Nous sommes le samedi 23 février 2002. James Davis est un sorcier de 42 ans. Ancien membre de l'Ordre du Phénix et ancien Auror, il est devenu un homme colérique, violent et paranoïaque depuis que sa femme l'a quitté à la fin des années 1980. Peu impliqué dans la vie de ses enfants, il essaie de retrouver un sens à sa vie en travaillant pour les Mikaelson sur l'Allée des Embrumes.
Baby we built this house on memories
Voilà une semaine que le 7ème Ciel avait ouvert ses portes et James n’avait pas encore eu le loisir de pénétrer dans ses lieux. Or le bâtiment appartenait aux Mikaelson et certains Oppresseurs avaient été nommés à la sécurité. Si James s’y rendait aujourd’hui, ce n’était nullement pour assurer la sécurité de ce lieu. Non, c’était de la pure curiosité. Pour le bâtiment, pour le concept du lieu et puis pour …
« Douce Alice, quel plaisir de te revoir ! »
Assis au comptoir du bar quasiment plein, James adressa un signe de main à la jeune femme pour bien lui signifier que c’était lui qui l’avait interpellé.
Alice Scott. L’une de ses conquêtes. Rien de bien sérieux, ce n’était pas une fille avec qui il aurait voulu s’installer auparavant et encore moins maintenant. Elle était si insipide, si superficielle et si geignarde surtout ! Non, ils avaient passé du bon temps ensemble et ça ne saurait aller plus loin. Seulement, Alice n’avait pas eu cette idée et une violente dispute avait éclaté. C’était en 1994. Depuis, il y avait eu la guerre entre eux et la jeune femme avait un peu disparu de la circulation. A moins que James ne fréquentait plus les mêmes endroits que la Scott.
Tant mieux dans un sens, la jeune femme était rancunière. Jalouse et rancunière. Mais aujourd’hui, il avait juste envie de s’amuser. Et puis, il fallait l’admettre : l’endroit était charmant. Tout à fait le genre de lieu où il aimerait se poser tranquillement. Andrew était-il au courant du travail admirable de sa sœur ? Et Angelo, était-il l’un de ses principaux clients ?
« Tes frères ne sont pas avec toi ? » demanda-t-il en posant un verre de cocktail à ses lèvres, prenant le temps de se délecter du plaisir de voir son visage se décomposer en le voyant. « Dommage, je commençais à bien apprécier la compagnie d’Angelo. Andrew est cependant toujours aussi rabat-joie. Et ton jumeau ? D’habitude, il aime passer son temps à me contrarier. Mais il en manque un … comment s’appelle-t-il ? Ah oui, Calvin Scott ! »
James s’amusait à faire durer le suspense. Il savait pertinemment le nom de Calvin puisqu’il travaillait étroitement avec lui depuis moins d’un mois. Il avait notamment aidé à la libération de Karoline.
« Alors, dis-moi tout, Alice … D’où te vient l’inspiration d’un tel lieu ? J’espère que ce n’est pas lié à l’absence que j’ai causée dans ta vie ? »
James porta une main à son cœur, comme s’il venait d’être touché d’une pointe de flèches. Il gardait son sourire amusé aux lèvres, étudiant les réactions de la jeune femme face à lui.
Pitié. Je n’ai pas même besoin de tourner le regard pour savoir de qui il s’agit. Cette voix est familière. Bien trop familière. Je déteste ça. Où est donc Shay quand on a réellement besoin de lui? Je sais, il est en train de travailler. Monde cruel.
J’ai longtemps entendu parler du beau temps après la pluie. On ne prévient pas assez les personnes de la boue qui reste collée à la chaussure même quand le soleil est revenu, quand il a plut.
Je tourne le regard vers James qui me fait signe, tout content d’être là et sûrement de s’être frayé un passage pour me crêper le chignon. Je dirais bien que c’est un gamin mais je sais que, dans cette histoire, je ne m’en tire pas mieux. Preuve en est qu’une femme mature et grandie aurait tout bonnement ignoré la provocation et serait retourné travailler. Je suis descendue de mon bureau pour me prendre un petit truc à boire et passer un bon moment, et voilà que lui là, il s’invite… Ugh.
Je crains que le plaisir n’est pas partagé.
Autrement dit “casse toi”. Autant dire que je ne m’attends pas à ce que le message passe. J’imagine que James va parfaitement le comprendre et copieusement l’ignorer. Parce que que serait une conversation avec James sans son petit grain de sel agaçant ? Merlin, l’envie d’appeler Shay et de lui demander de refaire le portrait de James me prend. Malheureusement j’ai moi-même rédigé une règle qui interdit de se battre au sein du 7e Ciel. Et je crois que même moi je devrais m’y tenir.
« Tes frères ne sont pas avec toi ? »
Je grogne légèrement et prend une gorgée de mon Whiskey Pur Feu. Je vais en avoir besoin.
Non vois-tu, nous ne sommes pas constamment collés les uns aux autres.
Il est hors de question que je m’en aille aussi facilement. Premièrement ; c’est lui qui s’incruste alors si quelqu’un doit se barrer c’est bien lui. Deuxièmement ; je ne suis pas du genre à fuir lorsqu’on me provoque. Je vois cela comme un signe de faiblesse de ma part. Et je refuse toute manifestation de faiblesse face à James Davis.
« Dommage, je commençais à bien apprécier la compagnie d’Angelo. Andrew est cependant toujours aussi rabat-joie. Et ton jumeau ? D’habitude, il aime passer son temps à me contrarier. Mais il en manque un … comment s’appelle-t-il ? Ah oui, Calvin Scott ! » Félicitations, tu connais les noms de mes frères. Tu voudrais une médaille?
Je roule sciemment des yeux et replonge mes lèvres dans mon breuvage. C’est qu’il va me donner la migraine cet homme.
Je ne sais pas encore à quoi il joue, mais je n’aime pas ça du tout. Enfin, si, je sais… Il est là pour me casser les pieds. Cela dit je ne suis pas encore capable de prédire où mène cette discussion, outre vers une inévitable dispute.
« Alors, dis-moi tout, Alice … D’où te vient l’inspiration d’un tel lieu ? J’espère que ce n’est pas lié à l’absence que j’ai causée dans ta vie ? »
James pose une main sur son cœur et prend l’air touché. Je soupire lourdement. Bien lourdement. Le genre de soupir qui est bien inspiré et bien soufflé, joues gonflées. Aussi gonflées que moi, en fait.
Je t’en prie, ne te donne pas ce mérite.
Je peux fièrement et sincèrement affirmer que James n’a eu aucun incident sur la création du 7e Ciel. Ni lui, ni personne. Peut-être la guerre, peut-être même Andrew si on cherche bien, mais tout le reste vient de moi.
D’ailleurs, je n’ai même plus pensé à toi avant aujourd’hui.
… Par contre, ça, c’est un gros mensonge. Certes, je n’ai pas beaucoup pensé à James ces derniers temps grâce au 7e Ciel, aux nouvelles rencontres, à tout cela… Mais il m’a tout de même traversé l’esprit plusieurs fois. Trop de fois. Il est toutefois inconcevable de l’avouer.
J’avance très bien de mon côté. Comme tu peux le voir, les choses me réussissent très bien. J’ai même rencontré quelqu’un.
Et ça, mes chers, c’est un semi-mensonge. J’ai rencontré des gens, c’est vrai, je l’ai déjà dit. Donc techniquement, j’ai rencontré quelqu’un. Mais on sait tous que, dis comme ça, il est sous-entendu que j’ai rencontré un homme qui m’intéresse. Que je fréquente quelqu’un.
J’espère que James ne va pas trop poser de questions mais quelque chose me dit qu’il aurait tort de se priver alors j’essaie de passer directement à autre chose.
En tout cas, c’était vraiment super de te parler… Ou pas.
Je hausse les épaules et pivote totalement pour faire face à James, un sourire fier au visage.
Mais je vais devoir te demander de partir. Tu vois… Tu n’es pas trop le bienvenue ici. Je ne l’ai pas précisé à mes employés parce que je pensais que tu ne serais pas assez débile pour te montrer… Mais je sous-estime ta bêtise, on dirait.
Et oui ! Mon bar, mes règles. Et mes règles, elles disent que je ne veux pas voir James Davis ici.
Nous sommes le samedi 23 février 2002. James Davis est un sorcier de 42 ans. Ancien membre de l'Ordre du Phénix et ancien Auror, il est devenu un homme colérique, violent et paranoïaque depuis que sa femme l'a quitté à la fin des années 1980. Peu impliqué dans la vie de ses enfants, il essaie de retrouver un sens à sa vie en travaillant pour les Mikaelson sur l'Allée des Embrumes.
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« Je t’en prie, ne te donne pas ce mérite. » dit-elle, non sans un soupir ennuyé.
James eut un sourire. Alice Scott était une belle jeune femme. Blonde, les yeux bleus, le maquillage parfait et les tenues adéquates. Ce qui pouvait parfois faire hésiter un homme était sans doute son air trop confiant, trop sûre d’elle. Sa nouvelle entreprise le démontrait. Elle n’avait pas peur d’ouvrir un bar à hôtes au sein même de l’Allée des Embrumes. Bon, elle ne courrait pas non plus des risques immenses : papa était là pour lui assurer la sécurité financière et ses frères étaient tous très influents pour lui sauver la mise si jamais elle avait un souci.
« D’ailleurs, je n’ai même plus pensé à toi avant aujourd’hui. » chantonna-t-elle en jouant avec un verre devant elle. « Ah oui ? » s’amusa-t-il.
Subtilement, il quitta son siège de tabouret pour se rapprocher de celui d’Alice. La jeune femme ne s’écarta pas. Elle ne voulait certainement pas lui faire ce plaisir.
« J’avance très bien de mon côté. » se contenta-t-elle d’ajouter. « Comme tu peux le voir, les choses me réussissent très bien. » « Il est vrai que l’entreprise semble être une réussite … pour le moment. »
Il était sans doute trop tôt pour dire quoi que ce soit. Après tout, comme James l’avait pensé, le bar n’avait ouvert que depuis une semaine. Mais visiblement, il y avait toujours une quantité de sorciers et de toutes autres créatures entre ces murs. James avait même cru voir des gobelins de Gringotts et un demi-géant se frayer un chemin.
« J’ai même rencontré quelqu’un. » « Vraiment ? » s’étonna James. « Qui ça ? »
Qui était l’heureux élu ? Le futur membre de la famille Scott, qui vivrait certainement un enfer auprès des frères de la jeune femme ? Quelle était l’identité du futur condamné ?
« Je suis vraiment curieux de savoir qui a su dompter la belle et intouchable Alice Scott … » « En tout cas, c’était vraiment super de te parler… Ou pas. » le coupa-t-elle, visiblement désireuse de ne pas s’étaler sur ce sujet avec lui.
Elle se tourna sur son tabouret pour faire face à James, un sourire hautain sur le visage. Le même que tous les Scott avaient, à dire vrai, quand ils pensaient avoir vaincu leur ennemi.
« Mais je vais devoir te demander de partir. » « Me demander de partir ? » répéta-t-il, intrigué. « Tu vois… Tu n’es pas trop le bienvenue ici. Je ne l’ai pas précisé à mes employés parce que je pensais que tu ne serais pas assez débile pour te montrer… Mais je sous-estime ta bêtise, on dirait. »
James fronça les sourcils, étonné. Et puis, il comprit !
« Tu n’es pas au courant, en réalité ? »
Il éclata de rire, faisant exprès de se laisser totalement aller à cette hilarité. Un garçon au comptoir leur jeta un coup d’œil tandis qu’un couple derrière eux se retournait pour les regarder avant de retourner danser.
« Navré. Je pensais vraiment que tu le savais mais de voir ton visage si perplexe me laisse penser que j’ai vu juste. Tu n’es pas au courant. »
Il continuait de sourire, se mordant la lèvre. Les coudes appuyés sur le comptoir, le visage penché, il observait chacune des réactions de la jeune femme.
« Tu ne peux pas me virer. » dit-il. « Tu veux savoir pourquoi ? »
James termina son verre de cocktail, prenant tout son temps pour s’en délecter. Puis il se leva et passa derrière Alice. Il ne posa aucune main sur la jeune femme mais se pencha en avant. Ses lèvres n’étaient qu’à quelques millimètres de l’oreille d’Alice.
« Je suis un membre des Mikaelson, douce Alice. C’est-à-dire que ces murs m’appartiennent autant qu’à toi. » murmura-t-il.
Sa joue caressait les cheveux blonds de la jeune femme et un sourire se nicha au coin de ses lèvres.
« Tu penses peut-être être chez toi. Tu penses pouvoir faire ce que tu veux. Mais je suis toujours là. »
D’un geste agile avec sa baguette, il fit tourner le tabouret de la jeune femme vers lui et Alice se retrouva face à lui. Il lui tendit alors sa main libre, un regard profond vers elle.
« Et si nous en profitions pour nous amuser ? Comme au bon vieux temps … Je suis certain que tu en meurs d’envie. » dit-il avec un sourire arrogant vers la jeune femme qu’il se plaisait à séduire.
« Vraiment ? Qui ça ? Je suis vraiment curieux de savoir qui a su dompter la belle et intouchable Alice Scott … »
Autant dire que je passe vite au sujet suivant. Je sens que si je m’embarque sur ce chemin je ne vais jamais m’en sortir. Hors de question de me retrouver à la place de ces gamines qui parlent de leur petit-ami qui “fréquentent une autre école”... J’en ai déjà trop fait à prétendre que je voyais quelqu’un.
Je me hâte de tenter de chasser James pour passer à autre chose mais ce dernier, comme toujours quand il a une sale idée en tête, est accroché comme un Doxy dans un rideau.
« Me demander de partir ? »
Déjà là, je sens que quelque chose ne sent pas bon. James a l’air vraiment confus, surpris quand je commence à le dégager. C’est bizarre… Mais j’ignore un peu ce détail, trop pressée à l’idée de renvoyer James pour m’y attarder.
« Tu n’es pas au courant, en réalité ? »
James éclate de rire et, moi, je fronce les sourcils. Dire qu’il y a botruc sous roche ne serait pas exagéré… Et je n’aime pas du tout la tournure que prennent les choses. Je n’aime pas qu’il me ricane à la tronche en temps normal mais, alors là, encore moins.
« Navré. Je pensais vraiment que tu le savais mais de voir ton visage si perplexe me laisse penser que j’ai vu juste. Tu n’es pas au courant. »
Il est tout souriant. James a la gueule d’un enfant qui vient de faire une grosse farce, qui en est fier et qui attend avec hâte que quelqu’un tombe dessus.
Bon, tu vas m’expliquer pourquoi tu te marres ou tu vas continuer à me fixer avec ton air de vieux Troll débile ?
Je m’énerve un peu. Déjà là, la Alice intérieure me murmure qu’elle a l’impression que je ne vais pas être débarrassé de James aussi facilement… Et le fait que je crois qu’elle aie raison n’aide pas à me mettre de bonne humeur ou à me rendre patiente.
« Tu ne peux pas me virer. Tu veux savoir pourquoi ? »
Bien sûr, James prend le temps de vider son verre, de se lever, de se glisser derrière moi et de se pencher pour me murmurer à l’oreille, tout cela à son rythme, avant de, enfin, m’annoncer la terrible nouvelle.
« Je suis un membre des Mikaelson, douce Alice. C’est-à-dire que ces murs m’appartiennent autant qu’à toi. »
Je me fige à cette idée. Mille Gorgones … C’est horrible. Je me suis condamnée toute seule à devoir le supporter en passant cet accord avec Mikaelson… C’est vraiment un cauchemar. Ugh, à y penser, je n’avais pas le choix.. J’ai besoin de la protection des Mikaelson… Même si j’avais sût que James en faisait partie j’aurais dû m’y résigner. Mais si j’avais sû en avance, j’aurais pu au moins m’y préparer mentalement. Là ça me tombe dessus d’un coup et je ne sais pas quoi dire, comment réagir, comment garder la face. Je suis humiliée en plus de ça…
« Tu penses peut-être être chez toi. Tu penses pouvoir faire ce que tu veux. Mais je suis toujours là. »
Mon tabouret pivote et je me retrouve à faire face à James. Mes sourcils sont froncés, je suis visiblement irritée et lui.. Il est content. Fier. Et ça m’énerve encore plus. J’en ai assez de perdre contre lui !
« Et si nous en profitions pour nous amuser ? Comme au bon vieux temps … Je suis certain que tu en meurs d’envie. »
Et en plus il ose faire ce genre de propositions !? Je sais qu’il fait ça pour me provoquer et je refuse de lui montrer que ça marche… Quand bien même l’expression nerveuse sur mon visage me trahit affreusement.
Je me redresse sur mon siège et laisse la colère retomber. Un peu de fierté et de distinction, Alice ! Allez, ma belle ! On se reprend ! Il a gagné la bataille mais la guerre n’est pas terminée… Et je compte bien ne pas lui laisser la victoire si facilement.
Je te l’ai dit. Je regrette, mais je vois quelqu’un.
Je prends un air hautain cette fois-ci, presque dédaigneux. Je veux qu’il lise “je n’ai pas besoin de toi, microbe” sur mon visage. S’il pense que je vais, un jour, retomber dans ses bras… Qu’il aille se faire cuire une bouse de dragon ! Je sais que je ne fais pas toujours les meilleurs choix avec les hommes dont je tombe amoureuse, même que ma Alice concon intérieure est en train de m’encourager d’accepter de profiter de la soirée avec lui et me chuchote qu’il est encore possible que je le fasse changer d’avis quant à nous deux, mais je ne suis pas obligée de l’écouter. Des fois, même moi je sais qu’il faut que je fasse taire cette Alice et cette fois est l’une d’entre elles.
Et il s’agit de… Um…
James m’a déjà demandé une fois de qui il s’agissait, plus tôt. Je sais que j’ai dit que je ne jouerais pas au jeu du petit ami imaginaire mais je n’ai plus trop le choix, là. J’ai paniqué et au lieu de simplement répondre à James que je n’étais pas intéressée et de m’en aller dignement, j’ai amené à nouveau cette histoire de nouveau petit ami sur la table et je pense que si j’esquive à nouveau la question de son identité, James va piger que c’est un gros mytho.
Sauf que maintenant que je suis lancée, je ne sais pas trop quoi dire. Quel nom donner. Quelle excuse trouver pour fuir.
Et c’est là qu’il passe à proximité… Mon héros. Mon héros qui n’a personne au bras et qui est habillé comme il l’était en arrivant plus tôt dans la soirée… Alors j’imagine qu’il comptait rentrer chez lui. Une chance que je l’attrape juste à ce moment-là… C’est comme si le destin me faisait un cadeau… Enfin !
Prêt à quitter les lieux, ayant fini particulièrement tôt ce soir, je m’interromps dans mon mouvement. Cette voix, je la reconnaîtrais entre mille. Je cherche du regard et tombe rapidement sur ma patronne et meilleure amie. Elle est assise avec un homme et m’offre un large sourire. Ben voyons… Je suis curieux quant à la raison pour laquelle elle m’appelle. J’ose espérer qu’elle ne m’a pas trouvé un nouveau client, là, juste avant que je rentre. Il faut me comprendre, j’adore mon boulot et j’aime rencontrer de nouvelles personnes mais, là, mon cerveau est déjà à la maison alors, si je peux l’y rejoindre, ça m’arrange.
C’est tout de même armé de mon sourire le plus chaleureux que je rejoins Artémis.
Artie-chou !
Je la salue avec enthousiasme et elle me rend un sourire trop joyeux pour qu’elle n’aie rien derrière la tête. En fait, ma blondasse à l’air trop heureuse de me voir pour que mes soupçons ne s’éveillent. Vous me direz, j’ai commencé à me questionner dès l’instant où elle m’a interpellée.
Je te présente James.
Je dirige mon attention vers l’homme qui se trouve en face de Artémis et, un instant, mon cerveau se met en pause. Les rouages de mon esprit s’activent. Je lie le nom, à la description physique, au comportement d’Artie et tout à coup les pièces du puzzle s’assemblent.
Nom d'un dragon, Nom d'un scroutt à pétard, Par la barbe de Merlin ! Je rencontre une légende !
Le James? L’ex James? Le “il est beau mais ce qu’il est chiant” James? Le “j’en ai marre de penser à lui” James? Le— Oui, oui ! Ce James.
Artie m’interrompt rapidement. Oui, ah oui. Oups. Peut-être qu’il ne vaut mieux pas continuer d’embarrasser ma blonde face à son ex. Je ne l’ai pas fait exprès… Mais il y a quelque chose d’amusant dans la réaction d’Artie.
Eh bien enchanté James. J’ai beaucoup entendu parler de toi. Moi c’est Shay.
C’est avec un large sourire que je salue le sorcier et que je me présente. J’imagine que Artie n’a pas autant parlé de moi à James que l’inverse et ça ne me vexe pas particulièrement.
Tu abuses, j’ai dû glisser son nom une fois dans une conversation tout au plus…
Je roule des yeux alors que Artie me lance un regard noir. Du genre “arrête de m’enfoncer comme ça où je te bouffe.” Bon, j’avoue que je ne fais pas beaucoup d’efforts mais, d’un côté, Artie m’appelle comme ça et, sans m’expliquer pourquoi, elle me présente James. Comment suis-je censé agir ? J’ai presque cru qu’ils s’étaient réconciliés tiens. Mais, là, je commence à piger qu’il y a encore un grand fossé entre Artie et James. Promis, je vais être plus prudent.
Même si c’est trop drôle.
M’enfin, tu vois, j’expliquais à James que je ne peux pas succomber à ses charmes parce que je suis déjà prise.
Je lance un regard à James, cette fois un air neutre au visage. Je l’observe de haut en bas avant de hausser les épaules.
... Dommage, il est craquant. Et hétéro surtout !
Cette fois, je devine dans le regard de Artie quelque chose plus du style “ne t’avise même pas de commencer à le draguer!”.
Ça va Artie-chou, je n’ai pas dit que j’allais sauter dessus non plus.
Sourire innocent. Artie me fixe un instant comme pour juger si je suis honnête ou si je compte manger son ex dès qu’elle aura le dos tourné. Et puis, ça me frappe. Ce qu’elle a dit vient de me monter à la tête.
Hey ! T’as quelqu’un maintenant, toi ? Félicitations !
Face au facepalm monumental de Artie et à son lourd soupir, je devine que, quelle que soit la réponse qu’elle attendait, ça n’était pas celle-ci.
Tu comptais quand même pas me faire passer pour ton petit-ami ? Parce que je t’ai déjà, tu te met dans la merde faut pas compter sur moi après, hein ! J’ai assez longtemps joué les hétérosexuels alors tant que t’es pas en danger de mort — Mais non, je ne comptais pas te faire passer pour mon petit-ami !
Artie s’exclame, me coupant à nouveau dans mon élan de paroles. Quelque chose dans sa réaction ultra nerveuse me fait dire que me faire passer pour son petit-ami était exactement son plan et que je viens de le niquer totalement. Mais je ne le fais pas remarquer à haute voix. Je crois que j’ai déjà assez fait couler mon amie, maintenant il s’agirait qu’elle remonte à la surface. N’empêche qu'elle ne peut pas m’en vouloir. Je l’ai dis : si elle se met dans la merde toute seule, elle en ressort comme une grande fille.
Je suis dépitée parce que je te l’ai raconté pas plus tard qu'hier !! Mais bon, ça ne m’étonne pas que tu te souviennes de rien.. Tu as bu comme un trou, tu dois te rappeler de rien.
Artie roule des yeux et prend, cette fois, le rôle de l’amie dépitée, ce qui ne jure pas avec le facepalm plus tôt et ses réactions jusque-là… Je dois l’avouer, nice save. Bon, j’ai dis que je laissais Artie se débrouiller quand elle se foutait dans la merde mais je ne suis pas cruel non plus, je peux lui filer un petit coup de main si c’est dans mes cordes.
Ah oui, ben t’as raison… Je n'ai pas beaucoup de souvenirs d’hier. Mais maintenant que tu le dis ça sonne familier. C’est qui ? C’est pas le jeune japonais, par hasard ? C’était quoi son nom, déjà…
J’ai décidé de jouer une carte safe : un gars que Artémis fréquente réellement. Alors, ok, ils ne sortent pas ensemble et c’est pas prévu que ça change, mais c’est sûrement la relation la plus proche du couple que Artie a en ce moment. Puis pas un instant il me vient à l’esprit l’idée que James puisse connaître le japonais en question.
C’est ça, Shin’ichi !
Artie non plus, apparemment, ne pense pas un instant que James puisse connaître ce nom. Elle se tourne vers son ex, bien plus à l’aise maintenant. Je penserais à lui demander une augmentation rien que pour ça, tiens. Je l’ai sauvée, la bichette, mine de rien. Y a pas à inventer des conneries pareilles pour garder la face face à son ex…
Bon c’est pas encore super sérieux et tout mais, tu vois, ça avance bien
Sourire confiant, Artie raconte nonchalamment, maintenant entièrement confiante dans son mensonge. Pour ma part, je suis presque sûr que je pourrais me barrer maintenant mais mes sens de commères me disent qu’il faut que je vois la suite.
Nous sommes le samedi 23 février 2002. James Davis est un sorcier de 42 ans. Ancien membre de l'Ordre du Phénix et ancien Auror, il est devenu un homme colérique, violent et paranoïaque depuis que sa femme l'a quitté à la fin des années 1980. Peu impliqué dans la vie de ses enfants, il essaie de retrouver un sens à sa vie en travaillant pour les Mikaelson sur l'Allée des Embrumes.
Baby we built this house on memories
Mais Alice ne comptait pas se laisser avoir ce soir-là. James devait l’avouer, elle avait à présent bien plus de volonté qu’autrefois.
« Je te l’ai dit. » dit-elle d’une voix hautaine. « Je regrette, mais je vois quelqu’un. »
A son tour, James haussa un sourcil arrogant, un demi-sourire caché au coin de ses lèvres comme s’il s’apprêtait à lâcher un nouveau sarcasme dont seul lui avait le secret.
« Oui, et tu ne m’as toujours pas dit de qui il s’agissait … » nota-t-il. « Et il s’agit de… Um… »
Alice parcourut la salle derrière eux. Même si la musique battait son plein et que plusieurs personnes étaient présentes, dégageant une forte chaleur, James se sentait parfaitement à son aise, comme s’il était dans un lieu intime avec la jeune femme. Alors qu’il allait lancer une nouvelle remarque acerbe, le visage d’Alice s’éclaira.
« Shay, mon chou !! Viens là ! »
Shay ? Mon chou ? James tourna les talons pour voir un grand jeune homme approcher vers eux. Il dépassait sans mal James d’une bonne tête. Sa peau était pâle et contrastait avec ses cheveux sombres. Ses yeux étaient eux aussi d’un noir profond et légèrement bridés, laissant deviner des origines asiatiques. Il était difficile de lui donner un âge. Peut-être avait-il la quarantaine comme James ? Ou bien était-il beaucoup plus jeune et n'avait pas encore atteint 30 ans ? Plus James le regardait, plus il lui semblait qu'il n'était qu'un adulte à peine rentré dans l'âge de la raison. Il était jeune, grand, beau et séduisant. Autrement dit, le style qui plaisait à coup sûr à Alice.
« Artie-chou ! » dit-il d’une voix grave mais qui perdit de son charme à l'entente de ce surnom.
Artie-chou ? Shay, mon chou ? Qu’étaient ces surnoms ridicules ? James ne dissimula pas son sourire alors qu’il croisait ses mains derrière son dos, redressant le buste pour mieux observer la relation entre Alice et Shay. Était-ce lui l’homme qu’elle avait rencontré ? Il avait plus l’allure d’un garçon qui cherchait à s’amuser plutôt qu’un homme, un vrai …
« Je te présente James. » dit Alice en montrant James de sa main.
James releva la tête, plutôt impatient de faire bonne impression envers ce gamin. Mais le visage de Shay s’éclaira alors soudain avant de lâcher :
« Le James ? L’ex James ? Le “il est beau mais ce qu’il est chiant” James ? Le “j’en ai marre de penser à lui” James ? Le … » « Oui, oui ! Ce James. » le coupa Alice, les joues roses.
Cette fois-ci, James chercha encore moins à dissimuler son sourire qui s’élargit, dévoilant ses dents. Le gamin n’était pas très intelligent, ni perspicace mais au moins, il avait le mérite de délivrer des informations assez intéressantes et … divertissantes.
« Eh bien enchanté James. » reprit Shay. « J’ai beaucoup entendu parler de toi. Moi c’est Shay. » « Enchanté. » répondit James en détachant chacune des syllabes de ce mot. « Je suis ravi de savoir qu’Alice parle toujours autant de moi en ces termes. »
Le sourire toujours aussi large, James tourna la tête vers Alice.
« Tu abuses » corrigea Alice. « J’ai dû glisser son nom une fois dans une conversation tout au plus… » « Vraiment ? » s’amusa James.
Tour à tour, il regardait Shay et Alice. Le jeune homme dégageait quelque chose d’étrange. Outre le fait qu’il était très grand et bien bâti, une aura spéciale se dégageait de lui. Quelque chose qui mettait les sens de l’ancien Auror en alerte sans pour autant qu’il puisse y mettre le doigt dessus.
« M’enfin, tu vois, j’expliquais à James que je ne peux pas succomber à ses charmes parce que je suis déjà prise. » « ... Dommage, il est craquant. » répliqua Shay en jugeant James de haut en bas. « Et hétéro surtout ! » « Ça va Artie-chou, je n’ai pas dit que j’allais sauter dessus non plus. »
James lâcha un petit rire et fit mine d’être gêné de s’être fait entendre en mettant une main devant sa bouche.
« Excusez-moi. On dirait vraiment un vieux couple mal assorti à vous entendre tous les deux. »
Vraiment, Alice allait-elle lui faire croire qu’elle sortait avec un type comme ça ? Son QI ne semblait pas atteindre les 90 et il semblait plus intéressé par la gente masculine que par les jolies courbes d’Alice.
« Hey ! T’as quelqu’un maintenant, toi ? Félicitations ! » s’écria Shay, venant visiblement de comprendre ce qu’Alice avait lancé.
A nouveau, James laissa échapper un ricanement, curieux de savoir comment Alice allait se dépatouiller de cette histoire maintenant que Shay était déterminé à l’enfoncer de plus en plus.
« Tu comptais quand même pas me faire passer pour ton petit-ami ? Parce que je t’ai déjà, tu te met dans la merde faut pas compter sur moi après, hein ! J’ai assez longtemps joué les hétérosexuels alors tant que t’es pas en danger de mort … » « Mais non, je ne comptais pas te faire passer pour mon petit-ami ! » soupira-t-elle. « Je suis dépitée parce que je te l’ai raconté pas plus tard qu'hier !! Mais bon, ça ne m’étonne pas que tu te souviennes de rien ... Tu as bu comme un trou, tu dois te rappeler de rien. »
Eh bien eh bien … C’était que Raymond et Huguette menaient une vie palpitante tous les deux. L’intérêt de James pour cette discussion commençait sérieusement à décliner et il allait sérieusement falloir qu’ils le divertissent autrement s’ils ne voulaient pas que James s’amuse à sa manière.
« Ah oui, ben t’as raison… Je n'ai pas beaucoup de souvenirs d’hier. Mais maintenant que tu le dis ça sonne familier. C’est qui ? C’est pas le jeune japonais, par hasard ? C’était quoi son nom, déjà… » « C’est ça, Shin’ichi ! »
L’intérêt de James se réveilla soudain à nouveau à l’entente de ce nom bien trop familier à ses oreilles.
« Shin’ichi ? » répéta-t-il, pour être bien certain d’avoir entendu le bon prénom. « Bon c’est pas encore super sérieux et tout mais, tu vois, ça avance bien. »
Cette fois-ci, James ne put se retenir davantage. Il éclata d’un grand rire et ne chercha pas à s’en cacher. Quelques personnes à côté se retournèrent pour les regarder mais James ne s’arrêta pas pour autant. Il décroisa les mains derrière son dos et se rapprocha du comptoir pour poser ses deux mains, comme s’il avait besoin d’un support pour être soutenu dans son grand fou rire.
« Excuse-moi … mais … » commença-t-il en faisant mine d’essuyer une larme au coin de ses yeux. « … Shin’ichi ? Tu es bien certaine ? »
Il rit encore à nouveau en secouant la tête et renifla.
« Shin’ichi, le gamin encore plus jeune que ton play-boy ici présent ? » demanda-t-il, un sourire en coin, comme s’il était à deux doigts de repartir dans son fou rire. « Shin’ichi Sasaki ? »
Il secoua la tête à nouveau et croisa les bras devant lui, se plantant une nouvelle fois devant Alice.
« Shin’ichi, le gamin que j’héberge actuellement ? Sortir avec toi ? Excuse-moi, douce Alice, mais j’ai des difficultés à imaginer ce gamin-là entretenir une relation sérieuse avec toi, que ce soit aujourd’hui, demain ou dans quelques semaines. »
Toujours le sourire aux lèvres, James posa une main sur l’épaule d’Alice, comme pour la réconforter dans son malheur.
« Cependant, j’admire ton talent pour essayer de me faire croire que tu as quelqu’un dans ta vie. C’est très admirable et … franchement, tu n’as pas été aidé. » dit-il en jetant un regard vers Shay. « Donc, oui, admirable, remarquable, tout ce que tu veux. Mais, douce Alice, Shin’ichi est vraiment le pire choix que tu pouvais faire pour te sauver la mise. »
Il eut encore une fois un rire avant d’ajouter.
« Je crois même que tu m’aurais dit que tu sortais avec l’un de tes frères, je t’aurai presque plus cru que ce gamin. Après tout, chez les Scott, je ne serai pas étonné qu’il y ait à un moment ou à un autre de l’inceste ou une vulgarité pareille pour garder un sang aussi pur … »
Son regard brilla d’une petite étincelle de malice. Encore une fois, James cherchait à provoquer Alice, à la faire sortir de ce gond. De voir jusqu’où elle était prête à aller. Jusqu’où étaient ses limites. C’était le jeu le plus amusant auquel il s’était livré depuis des mois. Et il fallait dire qu’après tout ce qu’il avait vécu ces derniers temps, il était bien content d’avoir une Alice Scott dans le coin pour divertir sa soirée. Cependant, pas sûr que Karoline approuve ses provocations.
« En tout cas, je suis ravi de t’avoir rencontré Shay. Mais si vous voulez bien maintenant, j’aimerais prendre un verre tranquille dans mes murs. »
Il lança un clin d’œil à Alice, se dirigeant vers une nouvelle assise. Il pourrait très bien se trouver une nouvelle fille pour le divertir si Alice ne voulait pas s’en charger. Et puis, autant laisser le champ libre à Shin’ichi puisque visiblement il était intéressé. James était plutôt impatient d’en faire la remarque au gamin pour savoir ce qu’il en disait.
Note à moi-même : ne plus compter sur Shay pour me sauver la mise dans ce genre de situations. Vous me direz, je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Je me suis enfoncée toute seule dans ce mensonge de base et Shay m’a déjà répété maintes fois qu’il ne me sauverait pas de situations qui peuvent me servir de leçon, particulièrement quand j’y suis plongée seule. N’empêche que je ne pensais pas qu’il m’enfoncerait réellement face au fait !
Plus je parle, plus Shay l’ouvre et plus je sens que je ne vais pas me sortir indemne de cette histoire. J’essaie tant bien que mal de me rattraper quand je peux quand Shay sort une connerie mais ça n’est pas évident et je sens que James s’amuse bien de ce pathétique spectacle. Il se plaît à apprendre que je parle encore de lui et affirme que Shay et moi on fait “vieux couple mal assorti”. Je dois lui donner raison sur ce dernier point. Surtout que j’ai bien envie de le baffer là, mon cher Shay.
« Shin’ichi ? »
J’avais l’impression que James décrochait un peu avant que le nom de Shin’ichi ne ressorte. Je n’étais pas certaine que ce soit bon signe parce que je commençais à peine à me rattraper correctement, du coup il ne fallait surtout pas qu’il décroche et qu’il reste sur ma défaite ridicule.
Si j’avais su ce qui allait suivre, j’aurais préféré qu’il reste dans sa bulle.
En réponse, j’affirme que Shin’ichi et moi ça n’est pas du sérieux mais que les choses avancent et, encore une fois, James rit. Mais là, bien comme il faut. Il explose de rire au point où les regards se retournent vers nous.
« Excuse-moi … mais … Shin’ichi ? Tu es bien certaine ? »
Je fronce les sourcils. Déjà à ce moment-là je sens que quelque chose ne va pas et je suis certaine que ça ne va pas jouer en ma faveur. Cela dit, quitte à patauger déjà, autant assumer mon plan jusqu’au bout. Hors de question d’admettre que je mens depuis le début ! Qu’importe s’il le sait, je garde une part d’honneur tant que je ne confirme rien, que je garde la face.
« Shin’ichi, le gamin encore plus jeune que ton play-boy ici présent ? »
Je lance un regard à Shay. Le thaïlandais ne dit pas un mot, mais je lis dans son regard qu’il pense exactement ce que je pense : “ah, il le connaît.”
« Shin’ichi Sasaki ? »
Comme j’ai dis, il n’est pas question de démordre. Qu’importe si James connaît Shin’ichi. Rien ne me dit qu’ils sont meilleurs amis et qu’ils se disent tout.
Et alors ? Je ne suis ni vieille ni dans l’illégalité, que je sache.
Je croise les bras sur mon buste, sans montrer que le fait que James connaisse Shin’ichi m’embête. Si mon histoire tient la route ça ne devrait pas m’embêter du tout. Alors je ne montre rien.
« Shin’ichi, le gamin que j’héberge actuellement ? Sortir avec toi ? Excuse-moi, douce Alice, mais j’ai des difficultés à imaginer ce gamin-là entretenir une relation sérieuse avec toi, que ce soit aujourd’hui, demain ou dans quelques semaines. »
Mes yeux s’écarquillent légèrement.
Tu- quoi !?
James héberge Shin’ichi !? Le monde est petit, je le veux bien, mais là je ne sais pas quoi dire. Les bras m’en tombent. Si je grimace , je ne suis pas capable de répliquer. Pourtant je pourrais débattre sur le fait que Shin’ichi sort avec qui il veut s’il le veut et c’est pas parce que James ne le voit pas sortir avec moi que c’est pas possible. Mais rien ne me vient, la surprise m’a bouclé le bec et avant que je puisse parler, James poursuis.
« Cependant, j’admire ton talent pour essayer de me faire croire que tu as quelqu’un dans ta vie. C’est très admirable et … franchement, tu n’as pas été aidé. »
James lève le regard vers Shay et mon ami lui répond en lui faisant coucou de la main, son sourire volontairement crédule aux lèvres. J’ai encore envie de le baffer, là. Si je l’avais deviné, j’ai la confirmation que Shay n’a fait aucun effort pour m’aider et qu’il ne le regrette pas le moins du monde.
« Donc, oui, admirable, remarquable, tout ce que tu veux. Mais, douce Alice, Shin’ichi est vraiment le pire choix que tu pouvais faire pour te sauver la mise. Je crois même que tu m’aurais dit que tu sortais avec l’un de tes frères, je t’aurai presque plus cru que ce gamin. Après tout, chez les Scott, je ne serai pas étonné qu’il y ait à un moment ou à un autre de l’inceste ou une vulgarité pareille pour garder un sang aussi pur … »
Cette fois, je me lève et fais un pas vers James, le visage tiré par la colère. Qu’il se joue de moi, certes. Mais je ne laisserais pas passer qu’il insulte ainsi ma famille. Rien que d’entendre ce genre de connerie me donne des haut-le-cœur…
Je t’interdis de sous-entendre des grossièreté pareilles !
Je sais que James a eu ce qu’il voulait ; il m’a fait perdre mon sang-froid. Ça m'énerve encore plus, d’ailleurs. J’en ai assez de le voir gagner. J’en ai assez de le voir ! J’aurais aimé ne jamais l’avoir rencontré, cet enfoiré !
« En tout cas, je suis ravi de t’avoir rencontré Shay. Mais si vous voulez bien maintenant, j’aimerais prendre un verre tranquille dans mes murs. »
James m’adresse un clin d'œil, tout fier, et s’en va.
Eh bah, quel personnage ! Dommage que vous vous entendiez pas, il est marrant…
Je roule des yeux plus que nécessaire face au commentaire de Shay. Si James pense que je vais le laisser se débarrasser de moi si facilement après avoir insulté ma famille comme ça… Il se met le doigt dans l'œil !
Je suis décidée à rejoindre James et à lui faire entendre ses quatre vérités mais Shay m’interrompt d’une main sur l’épaule. Il n’a pas besoin de plus pour que je m’arrête dans mon élan et que je lève le regard vers lui, sourcils froncés.
Ça sert à rien, Artie. On le sait tous les deux.
Je grogne légèrement, prête à renchérir… Mais, finalement, je soupire et mes épaules retombent. Shay m’a agacée mais il n’a pas tort. Je n’accomplirais rien de glorieux ce soir et insister auprès de James ne ferait que m’enfoncer davantage.
C’est bon.
Shay lâche mon épaule alors que je lui promets, à demi-mots, de ne pas chercher les embrouilles avec James ce soir.
Tu peux rentrer. Il me semble que tu avais fini de bosser, non?
Je détourne le regard, les sourcils toujours froncés et le ton sec. Shay me regarde un instant, silencieux, avant de passer une main dans mes cheveux. Il ne me décoiffe pas, il caresse simplement mes cheveux doucement et se penche pour me parler d’une voix calme.
Je sais, je t’ai pas du tout aidé ce soir… Mais je peux pas te secourir de ce genre de situations, Artie. Peut-être que t’aurais été fière de clouer le bec à ton ex sur le coup mais ça ne t'aurait pas aidé sur le long terme. J’aurais admit être ton mec… Et après, quoi ? On s’affiche ensemble jusqu’à ce que tu te remettes de ton histoire avec James ? Tu peux pas jouer à ça Artie. Il est plus fort que toi à ce jeu. Soit plus mature.
J’ai envie d’en vouloir fortement à Shay parce qu’il ne m’a effectivement pas aidée et que je déteste ce qu’il dit. Mais je déteste ce qu’il dit parce qu’il a raison. Si c’était n’importe qui d’autre, je l’aurais envoyé balader. Mais Shay est mon meilleur ami. Et quand un meilleur ami vous donne un bon conseil, même s’il est difficile à entendre, on ne l’envoie pas balader. Quand bien même la tentation est forte. A la place, je me contente de souffler lourdement.
Mouais…
Quoi, je n’ai pas dit que j’allais faire preuve de bonne foi non plus.
Tu me fais pas la gueule pour toujours, dis ?
Voilà que Shay prend une voix toute mielleuse et remplace sa sagesse par son immaturité habituelle. Je ne peux m’empêcher de sourire doucement et je tourne le regard vers lui, le visage bien plus doux.
Bien sûr que non. Tu es stupide mais je t’aime comme ça.
Un large sourire apparaît sur le visage de mon ami vampire et ce dernier se penche pour embrasser ma joue rapidement.
Je t’aime aussi Artie-chou. Essaie de faire quelque chose de bien de cette soirée, ok ?
Je hoche la tête même si je suis peu convaincue de pouvoir rattraper la soirée de quelque manière que ce soit. Shay m'ébouriffe légèrement les cheveux et me salue avant de filer, sûrement pour rentrer chez lui.
Pour ma part, je m’apprête à faire de même. Je vais faire un tour pour voir si tout va bien et je m’en vais… Du moins, c’est ce que je prévois de faire jusqu’à ce que, dans la salle, je repère un nouveau visage familier.
Oscar Swan.
Ma première idée est de l’éviter soigneusement et de suivre mon plan initial… Mais les mots de Shay me reviennent. “Essaie de faire quelque chose de bien de cette soirée”... “Soit plus mature”...
Je prends une grande inspiration, attrape deux verres sur le plateau d’une serveuse qui passe et décide de marcher en direction du garçon. Mon cœur bat la chamade, je manque de changer d’avis à chaque pas… Mais je me résous à aller jusqu’au bout.
Oscar…?
J’interpelle le garçon, arrivée derrière lui. Il ne doit pas m’avoir repérée ou alors il fait très bien semblant. Dans ce dernier cas, je ne peux pas lui en vouloir…
Salut… Toi ? Ici ? C’est dingue ?
J’ai un sourire mal assuré, je me sens mal à l’aise. Je me sens surtout stupide et ridicule. J’ai envie de m’enfuir mais, d’un côté, je n’ai pas envie de louper cette chance. Je n’ai pas revu Oscar Swan depuis notre rupture et je me suis souvent demandé ce qu’il devenait… On peut bien discuter comme des adultes, non ? “Plus mature”, qu’a dit Shay.
Un verre ?
Je lui tends l’un des verres que j’ai en main, essayant d’avoir l’air moins gênée et plus confiante. Je ne dis pas que ça fonctionne mais je ne peux qu’essayer, pour le moment.
Ça va toi ? C’est que ça fait longtemps… Qu’est-ce que tu deviens ?
J’ai l’impression de marcher sur des œufs, c’est terrible. Il peut m’exploser à la gueule s’il le veut, je le mérite ! Et du coup j’ai peur qu’il le fasse. Ça ne ressemblerait pas à la dernière image que j’ai d’Oscar… Mais qui sait. La douleur peut changer une personne. J’espère seulement ne pas lui avoir fait mal à ce point.
Nous sommes le samedi 23 février 2002. Oscarius Swan, plus connu sous le nom d'Oscar, a fait sa rentrée en 4ème rentrée à l'UMS. Il étudie le Quidditch et compte bien terminer avec brio ses études pour entrer dans une grande équipe. Mais ces derniers temps, beaucoup de choses se bousculent dans sa tête. Sa relation avec Dae-Hyun s'est assez mal terminée et son meilleur ami, Keith, est actuellement en cure de désintoxication. Par-dessus tout ça, il vient de réaliser qu'il avait des sentiments pour l'une de ses élèves, Shanna Green.
Baby we built this house on memories
Le 7ème Ciel. Ce n’était franchement pas le genre d’endroits où Oscar serait allé de lui-même, c’était évident. Mais depuis l’incendie du QG des Pendragon début janvier, les membres du club devaient bien trouver de nouveaux endroits pour faire la fête. Ce soir-là, une bonne partie d’entre eux s’était donc dirigée vers ce club sur l’Allée des Embrumes. Oscar n’était pas particulièrement friand des odeurs qui émanaient de cet endroit. C’était une rue mal famée et Oscar scrutait chaque sorcier qu’ils croisaient, de crainte que l’un d’eux s’en prenne à leur groupe d’étudiants. Mais ils passèrent assez simplement et arrivèrent sans encombre au 7ème Ciel.
Oscar admira les néons de toutes les couleurs qui ornaient le couloir qu’ils traversèrent. Le groupe devant lui riait, certains ayant déjà bien consommé avant d’arriver là. Un agent d’accueil les prit en charge au bout du couloir et vérifia leur âge à chacun d’entre eux. Chacun des garçons choisit alors une hôtesse. Une fille faisait également parti du groupe des Pendragon et choisit l’une des plus belles hôtesses, sans doute une demi-Vélane au vu de son aura tentatrice.
« Oscar … ? »
Le président des Pendragon tourna la tête. L’agent d’accueil allait justement se tourner vers lui pour savoir quelle hôtesse il désirait choisir. Mais Oscar n’y prêtait plus attention puisqu’il avait associé la voix au visage.
« Alice ? »
Une jolie jeune femme s’approcha de lui. Ses boucles blondes dansaient autour de son visage et ses yeux bleus le scrutaient d’un air inquiet. Sa taille était aussi fine que dans ses souvenirs mais ce qui lui plaisait le plus était sans doute ses longues jambes élancées.
Alice Scott.
« Salut… Toi ? Ici ? C’est dingue ? »
Oscar s’efforça de refermer la bouche et de retrouver un peu de dignité, la surprise étant passée.
« Ouais … » répondit-il.
A vrai dire, il ne savait guère comment réagir. Alice Scott avait été sa petite-amie à un moment donné, il y a quelques années. Ce n’était peut-être rien de sérieux pour la jeune femme. Elle avait quelques années de plus que lui et avait sans doute juste voulu s’amuser avec lui, histoire de passer le temps. Leur histoire s’était terminée aussi vite qu’elle avait commencé, quelques semaines après leurs débuts. Si Oscar avait essayé de s’accrocher, Alice avait alors immédiatement coupé les ponts et Oscar s’était retrouvé bien désemparé devant cette situation.
Alors, comment était-il censé réagir face à une femme qu’il avait si longtemps désiré mais qui l’avait repoussé ?
« Tu nous rejoins plus tard, Oscar ? »
Il tourna la tête vers le 3ème année qui avait parlé. Son bras autour des épaules d’une jeune femme, il attendait impatiemment de pouvoir rejoindre les autres du groupe dans une salle de karaoké.
« Ouais, pas de soucis. » dit-il, encore un peu hagard.
L’étudiant leva le pouce en l’air avant de partir rapidement rejoindre les autres. Alice s’approcha alors d’Oscar, un sourire qui tenait presque de la grimace. Était-elle aussi nerveuse que lui ?
« Un verre ? »
Elle lui tendit l’un des deux verres qu’elle tenait. Difficile de dire ce qu’il contenait mais c’était peut-être l’une des spécialités de cet endroit. Il le prit poliment et fit tourner le liquide avant de relever les yeux vers Alice. Elle était toujours aussi belle et désirable. Le genre de femmes inatteignable.
« Merci. » dit-il. « Ça va toi ? » « Ouais … »
Il but une gorgée de son verre, espérant revenir un peu plus sur Terre au lieu de répondre que par monosyllabe.
« C’est que ça fait longtemps… Qu’est-ce que tu deviens ? »
Oscar fronça les sourcils. Il avait envie d’exploser. Lui reprocher le « ça fait longtemps » alors qu’elle avait volontairement mis de la distance. Il avait envie de lui balancer à la figure les hiboux qui lui avaient envoyé et qui lui étaient revenus, non lus. Il avait envie de lui dire à quel point il avait pensé à elle encore des mois après leur rupture.
Mais … c’était ridicule non ? La vérité, c’était qu’il y a quelques mois encore, il n’aurait pas hésité à le faire. Mais à cet instant, Oscar jugeait que cela n’en valait pas la peine. Il était passé à autre chose, non ? Il avait connu d’autres filles, d’autres garçons même. Il avait vécu des choses toutes aussi douloureuses et bien plus difficiles à surmonter. Et il avait survécu. Il avait avancé. Alors qui était-il pour garder une telle rancune alors qu’Alice faisait un pas aujourd’hui vers lui ? C’était même peut-être l’occasion de comprendre un peu mieux ce qu’il s’était passé des années auparavant.
Il prit une inspiration et croisa le regard de la jeune femme.
« Eh bien … je suis toujours étudiant. » dit-il. « Le Quidditch, tu te souviens ? »
Impossible qu’elle ait oublié. Même en 1ère année, il ne parlait que de ça. A l’époque, la guerre venait de se terminer quelques mois auparavant. Le monde sorcier se reconstruisait et plusieurs procès avaient eu lieu.
« Et … je suis devenu le président de mon club, les Pendragon. »
Il désigna d’un signe de tête le groupe qui était parti plus loin dans la salle de karaoké. Elle avait sans doute dû les remarquer tellement leur arrivée avait été discrète.
« T’as du entendre parler de l’incendie début janvier. Bah du coup, on se retrouve à écumer un peu tout Londres en attendant la reconstruction de notre quartier général. »
Il esquissa un sourire. Toujours un peu mal à l’aise, peu naturel, mais il essayait. Il but une nouvelle gorgée de son verre. La boisson n’était pas désagréable. Au contraire, elle se buvait presque comme du petit lait. Mais Oscar se doutait qu’il y avait sans doute de l’alcool caché là-dessous et s’il devait ramener tout le monde en transplanage ce soir, il devait garder les idées claires. Un seul verre, rien de plus.
« Et toi ? Qu’est-ce que tu fais à présent ? »
Il jeta un œil aux lieux avant qu’une idée ne le frappe.
« C’est … c’est toi qui as monté cet hôtel ? »
Mais oui. Il avait vu son nom dans la Gazette du Sorcier. Il était bête ! Il l’avait complètement oublié. Mais il se souvenait que son cœur avait fait un sursaut dans sa poitrine, comme de vieux souvenirs étaient remontés à la surface.
« C’est … un bel endroit. » dit-il. « Enfin, je veux dire. Ca a l’air de bien fonctionner. Mes potes sont déjà venus deux fois ici. »
Cette fois-ci, il sourit un peu plus facilement et passa une main dans ses cheveux pour ramener ses cheveux blonds en arrière.
« Et … tu as quelqu’un sinon ? »
Oui, pas très subtil. Mais il brûlait de savoir. Avait-elle rencontré quelqu’un ? Était-ce pour cela qu’elle l’avait quitté ? Était-elle mariée ? Avait-elle des enfants ? Quelle était sa vie à présent ?
Ça me fait tellement bizarre d’entendre la voix de Oscar à nouveau. Ça faisait si longtemps… C’est presque réconfortant de le retrouver. Du moins, si on efface toute l’histoire qui nous a mené à ce jour et le stress dans lequel tout cela me met. Malgré tout, j’essaie de paraître un minimum assurée. Je m’en voudrais de rater cette occasion de discuter sérieusement avec mon ex, de mettre les choses au clair.
Un homme à Oscar — c’est ce que je présume — l’interpelle pour lui demander s’il les rejoint plus tard et, un instant, je me demande si Oscar va répondre à l’affirmative ou me laisser en plan pour retrouver son groupe. Ce serait bien fait pour moi, tiens…
« Ouais, pas de soucis. »
Je suis soulagée de constater qu'Oscar est prêt à me laisser une petite chance. Son ami s’en va avec l’hôtesse à son bras, quant à moi j’approche Oscar et lui propose l’un des verres que je tiens à la main, verre que j’ai attrapé précisément pour lui quand j’ai décidé de venir à lui. Oscar accepte mon verre et joue un peu avec le liquide dedans avant de me regarder. Je suis toujours un peu mal à l’aise mais j’essaie de paraître naturelle, tout de même consciente que ça ne doit pas vraiment être une réussite.
La conversation qui débute n’est pas plus naturelle que je le suis. On dirait deux idiots qui ne savent pas communiquer et qui essaient tant bien que mal de faire socialiser. Je ne me trouve que rarement dans ce genre d’état et de position de faiblesse. J’en ai horreur mais, après tout, c’est de ma faute si Oscar et moi sommes si mal à l’aise l’un en présence de l’autre, aujourd’hui. Alors je prends sur moi et je continue à essayer de discuter un peu, notamment en lui demandant des nouvelles sur ce qu’il devient depuis le temps. J’admet tourner autour du pot parce que je ne sais pas quand ni comment lui expliquer pourquoi j’ai rompu avec lui si soudainement… À dire vrai, je ne sais même pas si j’aurais le courage de le faire tout court.
« Eh bien … je suis toujours étudiant. Le Quidditch, tu te souviens ? »
Le Quidditch. Un sourire plus sincère se dessine sur mes lèvres alors que je hoche la tête.
Évidemment, comment oublier.
Les souvenirs d'Oscar Swan qui me racontait avec enthousiasme sa passion envers le Quidditch me reviennent, et ils sont doux. J’aimais beaucoup voir cette lueur s’allumer dans ses yeux quand il parlait de ça et je me surprends à m’intéresser sincèrement à ce qu’il me racontait alors que, de base, je ne suis pas vraiment sport. Voire pas du tout, même. Il était juste tellement motivé et joyeux… C’était contagieux. Parfois je rêvais de me trouver, moi aussi, une telle passion.
Il y a quelque chose de réconfortant dans l’idée que Oscar soit toujours amoureux du Quidditch. Il est toujours le même quelque part et ça me fait quelque chose. Il est toujours le même garçon de qui je suis tombée amoureuse, fidèle à lui-même. J’espérais, au fond, qu’il ne soit pas transformé le jour où l’on se retrouverait.
« Et … je suis devenu le président de mon club, les Pendragon. »
Je comprends par le geste qui accompagne ses paroles que le groupe avec qui Oscar est venu était composé de membres des Pendragon. Je ne cache pas ma surprise lorsqu’il m’annonce en être devenu le président.
Wow. Félicitations !
Je lève légèrement mon verre à son égard. Moi-même j’étais membre du club des Pendragon quand j’étais à l’Université et il me semble l’avoir déjà raconté à Oscar, d’ailleurs. Je ne suis pas tellement surprise finalement parce que ça colle bien à sa personne d’être leader de son club, c’était juste que je ne m’y attendais pas.
« T’as du entendre parler de l’incendie début janvier. Bah du coup, on se retrouve à écumer un peu tout Londres en attendant la reconstruction de notre quartier général. »
Oscar sourit et, s’il n’est évidemment pas tout à fait à l’aise, ça me rassure de voir que, comme moi, il tente quelque chose. Je siffle légèrement, par rapport à l’histoire de l’incendie. Évidemment, j’en ai entendu parler.
Ceci explique ta présence ici. J’admet que je ne m’attendais pas à te croiser dans un tel endroit un jour.
Je n'infantilise pas particulièrement Oscar Swan. Il y a simplement, dans mon cercle, des personnes que je vois bien venir régulièrement et d’autres que je n’imagine pas y mettre un pied, pour diverses raisons. Eh bien, Oscar ne m’a jamais semblé intéressé par ce genre de choses. Vous me direz, il aurait très bien pu avoir simplement évolué et changé d’idée.
« Et toi ? Qu’est-ce que tu fais à présent ? »
Je n’ai pas vraiment le temps de répondre avant que Oscar comprenne de lui-même, observant le décor autour de lui.
« C’est … c’est toi qui as monté cet hôtel ? »
Je ris doucement, me demandant s’il a lu la Gazette qui en parlait ou s’il a simplement oublié. Dans les deux cas, ça n’est pas bien grave. Il n’y a pas de quoi en faire tout un foin.
C’est un bar.
Mon ton est léger alors que je le corrige. Si ça avait été quelqu’un d’autre, j’aurais pu l’engueuler pour s’être trompé, mais c’est Oscar et ce garçon réussit toujours à m’adoucir sans rien avoir à faire d’autre qu’être lui.
Mais effectivement, c’est moi qui ai fait tout ça.
J’annonce plutôt fièrement, le menton relevé. Je prend toujours un plaisir à raconter que j’ai accompli une telle chose et à observer la réaction des gens face à cette nouvelle. La plupart sont émerveillés et me complimentent ; tout ce que j’aime, finalement. Oscar lui-même me semble impressionné.
« C’est … un bel endroit. Enfin, je veux dire. Ca a l’air de bien fonctionner. Mes potes sont déjà venus deux fois ici. »
Oscar passe une main dans ses cheveux et je me surprends à mordre mes lèvres subtilement. Pour le cacher, je porte mon verre à mes lèvres et en boit une longue gorgée. Je n’avais pas tout à fait oublié à quel point il était craquant mais ça fait quelque chose de le redécouvrir.
Ça fonctionne très bien même. Si je dois être honnête, l'endroit encore plus populaire que je l’espérais initialement. Mais, ça, il ne faut le dire à personne.
Je lui adresse un clin d'œil complice. Je plaisante à moitié, ça n’est pas mon plus gros secret cependant je n’aimerai pas que tout le monde sache que je n’étais pas aussi confiante concernant ce projet que je ne le montre. J’y croyais, certes, mais je pensais que ce serait un coin niche au moins la première année. Finalement, j’ai assisté à mon propre succès le soir même de l’ouverture. Il y avait des invités très prestigieux, ce soir-là ! J’ai pris le pari d’inviter tout le monde qu’importe leur sang, leur richesse ou que sais-je encore et ça a été un franc succès.
« Et … tu as quelqu’un sinon ? »
Soudainement, Oscar Swan décide de mettre les pieds dans le plat. C’est… Tant mieux, j’imagine ? Moi qui ne savait pas comment aborder le sujet, là, je n’ai pas cinquante issues. Mon coeur fait un bond à la question et j’hésite à mentir à nouveau et à prétendre que je vois quelqu’un…
Eh bien, au fait… Non. Je —
Mais je me ravise. Je me suis déjà assez ridiculisée en mentant là-dessus ce soir. Je suis sûre que ça passerait mieux avec Oscar, sans doute ne poserait-il pas autant de questions pour m’embêter que James mais je pense que je lui dois la vérité. À quoi bon mentir, même ? Lui montrer que je suis passée à autre chose et que je suis heureuse sans lui ? C’est moi qui l’ai jeté comme s’il n’avait pas de valeur. S’il y a bien une personne qui a le droit de s’inventer une vie pour prétendre avoir bien vécu la rupture, c’est lui.
En plus de cela, les conseils de Shay ne me lâchent pas. Il faut que je fasse quelque chose de bien ce soir. Il faut que je sois plus mature. Pour une fois. Une fois, une seule.
J’ai fréquenté quelques personnes mais ça n’a jamais été bien loin…
J’essaie de sourire pour dédramatiser mais je me doute que mon sourire doit être un peu grimaçant tout de même. Franchement, entre James Davis, Oscar Swan et Sangwoo Yoon, je n’ai pas eu beaucoup d’histoires glorieuses ces dernières années… Pour n’en citer que trois. Sûrement celles auxquelles je croyais le plus, du coup.
Et toi, alors ? Tu fréquentes quelqu’un en ce moment ?
Je demande sincèrement même si je ne peux m’empêcher de prier pour qu’il en soit au point mort comme moi. Je n’ai pas envie qu’il soit passé à autre chose… Même si c’est injuste de ma part de vouloir qu’il reste libre pour moi alors que j’ai violemment rompu avec lui. C’est dans ce genre de moments que j’ai envie de taper du pied et de pester qu’il a intérêt à rester miens, comme j’aurais pu le faire avec un homme qui ne serait pas Oscar Swan.
En fait, en parlant de… Tout ça… Je te dois des explications… Et des excuses.
Il m’en coûte presque de prononcer ces paroles. J’ai du mal à admettre mes fautes et encore plus à m'excuser auprès des concernés. Ça n'est pas mon genre. Ma façon de faire c’est bien plus souvent de blâmer tout le monde sauf moi. J’essaie malgré tout de garder l’essentiel en tête…
Soit mature, Alice. Soit mature.
J’ai vraiment fait n’importe quoi avec toi… Merlin, je ne sais même pas où commencer…
Je m’agite un peu sur place. C’est vrai, je ne sais pas quoi dire en premier… Expliquer pourquoi je l’ai quitté ? Lui assurer que je l’aimais ? Lui dire que je tiens toujours à lui ? Tout d’un coup ? Je suis très nerveuse et ça doit se voir. Toujours faut-il que je parle plutôt que de regarder Oscar comme une idiote. Je lui ai promis des explications et des excuses alors je les lui dois.
Il faut que tu saches… Je t’aimais vraiment. En fait, tu as été le premier que j’ai aimé comme ça… Le premier qui était vraiment bon pour et avec moi. Tu étais parfait et, je ne sais pas… Ça m'a fait peur. Il y avait ça et, à côté, mon frère n'arrêtait pas de me répéter qu’on irait nulle part parce que tu n’es pas de sang pur ou parce que tu étais plus jeune et que tu me quitterai pour une fille plus jeune… Je n’arrêtais pas d’y penser et j’ai fuis comme une lâche plutôt que d’en parler parce que je n’ai pas l’habitude des relations saines ou on règle les problèmes en communiquant. En plus, j’étais sûre que mon frère avait raison…
Je baisse les yeux en me frottant nerveusement le bras. Raconté comme ça, ça semble tellement stupide. Et, finalement, ça l’est. Il aurait suffit que je lui parle… Je n’en ai pas été capable.
Je n’essaie pas de chercher des excuses. Tu ne méritais pas que je te quitte si violemment et que je t’ignore après. J’ai vraiment été horrible… Je pense juste que tu mérite de connaître la vérité, voilà.
Je crois que je me mens à moi-même parce que, au fond, je cherche un peu des excuses quand même. Seulement je sais qu’elles ne valent rien face à la façon dont j’ai agi.
Je suis désolée, Oscar. Je comprendrais que tu n'arrives pas à me pardonner… J’espère juste n’avoir pas foutu en l’air quelque chose chez toi.
Je lève enfin à nouveau le regard pour affronter celui d’Oscar. Je sais ce que ça fait de se faire plaquer par une personne sans comprendre pourquoi. J’ai déjà vécu ce genre de choses — même si ça ne m’a visiblement pas servi de leçon. En tout cas, j’ai conscience que ça peut faire mal. Très mal, même. Et j’espère que Oscar s’en est remis, sincèrement.
Nous sommes le samedi 23 février 2002. Oscarius Swan, plus connu sous le nom d'Oscar, a fait sa rentrée en 4ème rentrée à l'UMS. Il étudie le Quidditch et compte bien terminer avec brio ses études pour entrer dans une grande équipe. Mais ces derniers temps, beaucoup de choses se bousculent dans sa tête. Sa relation avec Dae-Hyun s'est assez mal terminée et son meilleur ami, Keith, est actuellement en cure de désintoxication. Par-dessus tout ça, il vient de réaliser qu'il avait des sentiments pour l'une de ses élèves, Shanna Green.
Baby we built this house on memories
Le cœur d’Oscar battait fort dans sa poitrine comme si sa vie toute entière dépendait de la réponse de la jeune femme. Pourtant, il était passé à autre chose, n’est-ce pas ? Cela n’empêchait pas qu’Alice Scott lui faisait toujours de l’effet.
« Eh bien, au fait… Non. Je… » dit-elle, son regard perdu dans le vague comme si elle hésitait sur la réponse à donner. « J’ai fréquenté quelques personnes mais ça n’a jamais été bien loin… »
Elle essaya de sourire mais cela tenait plus lieu à une grimace, comme si la vie ne lui avait pas donné tout ce qu’elle attendait d’elle. Oscar baissa la tête, comme partageant sa peine. Alice était une femme particulière. Il voulait dire par là qu’elle avait un fort caractère. Si son corps faisait rêver des tas d’homme, sa façon de ne pas mâcher ses mots quand quelque chose ne lui plaisait pas mais aussi sa famille pouvaient être de véritables freins à ses relations. Cela pourtant n'avait pas fait peur à Oscar. A l’époque … Peut-être qu’aujourd’hui cela serait différent ? Il n’avait pas eu l’occasion de véritablement connaître ses frères et il ne savait pas s’il le regrettait.
« Et toi, alors ? Tu fréquentes quelqu’un en ce moment ? »
Il releva les yeux vers la jeune femme. Ses yeux bleus le scrutaient comme si elle s’accrochait désespérément à une année. Nom d’une chouette … Son cœur fit un saut périlleux dans sa poitrine et sa bouche s’assécha à ce même moment. Elle était vraiment sexy.
« Je … que … »
Mince, il avait l’air ridicule, non ? Mais Alice ne parut pas s’en formaliser puisqu’elle poursuivit sur un sujet tout aussi sérieux.
« En fait, en parlant de… Tout ça… Je te dois des explications… Et des excuses. »
Oscar se força à se reconcentrer sur ce que disaient Alice.
« Je … » dit-il en se massant la nuque. « C’est vrai que … les choses ont été compliquées après … nous … »
Il tenta un maigre sourire. Il ne voulait pas accabler la jeune femme. De l’eau avait coulé sous les ponts depuis leur rupture et il était finalement passé à autre chose. Pourtant, il avait réellement envie d’entendre ses explications sur le sujet. Savoir pourquoi.
« J’ai vraiment fait n’importe quoi avec toi… Merlin, je ne sais même pas où commencer… »
Les mains de la jeune femme se tortillaient. Oscar se rappelait très bien de ce tique de nervosité qu’elle avait déjà à l’époque où ils sortaient ensemble. Naturellement, comme il l’aurait fait il y a quelques années, il attrapa la main d’Alice dans la sienne et caressa sa joue avant de passer une mèche derrière son oreille. Leurs regards se croisèrent et Oscar se dépêcha de refermer la bouche.
« Commence par le début. » dit-il.
Alice papillonna quelques instants encore des yeux avant de reprendre avec plus de courage.
« Il faut que tu saches… Je t’aimais vraiment. En fait, tu as été le premier que j’ai aimé comme ça… Le premier qui était vraiment bon pour et avec moi. Tu étais parfait et, je ne sais pas… Ça m'a fait peur. »
Oscar retira sa main de sa joue mais ne lâcha pas sa main pour autant. Ils étaient proches, dans ce coin de bar à hôtesses. Mais ils étaient tranquilles, dans leur bulle et il voulait écouter la suite.
« Il y avait ça et, à côté, mon frère n'arrêtait pas de me répéter qu’on irait nulle part parce que tu n’es pas de sang pur ou parce que tu étais plus jeune et que tu me quitterai pour une fille plus jeune… »
Anthony. Ce devait certainement être lui le frère dont elle parlait. Oscar ne l’avait rencontré qu’une fois. Il était le jumeau d’Alice et n’avait pas fait très bonne impression pour Oscar, malgré ses airs de gentleman.
« Je n’aurai jamais fait ça. » dit-il. « Je n’arrêtais pas d’y penser et j’ai fuis comme une lâche plutôt que d’en parler parce que je n’ai pas l’habitude des relations saines ou on règle les problèmes en communiquant. »
Oscar eut un faible sourire. Oui, il avait cru comprendre que la famille d’Alice n’avait rien à voir avec la sienne ou avec ce qu’il avait l’habitude de connaître. Alice venait de l’une de ses grandes familles de sorciers aux sang-purs et très fortunés. Rien d’autre ne semblait compter pour ces gens-là. Et parfois, il y avait des exceptions comme Alice. Du moins, Oscar l’avait cru à l’époque. Où en était-elle aujourd’hui ?
« En plus, j’étais sûre que mon frère avait raison… »
Était-elle toujours aussi accrochée à sa famille ? Ses frères ? Vivait-elle à travers eux ? Lui réservait-on un mariage arrangé ?
« Ton frère pensait que c’était le mieux pour toi … sans doute … » dit-il.
Même s’il ne lui avait pas plu, il ne voulait pas le dénigrer aujourd’hui devant Alice.
« Mais j’aurai aimé que tu m’en parles … » avoua-t-il. « Je n’essaie pas de chercher des excuses. Tu ne méritais pas que je te quitte si violemment et que je t’ignore après. J’ai vraiment été horrible… Je pense juste que tu mérite de connaître la vérité, voilà. »
Oscar hocha doucement la tête, son pouce caressant toujours le dos de la main d’Alice.
« C’est très prévenant de ta part. » « Je suis désolée, Oscar. » ajouta-t-elle. « Je comprendrais que tu n'arrives pas à me pardonner… J’espère juste n’avoir pas foutu en l’air quelque chose chez toi. »
Cette fois-ci, Oscar éclata de rire.
« Foutu en l’air quelque chose chez moi ? » répéta-t-il en secouant la tête. « Non, Alice Scott, tu n’as rien foutu en l’air. Crois-moi. »
Son autre main se posa sur le bras de la jeune femme. Il ne pouvait s’empêcher de la toucher. Elle paraissait tellement fragile, tellement vulnérable quand elle s’excusait de cette façon. Il avait envie de la serrer dans ses bras, de respirer le parfum dans ses cheveux blonds (était-il le même qu’autrefois ?) et d’accepter ses excuses. Il pouvait déjà faire une chose.
« Ca n’a pas été facile sans toi. » admit-il. « Je crois que j’étais vraiment accro à toi. Et … la façon dont ça s’est terminé m’a torturé l’esprit de longues semaines. Mes amis m’ont longtemps haï de leur baratiner les oreilles avec ton prénom. »
Il eut un sourire en coin à ce souvenir. David McGregor l’avait supplié de lui jeter un sortilège d’Oubliette pour que son obsession s’arrête.
« Mais je suis passé finalement à autre chose. » dit-il en prenant une inspiration. « J’ai … rencontré d’autres personnes. J’ai eu d’autres aventures. Bien, pas bien. Bonnes et mauvaises. »
La jeune femme ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose et Oscar se dit qu’il aurait mieux fait de reculer. A rester ainsi près d’elle, il risquait de s’en mordre les doigts s’il succombait à nouveau au charme d’Alice.
« Mais je n’ai jamais réussi à t’oublier entièrement Alice. Tu n’es pas une fille facile à oublier. Tu marques les esprits, de la même façon que ton bar marquera tout Londres. Tu es … incroyable. Dotée d’une force que tu ne soupçonnes même pas, je suis sûr. »
Il sourit, mais son regard ne pouvait se détacher de ses lèvres. Allait-il succomber ce soir à nouveau à l’aura tentatrice de la jeune femme ? Allait-il replonger alors qu’il avait parcouru tant de chemin ? Shanna Green était dans un coin dans son esprit mais pouvait-il analyser ce qu’il ressentait pour la jeune Poufsouffle ? C’était complètement différent de ce qu’il y avait en ce moment entre Alice et lui.
Allez savoir si c’est son hésitation ou si je remarque finalement que je crains beaucoup trop la réponse pour assumer de l’entendre mais, après que Oscar tente un début de réponse, je décide de ne pas m’attarder là-dessus et de passer à autre chose : les explications que je lui dois. Je préfère mille fois mieux cela que d’entendre qu’il sort avec quelqu’un d'autre et qu’il a tout à fait tourné la page.
« Je … C’est vrai que … les choses ont été compliquées après … nous … »
Oscar affiche un pâle sourire quant à moi je me fais violence pour ne pas abandonner, perdre la face. Il faut que j’aille au bout de mes explications et c’est ce que je tente de faire avec le plus de diplomatie possible. À savoir, pas énormément.
« Commence par le début. »
J’ai un instant de silence alors que Oscar saisit ma main pour m’encourager et pose l’une des siennes sur ma joue. Nos regards se croisent et ,un instant, j'ai l’impression de revenir au début de notre relation. Lorsque l’on se cherchait encore un peu mutuellement, qu’on se lançait des regards discrets et que chaque contact était électrifiant. C’est aussi déstabilisant que chaleureux. Malgré tout, cela me donne le courage de poursuivre mon explication avec plus de confiance.
Oscar retire doucement sa main de ma joue mais garde ma main dans la sienne, ce qui me rassure. J’imagine que je n’ai rien dit de mauvais s’il ne me lâche pas totalement. La bulle dans laquelle nous sommes blottis ne se brise pas. C’est si doux…
« Je n’aurai jamais fait ça. »
Oscar me garantit alors que je lui confie les choses que Anthony m’a dites à son sujet. Comme quoi il me quitterait pour une fille plus jeune un jour.
J’en ai conscience…
Je soupire parce que, au fond, je sais qu’il ne l’aurait pas fait. Je crois que, à mes yeux, ça n’était qu’une bonne raison de plus pour fuir cette relation trop saine pour être réelle. J’ai vraiment rien à dire pour ma défense, pour le coup.
Alors que je tente tout de même de conclure mon explication bancale, Oscar me sourit toujours. Faiblement bien sûr, et comment espérer mieux de sa part ? C’est déjà énorme qu’il me laisse parler malgré la situation… Et qu’il me soutienne qui plus est. Oscar est un garçon en or.
« Ton frère pensait que c’était le mieux pour toi … sans doute … »
Je hoche doucement la tête. C’est bien ce que je me suis toujours dit… Bien sûr que Anthony veut le meilleur pour moi. C’est mon frère jumeau. Il n’allait certainement pas faire tout cela pour me rendre malheureuse… C’est impensable.
« Mais j’aurai aimé que tu m’en parles … »
Encore une fois, je suis bien consciente de cela. Je n’ai rien de pertinent à ajouter mais j’essaie tout de même de m’excuser sincèrement une fois nouvelle, quand bien même j’ai l’impression de ne faire que ça depuis le début de cette conversation et que je crains d’ennuyer Oscar. Mais, lui, il continue à caresser le dos de ma main de son pouce et il m’écoute en hochant la tête. Il m’écoute.
« C’est très prévenant de ta part. »
Je crois que je craque un peu face à tant de douceur et de gentillesse parce que j’exprime ma crainte d’avoir cassé quelque chose chez Oscar et de ne pas être pardonnée, quand bien même j’affirme que je comprendrais s’il continue à m’en vouloir. Je ne comprends pas tout de suite la réaction de Oscar : il éclate de rire.
« Foutu en l’air quelque chose chez moi ? Non, Alice Scott, tu n’as rien foutu en l’air. Crois-moi. »
Il secoue la tête et pose sa seconde main sur mon bras. Ça me rassure, je soupire doucement de soulagement. Alors, au moins, je n’ai pas tout gâcher non plus. C’est tant mieux… Au moins, il ne va pas souffrir de notre relation pour le restant de ses jours.
« Ca n’a pas été facile sans toi. Je crois que j’étais vraiment accro à toi. Et … la façon dont ça s’est terminé m’a torturé l’esprit de longues semaines. Mes amis m’ont longtemps haï de leur baratiner les oreilles avec ton prénom. »
Oscar a un sourire subtil en racontant cela et ça me fait rire très doucement malgré tout. J’imagine bien Oscar se plaindre et bassiner ses amis avec mon nom. J’ai fait quelque chose de similaire avec Calvin, pour ma part.
« Mais je suis passé finalement à autre chose. J’ai … rencontré d’autres personnes. J’ai eu d’autres aventures. Bien, pas bien. Bonnes et mauvaises. »
J’ouvre la bouche, prête à affirmer que je suis heureuse d’apprendre cela.. Mais rien ne me vient. En fait, je me pose maintenant des questions sur les relations qu’il mentionne mais j’ai bien trop de bienséance pour faire ma fouineuse et en demander plus.
« Mais je n’ai jamais réussi à t’oublier entièrement Alice. Tu n’es pas une fille facile à oublier. Tu marques les esprits, de la même façon que ton bar marquera tout Londres. Tu es … incroyable. Dotée d’une force que tu ne soupçonnes même pas, je suis sûr. »
Oscar m’adresse un sourire bien plus réel que les précédents. Je sens mon coeur faire un bon. Décidément, il demeure fidèle à lui-même… Si gentil, si sincère… Je ne mérite pas Oscar. Il est tellement… Bienveillant. Et je suis moi.
Oh, Oscar…
J’ai envie de le remercier du fond de mon cœur. De le serrer dans mes bras. Il n’y a pas de mots capables d’expliquer à quel point je suis reconnaissante. De toute manière, les mots me manquent, je n’arrive pas à parler. Je remarque que les yeux de Oscar se dirigent sur mes lèvres et mon cœur se serre. Soudainement, Oscar m’est irrésistible. Mes propres yeux se posent sur ses lèvres à leur tour et j’ai l'impression que le temps se fige. Je peux sentir mon coeur battre la chamade dans ma poitrine. J’hésite. Je fais un premier mouvement vers Oscar avant de m’arrêter, comme pour voir s’il va se reculer et fuir mais il n’en fait rien. Mon regard passe de ses yeux à ses lèvres quelques fois avant que je ne me penche à nouveau, cette fois pour poser mes lèvres contre celles de Oscar.
Quelque chose d'inexplicable se produit alors. Je m’attendais à ressentir beaucoup d’émotions différentes mais certainement pas une sorte de malaise. C’est comme si rien là-dedans n’est naturel et que tout me le fait comprendre. Je n’arrive pas à me détendre, mon esprit me hurle que je fais une erreur… Il ne faut pas longtemps pour que tout cela et le langage corporel de Oscar ne me fasse reculer.
Ah, je…
Je suis encore plus mal à l’aise qu’avant. Je joue nerveusement avec une mèche de mes cheveux et évite le regard de Oscar, ne sachant plus où me placer. Finalement, je soupire. Il n’y a définitivement plus rien à sauver de ma relation amoureuse avec Oscar et je dois l’accepter.
Je n’aurais pas dû faire cela. Désolée.
Je prends mon courage et lève à nouveau les yeux vers Oscar, me mordant les lèvres un instant avant de sourire doucement.
Disons que c’était un dernier baiser. Comme un au revoir à notre relation. Restons amis, d’accord ?
Je ne vois pas comment ne pas me torturer avec cette histoire, autrement. Peut-être qu’on peut sauver notre amitié, cela dit. J’espère que ce geste n’a pas été de trop, pour ça. En tout cas, toujours dans ma bulle, j’ignore le garçon qui, témoin du baiser, vient d’aller se réfugier aux toilettes du bar pour se remettre de la scène.
Nous sommes le samedi 23 février 2002. Oscarius Swan, plus connu sous le nom d'Oscar, a fait sa rentrée en 4ème rentrée à l'UMS. Il étudie le Quidditch et compte bien terminer avec brio ses études pour entrer dans une grande équipe. Mais ces derniers temps, beaucoup de choses se bousculent dans sa tête. Sa relation avec Dae-Hyun s'est assez mal terminée et son meilleur ami, Keith, est actuellement en cure de désintoxication. Par-dessus tout ça, il vient de réaliser qu'il avait des sentiments pour l'une de ses élèves, Shanna Green.
Baby we built this house on memories
« Oh, Oscar… » souffla la voix d’Alice.
La tension était palpable. Si Oscar avait bien du mal à détacher son regard des lèvres de la jeune femme, il voyait bien qu’elle aussi semblait enviait cette proximité. Elle se pencha alors vers lui et le cœur d’Oscar fit une embardée. Alors, tous les deux se rapprochèrent, scellant leurs lèvres tels qu’ils l’avaient espéré depuis de longues minutes. Le baiser aurait pu être enfiévré, passionné et désiré. Mais lorsque leurs lèvres se touchèrent, Oscar sentit soudain tout son désir retomber.
Rien. Il ne ressentait rien. Oui, la tension avait été là. Oui, le corps d’Alice l’avait appelé. Mais à présent que tout se concrétisait, ce baiser semblait signifier que tout était terminé.
C’était étrange d’embrasser quelqu’un quand il n’y avait rien. Il y avait toujours une pointe de désir quand les lèvres se cherchaient, se caressaient et s’embrassaient. Mais là, il n’y avait rien de tout ça. Rien qu’un étrange malaise alors que son cerveau faisait remonter le souvenir de Shanna à la surface.
Entre Shanna et lui il n’y avait rien. Alors pourquoi pensait-il à elle ? Pourquoi son image s’imposait-elle soudain à lui comme un signal d’avertissement ?
Ses lèvres se détachèrent doucement d’Alice avant qu’elle ne se recule d’elle-même. Ses yeux s’ouvrirent lentement, ne pouvant retenir ce sentiment horrifié d’avoir trahi quelqu’un. Shanna … ou lui-même ? Qu’avaient-ils fait ? A quoi rimait ce baiser ?
« Ah, je… Je n’aurais pas dû faire cela. Désolée. »
Le regard d’Oscar croisa celui d’Alice. Elle jouait avec une mèche de ses cheveux, mal à l’aise. Est-ce qu’elle aussi avait ressenti cette gène ? Ou bien ressentait-elle ça face au regard qu’Oscar lui lançait ?
Il baissa la tête, soupira.
« Moi non plus. C’était … Excuse-moi aussi. » « Disons que c’était un dernier baiser. »
Il leva les yeux vers Alice qui lui souriait doucement, comme essayant d’apaiser leurs regrets mutuels.
« Comme un au revoir à notre relation. Restons amis, d’accord ? »
Gagné par le sourire radieux de la jeune femme, Oscar sourit à son tour et vint prendre avec force le corps d’Alice dans ses bras. Il savait qu’elle n’était pas familière avec ce genre de comportements mais il avait besoin de ça, lui, pour s’assurer de ce qu’il ressentait. Mais rien. Plus aucun désir, plus aucune chaleur.
Alice Scott appartenait au passé.
« Restons amis. » affirma-t-il à son tour. « Et si … »
Il s’interrompit dans sa phrase alors qu’il venait de reconnaître une tête familière. Dae-Hyun. Que faisait-il ici ? Ce dernier ayant remarqué qu’Oscar l’avait reconnu s’éclipsa aussitôt par une porte qui devait mener aux toilettes. Il devait les avoir vu s’embrasser. Oh par Godric Gryffondor …
Oscar poussa un soupir avant de se reculer, relâchant son emprise sur Alice qui le regardait, intriguée.
« On se revoit bientôt, d’accord ? » dit-il en caressant doucement sa joue.
Cependant, il ne laissa pas plus de place à d’autres au revoir. Alice et lui s’étaient tout dit. Leur relation amoureuse était terminée depuis longtemps et reprendre quelque chose aujourd’hui n’aurait fini qu’alimenter leurs regrets. Ils étaient passés à autre chose et la perspective d’une amitié était plus agréable. Oscar pouvait tourner la page sur ce chapitre de sa vie. En revanche, il n’était pas certain que Dae soit encore un chapitre de son passé.
D’un pas rapide, il poussa à son tour la porte par laquelle Dae-Hyun s’était échappé. Il y avait un long couloir éclairé par des néons au plafond menant à des toilettes mixtes. Sans réfléchir, Oscar poussa la porte. Il aurait pensé que Dae aurait cherché à se cacher dans un cabinet. Mais il était là, appuyé contre un lavabo, la tête basse. Il la releva aussitôt à l’entrée fracassante d’Oscar.
A présent qu’il l’avait face à lui, Oscar semblait avoir perdu ses mots. Après tout, dans quel but l’avait-il suivi ? Cela faisait trois mois qu’ils avaient rompu et ils ne s’étaient jamais reparlés depuis. La rupture avait été assez brutale. Oscar avait agi sous une impulsion : la crainte d’être découvert bisexuel par sa sœur et ses amis proches. Ridicule même s’il ne pouvait s’empêcher de vouloir garder cette partie de lui secrète. Il n’était pas encore prêt à admettre que les garçons lui faisaient autant d’effets que les filles. Et il n’y avait qu’à sentir son cœur s’emballer pour la deuxième fois de la soirée alors qu’il était seul dans ces toilettes avec Dae.
« Salut. » dit-il, essayant de se redonner un air naturel. « Est-ce … est-ce qu’on peut parler ? »
Maintenant qu’il avait pu éclaircir les choses avec Alice, il aurait aimé en faire autant avec Dae-Hyun. Leur relation avait compté pour lui autant qu’avec la jeune femme. Même si elle avait moins duré dans le temps ce qu’il avait ressenti pour lui avait été fort.
« Co … comment tu vas ? » insista-t-il, espérant délier la langue de son ex-petit-ami, en même temps que la sienne. « Je … ce que tu as vu avec Alice … c’était rien, tu sais. »
Il se mordit la lèvre, imitant à la perfection le toc d’Alice quelques minutes plus tôt. Il savait que cette phrase était toujours mal interprétée et que Dae pourrait mal le prendre. Après tout, il en était légitime. La manière dont ils avaient rompu avait été loin d’être correcte et ils n’étaient pas restés amis après ça.
Pourtant Oscar espérait bien rectifier les choses. D’une certaine façon, il s’était mis dans l’encadrement de la porte, empêchant Dae de s’échapper avant qu’ils n’aient pu parler correctement.
« Alice et moi étions ensemble il y a longtemps. Et … ce baiser … c’était une façon de se dire au revoir. On est chacun passé à autre chose. »
Pourquoi cherchait-il autant à se justifier ? Est-ce que Dae-Hyun était prêt à le croire ? Ou bien allait-il exploser d’une colère froide ? Les doigts d’Oscar se serraient et se desserraient, toujours plus mal à l’aise.
Contrairement à ce que j’aurais pu penser, je suis relativement heureux d’avoir laissé U-Ram me convaincre de venir au 7e Ciel.
Déjà, il y’a le doux goût du danger. Pas comme vous pourriez l’imaginer… Je suis vraiment une chochotte alors le fait de traîner dans un coin comme l’Allée des Embrumes ne me plaît pas réellement… Mais il se trouve que, hier soir, je donnais ma parole, à mi-mots, à Calvin Scott lui-même, comme quoi je ne me mettrais pas en danger en traînant ici.
Je ne sais pas trop mais il y’a quelque chose de grisant dans l’idée que, s’il passait par ici, il pourrait me voir braver les interdits… Et alors je ne serais certainement plus un gamin, c’est certain… Mais surtout, j’ai cette idée étrange et surréaliste qu’il viendrait me tirer hors de cet endroit avec lui. Il me serrerait contre lui, fort, par la taille, et il me murmurait au creux de l’oreille, de sa voix grave, profonde et réprobatrice, qu’il m’avait pourtant formellement interdit de mettre les pieds ici et qu’il me ferait payer pour avoir violé cette règle…
Je sais que ça n’arrivera pas. Je ne suis pas si stupide. Déjà, nous ne sommes pas censés nous revoir. Et si c’était le cas ? Alors il m'ignorerait sûrement parce qu’il doit réfléchir avant que nous puissions parler à nouveau ; c’est quelque chose qu’il a très clairement établi. Ensuite, il ne m’a donné aucun réel ordre vis-à-vis du 7e Ciel… En fait, il s’en moquerait certainement d’entendre que je suis venu ici, en fin de compte.
Le truc c’est que, même en sachant tout ça, je ne peux m’empêcher de fantasmer. Calvin Scott a cette aura supérieur, par son rang et son âge, qui me fait secrètement soupirer depuis notre rencontre. Je me suis surpris à l’imaginer être possessif et sévère envers moi plusieurs fois déjà… J’ai dû me tenir sage puisque Byung-ho a dormi avec moi la nuit dernière mais ça ne m’a pas empêché de rêver…
Surtout que j’ai pu le faire librement et sans me sentir coupable puisque j’ai enfin fait mon coming-out à mon ami et que ça s’est très bien passé. Byung-ho a été parfait… Il a été si compréhensible… Il n’a pas changé de comportement envers moi… Il m’a fait savoir que je pouvais lui parler quand je le souhaitais mais n’a pas insisté… J’ai même eu le droit à un câlin de sa part et, ça, c’est quelque chose que je ne refuse jamais de la part de Byung-ho. C’est un grand doudou, au fond, cet homme-là…
Au fond, plus je fais mon coming-out autour de moi, moins je me sens dans l’erreur. J’ai un entourage si compréhensible… Même si je sais que je n’ai qu'avouer cette vérité aux personnes les plus “safe”, pour le moment. Le plus dur est à venir…
Mais le plus dur n’est pas aujourd’hui.
Ce soir, donc, je suis au 7e Ciel (le bar) avec U-Ram. J’aime bien, comme je l’ai dit, mais pas seulement à cause de mes rêves étranges impliquant Calvin Scott. Je me plais réellement ici !
Déjà, j’ai accepté de venir avec U-Ram parce qu’il a (encore) insisté pour qu’on sorte. Tous mes amis semblent vouloir me sortir dernièrement… D’abord Byung-ho hier, maintenant U-Ram… Même si, pour ce qui est de ce dernier, ça n’est pas du tout surprenant. Il m’a toujours traîné partout avec lui.
Au commencement, j’avais de grands à priori vis-à-vis de l’endroit. Pour moi, comme pour tant d’autres, le 7e Ciel était un endroit de débauche… En gros, une sorte de vitrine à prostituées à moitié assumée (peut-être parce que c’est illégal ?). Mais maintenant que j’y suis ? Je vois bien que c’est différent.
Ici, les gens paient pour de la compagnie. Juste pour de la compagnie. Enfin, aussi pour des boissons, des snacks, des jeux, du karaoké… Enfin, bref, un tas de trucs mais, quand ils payent pour une hôtesse ? C’est juste de la compagnie.
J’ai été surpris quand U-Ram a choisi la sienne, d’hôtesse. Une fille super jolie et super sympa qui s’appelle “Ruby Sparks” — même si U-Ram m’a glissé que c’était sûrement un pseudo.
ruby sparks
C’est sûrement son travail, me diriez-vous, d’être sympa, mais ça n’empêche que, au bras de U-Ram, on dirait simplement qu’elle est la petite-amie de mon pote et qu’on traîne ensemble dans un bar. Le porte-monnaie de U-Ram doit prendre cher mais, outre ça, tout est très naturel. Et puis, U-Ram l’a dit lui-même : “Je suis une Idol, je dépense mon argent comme je le veux.”
En plus d’être finalement assez à l’aise au 7e Ciel en compagnie de Ruby et de U-Ram, j’admet que l’endroit a réveillé en moi une sorte de fascination… Presque de l’“envie”, même, en fait. Je n’ai pas pu m’empêcher d’imaginer qu’on puisse payer pour passer du temps avec moi. Et quand je dis “moi”, j’entends Dae-Hyun Gyeon, non pas Ren. De mon point de vue, ce serait tellement flatteur que l’envie d’essayer m’a traversé l’esprit… Ceci dit, je n’ai pas partagé cette pensée avec U-Ram. Il me charrierai éternellement !
Je vais chercher à boire au bar. Je te ramène un truc ?
Cela fait un moment que nous sommes posés, U-Ram, Ruby et moi, quand mon ami se redresse et m’offre une boisson. Je souris doucement et hoche la tête.
Oh ! Euh, oui, s’il te plait ! Je prendrais bien un verre de sirop de cerise soda.
U-Ram hoche la tête, signe que c’est noté, et s’éloigne, la main posée sur la taille de Ruby. Je devine sans qu’il aie à le dire qu’il a envie de se balader un peu avec sa “nouvelle amie”, surtout parce qu’il y’a des serveurs pour ramener les boissons sans qu’on aie besoin de se déplacer nous-même mais qu’il le fait tout de même. U-Ram n’est pas toujours fûté mais, en l'occurrence, il l’est quand même assez pour voir quand il n’a pas besoin de se lever pour être servi.
Pour ma part, comme je comprend qu’il va me laisser un petit moment au moins, je décide de me lever pour faire un petit tour. C’est qu’on s’est vite posés, U-Ram, Ruby et moi, en arrivant, alors je n’ai pas eu le temps de bien visiter. Comme l’endroit me plaît, je me dis que… Eh bien, pourquoi pas ?
Il faut dire que je ne m’attends pas à croiser Oscar Swan ici.
D’abord, je ne le remarque que lui. Je vois, globalement, qu’il parle avec quelqu’un mais je ne fais pas bien attention à cette personne. Je sens mon cœur faire un petit bon dans ma poitrine quand mes yeux se posent sur sa silhouette.
J’hésite, un instant, à aller lui parler. C’est que, depuis notre dernière vraie interaction, je n’arrête pas de me dire que j’aurais dû accepter son amitié et réagir plus mûrement… Peut-être que l’occasion de rattraper les choses se trouve là ? Je prends une grande inspiration et décide de prendre mon courage à deux mains et de m’avancer vers lui. Mon pas est hésitant pourtant et je m’interrompt dans mon mouvement quand je remarque, enfin, qu’il est tout de même très proche d’une fille. Une jolie femme blonde qui semble lui faire les yeux doux. Je commence alors à douter du moment choisi pour aborder Oscar Swan et tout cela se confirme alors que, soudainement, les deux s’embrassent. Enfin… Je dis “soudainement” mais tout dans leur langage corporel trahissait pourtant une attirance évidente. J’aurais dû m’y attendre… Je ne suis juste pas doué avec ce genre de signaux.
Tout ce que je sais, c’est que mon cœur se serre là et que, tout à coup, je ne sais plus quoi faire ni où me mettre. J’ai l’impression d’être dans la pire scène d’un film romantique, ou d’avoir le rôle de l’ex qui se rend compte que son amour a tourné la page et qui, fatalement, comprend que lui ne l’avait pas tout à fait tourné. Il y’a cet acte, et mon cœur qui me fait un peu mal, et la chanteuse sur scène qui fait écho à mes sentiments par ses paroles…
We only said goodbye with words I died a hundred times You go back to her And I go back to Black
Comme je ne sais pas quoi faire, je reste planté là, comme un idiot, à observer les deux tourtereaux s’enlacer, le sourire aux lèvres… Ce jusqu’à ce que mon regard croise celui d’Oscar. Mon souffle se bloque dans ma gorge et mes yeux s’écarquillent.
Mince… Mince, il m’a vu ! Quel idiot, mais quel idiot !!
Une seule réaction : la fuite.
Je vais trouver refuge dans les toilettes du bar et essaie de souffler alors que mon cœur bat la chamade. Cette fois je n’ai pas vraiment envie de pleurer… Enfin, juste un peu, mais c’est l’émotion qui parle. Je me sens surtout débile d’être resté sur place et d’avoir regardé Oscar et sa… Son… Enfin, l’autre femme, sans rien faire. Ça la met mal, non, quand même ? On dirait un stalker… J’aurais dû tracer ma route quand je les ai vus ! J’ai juste été si surpris et je voulais tellement sincèrement parler à Oscar que je n’ai pas été capable de réagir et maintenant Oscar doit penser que je le suis pour l’observer pendant qu’il flirte avec d’autres personnes, comme un ex un peu (complètement) fou…
Je sursaute rapidement quand la porte des toilettes se pousse et laisse entrer… Oscar lui-même. Je m’étais appuyé contre le lavabo pour souffler et je ne m’attendais pas du tout à le voir arriver. À sa place je ne serais pas venu me voir ; je me serais fuis.
Pendant un instant affreusement long, Oscar et moi nous regardons dans le blanc des yeux. J’ouvre la bouche pour parler parce que j’ai envie de dire quelque chose. Il faut que je le fasse. Que je lui explique pourquoi je le fixais à l’instant avant de fuir… Que je m’excuse… Que je lui dise “bonjour”, au moins ! Mais rien à faire ; rien ne sort. Alors je continue à le regarder d’un air terriblement bête et, lui aussi, prend un moment avant de briser le silence.
« Salut. »
Je veux répondre mais, incapable de le faire, je déglutis et le salue d’un mouvement de tête. Comme si ça pouvait me donner l’air à l’aise… Alors que j’ai conscience que c’est tout l’inverse.
« Est-ce … est-ce qu’on peut parler ? »
Parler !? Intérieurement, c’est la panique. Parler… Parler de quoi !? Est-ce qu’il va me parler du fait que je le regardais avec son “amie” ? Est-ce qu’il va s’énerver, comme la dernière fois ? Comme quand il m’a fait peur et que c’était de ma faute ?
Euh… Ben… Oui…?
J’arrive à m’exprimer enfin mais, alors, je manque cruellement d’assurance. Je me met à jouer nerveusement avec mes doigts en faisant face à Oscar, le regard fuyant et les joues rouges de gêne. J’ai peur de ce qu’il va me dire…
« Co … comment tu vas ? »
Je mordille ma lèvre inférieure. Là, tout de suite ? Je suis en panique totale. Mais… Je me vois très mal lui répondre ça. Alors, j’essaie de me remettre dans la peau du Dae-Hyun d’avant avoir vu Oscar Swan et je répond du bout des lèvres.
Ben, ça va…
Je ne pense même pas à lui poser la question en retour tellement tout sonne faux. J’ai l’impression que sa question autant que ma réponse, c’est de la comédie. Et c’est sûrement le cas puisque Oscar finit par décider de mettre les pieds dans le plat, finalement.
« Je … ce que tu as vu avec Alice … c’était rien, tu sais. »
Oscar à l’air mal à l’aise. Il mord ses lèvres, comme moi. Je sais pas trop où me mettre face à cette information, surtout parce que j’ai du mal à y croire tout simplement. En général, quand on embrasse quelqu’un, c’est pas “rien”. Ou alors je dois être vieux jeu ou naïf… Remarque, je le suis, donc bon.
Je… D’accord. Mais… Tu fais ce que tu veux, hein… Enfin…
C’est un truc que je voulais dire parce que je ne veux pas qu’il commence à penser que je suis possessif ou quoi… J’ai aucun droit de l’être. Et puis, je veux vraiment qu’il se sente libre de faire ce qu’il veut ! J’ai pas envie d’être ce genre de personne qui fait culpabiliser les autres… Et puis, d’un côté, je me dis que plus vite ce sera établi, plus vite je pourrais m’en aller. J’ai un peu envie de fuir parce que je suis affreusement mal à l’aise mais Oscar se tient dans l’encadrement de la porte et je ne pourrais pas passer sans le bousculer.
« Alice et moi étions ensemble il y a longtemps. Et … ce baiser … c’était une façon de se dire au revoir. On est chacun passé à autre chose. »
Je hoche la tête doucement, les yeux baissés.
Ah… C’est cool…
… Mouais. Ma réponse, elle, elle est tout sauf “cool”. D’ailleurs, moi-même je suis tout sauf “cool”. C’est de ça qu’on est censé parler, Oscar et moi ? De sa relation avec Alice ? Parce que j’ai pas trop envie de faire ça…
Mais, d’un côté, je voulais lui parler plus tôt et maintenant il est là… Devrais-je..? J’inspire un grand coup et lève les yeux vers Oscar, cette fois, l’air hésitant mais un peu plus calme. J’essaie d’organiser mes pensées avec un objectif en tête : arranger les choses.
Écoute, je ne sais pas pourquoi tu ressens le besoin de m’expliquer pourquoi tu as embrassé la fille… On est pas ensembles…
Bon, pour l’instant ça ne sonne pas vraiment super bien. Mais j’ai plus ou moins un fil de pensée à suivre là… Mon discours va sûrement s’améliorer, il faut juste que je me concentre et que je garde le cap.
Moi, je veux juste que tu sois heureux, le reste c’est pas important.
Je décide de me rattraper un peu parce que, jusque-là, on dirait quand même sacrément que je m’en fous de ce que Oscar Swan me raconte. Et ce n'est pas vrai… Je suis juste embarrassé et un peu perdu. Mais je pense ce que je dis : je veux juste qu’il soit heureux.
… C’est pour ça que je n’ai pas trop envie de dire ce que je vais dire mais je sens que, là, c’est moi qui en ai besoin pour ne pas rester malheureux.
Oscar… Ce que tu as fait à mon anniversaire… Ça m'a fait très mal.
J’ai envie de détourner le regard mais je soutiens celui d’Oscar tout de même. Parce qu’il le faut. Je lui dois au moins ça.
J’me suis senti affreusement mal et j’ai pas arrêté de me dire que je méritais que tu me parles comme ça mais c’est pas vrai. J’ai pas mérité ça. J’essayais de t’aider.
Je ne crois que partiellement en ce que je dis mais j’essaie de me mettre à la place de mes amis… Ou plutôt d’imaginer ce que j’aurais dit à un ami s’il m’avait raconté ça. C’est Byung-ho qui m’a conseillé de réfléchir comme ça quand j’étais face à un dilemme émotionnel : je devais imaginer ce que je dirais à un ami proche s’il avait été à ma place. C’est ce que je fais là, même si c’est un exercice difficile. Disons que j’ai envie d’avancer et que mon coming-out de la veille me motive à le faire de la bonne façon.
Maintenant je vais mieux et je te pardonne parce que je sais que tu n’allais pas bien et que tu ne voulais pas me blesser. Tu es vraiment… L’un des gars les plus gentils et attentionnés que j’ai connu, Oscar. Je sais que ce que tu as fait le jour de mon anniversaire… C’était pas… toi. Alors je ne t’en veux pas.
Plus je parle, et plus je suis à l’aise, étrangement. C’est comme s’il avait fallu que je trouve mon fil rouge et que, maintenant que c’est fait, je sais exactement où je vais. En fait, je crois bien que tout ça ne sort pas de nulle part ; ça fait un moment que je transporte tout ça dans mon cœur et ça sort enfin.
Je m’en veux un peu d’avoir été si émotif et d’avoir réagit comme je l’ai fait. J’aimerai… J’aimerai beaucoup qu’on redevienne amis, Oscar.
Mon regard pétille un peu d’espoir et, cette fois, ma voix se fait plus vulnérable. Il n’y a rien, là tout de suite, que je crains plus que le rejet d’Oscar.
Ça va pas être tout de suite facile parce qu’une partie de moi veut qu’on soit ensemble… Mais, pour une fois, je te jure que je garderai le contrôle de mes sentiments parce que je ne veux vraiment… vraiment pas te perdre.
J’inspire à nouveau un grand coup. Je sais que je suis capable d’être plus fort que mes sentiments cette fois. J’en ai conscience. Et, comme pour le prouver, je conclus ma tirade sur des sortes d’“exemple”. Un peu comme si j’avais besoin de montrer à Oscar que je suis sincère et que tout ça, ça n’est pas que des mots.
C’est vrai, je ne suis plus fou amoureux de toi. D’abord, j’ai eu une petite amie…
Je pense à Hitomi. Puis je me dis que peut-être que ça ne compte pas, parce que… Ben… Vous savez. Moi et les filles.
... Bon, peut-être que c’était pas exactement une vraie relation et tout parce qu’on était pas vraiment… Enfin, je suis… Quoique, si, parce qu’elle a vu ma famille et tout, mais, c’est que…
Voilà que je me mets à marmonner. Ah non, hein ! C’était si bien parti ! Il faut que je me rattrape.
Et c’est là qu’intervient Calvin Scott.
Enfin, même que je suis avec un homme— enfin, pas vraiment, mais on se voit et tout et… ‘Fin, tu vois. Sans attaches, même.
Je lève un peu le menton, comme pour me grandir. J’ai failli dire “une vraie relation d’adulte, quoi”, mais y’a rien de plus gamin que d’avoir à le préciser.
Alors, tu vois… Ben je me porte bien et je tourne la page et je veux que toi aussi et qu’on soit amis, voilà.
Je conclus enfin et je souffle un bon coup. Bon, c’était pas parfait et j’ai un peu dérapé une fois ou deux mais… J’y suis arrivé ! Je me suis même assez bien débrouillé, en fin de compte. Ceci dit, maintenant que j’ai bien parlé, mon regard, plus hésitant, plonge dans celui d’Oscar en espérant, très très fort, que je n’en ai pas trop fait et surtout... Que j’ai réussi à arranger les choses. Au moins un peu.
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당신의 말은깃털과 같습니다 your words are like feathers —————————————————————————————
Nous sommes le samedi 23 février 2002. Oscarius Swan, plus connu sous le nom d'Oscar, a fait sa rentrée en 4ème rentrée à l'UMS. Il étudie le Quidditch et compte bien terminer avec brio ses études pour entrer dans une grande équipe. Mais ces derniers temps, beaucoup de choses se bousculent dans sa tête. Sa relation avec Dae-Hyun s'est assez mal terminée et son meilleur ami, Keith, est actuellement en cure de désintoxication. Par-dessus tout ça, il vient de réaliser qu'il avait des sentiments pour l'une de ses élèves, Shanna Green.
Baby we built this house on memories
« Ah… C’est cool… » répondit vaguement Dae-Hyun.
Oh misère … Cette conversation pouvait-elle être plus malaisante ? Oscar n’avait jamais perdu la parole. Il avait toujours su rebondir, retrouver ses mots et motiver les foules. Il aimait faire les discours, et il savait les faire. Mais en cet instant, face au garçon qu’il avait aimé à peine quelques mois plus tôt, il se sentait totalement perdre le contrôle de sa langue.
« Écoute, je ne sais pas pourquoi tu ressens le besoin de m’expliquer pourquoi tu as embrassé la fille… On est pas ensembles… » reprit Dae.
Il avait pris une grande inspiration, comme s’il avait pris une importante décision. Et au vu de ses premiers mots, ce n’était sans doute pas une décision qui allait faire plaisir à Oscar. Ce dernier baissa les yeux.
« Je sais, c’était bête, j’ai cru que … »
Cru quoi ? Que Dae allait lui faire une scène de jalousie ? Imbécile … Dae-Hyun était sans doute passé à autre chose depuis longtemps. Et s’il avait fui devant cette scène, c’était sans doute pour une autre raison. Inutile de tout ramener à la petite personne d’Oscar Swan. Néanmoins, l’idée que Dae soit passé à autre chose le mettait mal à l’aise. Quelque chose menaçait de gronder dans son ventre, comme un désir bestial. Dae serait passé à autre chose et pas lui ? Dae n’aurait eu aucun mal à aller voir ailleurs ? Était-ce lui qui se mettait à ressentir de la jalousie ?
« Moi, je veux juste que tu sois heureux, le reste c’est pas important. » se reprit Dae.
Oscar releva les yeux, surpris. Il … voulait qu’il soit heureux ? Leurs regards se croisaient maintenant. Dae-Hyun semblait nerveux mais c’était comme s’il s’obligeait d’aller jusqu’au bout de sa pensée.
« Ok … » répondit-il simplement, comme l’encourageant à développer. « Oscar… Ce que tu as fait à mon anniversaire… Ça m'a fait très mal. » commença Dae, assénant ses mots comme un coup de massue sur le crâne. « J’me suis senti affreusement mal et j’ai pas arrêté de me dire que je méritais que tu me parles comme ça mais c’est pas vrai. J’ai pas mérité ça. J’essayais de t’aider. »
Oscar déglutit. C’était terrible d’entendre ces mots-là et pourtant, il savait qu’ils étaient réels. Oscar s’était montré cruellement égoïste sur ce coup-là. La peur lui avait fait faire des choses qu’il ne lui ressemblait absolument pas. Et pourtant, c’était Dae-Hyun qui en avait pâti. Dae, l’être le plus doux qui lui avait été donné de rencontrer au cours de ces dernières années.
« Maintenant je vais mieux et je te pardonne parce que je sais que tu n’allais pas bien et que tu ne voulais pas me blesser. » continua Dae, ayant visiblement besoin d’aller jusqu’au bout de sa pensée. « Tu es vraiment… L’un des gars les plus gentils et attentionnés que j’ai connu, Oscar. Je sais que ce que tu as fait le jour de mon anniversaire… C’était pas… toi. Alors je ne t’en veux pas. »
Oscar avait oublié que parfois, Dae-Hyun donnait l’impression de lire dans ses pensées tellement il le comprenait. C’était si facile de parler avec lui tellement leurs cerveaux semblaient se connecter l’un à l’autre. C’était simple.
« Je suis quand même désolé. » dit-il. « J’aurai du te présenter mes excuses immédiatement après t’avoir dit tout ça. Ou mieux, je n’aurai jamais du te traiter ainsi. »
Tout comme Dae avant, il s’efforçait de soutenir le regard du jeune homme. C’était important d’exprimer ses regrets les yeux dans les yeux.
« Tu as raison, ça ne me ressemble pas. C’est une peur profonde et incontrôlable qui s’est exprimée à la place. Je suis désolé que tu aies du en faire les frais. »
Il se rappelait tout à fait le regard que lui avait adressé Dae-Hyun. Merlin que cela avait été cruel ! Et comme un rappel que Dae lisait dans son esprit, celui-ci répondit :
« Je m’en veux un peu d’avoir été si émotif et d’avoir réagi comme je l’ai fait. » « Tu as eu raison. » admit Oscar en balayant tout ça d’un geste de la main. « J’aimerai… J’aimerai beaucoup qu’on redevienne amis, Oscar. »
Leurs regards s’accrochèrent et Oscar eut l’impression que son cœur allait rater un battement en entendant ces mots. Il voulait qu’ils redeviennent amis ? Vraiment ?
« Ça va pas être tout de suite facile parce qu’une partie de moi veut qu’on soit ensemble… » se dépêcha de préciser Dae-Hyun. « Mais, pour une fois, je te jure que je garderai le contrôle de mes sentiments parce que je ne veux vraiment… vraiment pas te perdre. »
Son visage poupin oscillait de gauche à droite, comme mal à l’aise d’admettre cette vérité. Pourtant les mots sortaient de sa bouche sans qu’Oscar ne veuille l’interrompre, curieux d’entendre tout ce qu’il avait à dire.
« C’est vrai, je ne suis plus fou amoureux de toi. D’abord, j’ai eu une petite amie… Bon, peut-être que c’était pas exactement une vraie relation et tout parce qu’on était pas vraiment… Enfin, je suis… Quoique, si, parce qu’elle a vu ma famille et tout, mais, c’est que… Enfin, même que je suis avec un homme— enfin, pas vraiment, mais on se voit et tout et… ‘Fin, tu vois. Sans attaches, même. Alors, tu vois… Ben je me porte bien et je tourne la page et je veux que toi aussi et qu’on soit amis, voilà. »
L’étudiant poussa un long soupir, comme soulagé d’avoir lâché tout ce qu’il avait à dire. Oscar était incapable de détacher ses yeux de son visage. Il avait bien dit qu’une partie de lui voulait qu’ils se remettent ensemble. Si Oscar s’était écouté jusqu’au bout, il aurait sans doute craqué, admis que lui aussi et l’aurait embrassé. Mais ce n’était pas la solution. Oscar ne voulait pas refaire de mal à Dae. Jamais. Il ne voulait plus être responsable des larmes qu’il avait vus dans les yeux du coréen ce jour-là. S’ils devaient se remettre ensemble, Oscar aurait alors assumé son orientation sexuelle. Mais pas avant.
D’un autre côté, la drôle de sensation dans son ventre s’était à nouveau manifesté en apprenant que Dae avait connu deux autres relations après lui. Il l’admettait. Et … il encourageait Oscar à en faire de même. Après tout, n’avait-il pas tenté lui aussi de tourner la page ? Il était certainement moins attaché que Dae à lui. C’était une attraction physique mais y avait-il là un véritable attachement ? C’était ce qu’il voulait découvrir aussi en devenant amis.
« Je veux qu’on soit amis aussi. » dit-il alors. « Je pense qu’on aurait dû commencer par là. Et je pense que ce serait une bonne chose tant que je n’arriverai pas à assumer … ce que je suis. »
Il risqua un sourire triste.
« En tout cas, je suis heureux pour toi. »
Il savait qu’il devait dire cette phrase. Même s’il n’arrivait pas à le penser, il devait le dire. Pour faire avancer leur relation.
« C’est bien que tu n’aies pas arrêté de vivre après … ça. Et, si tu le souhaites, on pourrait peut-être essayer de se boire un verre un jour prochain ? Ou je peux même t’aider à réviser si tu veux. C’était ce qu’on faisait … »
Oui, c’était ce qu’ils faisaient autrefois. Bien sûr, ça se terminait toujours au lit cette histoire. Mais à présent qu’ils devaient être amis, ils devaient réapprendre ce que cela signifiait sans que le désir ou les sentiments ne viennent s’en mêler.
« Pourquoi on … »
Mais Oscar n’eut pas l’occasion de terminer sa phrase que quelqu’un entra derrière lui. Oscar manqua de tomber, appuyé contre la porte, et se décala pour laisser entrer deux hommes qui les regardèrent un instant avant de se remettre à discuter bruyamment d’une prétendue Phoebe qui avait trompé leur ami. Oscar secoua la tête, un brin amusé, avant de se rapprocher de Dae.
« Alors on se dit, à un jour prochain ? »
Il lui tendit la main. Il ne souhaitait pas s’éterniser dans ces toilettes, surtout quand deux hommes pouvaient écouter leur conversation. De plus, les retrouvailles émouvantes avec les ex lui donnaient vraiment envie de rentrer chez lui sous sa couette pour méditer sur tout ça.
« Envoie-moi un hibou pour ce café. »
Il lui lança un clin d’œil avant de se diriger vers la porte des toilettes pour quitter les lieux.