he my Tweedledee
feat. Thomas Scott-Rosier
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| Jeudi 17 Janvier 2002 |
De toute évidence, il faut que je respire un bon coup. Quoi de mieux que de retourner à la planque à la Tête de Sanglier pour me vider la tête et oublier ce foutu Shin’ichi ? Au moins là-bas je ne risque pas de le recroiser ou de rencontrer un nouvel insecte de son genre. Les Sang-Pur ne valent pas grand chose à mes yeux non plus mais, au moins, ils ont le mérite d’avoir des choses à vanter et, maintenant, ils me foutent la paix. Ouaip, la hype à mon sujet est retombée, comme Clémence et moi l’avions prédit.
C’est bien de Clémence que je sors et, tandis que je marche dans les rues de Londres plongées dans la nuit, je me refais cette conversation dans la tête. Sourcils froncés, le visage crispé ; je suis encore frustré et en colère.
Ça te va pas de faire la gueule… J’comprend pourquoi tu souris tout le temps, maintenant. Là, on dirait Mao.
Chishiya ne m’aide pas du tout. Je déteste être comparé à cette connasse de Mao… Et, en plus, il a raison. C’est sûrement le pire, ça. Je souffle un coup, essayant d’adoucir les traits sur mon visage… En vain.
Non, mais, t’as vu comment il m’a parlé !? Je lui aurais bien fais manger le sol…
Je l’aurais sûrement fait si Clémence n’était pas là à ce moment-là. Je n’ai pas envie qu’elle me voit comme le genre de mec qui se vexe facilement et qui en vient directement aux poings… Ça n’est pas particulièrement mon genre. Une fausse image de moi aussi débile ne devrait pas naître dans l’esprit de la fille que je garde sous le coude au cas où une touche féminine me serait, un jour, utile.
Avec du recul, cela dit, je ne regrette pas de ne pas avoir frappé Shin’ichi. J’aurais sûrement dû me laver les mains pendant une demi-heure au moins si j’avais touché cette sorte de verrue ambulante. Si j’étais de bonne foi, je dirais qu’il avait un certain charme, derrière son style de SDF.
Mais je ne suis pas de bonne foi, et je le hais, alors je ne le dirais pas.
Je sais qui vous êtes, ta chère mère et toi. Je sais exactement d’où tu viens et je sais aussi que toi, tu n’en sais rien. Alors, tu vois, comme révélation… Ouais c’est plutôt cool.
J’entends sa voix, ses mots, dans mon esprit. Je revois son petit air suffisant, la façon dont il a levé les yeux vers moi, une lueur affreusement malicieuse dans le regard. Et je me refais le discours en boucle. “Je sais qui vous êtes, ta chère mère et toi. Je sais exactement d’où tu viens et je sais aussi que toi, tu n’en sais rien.”.... Bordel de merde, mais qu’est-ce qu’il me voulait?
Je suis sûr qu’il bluffe. Il a lu la Gazette et tu l’as pris de haut alors il a voulu te piquer pour se venger. Regarde, qu’est-ce qu’il a dit concrètement ? Rien qui ne prouve qu’il en sache réellement quelque chose. C’est un gros mytho.
Chishiya marque un point dans son argumentation.
D’après les paroles de Shin’ichi, il me semble que ce dernier sache que je vis avec Mao, qu’il sache que je viens d’ailleurs (sous-entendu, sûrement, que je suis adopté) et qu’il sache que je ne connais pas grand chose sur ma vraie famille, sur mon passé avant Mao. Depuis les deux articles de la Gazette, tout le monde peut en savoir autant.
… Mais, et s’il ne bluffait pas?
Je suis bien placé pour savoir qu’un homme peut mentir en vous regardant droit dans les yeux, l’air confiant, sans bégayer. Mais, quelque part, il est possible que Shin’ichi dise la vérité. Il est fort probable qu’il en aie dit si peu juste pour me frustrer. En fait, si tout ça est réel, il est certain que son but était de me frustrer. “Regarde, tu ne me connais même pas et j’ai beau être un clochard, moi je connais ta vraie histoire… Et je ne te dirais rien!”. Quelque chose de ce style.
Je ne peux simplement pas passer à autre chose comme ça. Parce que s’il y a une chance… La moindre petite misérable chance que Shin’ichi connaisse la vérité… Alors j’ai littéralement frôlé la réponse à toutes mes questions. Et je refuse de la laisser m’échapper sans essayer de presser tout son jus.
Mais pas ce soir.
Je pourrais tourner les talons. Retourner chez Clémence en espérant que l’insecte y soit encore. M’excuser, pour de faux. Discuter avec lui. Lui faire comprendre à quel point c’est important pour moi. Le supplier, peut-être, même. Je pourrais faire tout ça. Mieux encore, ça pourrait fonctionner.
Mais non, je ne veux pas.
Je ne peux pas.
Si je revois sa seule gueule…
J’ai besoin d’air. D’air et d’une bonne dose de poudre de fée.
T’abuse, t’en as déjà prit chez Clémence…
Mmh… C’est vrai.
Les effets ne sont pas tout à fait dissipés. Je les sens bien, physiquement. Je crois même que ça agit encore là-haut, vu comme les mots de Shin’ichi se mélangent, se répètent, s’accrochent. Comme son image me revient, encore et encore. Peut-être que je devrais attendre un peu avant de la prendre, cette bonne dose.
Parfois, je sais écouter les conseils de Chishiya, voyez.
Je ne sais pas combien de temps il m’a fallu marcher mais j’arrive finalement à la Tête de Sanglier. A cette heure-ci l’endroit est vide, comme toujours. Personne qui ne traîne dans le coin. C’est niquel. Je remarque de l’agitation mais celle-ci vient d’un balai enchanté qui termine de dépoussiérer le sol. Je m’arrête un instant pour regarder l’objet ensorcelé faire son travail.
Eh oh, debout là-dedans !
Je sursaute en revenant à moi.
J’imagine que j’étais bien parti pour passer le reste de ma nuit à fixer les mouvements du balai. Mais, d’un côté, c’est hypnotisant…
Lâchant enfin ledit balai, je passe derrière le comptoir de la pièce pour y retrouver la fameuse trappe qui mène au sous-sol de laquelle émane de la lumière. La confirmation, donc, qu’il y a du monde, là-dessous. Je n'ai pas atterri ici un soir exceptionnel où tout le monde s’est passé le mot pour déserter la planque.
Après avoir levé la trappe, je commence à descendre les escaliers sur lesquels elle donne. Je dois faire particulièrement attention à mes pas parce que je sens, à chaque marche, que je risque de me viander. C’est même presque une surprise que j’arrive à me souvenir facilement du mot de passe pour accéder à la pièce enfumée, agrandie par un sort, où sont réunis un bon nombre de Sang-Pur d’à peu près mon âge. Il reste encore des gamins de Poudlard mais, en soi, la soirée est assez avancée pour que la majorité des personnes présentes soient des jeunes adultes et des sorciers qui ne craignent pas d’être crevés le lendemain, ou d’affronter la gueule de bois en allant en cours. Je fais partie de ceux-là ; j’ai jamais de soucis avec l’idée de venir en cours dans un état peu avenant.
Rien n’a changé depuis la dernière fois que je suis venu ici, sans surprise. Je reconnais de nombreux visages. D’un côté, plus je viens ici, plus les Sang-Pur qui fréquentent l’endroit me sont familiers ne serait-ce que physiquement. En avançant dans la pièce, j’observe les sorciers s’occuper chacun à leur manière. Certains fument ou boivent, d’autres sont réunis autour du Baby-Quidditch et du billard. Certains groupes étaient assis sur les fauteuils, d’autres au bord de tables et une bonne partie des jeunes dansaient au centre de la pièce. Certains couples se bécotaient un peu ici et là, aussi, immanquablement.
Nonchalamment, je me laisse tomber sur un canapé. Ils passent du WANDboyZ, comme musique. J’ai l’impression que depuis que ces gars-là sont apparus dans la Gazette, ça amuse les gens de faire passer leurs sons où ils le peuvent. Personnellement, je m’en fiche un peu. J’irais pas dire que j’adore ce qu’ils font mais, en bruit de fond, ça passe.
Maintenant que je suis posé, je respire un peu. Déjà l’ambiance me détend et Shin’ichi commence à passer en second plan. Je bascule ma tête en arrière et je regarde le plafond. J’ai l’impression qu’il tourne, mais je sais que ça n’est pas réellement le cas. Je ferme les yeux et retrouve mon sourire, enfin. A côté de moi, j’entends des filles discuter de leurs petits amis respectifs. Je n’écoute pas particulièrement leur conversation mais, comme j’ai fermé les yeux, mes autres sens semblent affûtés. Du coup, des détails me parviennent malgré moi.
J’ouvre à nouveau les yeux peu après ça, lorsqu’un mec se pose comme un sac à côté de moi, faisant rebondir le canapé au passage.
Hey, Aku !! Comme on se retrouve !!
Je tourne le regard vers le sorcier qui s’adresse à moi. Je le reconnais… Vite fait. Je suis sûr qu’il était là à la fête où la police a débarqué, là… Là où j’ai rencontré Frost Rosier. Ce jour-là, je n’arrivais pas à me rappeler son nom. Eh bien, autant dire que, aujourd’hui non plus, je ne l’ai pas retrouvé.
Akutenshi.
Je corrige. Oh, c’est pas parce qu’on s’est croisés deux/trois fois que, maintenant, on est potes. Faut pas rêver non plus. Ce mec-là a vite tendance à devenir chiant, en plus. Chiant dans le sens mortellement ennuyeux. J’espère qu’il n’est pas parti pour papoter toute la soirée…
J’te passe un joint ? J’ai choppé de la valériane à un type t’aleur et maintenant j’en ai trop.
Je lève un sourcil.
Mh… Soudainement, il m’intéresse, le gamin. Je fais mine de réfléchir alors que, dans ma tête, Chishiya soupire déjà. On connaît tous les deux la réponse, nul besoin de se leurrer.
Allez, je veux bien te décharger un peu.
Mon interlocuteur sourit joyeusement et acquiesce avant de se pencher au-dessus de la petite table devant nous pour s’occuper de rouler. Pour ma part, je le laisse faire tout en me détendant. Je ne surveille pas particulièrement la façon dont il s’y prend. Mon regard se balade librement, je fredonne au rythme de la musique que j’ai déjà entendue quelques fois avant ce soir. Quand un elfe de maison passe devant moi, je lève un peu la jambe pour le faire trébucher. Je ricane doucement alors que l’elfe se ramasse et fait tomber les boissons qu’il tenait. Le groupe de filles qui les avaient commandées se fâchent sur lui et il s’excuse platement avant de retourner chercher de nouveaux verres. Merlin, que j’aime les malmener, ces machins…
Tu pourrais regarder ce que ton pote fait, non? Vraiment, Aku, s’il avait voulu t’empoisonner ou quoi, ç’aurait été trop simple.
Je hausse les épaules et, la seule chose que je trouve à répondre à Chishiya, c’est ;
C’est pas mon pote, j’connais même pas son blase.
Le sorcier à côté de moi se redresse enfin et me tend un joint que j’attrape entre mon index et mon majeur avant de le coincer entre mes lèvres. J’utilise ma baguette pour allumer ce dernier et je m'affale à nouveau sur le dossier du canapé.
Là, c’est parfait…
Par contre, tu m’as parlé?
Hm?
Je lève un sourcil en sa direction, d’abord confus.
T’as dit, je sais pas, tu parlais d’un pote, non?
Ah, ça!
Je ricane doucement. Forcément, si je parle à Chishiya à voix haute… Bon, la plupart du temps, je me moque bien qu’on m’entende parler à ma petite voix. J’ai toujours une bonne excuse — là je suis assez défoncé pour parler tout seul, par exemple. Sinon, je lui répond dans ma tête quoi.
Laisse bé-tom. Je réfléchis à voix haute.
Le brun acquiesce avec un “ah”, signe qu’il a pigé. Il n’a pas l’air d’en douter mais, d’un côté, on ne dirait pas qu’il y pense plus que ça après avoir obtenu une réponse de ma part.
Alors que je laisse doucement les effets de la valériane monter et ceux de la poussière de fée me bercer, j’entends que l’autre gars continue à discuter. J’écoute pas vraiment ce qu’il dit. Juste, parfois, je laisse échapper des “mh”, histoire de montrer que je suis toujours conscient et pour qu’il ne m’interroge pas non plus sur l’attention que je lui accorde.
Je ne calcule pas les minutes qui passent avant qu’il ne se lève pour suivre une jeune fille qui l’invite à danser mais je vous jure qu’elles m’ont paru longues.
Enfin, il nous fiche la paix…
Je ne pourrais pas être plus d’accord avec Chishiya. Je me redresse sur le canapé et m’étire un peu. Merlin, ce qu’on est bien ici, non!? Je pourrais y passer la nuit.
La musique a changé. Il ne s’agit plus des WANDboyZ à présent, c’est clair. Je reconnais “Quand les Sortilèges sont bons” de Cormac Richardson. Forcément, du coup, plus de monde est debout pour danser. C’est la terrible malédiction des Hommes face à la pop-variété ; ils se mettent tous à bouger et à chanter à tue-tête comme des débiles. Ça me tenterait presque d’en faire autant. En fait, je dirais même que ça me tente carrément d’en faire autant. Du coup, je me lève pour rejoindre le groupe de sorciers, pour la plupart bien défoncés, qui profitent à fond au centre de la pièce.
D’abord il ne s’agit que d’une chanson. Puis deux. Puis trois. Puis j’arrête de compter.
“Do the Hippogriff” des Bizarr' Sisters,
“Minerva Baïla” de la Fée Verte,
“Je t'emmène à Azkaban” des Sorciers Endiablés,
“Dragonkan” de Magyar à pointes,
“La Groupie du Duelliste” de Michael Bottom,
“Come & Get It” de Pénélope Arcangeli, etc.
Je sens que, qui qu’elle soit, la personne qui se charge de la musique a compris comment on anime une soirée en bonne et due forme et ça marche totalement sur le Akutenshi chargé que je suis. Le temps que je passe à danser comme un con avec les autres, je crois que je me fais une dizaine d’amis, près de cinq ennemis et une ou deux demoiselles ont dû tenter de me draguer sans que je ne rentre dans leur jeu mais sans que je ne les repousse non plus.
Je finis par me laisser retomber sur le canapé que j’ai quitté plus tôt, essoufflé et de la meilleure humeur qui soit. J’ai oublié Shin’ichi, ou son air provocateur, ou ce qu’il prétend savoir. Je suis juste… bien.
Je remarque bien vite une silhouette posée à côté de moi, sur le canapé. En tournant le visage dans sa direction, je m’exclame, un large sourire aux lèvres.
Scott-Rosier !
Tiens, ça commençait à faire un bail que je n’ai pas vu Thomas Scott-Rosier ! Depuis combien de temps est-il là? Viens-t-il de s’asseoir? Dansais-t-il aussi? Viens-t-il d’entrer dans la pièce? Aucune idée, mais je m’en fiche un peu.
Quoi de neuf, mec?
Je suis tellement def’, là, que je ne serais pas capable de dire s’il a l’air triste ou s’il est juste normal. Bon, ça ne veut pas dire grand-chose sur mon état, parce qu’il m’arrive de mal interpréter l’expression sur le visage de mes pairs même totalement sobre.
Tu passes une bonne soirée au moins, j’espère !
Je le pense autant que je m’en fiche. J’pense que Thomas est un mec cool. Quand on se retrouve, on passe souvent un bon moment. C’est pas mon pote, mais il est de bonne compagnie, alors quand je dis que j’espère qu’il passe une bonne soirée, c’est vrai. Il mérite. Après, de savoir qu’il passe une mauvaise soirée ne gâchera pas la mienne… Vous voyez?
Sinon, j’ai un fond de poudre de fée dans une fiole. Ça va sûrement pas me servir ce soir, alors c’est cadeau s’tu veux.
Pour le nombre de fois où Thomas Scott-Rosier a partagé avec moi, j’ai pas trop de mal à lui rendre le geste. Du coup je laisse le loisir à Thomas d’accepter le cadeau ou de le refuser. S’il accepte, c’est avec joie que je sors ma fiole bien sagement rangée dans ma poche et que je la lui passe.
Quoi qu’il en soit, j’observe son visage un petit moment. Y a l’air d’y avoir quelque chose. Je ne saurais pas dire quoi… Mais, vraiment, même moi je capte que Thomas n'est pas 100% lui-même. Ou alors c’est juste moi qui plane fort. Mais, au cas où, je préfère demander.
Eh mec, tu tires une sacrée gueule pour quelqu’un à qui on vient de proposer de la poussière de fée gratos ! Dis tout à tonton Aku.
Je ricane doucement parce que je me prends difficilement au sérieux. Pourtant, s’il veut parler, j’suis totalement prêt à écouter. C’est juste que j’me dis, au fond, qu’il y a aussi de grandes chances qu’il ne veuille pas me causer, Thomas. Comme je l’ai dit, on est pas potes alors ce serait compréhensible qu’il garde ses histoires pour lui. En tout cas maintenant il sait qu’il peut s’il veut, c’est l’essentiel. Moi, s’il ne dit rien, je passerai vite à autre chose.
気持ちが分かなかった。
(even I don’t know how I truly feel.)