Convoqué, je me retrouvé convoqué au Cogadh pour la première fois de ma vie. J'ignore pourquoi, même si je m'en doute. Je pensais avoir échappé à la correction et discipline de mon pays d'adoption et mon pays de naissance. Bleddyn veut certainement me parler de ce qu'il a vu, de ce que j'ai fait.
J'ai tué.
Même si c'était de la légitime défense, même si c'était des terroristes, même si c'est sans doute défendable pour certains. Je suis à la base dans une formation pour sauver des vies, pas l'inverse. Pourtant je ne ressens aucune culpabilité à l'avoir fait, parce que justement, ces gens ne méritent pas la vie. Ils ne font que la détruire, ils sont le chaos. Leur toute puissance vont anéantir notre monde, nos magies, notre diversité. J'ai déjà été touché par la mort d'un de mes patients en stage, alors je sais au fond de moi que je ne suis pas un véritable monstre de ne rien ressentir pour les vies que j'ai oté volontairement le jour de l'attentat. Pourtant... j'ai tué et il ne m'est rien arrivé, ni en Angleterre, ni en Irlande, aucune convocation au Ministère de la Magie, ni au Palais, jusqu'à maintenant je n'avais eu aucun compte à rendre. Sauf que c'était trop beau pour être vrai putain. Comment peut-on tuer sans qu'il y ait de conséquences ? Bleddyn a du attendre que la justice anglaise intervienne, et ne voyant toujours rien venir presque un mois après l'attentat, il me contacte directement pour me donner la sentence de mon pays. Et je la crains, plus que je ne l'ai avoué à mes sœurs quand elles ont su pour ma convocation. Elles ne sont pas au courant de tout, je ne leur ai pas vraiment dit ce que j'avais fait et comment, mais les rumeurs vont bon train à l'UMS, et elles m'ont vu couverte de sang. Si j'ai fait le fier devant elles et les ai rassuré, je ne le suis pas vraiment.
Ce soir c'est la pleine lune, je me sens nerveux, extrêmement tendu... et coupable. Mais je suis pas le seul coupable ici, si Bleddyn a des choses à me reprocher, moi aussi. Je n'ai toujours pas digéré le fait qu'il m'est ordonné de le laisser en danger de mort. Lors de l'attaque, il m'a dit d'amener les blessées ailleurs, le laissant seul face à plusieurs Blue Dragons. Et je n'ai pas pu résister à cet ordre, parce je suis lié à une certaine loyauté que le commun des mortels ne peuvent pas comprendre s'ils n'ont pas un gêne de loup en eux. Parfois c'est même inexplicable. J'ignore exactement et à quel moment Bleddyn est devenu mon alpha et mon ami. Probablement que ça s'est fait en même temps. Alors être convoqué dans son bureau à l'armée me fait mal et me fait très peur. Et s'il décidait que je devais être puni ? Radié ? Renié ? Est-ce que j'en souffrirai parce qu'il est mon leader ou parce qu'il est mon ami ? L'un des premiers, l'un des seul d'ailleurs.
Je traverse les jardins du Banríon na Bpálás avec une multitude d'émotion, de la honte, de la colère, du regret, de l'angoisse. Je donnerai tout pour me fumer un joint ou deux, mais à la place j'ai accepté leur potion tue-loup dégueulasse qui ne fait pas du tout le même effet sur moi, c'est comme donner un substitut à un drogué, aucun intérêt, aucune efficacité. En plus je suis assez agacé de rejoindre Victoria ce soir pour la pleine lune. Je n'ai clairement pas envie de me transformer avec elle, d'être une sorte de guide ou de soutien émotionnel pour sa transformation. Très peu pour moi. D'autant plus que je voulais rompre, que je pense de plus en plus à Clary et que je peux en parler à personne. J'ai accepté de venir en Irlande, pour fuir mon père, déchu de son autorité sur moi. Et parce que je me sens plus lié à cette famille royale qu'à la mienne en ce moment. Même si mes sœurs me manquent, et que pour elles, si elles me le demandaient, je ferai des efforts, mais elles n'ont rien demandé quand j'ai dit que je venais ici pour mes transformation. Dommage, ça aurait été là l'excuse parfaite pour Vic. on aurait pas pu me traiter de lâche.
Je me retrouve rapidement devant le château médiéval, je n'avais jamais mis les pieds dans cette partie du jardin, encore moins devant ou dans ce bâtiment. L'armée royale, temple secret et interdit même aux nobles. Ma gorge est nouée, mon corps est tendu à l'extrême, si mon loup pouvait parler, il hurlerait à la mort. C'est peut-être vers elle que je me dirige. Je sais que quoi qu'il arrive je serai blessé et déçu. Un soldat garde l'entrée et me regarde comme s'il allait me dépecer en plusieurs morceaux. « Ouais ben viens espère d'enfoiré, j'aurai bien besoin de me défouler, sur toi ou un autre, pas de problème », même s'il me filerait la raclée du siècle, c'est peut-être ce dont j'ai besoin au fond. Est-ce que je vais devoir me battre avec Bleddyn ? Mais au lieu de ça, je décline mon identité.
« Jared Parkinson, le Prince m'a convoqué. »
Le soldat, comme s'il en était informé, ce qui est probablement le cas, se décale et me laisse entrer dans le petit château. La décoration est très vintage, comme à l'ancien temps, très rustique, tout en bois et pierre. Les tapisseries et le reste me fait penser à minima au château de Poudlard. Un autre garde sort de nulle part alors que je m'avance un peu.
« Jared Parkinson ? »
Ben oui, qui d'autre du con ? Y'a beaucoup de touristes qui se baladent par ici ? Là encore je ne dis rien de mes pensées.
« Exact. »
« Suivez moi, il vous attend. »
Je soupire le plus doucement possible et suis le soldat jusqu'à une porte qui mène au bureau de Bleddyn j'imagine. Le loup frappe à la porte et entre ouvre pour m'annoncer. Puis il ouvre la porte en grand et j'aperçois Bleddyn derrière un bureau. Mon cœur se retrouve immédiatement dans mes chaussures. Je ne veux pas... Et s'il ne voulait plus être mon ami ? Et s'il me demandait de ne plus remettre un pied en Irlande ? De me dénoncer ou que sais-je encore putain ?!
« Votre Altesse. »
Les protocoles et l'étiquette Jared. Je m'avance au milieu de la pièce et penche ma tête pour regarder le soldat partir et refermer la porte derrière lui. Et avant que Bleddyn dise un mot, je démarre au quart de tour. La colère, le stress, la lune très proche, peu importe, j'ai besoin d'évacuer ma tension, de lui dire d'abord ce que peut-être je ne pourrai plus dire après.
« Comment t'as pu me faire ça ?! »
Je crois qu'il ne comprend pas, me faire quoi ? Me convoquer ? Non pas ça.
« Le jour de l'attentat. Comment t'as pu me demander de te laisser ! D'avancer sans toi. T'aurai pu risquer ta vie, et j'aurai fait quoi ? Je t'aurai laissé crever ? Tu m'as empêcher de me battre à tes côtés, de t'aider. »
Je m'avance un peu plus vers le bureau, mais garde une certaine distance, je n'ai pas envie de lui sauté à la gorge, je suis juste contrarié, furieux de la position dans laquelle il m'a mise ce 1 mars. J'ai eu peur pour lui, et je déverse ma colère car je n'ai pas pu le faire après l'attentat. On ne s'en est jamais expliqué, ben c'est le moment, avant qu'il ne soit trop tard, que je sois mis hors jeu, qu'il me chasse de mon pays, qu'il renie notre amitié.
« C'était tellement dur à faire Bleddyn putain. Je sais que tu es entraîné, que je ne vaux rien, mais t'es mon ami, et on les laisse pas derrière ses amis. T'aurai pu être blessé, et je n'aurai pas été là pour te soigner. T'es au courant c'est ça ? Depuis quand tu le sais ?! Tu t'es servi de ça... »
Il ne semble pas comprendre, mais à d'autre, il est plutôt futé, bien sûr, c'est ça ! Comment j'ai été aussi con, il savait, il le sait depuis le début.
« Depuis quand tu sais que t'es mon alpha ? »
J'ai envie de pleurer, véridique, et je ne pleure jamais putain, pas même quand ces connards de Serpentard me ravageaient la gueule, pas même quand j'étais gosse et décrit comme chétif, craintif et maladroit. C'est même ce qu'a écrit mon psy sur son compte rendu. « Mon expertise me mène a dire que sa personnalité s'est vu profondément altéré et il s'est endurci émotionnellement, il ne montrait rien de ce qu'il ressentait et de ce qui se passait dans l'ombre et c'est visiblement toujours le cas à ce jour. »
Pourtant aujourd'hui, là, en cet instant, devant Bleddyn, mes yeux brillent et j’essuie vulgairement une larme qui pointe d'un revers de manche. Je ne pleurerai pas devant lui, oh ça non, c'est la rage, la peur qui me consument, et la pleine lune qui agit comme une conasse sur moi.