[ Hurt ]
| Samedi 23 Février 2002 | « Alice ? »Ça me fait tellement bizarre d’entendre la voix de Oscar à nouveau. Ça faisait si longtemps… C’est presque réconfortant de le retrouver. Du moins, si on efface toute l’histoire qui nous a mené à ce jour et le stress dans lequel tout cela me met. Malgré tout, j’essaie de paraître un minimum assurée. Je m’en voudrais de rater cette occasion de discuter sérieusement avec mon ex, de mettre les choses au clair.
Un homme à Oscar — c’est ce que je présume — l’interpelle pour lui demander s’il les rejoint plus tard et, un instant, je me demande si Oscar va répondre à l’affirmative ou me laisser en plan pour retrouver son groupe. Ce serait bien fait pour moi, tiens…
« Ouais, pas de soucis. » Je suis soulagée de constater qu'Oscar est prêt à me laisser une petite chance. Son ami s’en va avec l’hôtesse à son bras, quant à moi j’approche Oscar et lui propose l’un des verres que je tiens à la main, verre que j’ai attrapé précisément pour lui quand j’ai décidé de venir à lui. Oscar accepte mon verre et joue un peu avec le liquide dedans avant de me regarder. Je suis toujours un peu mal à l’aise mais j’essaie de paraître naturelle, tout de même consciente que ça ne doit pas vraiment être une réussite.
La conversation qui débute n’est pas plus naturelle que je le suis. On dirait deux idiots qui ne savent pas communiquer et qui essaient tant bien que mal de faire socialiser. Je ne me trouve que rarement dans ce genre d’état et de position de faiblesse. J’en ai horreur mais, après tout, c’est de ma faute si Oscar et moi sommes si mal à l’aise l’un en présence de l’autre, aujourd’hui. Alors je prends sur moi et je continue à essayer de discuter un peu, notamment en lui demandant des nouvelles sur ce qu’il devient depuis le temps. J’admet tourner autour du pot parce que je ne sais pas quand ni comment lui expliquer pourquoi j’ai rompu avec lui si soudainement… À dire vrai, je ne sais même pas si j’aurais le courage de le faire tout court.
« Eh bien … je suis toujours étudiant. Le Quidditch, tu te souviens ? »Le Quidditch. Un sourire plus sincère se dessine sur mes lèvres alors que je hoche la tête.
Évidemment, comment oublier.Les souvenirs d'Oscar Swan qui me racontait avec enthousiasme sa passion envers le Quidditch me reviennent, et ils sont doux. J’aimais beaucoup voir cette lueur s’allumer dans ses yeux quand il parlait de ça et je me surprends à m’intéresser sincèrement à ce qu’il me racontait alors que, de base, je ne suis pas vraiment sport. Voire pas du tout, même. Il était juste tellement motivé et joyeux… C’était contagieux. Parfois je rêvais de me trouver, moi aussi, une telle passion.
Il y a quelque chose de réconfortant dans l’idée que Oscar soit toujours amoureux du Quidditch. Il est toujours le même quelque part et ça me fait quelque chose. Il est toujours le même garçon de qui je suis tombée amoureuse, fidèle à lui-même. J’espérais, au fond, qu’il ne soit pas transformé le jour où l’on se retrouverait.
« Et … je suis devenu le président de mon club, les Pendragon. »Je comprends par le geste qui accompagne ses paroles que le groupe avec qui Oscar est venu était composé de membres des Pendragon. Je ne cache pas ma surprise lorsqu’il m’annonce en être devenu le président.
Wow. Félicitations !Je lève légèrement mon verre à son égard. Moi-même j’étais membre du club des Pendragon quand j’étais à l’Université et il me semble l’avoir déjà raconté à Oscar, d’ailleurs. Je ne suis pas tellement
surprise finalement parce que ça colle bien à sa personne d’être leader de son club, c’était juste que je ne m’y attendais pas.
« T’as du entendre parler de l’incendie début janvier. Bah du coup, on se retrouve à écumer un peu tout Londres en attendant la reconstruction de notre quartier général. »Oscar sourit et, s’il n’est évidemment pas tout à fait à l’aise, ça me rassure de voir que, comme moi, il tente
quelque chose. Je siffle légèrement, par rapport à l’histoire de l’incendie. Évidemment, j’en ai entendu parler.
Ceci explique ta présence ici. J’admet que je ne m’attendais pas à te croiser dans un tel endroit un jour.Je n'infantilise pas particulièrement Oscar Swan. Il y a simplement, dans mon cercle, des personnes que je vois bien venir régulièrement et d’autres que je n’imagine pas y mettre un pied, pour diverses raisons. Eh bien, Oscar ne m’a jamais semblé intéressé par ce genre de choses. Vous me direz, il aurait très bien pu avoir simplement évolué et changé d’idée.
« Et toi ? Qu’est-ce que tu fais à présent ? »Je n’ai pas vraiment le temps de répondre avant que Oscar comprenne de lui-même, observant le décor autour de lui.
« C’est … c’est toi qui as monté cet hôtel ? »Je ris doucement, me demandant s’il a lu la Gazette qui en parlait ou s’il a simplement oublié. Dans les deux cas, ça n’est pas bien grave. Il n’y a pas de quoi en faire tout un foin.
C’est un bar.Mon ton est léger alors que je le corrige. Si ça avait été quelqu’un d’autre, j’aurais pu l’engueuler pour s’être trompé, mais c’est Oscar et ce garçon réussit toujours à m’adoucir sans rien avoir à faire d’autre qu’être
lui.
Mais effectivement, c’est moi qui ai fait tout ça.J’annonce plutôt fièrement, le menton relevé. Je prend toujours un plaisir à raconter que j’ai accompli une telle chose et à observer la réaction des gens face à cette nouvelle. La plupart sont émerveillés et me complimentent ; tout ce que j’aime, finalement. Oscar lui-même me semble impressionné.
« C’est … un bel endroit. Enfin, je veux dire. Ca a l’air de bien fonctionner. Mes potes sont déjà venus deux fois ici. »Oscar passe une main dans ses cheveux et je me surprends à mordre mes lèvres subtilement. Pour le cacher, je porte mon verre à mes lèvres et en boit une longue gorgée. Je n’avais pas tout à fait oublié à quel point il était craquant mais ça fait quelque chose de le redécouvrir.
Ça fonctionne très bien même. Si je dois être honnête, l'endroit encore plus populaire que je l’espérais initialement. Mais, ça, il ne faut le dire à personne.Je lui adresse un clin d'œil complice. Je plaisante à moitié, ça n’est pas mon plus gros secret cependant je n’aimerai pas que tout le monde sache que je n’étais pas aussi confiante concernant ce projet que je ne le montre. J’y croyais, certes, mais je pensais que ce serait un coin niche au moins la première année. Finalement, j’ai assisté à mon propre succès le soir même de l’ouverture. Il y avait des invités très prestigieux, ce soir-là ! J’ai pris le pari d’inviter tout le monde qu’importe leur sang, leur richesse ou que sais-je encore et ça a été un franc succès.
« Et … tu as quelqu’un sinon ? »Soudainement, Oscar Swan décide de mettre les pieds dans le plat. C’est… Tant mieux, j’imagine ? Moi qui ne savait pas comment aborder le sujet, là, je n’ai pas cinquante issues. Mon coeur fait un bond à la question et j’hésite à mentir à nouveau et à prétendre que je vois quelqu’un…
Eh bien, au fait… Non. Je — Mais je me ravise.
Je me suis déjà assez ridiculisée en mentant là-dessus ce soir. Je suis sûre que ça passerait mieux avec Oscar, sans doute ne poserait-il pas autant de questions pour m’embêter que James mais je pense que je lui dois la vérité. À quoi bon mentir, même ? Lui montrer que je suis passée à autre chose et que je suis heureuse sans lui ? C’est moi qui l’ai jeté comme s’il n’avait pas de valeur. S’il y a bien une personne qui a le droit de s’inventer une vie pour prétendre avoir bien vécu la rupture, c’est lui.
En plus de cela, les conseils de Shay ne me lâchent pas. Il faut que je fasse quelque chose de
bien ce soir. Il faut que je sois plus mature. Pour une fois. Une fois, une seule.
J’ai fréquenté quelques personnes mais ça n’a jamais été bien loin…J’essaie de sourire pour dédramatiser mais je me doute que mon sourire doit être un peu grimaçant tout de même. Franchement, entre James Davis, Oscar Swan et Sangwoo Yoon, je n’ai pas eu beaucoup d’histoires glorieuses ces dernières années… Pour n’en citer que trois. Sûrement celles auxquelles je croyais le plus, du coup.
Et toi, alors ? Tu fréquentes quelqu’un en ce moment ?Je demande sincèrement même si je ne peux m’empêcher de prier pour qu’il en soit au point mort comme moi. Je n’ai pas
envie qu’il soit passé à autre chose… Même si c’est injuste de ma part de vouloir qu’il reste libre pour moi alors que j’ai violemment rompu avec lui. C’est dans ce genre de moments que j’ai envie de taper du pied et de pester qu’il a intérêt à rester
miens, comme j’aurais pu le faire avec un homme qui ne serait pas Oscar Swan.
En fait, en parlant de… Tout ça… Je te dois des explications… Et des excuses.Il m’en coûte presque de prononcer ces paroles. J’ai du mal à admettre mes fautes et encore plus à m'excuser auprès des concernés. Ça n'est pas mon genre. Ma façon de faire c’est bien plus souvent de blâmer tout le monde sauf moi. J’essaie malgré tout de garder l’essentiel en tête…
Soit mature, Alice. Soit mature.J’ai vraiment fait n’importe quoi avec toi… Merlin, je ne sais même pas où commencer…Je m’agite un peu sur place. C’est vrai, je ne sais pas quoi dire en premier… Expliquer pourquoi je l’ai quitté ? Lui assurer que je l’aimais ? Lui dire que je tiens toujours à lui ? Tout d’un coup ? Je suis très nerveuse et ça doit se voir. Toujours faut-il que je parle plutôt que de regarder Oscar comme une idiote. Je lui ai promis des explications et des excuses alors je les lui dois.
Il faut que tu saches… Je t’aimais vraiment. En fait, tu as été le premier que j’ai aimé comme ça… Le premier qui était vraiment bon pour et avec moi. Tu étais parfait et, je ne sais pas… Ça m'a fait peur. Il y avait ça et, à côté, mon frère n'arrêtait pas de me répéter qu’on irait nulle part parce que tu n’es pas de sang pur ou parce que tu étais plus jeune et que tu me quitterai pour une fille plus jeune… Je n’arrêtais pas d’y penser et j’ai fuis comme une lâche plutôt que d’en parler parce que je n’ai pas l’habitude des relations saines ou on règle les problèmes en communiquant. En plus, j’étais sûre que mon frère avait raison… Je baisse les yeux en me frottant nerveusement le bras. Raconté comme ça, ça semble tellement
stupide. Et, finalement, ça l’est. Il aurait suffit que je lui parle… Je n’en ai pas été capable.
Je n’essaie pas de chercher des excuses. Tu ne méritais pas que je te quitte si violemment et que je t’ignore après. J’ai vraiment été horrible… Je pense juste que tu mérite de connaître la vérité, voilà.Je crois que je me mens à moi-même parce que, au fond, je cherche
un peu des excuses quand même. Seulement je sais qu’elles ne valent rien face à la façon dont j’ai agi.
Je suis désolée, Oscar. Je comprendrais que tu n'arrives pas à me pardonner… J’espère juste n’avoir pas foutu en l’air quelque chose chez toi.Je lève enfin à nouveau le regard pour affronter celui d’Oscar. Je sais ce que ça fait de se faire plaquer par une personne sans comprendre pourquoi. J’ai déjà vécu ce genre de choses — même si ça ne m’a visiblement pas servi de leçon. En tout cas, j’ai conscience que ça peut faire mal. Très mal, même. Et j’espère que Oscar s’en est remis, sincèrement.