis même pas le vrai gosse de Mao alors quand bien même elle aurait eut une liaison avec le professeur Horiuchi, je n’aurais rien eut à voir avec ça.
Aujourd'hui, cependant, ma pensée est tournée différemment. Je suis adopté. Donc pas l’enfant de Mao. Je sais que ma mère s’appelle Arisu Hamabe. Mais que sais-je de mon père? On dit qu’il est un Wen mais je n’ai pas encore de confirmation. Si c’était sûr à 100% alors je ne serais pas là à me questionner sur ma véritable identité. J’ai aussi appris que mes parents étaient tous les deux morts… Mais ça ne veut rien dire. Il y a tant de possibilités ; on pourrait se tromper (la Gazette pensait bien que Shinjiro Wen était mon père, ce qui n’est pas vrai), on pourrait m’avoir menti, on pourrait penser qu’il est mort à tort, ma mère aurait pu avoir une aventure avec un autre homme durant son mariage et du coup mon père ne serait pas l’homme qui est mort avec elle… Ben quoi? Je ne sais pas grand chose sur cette Arisu Hamabe, alors je ne peux pas garantir qu’elle était toute pure et innocente de son vivant.
Donc, voilà. Vous l’avez compris, j’ai commencé à penser que Daichi Horiuchi pouvait être mon père. Chishiya m’a rappelé qu’il y avait d’autres possibilités ; qu’il soit mon oncle, un cousin éloigné etc etc. Mais “père” est le titre auquel je me suis raccroché.. Parce que j’aimerai que ce soit réel.
Hier, tout cela m’a trotté dans la tête. J’ai réfléchi à une façon de faire confirmer cette théorie. J’ai cherché et cherché… Et là, ça m’est revenu.
Une lettre de Joey, fin décembre.
Je lui en avais envoyée une pour lui raconter comme quoi j’avais rencontré un certain Frost Rosier à une fête où les flics avaient débarqués, qu’il était passé au manoir après qu’on se soit tirés ensemble. Je lui avais même raconté la gueule qu’avait faite Mao (qui ne l’aimait pas) quand elle avait ouvert la porte de ma chambre et qu’elle nous avait trouvés tous les deux posés torses nus parce qu’on se montrait nos tatouages. “D’ailleurs, je te l’ai jamais montré mon tatouage ! Je n’y manquerais pas, à l’occasion”, que j’avais ajouté à mon récit.
Bref, après je lui aie demandé de ses nouvelles et elle m’a envoyé une lettre en retour … Une lettre dans laquelle elle parlait de Sara. “Je suis pas mal occupée en ce moment, surtout avec le journal, je l'ai crée avec Sara Horiuchi…”, quelque chose de ce style. Et là je me suis dit direct “Mince alors! Horiuchi? Comme le prof?”.
D’ailleurs je crois que c’est grâce à cette lettre que, hier, Chishiya s’est souvenu du prof et a fait sa petite blague.
Je comptais donner rendez-vous à Sara Horiuchi quelque part à Près-au-Lard, lui demander si elle savait s’il était possible qu’on soit de la même famille et de lui foutre la paix tant que je n’aurais pas mieux à tirer d’elle… Mais, encore une fois, Chishiya est intervenu pendant que j’écrivais ma lettre.
Tu te rend compte qu’il y a moyen que ce soit ta sœur, cette gamine…
J’avais levé mon stylo et marqué une pause.
Non, en fait, je ne m’étais pas du tout rendu compte. J’étais en train d’écrire une lettre à une jeune fille qui pouvait très bien être ma petite sœur… Et j’étais en train de tout expédier comme s’il s’agissait d’une meuf random ! Mais qu'est-ce que j'étais en train de foutre !?
Si Sara était ma sœur, les choses prendraient un tournant dingue. Certes, je ne pouvais pas revenir en arrière et refaire toute mon enfance à ses côtés, mais le gosse en moi s’était mit à s’exclamer d'enthousiasme. Tout à coup, l’idée que Daichi Horiuchi puisse être mon père passait au second plan pour me mettre une autre possibilité en tête, bien plus attrayante ; Sara Horiuchi pourrait être ma sœur !!
Qu’importe que le professeur soit mon père. Il y aurait des détails cool, si c’était le cas, c’est sûr. Genre, j’aurais un père, quoi. Et ce serait confirmé que je ne suis pas de la famille à Ian Wen. Mais au-delà? Il n’a jamais été là pour moi alors ça n’est pas maintenant que j’ai 21 ans que j’ai besoin d’un daron pour jouer au ballon avec moi dans le jardin, ou m’apprendre à être un homme, ou… Que sais-je encore, j’ignore ce que les pères font avec leurs fils. Et puis, c’est bon, Mao me suffit comme parente.
Par contre avoir une sœur…?
J’en ai toujours rêvé, de ne pas être fils unique ! D’avoir quelqu’un avec qui partager mon sang qui ne soit pas cette pétasse de Mao. Quelqu’un à protéger, à qui apprendre des trucs, avec qui faire des activités, passer des fêtes de famille… Certes, j’aurais bien plus de trucs à faire avec un frère ou une sœur si j’étais encore gosse mais, y a encore tellement de choses à explorer !
A ce moment-là, sans m’en rendre compte, je me suis fermé aux questionnements. Certes, j’allais continuer mon plan avec Clémence par principe, parce que je suis allé quand même loin et que je n’aimerai pas interrompre tout ça en plein milieu de l’histoire. Mais, déjà, je ne voulais plus être raisonné. Je n’irai pas chercher plus de preuves parce que je ne voudrais pas tomber sur le détail qui allait me faire réaliser que Sara n’était pas ma sœur. Je ne prendrais pas ce risque.
En rédigeant ma lettre, j’ai réfléchi à l’endroit où inviter Sara du coup. Quelque part où on pourrait traîner un peu , qu’on puisse discuter sans problème. Puis ça m’est venu comme une évidence ; au manoir ! Non seulement ce serait franchement pratique pour être tranquille mais, en plus, ça réalisait un peu ce désir au fond de moi… Celui d’avoir un frère ou une sœur avec moi entre ces murs.
Ma lettre fut vite et proprement rédigée. Elle en disait peu mais énormément. Pour résumer : “Sara, il est possible que nous soyons frères et sœurs. J'aimerais te rencontrer, s’il te plait.” Puis l’heure et le lieu. Signé Akutenshi Busujima. J’y ai, bien sûr, mis plus de formes… Mais la lettre ne contenait pas plus que ça.
Autant dire que cette nuit a été longue pour moi. J’ai été si excité à l’idée de rencontrer ma sœur le lendemain que j’ai peiné à trouver le sommeil. Chishiya a bien essayé de me remettre les pieds sur terre, c’est vrai. Il m’a rappelé que les chances étaient tout de même grandes pour que Sara Horiuchi ne soit pas ma sœur et qu’il était possible qu’elle ne vienne même pas au rendez-vous… Mais , admettons-le, je ne l’ai pas écouté. J’ai dis “oui oui, je sais, c’est bon” et j’ai continué, au fond, à penser “je vais voir ma petite sœur demain ! je vais voir ma petite sœur demain !!”
Entre ça et ma nouvelle jolie marque au bras… Les choses se passent tellement bien, pour moi. Je maudissais ma rencontre avec Shin’ichi et le fait que ma mère me force à rester au manoir, mais tout ça ne représente presque plus rien à présent.
La nuit est passée et, ce matin, je suis un rayon de soleil. Je croise Mao et elle me fait remarquer que j’ai l’air vraiment heureux, ce que je confirme. Sa première supposition est que j’ai reçu une lettre de Clémence et j’affirme que non. Je lui dis simplement que je ramène quelqu’un aujourd’hui et que c’est cette personne qui me rend heureux.
A ce point? Si ça n’est pas Clémence, alors qui est-ce? Tu as une nouvelle petite amie? Dis-moi que ça n’est pas un de ces affreux garçons comme le jeune Rosier !*
Mao me questionne tout de suite, trop curieuse pour attendre, cette fois. Je crois que le jour où j’ai ramené Clémence, elle était prête à attendre patiemment qu’elle arrive sans trop me poser de questions parce qu’elle n’avait vu que Frost jusque-là et qu’elle n’était pas pressée de faire la rencontre d’un nouveau sorcier de son style. Sauf que, maintenant qu’elle sait que je peux ramener de jolies filles de Sang-Pur à la maison, Mao ne tient plus autant sur place.
Je ne lui dit pas tout, simplement que ça n’est ni une petite amie, ni une sorte de clone de Frost Rosier. Mao veut d’abord chercher à en savoir plus mais elle comprend vite qu’elle n’obtiendra pas plus de ma part alors elle laisse tomber. Je crois qu’avec ça elle doit penser qu’il y avait du monde qui passait à mon appartement quand j’y étais… Ça n’était pas le cas, mais si l’idée la rend heureuse alors je ne vais pas lui préciser que les trois personnes qui passent au manoir sont les premières que j’invite où que ce soit.
Comme je suis impatient, je me prépare et je file directement. Je compte me balader un peu à Pré-au-Lard en attendant l’arrivée de mademoiselle Horiuchi. Je lui ai donné rendez-vous aux alentours de midi devant le salon de thé de Madame Pieddodu. J’ai normalement le temps de faire un petit tour dans une autre boutique… Et je sais exactement laquelle je vais choisir.
J’avoue que, un instant, j’hésite à aller faire un tour au magasin de farces et attrapes. C’est surtout Chishiya qui essaie de me convaincre d’y entrer parce que ça l’intéresse bien… Mais l’appel du sucre gagne et je finis à Honeydukes, naturellement. Le temps de faire le plein de sucreries et je me dirige vers le point de rendez-vous.
Je ne sais pas combien de temps j’attends là parce que je discute avec Chishiya. J’essaie de prédire des choses, genre l’apparence de la jeune fille et son caractère. Au final j'émet tellement de conjectures que je n’ai aucun portrait particulier lorsque, parmi la foule, j’aperçois une jeune fille aux traits asiatiques qui approche.
C’est elle !!
En réalité, ça fait au moins la dixième fois que Chishiya s’exclame en pensant avoir repéré la fameuse Sara Horiuchi, mais quelque chose me dit qu’il ne se trompe pas, ce coup-ci. Coup de chance ; à force de pointer toutes les jeunes filles du doigt, il fallait bien qu’il tombe sur la bonne à un moment. Mais, coup de chance ou pas, ça ne change pas le fait que c’est sûrement elle et que, d’un coup, mon cœur s’emballe. J’ai presque envie de fuir, c’est bizarre. Trop bizarre, parce que je n’ai pas envie de m’en aller. Je veux lui parler. Je veux la connaître. Vraiment. Et pourtant, tout mon corps est en alerte rouge et demande à ce que je détale. Sûrement parce que je n’ai pas l’habitude. Je n’ai jamais vécu pareille expérience.
Sara ?
Avant que mon instinct de survie ne décide de prendre le dessus et que je ne m’enfuis comme un gros lâche, j’interpelle la jeune sorcière. Une simple demi-seconde passe durant laquelle je me demande encore s’il y a erreur sur la personne… Et voilà que la fille en question lève les yeux et semble chercher qui l’a appelée. Et puis, enfin, nos regards se croisent.
Wow…
Ça fait donc ça, regarder sa petite sœur dans les yeux? Je me demande si les personnes qui tombent amoureuses ressentent quelque chose de similaire mais, si c’est le cas, alors je suis prêt à comprendre pourquoi tout le monde cherche absolument à trouver son âme sœur.
Un regard.
Un seul regard.
Et voilà, je sais déjà que je veux être son grand frère. Pas seulement parce qu’on partagerait le même sang (ça n’est même pas encore certain même si je n’ai pas envie d’y penser) mais je veux l’être dans les faits. Dans les actes. Je veux avoir ce rôle pour elle. Je veux apprendre à prendre ce rôle. Je veux qu’elle me voit comme un grand frère, en fait.
Salut… Moi c’est Akutenshi. Tu sais… La lettre. C’était moi.
Gênant…
Je me moque bien de ce que pense Chishiya. Tant pis si j’ai l’air un peu ridicule. Il fallait que je dise quelque chose, et je ne savais pas quoi. Qu’est-ce qu’on est censé dire dans ce genre de contexte? Est-ce qu’il y a seulement vraiment un truc concret à dire? Je voulais lui dire “Hey, Sara. Salut, c’est moi, Akutenshi. Ton grand frère.”. Mais je me suis dit que ça ferait beaucoup, comme premier contact.
Et puis on sait pas si t’es son grand frère.
… Oui, et il y a de ça, aussi.
J’ai envie de parler davantage, mais ma voix se coince dans ma gorge alors que mes yeux détaillent la jeune fille devant moi. Elle est tout bonnement adorable. Ce qui renforce ce sentiment que je ne me suis pas trompé ; seule ma petite sœur pourrait porter une bouille aussi craquante. Chishiya me chuchote que mon avis est totalement biaisé et le sera tant que je resterais convaincu qu’elle est ma petite sœur malgré l’absence de preuve. Il a peut-être raison mais je l’ignore royalement. Du coup il fait une autre remarque, dans un autre registre ;
Dingue, tu ressembles plus à son daron qu’elle.
… Pas faux.
Peut-être que Sara tient beaucoup de sa mère? Je ne sais pas trop mais ça n’est pas la question la plus importante, de suite. J’en ai une centaine en tête et tant que je ne saurais pas par où commencer. Du coup, je décide qu’on ferait mieux de bouger, histoire de faire quelque chose de concret au lieu de rester planté là à buguer.
On devrait aller ailleurs. Il y a beaucoup trop de monde ici. Et puis ma mère va devenir dingue si je traîne trop avant de rentrer…
Putain Akutenshi, tu mens comme tu respire.
Chishiya a l’air dépité mais, d’un côté, il ne découvre rien. Après tout, j'ai la sincérité d’un acteur depuis que j’essaie de manipuler Clémence. Et même avant, j’ai toujours été un bon menteur. Pendant une longue partie de ma vie, je ne trouvais juste pas l’utilité à mentir. Puis, bon, ce mensonge ci est tout gentil. C’est juste pour expliquer ma hâte, au cas où Sara se poserait des questions. Je sais très bien que Mao ne va pas s’inquiéter, pour le moment. Il n’est pas encore assez tard pour qu’elle pense que j’aie pu lui mentir pour fuguer ou m’incruster à une fête sans qu’elle ne me casse les couilles au passage.
Promis je ne vais pas te kidnapper. Ce serait dommage de passer pour un gars malsain dès la première rencontre…
Parce que c’est vrai que tu es un gars tout à fait équilibré et sain d’esprit. D’ailleurs super idée, tiens, d’ouvrir le bal par “promis je vais pas te kidnapper” ! C’est pas du tout ce que dirait un gars avec de mauvaises intentions…
Oui bon , ça va toi là? Tu vas commenter tout ce que je dis pour critiquer ou j’ai le droit de respirer? Déjà, le fait que je ne vais pas la kidnapper, je l’ai dit en riant. Donc c’est évident que je plaisante sur un truc qu’on sait tous les deux. Et puis… Je dois bien faire semblant d’être “normal”, n’est-ce pas? Ne serait-ce que le temps qu’elle m’accepte. Imagine qu’elle connaisse le vrai Akutenshi dès le début.. Soit elle va kiffer, soit elle va flipper… Mais y a trop de chances qu’elle flippe pour que je me le permette.
Tout finit par se savoir, Akutenshi.
Je ne prête pas grande attention à cette phrase. Dans le futur, j’apprendrais que j’aurais dû… Mais, pour le moment, je suis très bien dans mon déni.
Une fois que Sara est rassurée sur le fait que je ne suis pas mal intentionné et aussitôt qu’elle accepte, je m’occupe de nous faire transplaner tous les deux jusqu’au jardin du manoir. Comme lorsque j’ai amené Clémence, il y a de la neige un peu partout ce qui, je trouve, ajoute un charme à la scène.
Bienvenue au manoir Busujima !
D’un grand sourire, je désigne le manoir qui se dresse devant nous d’un mouvement de tête alors que Sara et moi passons à côté de la fontaine qui se trouve au centre de notre vaste jardin.
Je continue à marcher jusqu’à la porte. J’imagine que Sara va marcher avec moi, je n'ai sûrement pas besoin de lui commander de me suivre tous les deux pas non plus. Si c’est bien ma petite sœur, je refuse de croire qu’elle soit assez débile pour ça.
Je n’ai pas pu t’inviter à me rejoindre immédiatement dans le jardin parce que Mao—
Je marque une pause en réalisant qu’elle ne va sûrement pas piger qui est “Mao”. Je reprend donc en précisant la personne à laquelle je fais allusion ;
Ma mère. Donc, Mao, disais-je, surprotège le manoir. Grillages, clés, serrures, sortilèges… Tout y est. Le pire est sûrement la forêt que l’on doit traverser si on veut arriver ici à pied. Depuis petit j’entends une tonne d’histoires au sujet de cette forêt et toutes déconseillent de s’y aventurer. Je n’ai jamais connu personne qui y soit entré et ressorti un jour.
Je n’ai surtout jamais connu personne qui y soit entré tout court. Ça doit être arrivé mais je n'étais pas là pour y assister. C’est que l’histoire est tellement plus amusante à raconter comme ça! Où est l’intérêt des nombreuses légendes de cette fameuse forêt si je n’ai pas le droit de les raconter à ma sauce ensuite? En plus, en l'occurrence, Mao et moi pensons réellement que la forêt est dangereuse. Il ne s’agit pas que d’histoires pour dissuader les étrangers à s’y balader.
Le creepy Aku est en train de sortir le bout de son nez…~
Entre prévention et taquinerie, Chishiya me fait remarquer que j’ai laissé ma nature reprendre le dessus. Raconter une histoire effrayante avec une lueur étrange entre le plaisir et la curiosité morbide dans le regard n’est clairement pas ce que ferait quelqu’un qui veut prouver à une gamine qu’il a la lumière qui fonctionne bien à tous les étages. Heureusement, mes pairs apprécient assez le fait de se raconter des histoires effrayantes entre eux pour que cet écart ne me colle pas l’étiquette “FOU DANGEREUX” sur le front instantanément.
Enfin. L’important est que tu ne dois jamais t’y balader. Retiens-le.
Un sourire étire mes lèvres et illumine mon visage. Là où j’ai l’air simplement particulièrement heureux — ou naturel pour ceux qui me connaissent et qui savent que j’ai très souvent le sourire aux lèvres —, je jubile pourtant intérieurement. Sans le remarquer, je suis déjà en train de jouer aux grands frères ! Je raconte des histoires un peu flippantes à ma petite sœur et lui donne des conseils… Ça n'était même pas calculé ! Se pourrait-il que les valeurs fraternelles coulent dans mes veines?
Calme toi Shishi. Sans vouloir casser ton délire, t’es juste normal là. Si y a un truc qui coule dans tes veines, là-dedans, c’est le fait d’être creepy et de la jouer Monsieur Je-sais-tout. T’appelle ça comme tu veux, après.
C’est dans ces moments que j’aimerai bien ne pas partager mon esprit avec Chishiya. J’aurais été avec n’importe qui d’autre que je serais monté dans ma chambre, j’aurais pris une bonne dose de poussière de fée et j’aurais bouclé sa jolie p’tite gueule à ma petite voix là-haut… Mais je n’ai pas envie que Sara me voie comme un drogué.
Ce que tu es.
Ce que je suis.
Ok, je comprends le soucis ; Chishiya aimerait que je reste moi-même. Mais je ne peux pas. Outre les personnes que je tente de manipuler, s’il y a bien une personne à laquelle je dois m’adapter pour que les choses se passent bien, c’est Sara Horiuchi. Un jour, je le jure, elle découvrira qui je suis. Mais… J’aimerai qu’elle apprenne à m’aimer avant. Une fois qu’elle m’appréciera, elle acceptera mes défauts. J’en suis sûr.
… Putain, je me rend compte que c’est la première fois que j’appelle ça “des défauts”.
Non mais… Faut pas croire ! Je sais toujours que je suis un gars qui frôle la perfection et supérieur à la majorité des êtres vivants mais je sais aussi que mes pairs ne voient pas les choses à ma façon et qu’il y a plus de chances que Sara voit le monde comme une sorcière lambda de son âge que comme… Moi. Alors, ne serait-ce que temporairement, je vais le faire, pour de vrai. Je vais me remettre en question.
Chishiya fait semblant de s’évanouir dans ma tête.
Super marrant. Vraiment. Je me fend la poire. Je tombe à la renverse
S’il suffisait d’une petite sœur pour transformer le grand Akutenshi Busujima…!
Oui ça va!
J’ai dit que c'était temporaire.
Puis merde, hein. Passons à autre chose.
Sans l’ombre d’un mouvement ou d’une expression sur mon visage qui pourrait trahir quoi que ce soit de la conversation que je viens d’avoir dans ma tête avec Chishiya, je m’occupe d’ouvrir la porte d’entrée. C’est que, depuis toutes ces années, j’ai l’habitude de discuter avec ma voix sans rien laisser paraître de l’extérieur. Je crois qu’on appelle ça le masking. Je crois aussi que ça ne vaut pas que pour ce genre de choses, d’ailleurs.
Je n’ai pas même le temps de faire découvrir l’entrée à Sara que j’entends Mao approcher. Elle devait traîner dans le coin en attendant que j’arrive, vu son impatience. Ses talons aiguilles claquent contre le carrelage de l’entrée et, bien rapidement, nous apparaît la maîtresse de maison : Mao Busujima.
Comme toujours, ma mère adoptive est très présentable. Elle s’est bien coiffée, maquillée avec soin et discrétion, habillée d’une robe trop belle pour être confortable et qui, pour moi, fait “too much”. Mao dirait, si je le faisais remarquer à voix haute, qu’il est important de s’apprêter correctement quand on reçoit de la visite et que c’est moi qui ne fait pas d’efforts. Enfin, elle dirait cela après m’avoir donné une tape derrière la tête au mieux.
Bonjour ! Oh bienvenue !
Mao a le visage lumineux. Elle arrive à notre niveau (sans avoir à demander à quel que tableau qui soit d’arrêter de chanter cette fois, ils se sont tous faits plus discrets en l’entendant arriver) et elle s’arrête un instant pour regarder Sara correctement. L’expression sur son visage s'attendrit et elle met ses deux mains sur son cœur. Ça fait un bail que je ne l'ai pas vue faire cette gueule-là. Celle qui veut dire…
Merlin… Que tu es mignonne !
… Ouais, un truc du style. J’imagine que le fait de voir une petite asiatique suffit à faire fondre Mao. A moins qu’elle reconnaisse un visage dans celui de Sara ? Et si elle connaissait sa mère ou son père? Si elle savait?
Je suis sûr que, qui que soient mes vrais parents, Mao sait tout. Je suis même sûr qu’elle a eu un incident sur le fait que je finisse ici. Je veux dire, au-delà du fait de signer des papiers d’adoption. Mais j’ai rien pour le prouver. Ça m’énerve.
Mignonne... Et bien jeune, si tu veux mon avis !
Alors, 'Shi chou, tu ne te trouve plus d'amis de ton âge?
Ou alors il les préfères plus jeunes...
Je roule des yeux.
Les deux dames qui parlent sont des femmes se trouvant toutes les deux dans des tableaux, l’un à côté de l’autre. Je crois qu’elles ont été peintes pour être collées ensemble. En tout cas, depuis que je suis jeune, elles trouvent toujours le mot pour me taquiner. Très vite, je les aies nommées “les musiciennes” bien qu’elles ne jouent que rarement de l’instrument qu’elles tiennent chacune. Je me demande même si elles savent vraiment en jouer. Individuellement, quand j’étais gosse, je les appelaient plutôt “la grosse” et “la jeune”, surtout quand je leur faisais la gueule. Il est arrivé que je me marre bien avec ces commères, cela dit, et là j’ai plus eut tendance à les appeler “Martha” pour la plus ronde et “Judith” pour la plus jeune, même si elles ne sont pas les tableaux avec lesquels j’ai le plus discuté quand j’étais jeune. Ça, c’était surtout Esmée, la Sibérienne qui aime chanter de l’opéra, dont je vous ai déjà causé.
En tout cas, Mao les appelle “les piailleuses”, elle. J’ai l’impression qu’elle n’est pas fan de nos tableaux. Et du coup je me demande pourquoi elle les a commandé, pour la plupart. Sûrement pour les apparences… Je veux dire, ça lui ressemble, à Mao. Après tout, elle m’a adopté alors qu’elle ne me supporte pas.
martha & judith
esmée
Taisez-vous, les piailleuses!
Mao leur ordonne sèchement et avec autorité. Du coup, Martha et Judith la bouclent bien sagement, non sans ricaner en me lançant des regards qui me taquinent assez sans qu’elles aient besoin d’utiliser les mots.
Alors vous deux !
Mao se tourne vers Sara et moi à nouveau. Elle a un sourire chaleureux mais je sais reconnaître les expressions sur son visage ; elle a les yeux trop plissés pour que ce soit honnête. Sûrement rien contre Sara, je crois que les musiciennes l’ont froissée. Après tout, elles ont osé laissé entendre que son fils pourrait se taper une gamine.
Dites moi comment vous vous êtes rencontrés? Vous êtes amis?
Sara est peut-être ma petite sœur.
Je ne laisse pas le temps à qui-que-ce soit de tenter quoique ce soit ; je dis directement la vérité. Je ne vois pas pourquoi j’irais inventer des bêtises. Surtout, je crois, ça me plait de foutre un gros “j’avance dans mes recherches, tu ne pourra pas me cacher la vérité éternellement” en plein dans la gueule de Mao sans avoir à le dire. Et ça fait son effet, je le sais, il y a comme un froid soudainement.
Akutenshi, mon chou… Tu n’as pas de sœur.
Après un instant de silence durant lequel j’ai l’impression que Mao cherchait la meilleure façon de réagir, elle choisit la tendresse maternelle. Son ton est doux, calme et me prend presque en pitié. Je l’entends presque me dire “enfin, mon pauvre garçon, tu deviens fou..”.
Ah bon? Tu en sais quelque chose? Tu connaissais bien mes parents? Tu vas m’en parler, pour de vrai? Me prouver qu’il n’y a aucune chance que Sara soit ma petite sœur?
Encore un silence.
J’ai gagné.
Je le sais, parce que Mao a deux choix ; soit elle me parle enfin de mes parents, sujet qu’elle n’a jamais fait qu’effleurer jusqu’alors même après que je le lui aie demandé et demandé, soit elle abdique parce qu’elle ne peut pas prouver que je suis fils unique.
Je ne peux pas t’en parler comme ça, pas maintenant… Mais Aku , je—
Ne te fatigue pas.
J’interromps ma mère dans son élan. Je me fiche de l’excuse qu’elle veut me sortir ou de ce qu’elle veut me dire. Elle ne va pas me parler des mes parents, je n’ai pas besoin d’en savoir plus.
On a des choses à se dire, Sara et moi. Alors, si ça ne te dérange pas, on monte.
Mao nous regarde, Sara et moi, tour à tour. Elle semble hésiter quant à la bonne façon de réagir, une nouvelle fois, puis elle abandonne. Ses épaules retombent et, après, un lourd soupir , son visage affiche un nouveau sourire qui se veut gentil et apaisé. Mais, je le sais, elle est nerveuse comme tout.
Très bien. Je pense que, en effet, si tu penses vraiment ce que tu dis…
Elle plonge son regard dans le mien en marquant une pause dans sa phrase et je comprends alors quelque chose : Mao est en train de douter de mon honnêteté ! Elle n’est même pas sûre que je pense réellement que Sara puisse être ma sœur ! Elle est en train d’essayer de comprendre si tout ça n’est pas juste un plan pour la faire tourner en bourrique.
Tant pis, qu’elle doute. Je m’en fiche, clairement.
... Vous allez peut-être avoir besoin de discuter entre vous. En attendant, je vais vous faire un petit truc à manger.
Le sourire chaleureux de Mao s’élargit et elle tourne son attention vers Sara cette fois.
Tu as un régime particulier, Sara? il y a des choses que tu ne mange pas? Tu as des allergies? Je ne voudrais te présenter un plat que tu ne peux pas manger ! Ce serait dommage, tu ne penses pas?
Maman Mao est de retour, définitivement. Je laisse Sara répondre, pour ma part, impatient qu’on se tire. Je sais bien que la jeune sorcière a peu de chances de s’en sortir sans une vraie réponse. En général, Mao n’accepte pas les “je n’ai pas faim”, les “non merci” etc. Elle se bat avec ferveur jusqu’à faire craquer son invité. C’est donc plus ou moins rapidement que Mao nous laisse filer pour aller à la cuisine.
Tu viens?
Moi aussi , j’ai retrouvé mon sourire lumineux quand j’invite Sara à me suivre. Je l’emmène monter les escaliers qui mènent au premier étage où se trouvent les chambres, jusqu’à la mienne.
Tu m’excuseras, je ne vais pas te faire faire tout le tour du manoir. On n’a pas fini si on commence comme ça.
Je ris un peu sur le trajet alors que je lui montre un peu ce qui se trouve sur notre passage. J’évite soigneusement de bousculer les elfes de maisons que l’on croise, aussi, juste pour mon image devant Sara. C’est beaucoup de self-control, croyez-moi.
Si tu en as envie, je te montrerais plus de choses plus tard, sinon.
Ça, ça dépendra d’elle. Une partie de moi a la flemme de faire toute la maison avec mon invitée. L’autre a super envie de tout montrer en détails à ma potentielle petite sœur.
En attendant, j’ouvre la porte de ma chambre et invite Sara à entrer.
Je pousse la porte derrière nous parce que je n’ai pas envie qu’on écoute tout ce qu’on se raconte, quand bien même personne n’est là pour entendre quoi-que-ce soit outre Mao et les elfes de maisons. Ces derniers bossent et ne gagneraient rien à écouter. Quant à Mao, elle a beau être un affreux personnage, jamais elle n’a écouté en secret ce que je racontais à quelqu’un jusque-là. Je crois que, au fond, elle craint ce qu’elle pourrait découvrir si elle le faisait.
Alors? Tu l’aime, ma chambre?
A chaque fois que j’invite quelqu’un, c'est-à-dire trois fois jusque-là, je pose cette question sincèrement. Je ne cherche pas particulièrement de compliments, je me demande juste comment les autres voient ce qui, moi, me plait. Ma chambre, c’est quand même mon antre… Et je viens d’y faire entrer ma petite sœur !!
J’invite Sara a s’asseoir avec moi près de la fenêtre, sur les sièges que j’ai aménagés exprès là-bas. Avant c’était pour moi, pour mon confort… Mais maintenant, c’est devenu le coin où j’installe mes invités. C’est quand même mieux que sur mon lit. Je ne les veux pas sur mon lit.
T’en veux?
De la poche de la veste que je viens d’enlever en m’affalant sur l’un des sièges, je sors un petit sac dans lequel j’ai rangé les sucreries que je viens de m’acheter aujourd’hui, avec celles qui restaient. J’ai fait le plein, alors il y a presque de tout là-dedans. Après m’être pris une Chocoballe, je présente le sac à Sara pour lui donner le loisir de piocher dedans.
Tu retiens pas, c’est gratos.
Je lui adresse un clin d’œil complice, lui laisse le temps d’accepter ou de refuser le cadeau et, alors, je pose le sac sur la table basse devant moi.
Hésite pas à te servir si t’as envie.
Je lui précise en m’étirant un peu. Je fais craquer mes doigts et me redresse sur mon siège. Je laisse un silence s’installer quelques secondes en regardant Sara bien comme il faut. Je l’ai déjà fait en la voyant dehors… Mais là, je veux imprimer son image dans mon esprit.
Passons aux choses sérieuses.
Le sourire qui étire mes lèvres n’a pas bien l’air sérieux… Mais je vous assure que je m’apprête à lui parler sérieusement.
Je te dois des explications, j’ai conscience que ma lettre ne valait rien.
Encore un silence, juste pour être certain que Sara me suit, là. Qu’elle écoute. Qu’elle est prête à écouter, surtout. Qu’elle me foute pas un gros “en fait je veux pas savoir, ta gueule”.
T’es bien la fille de Daichi Horiuchi? Le prof, à Poudlard?
A nouveau, je m’interrompt. Je suis sûr de mon coup mais, quand même, imaginez qu’elle me sorte “euh non, pas du tout. Y a erreur sur la personne”. Qu’elle soit pas la bonne Sara. Qu'elle soit pas sa fille… ‘Fin, voyez, quoi.
Comment raconter ça…
Pendant un instant, mon sourire disparaît et une expression plus sérieuse s’installe sur mon visage. Pas de sourire, pas de lueur de malice dans le regard. Je veux montrer à Sara que je suis sérieux. Parce que ce que je vais lui dire va sonner tellement… Irréel. Si j’ai l’air de me marrer, elle risque de penser à une mauvaise blague.
La femme que tu viens de rencontrer, Mao, c’est ma mère adoptive. Elle ne me dit rien sur ma famille biologique si ça n’est que je viens d’une famille de Sang-Pur, que mes parents sont morts et que je leur ressemble beaucoup. Alors je mène mon enquête dans mon coin tout seul depuis, maintenant, plusieurs mois.
J’installe le décor en premier lieu.
Je sais, tu vas me dire que tu n’es pas de Sang-Pur et que ton père est bien vivant… J’ai pensé à ces détails. Mais Mao… Elle est fourbe.
Elle ne vaut pas mieux que moi, c’est ce que je pense. Mais je ne le dis pas.
Elle pourrait me mentir. Et même sans ça, il pourrait y avoir erreur quelque part. Je ne connais que le nom de ma mère, après tout. Arisu Hamabe… Ça te dit quelque chose?
Une lueur d’espoir passe dans mon regard. Comme si je m’attendais réellement à ce que Sara me sorte qu’elle connaît très bien, que c’est la meuf à qui son père a fait un gosse bien avant sa naissance.
Bien sûr, l’espoir n’est que de courte durée.
Quoi qu’il en soit… Quand j’étais à Poudlard, tu n’as pas idée d’à quel point on me répétait que j’étais le gosse perdu du professeur Horiuchi. Ça me saoulait mais je ne peux pas le nier ; il y a un air. Tu ne trouves pas?
Encore une fois, je laisse le temps à Sara de répondre. Je ne sais pas si je devrais lui poser de telles questions. Ça doit être déjà bizarre pour elle et là je la force à admettre que je suis le portrait craché de son père. Sauf que le m’en-foutisme de Akutenshi Busujima ressort à ce moment-là.
Je crois vraiment, Sara, qu’on pourrait être de la même famille. Et si c’est le cas… Je sais pas, il faut en faire quelque chose. Je sais pas pour toi, mais moi j’ai grandi seul dans ce grand manoir en rêvant qu’un frère ou qu’une sœur apparaisse un jour… Et, merde, c’est peut-être le cas aujourd’hui !
Tu vas trop vite, Akutenshi.
Je souffle un coup. J’admet, je n’avais pas remarqué, mais je m’emballe. Je m’agite sur mon siège, mes pupilles sont dilatées, je parle vite. Je passe trop vite au moment où on devient frères et sœurs. Et si Sara avait le bon argument qui réduirait ma théorie à un rien?
Je me redresse sur mon siège en remarquant que je me suis un peu penché par-dessus la table basse.
Enfin, voilà. Tu sais tout.
Ou presque, mais il y a tant de détails…
Tu as quelque chose à dire? Ou des questions? Ou peut-être que tu as juste besoin de laisser tout ça passer?
Je ne sais pas trop comment je suis censé m’y prendre. J’avoue que je copie les exactes questions que m’a posées Mao quand elle m’a avoué que j’étais adopté. C’est ce que je fais quand je sais que je dois agir comme quelqu’un de “normal” mais que je ne sais pas comment on fait ; j’essaie de me souvenir d’une situation similaire à laquelle j’ai assisté et de la façon de laquelle les gens agissaient vis-à-vis de cette situation.
* en japonais
Dernière édition par Akutenshi Busujima le Jeu 21 Sep - 23:47, édité 2 fois
気持ちが分かなかった。
(even I don’t know how I truly feel.)