Bleedin' me dry like a goddamn Vampire
feat. Théodore Davis
J’ai fait le con. J’ai sérieusement merdé. Je le sais, je ne peux que me rappeler toutes les fois où j’aurais pu tuer Sirius Green et Dae-Hyun Gyeon avec facilité et m’en sortir intacte… Mais il a sérieusement fallu que je fasse le kéké, comme d’habitude. J’essaierai bien de prier et de promettre au ciel que je serais une meilleure personne si la mort m’épargne mais c’est inutile : je sais très bien que je mens et s’il y a une entité là-haut qui nous contrôle tous, elle le sait autant que moi.
Chishiya s'agite comme je ne l’ai jamais vu s’agiter avant. Forcément, dans la logique des choses, il meurt si je meurs. Il vit moins bien l’expérience que moi. Je n’irais pas dire que c’est agréable : mon ego souffre autant que mon corps mais il est hors de question que j’obéisse à ce connard de prince. Plutôt crever. Littéralement. N’en déplaise à Chishiya. C’est encore moi qui décide.
Je crois que, au fond, il y a une partie de moi qui refuse d’admettre que je vais mourir si je reste ici. Aussi longtemps que je me souvienne, je me suis toujours pensé immortel. Un peu comme si j’étais le seul être réel dans ce monde, que les autres étaient tous des sortes de PNJ et que le monde entier était un décor planté uniquement pour moi. Alors… Comment pourrais-je mourir ?
Pourtant les secondes s’écoulent, la douleur s’intensifie et j’ai doucement l’impression de me détacher de la réalité. Vais-je réellement mourir ici ? C’est quand je commence à me dire que, peut-être, finalement, je ne suis pas immortel, que je pense à me redresser et à fuir… Mais c’est trop tard à ce moment-là. Mes jambes ne répondent plus. Je ne suis plus maître de rien.
Un sourire s’installe sur mes lèvres alors que des larmes coulent sur mes joues. Je pourrais rire tant cette situation est d’un tragique… Quel idiot je fais. Je vais mourir comme ça parce que j’ai été trop con et trop confiant en moi… Wow. C’est donc ça que ça fait de se sentir idiot ? Je ne pensais jamais ressentir une telle douleur.
Je ferme les yeux, comme si le fait de ne rien voir pouvait m’aider. Comme si je pouvais m’endormir et mourir dans mon sommeil. Il faut trouver un bon côté à cette situation, je suppose… Le fait que je sois mort en faisant ce que j’aime. Le fait que je sois mort jeune et beau. Le fait que je sois mort le sourire aux lèvres. Je n’ai pas encore fait d’étincelles pour être certain que l’on parle de moi… Outre les Blue Dragons peut-être.
Tiens, j’y pense… Comment vont-ils réagir, tous ?
Les Blue Dragons me verront sûrement comme un martyr. Si Clémence l’apprend j’ignore si elle serait heureuse ou si elle est bien trop gentille, au fond, pour célébrer ma mort. Je pense que Mao sera détruite, elle, même si je ne comprends toujours pas pourquoi elle s’acharne à tenir à moi. Comment est-ce que Scott-Rosier prendra la nouvelle ? Sera-t-il triste ? On était quand même pas mal complices, non ? D’ailleurs, est-ce que les Blue Dragons vont capter que ce mec les a trahis ? J’espère pour lui que non. Je pense aussi à Frost, comme ça… Il m’attends encore à l’appartement. J’ai légèrement pitié pour lui, il semblait content de s’être fait un ami et voilà que je meurt bêtement. Puis, putain, Sara. Ma petite sœur… J’ai un pincement au cœur à l’idée de l’abandonner comme ça… Et puis il y a Sam Phelps aussi. Lui aussi, je ne sais pas trop où me placer. Il s’est pris un Avada plus tôt quand il m’a rejoint pour m’aider à me battre contre le prince. Il va sûrement se réveiller à un moment et comment va-t-il réagir face à mon corps sans vie juste à côté de lui ? Je ne serais pas surpris que ça ne le touche pas mais je me demande tout de même…
Je n’aurais sûrement jamais la réponse à toutes ses questions… À part une : celle qui concerne Sam Phelps. Ce dernier se redresse avant que je ne passe l’arme à gauche, je l’entends et le sens à côté de moi. J’ouvre péniblement les yeux, épuisé, alors qu’on me secoue l’épaule. C’est douloureux. Je grogne. On ne peut même plus crever en paix, ici…
Yeux plissés, je découvre une femme blonde penchée au-dessus de moi. Je sais qui est cette demoiselle, évidemment. Plus tôt, lorsque Sam m’a rejoint, il avait cette apparence et pourtant j’ai immédiatement compris que c’était lui. L'instinct, peut-être.
"C'est ton jour de chance ! Mourir définitivement ou devenir vampire ?"
Hein ?
Il faut un moment pour que les paroles de Sam montent jusqu’à mon cerveau. Mourir… Ou devenir vampire ? Il est sérieux ?
On veut vivre ! On veut vivre !!
Chishiya s’exclame. Il me fait mal à la tête, d’ailleurs, à s’agiter. Évidemment qu’il a fait son choix. En ce qui me concerne, j’admet ne pas avoir à peser les options longtemps pour prendre ma décision : entre crever ou vivre éternellement jeune et beau ? Enfin, c’est trop facile. En plus, maintenant, je sais quelle promesse faire au ciel s’il me laisse vivre : je m’assurerai de marquer assez d’esprits pour que, si je disparais un jour, on parle de moi.
J’ouvre les lèvres pour répondre mais Sam place son index sur mes lèvres. C’est désagréable, je n’aime pas qu’on touche mes lèvres. Déjà que de base je ne suis pas fan qu’on me touche tout court… Après, vu la situation, je crois que je peux supporter le contact physique. En plus, j’ai essayé de parler mais je ne suis pas sûr qu’un son serait sorti si Sam m’avait réellement laissé le temps de répondre. Je peine à respirer alors parler…?
"Ne crois pas avoir le choix, mon cher disciple. Cela fait des années que j'attends de pouvoir transmettre mes connaissances à quelqu'un de ma trempe. D'accord ou non, je ne vais pas te laisser passer l'arme à gauche. Inutile de te fatiguer."
Sam a un sourire très déplacé sur le visage et m’adresse un clin d'œil. Je lui réponds par un sourire. Soit, ça me va parfaitement. Nous sommes sur la même longueur d’onde : aucun de nous deux ne veut me voir mourir. Ça me fait plaisir d’entendre Sam le dire, en plus du fait qu’il m’aie appelé son “cher disciple”.
Le vampire se redresse et me porte dans ses bras. Quand il me bouge, je ressens une douleur vive parcourir mon corps et je grogne à nouveau, grimaçant. Je fronce les sourcils et tousse un peu, sentant le sang remonter ma gorge pour glisser sur mes lèvres. Ugh… Il faut que Sam me sauve… Et vite. La douleur est insupportable, même pour moi.
"On va devoir trouver un autre endroit, ça va bientôt grouiller d'aurors ici."
J’écoute à peine ce que raconte Sam, très détaché et concentré sur la douleur qui ne me quitte pas. J’ai l’impression de ressentir chaque petit mouvement et c’est tellement fort que je perds la notion de tout ce qu’il y a autour. Je crois avoir simplement comprit qu’on allait s’en aller. L’idée ne me dérange pas mais je sens que le voyage ne va pas me faire du bien…
Tant pis. Il faut savoir supporter le pire, parfois, pour arriver au mieux. Je le sais très bien, j’ai vécu de longues années terribles avant d’en arriver là où j’en suis aujourd’hui. Raison de plus pour ne pas mourir définitivement.
C’est à la vitesse qui caractérise si bien les vampires que Sam m’emmène. Comme je l’avais prévu, le voyage n’est pas dingue. J’ai mal partout et j’ai la nausée quand on arrive enfin. Je n’arrive pas à voir où nous sommes, d’ailleurs. Je dois déjà lutter pour que mes yeux ne roulent pas en arrière dans leurs orbites alors autant dire que le décor est bien flou. Je ne reconnais que Sam, et encore. C’est bien parce que je sais que c’est lui que je le reconnais. Il n’est plus cette blonde. Il est plus… Lui. Je dirais qu’il est un peu différent quand même mais je ne peux pas le garantir, après tout je suis dans le gaz.
Sam me positionne contre lui. Mon dos est calé contre son torse et, pour une fois, ça ne me dérange pas d’être collé à quelqu’un. Pour une fois, le contact physique à quelque chose de chaleureux, de rassurant. Est-ce que c’est ce que ressentent les personnes normales quand elles s’étreignent ? Est-ce pour ça que tant de personnes sont si désagréablement tactiles ?
"Ca va être douloureux, tu dois mourir et ensuite boire mon sang. Ton corps va te donner l'impression de brûler. Se sera sans doute la pire douleur que tu as jamais expérimenté. Pour le reste nous verrons plus tard. Je t'apprendrais."
Plus douloureux que mon état actuel…? Une partie de moi peine à croire qu’il est possible d’avoir plus mal que ça. Mais je sais, au fond, que je ne suis pas en extrême souffrance. Être brûlé vif c’est bien pire, déjà. Et si j’en crois les paroles de Sam, c'est à peu près ce que je vais vivre. Tant pis, je suis prêt à encaisser. Il est hors de question que je meurs… Du moins, définitivement. Puis même si je changeais d’avis, Sam a été clair sur le fait qu’il ne me laissait pas vraiment le choix.
Je n’ai pas même la force de hocher la tête mais, si je le pouvais, j’aurais fait comprendre à Sam que c’est bon pour moi. Heureusement, ce dernier n’attends pas mon feu vert explicite pour planter ses crocs dans ma veine jugulaire. Une première douleur vive mais supportable se fait ressentir à ce moment-là. J’ai conscience que ça n’est que le commencement mais déjà mon corps entier se tend. Les choses se font bien plus vite que j’aurais pu m’y attendre. Mon corps se vide de son sang à une vitesse impressionnante et, avec ça, je sens mes forces me quitter. Je lutte instinctivement contre l’évanouissement mais l'inévitable finit par se produire. Mon cœur s’arrête et mon dernier souffle m’échappe.
J'aimerais vous raconter ce que l’on voit quand on passe de l’autre côté.. Mais je n’en ai aucun souvenir. Soit il n’y a rien, soit je suis incapable de m’en rappeler. Tout ce que je sais c’est que, quand je m’éveille à nouveau, mon corps est extrêmement crispé. J’ouvre les yeux soudainement et me redresse vivement, comme dans un spasme. Je comprend ce que Sam entendait par “la pire douleur que tu as jamais expérimenté”. La douleur est telle que je ne saurais la décrire. Dire que j’ai l’impression qu’on a mit le feu à mon corps serait un euphémisme.
Tous mes sens sont en alerte de la pire des façons. J’ai atrocement mal, tant et si bien que ma vue est trouble, que le seul son qui me parvient est celui d’un acouphène aigu et que ma voix se bloque un instant dans ma gorge. C’est quand je sens que cette dernière se débloque qu’une main vient se plaquer contre ma bouche pour étouffer mes cris. Je ne suis même pas dans l’état de deviner qu’il s’agit de la main de Sam et, de toute manière, je m’en fiche. Qu’importe qui me tient, la douleur reste la même et mon premier réflexe est de mordre la main posée sur mes lèvres pour tenter de rendre tout ça plus supportable, en vain. Je vais sûrement laisser de vilaines marques de dents sur cette main mais c’est le dernier de mes soucis, croyez-moi.
"Ca va aller gamin."
Sam me chuchote en me gardant contre lui. Sa proximité rend tout moins pire, mais l’expérience reste horrible. J’ai l’impression que mon cœur bat trop vite mais je me demande si c’est réellement le cas. Est-ce qu’il bat, seulement ? Est-ce que c’est juste la douleur qui est pulsatoire ? Je suis incapable de trouver la réponse. Je n’arrive qu’à produire des hurlements étouffés en me tordant sur moi-même et en mordant la main qui m’est offerte plus fort encore. Des larmes roulent incessamment sur mon visage sans que je puisse les retenir. Je dois faire pitié à voir… Et même ça, je n’arrive pas à le trouver chiant tant la douleur prend toute la place. Même Chishiya a l’air de ressentir une partie de cette douleur, il hurle dans ma tête et j’ai l’impression que celle-ci va exploser.
Je ne saurais estimer le temps qu’il me faut pour me calmer un peu, mais j’ai l’impression que tout cela dure une éternité. La douleur finit par se rendre plus supportable progressivement et je suis soulagé quand je sens qu’elle s’atténue. Elle ne disparaît pas entièrement mais toute amélioration est bonne à prendre après ce que je viens de vivre. En fait, je m'évanouit dès que l’adrénaline se calme assez pour me le permettre.
"Alors on est enfin réveillé, la belle aux bois dormant ?"
J’ignore combien de temps passe avant que j’ouvre les yeux à nouveau. Je crois que le matin se lève mais je n’en suis pas sûr. Je reconnais la voix de Sam et je perçois son aura, son odeur, sa présence. Ça m'aide à me réveiller doucement et sans laisser la panique me gagner. Je suis là où je suis censé être, avec la bonne personne. Mon corps me fait toujours mal mais c’est très supportable et ça n’a rien à voir avec ce que c’était avant que je tombe dans les pommes.
... Mourir, ça craint.
Je grogne en me redressant pour m’asseoir sur le lit dans lequel je me trouve. Je porte le poids de l’épuisement physique mais j’arrive à bouger et j’avoue que le fait d’avoir le contrôle sur mes mouvements et mon corps m’avait manqué, aussi pénible est-ce de bouger.
Sam me passe une fiole de sang et je n’hésite pas avant de la descendre. J’ai jamais eu peur de boire du sang, je l’aurais sûrement fait si j’en avais eu l’occasion avant aujourd’hui. En tout cas, ça me redonne un peu d’énergie et je trouve ça délicieux. Je sens que je ne vais pas avoir du mal à changer de régime alimentaire.
… Parce que c’est ce qu’il va se passer maintenant, n’est-ce pas ? J’ai traversé cette horrible douleur plus tôt… Je suis un vampire maintenant, non ? Autrement je serais inerte, je ne vois pas autre chose.
Merde, Sam…
Je lève mes mains pour les regarder sous tous les angles, comme si je les découvrais pour la première fois. J’ai juste du mal à réaliser que j’ai pu survivre à tout ce qui s’est passé. Entre l’attaque du prince et la transformation…
Peut-être que j’avais raison au final, je ne mourrais pas.
Tu m’as sauvé…
Je lève les yeux vers mon mentor en reposant mes mains. J’aurais bien demandé “pourquoi” mais il m’a déjà expliqué pourquoi quand il m’a fait comprendre qu’il allait me sauver quoique j’en pense : je suis son disciple, et ça lui plaît bien.
Cheh, Monsieur le prince !
Moi, un vampire… Jamais je n’ai pensé que ça m’arriverait…
Mais c’est vraiment la meilleure des fins, n’est-ce pas ? Comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas peu ravi à l’idée de vivre éternellement sans prendre de l’âge. L’affreuse transformation passée, je peux dire que je nage en plein rêve.
Quand je t’ai demandé de m’apprendre à vivre comme toi, je n’avais pas exactement cela à l’esprit, tu sais…
Je plaisante, une lueur malicieuse dans le regard.
Mais maintenant qu’on y est… J’imagine que j’ai beaucoup de nouvelles choses à apprendre…
Je m’étire.
Ouch.
Par contre…
C’est toujours pas vraiment ça. Mais bon, après ce que j’ai vécu, j’ai l’impression que plus aucune torture ne saurait avoir raison de moi.
... Cette merde, là, c’est la dernière fois.
La transformation.
Évidemment il y a de la vanne dans mon ton. On n’est pas deux fois transformés en vampire… Du moins pas que je sache. Si c'était possible, je ne sais pas vraiment quel serait mon choix. Si je devais mourir encore qu'il m'était offert ce dilemme à nouveau, est-ce que je serais prêt à ressentir une telle douleur une nouvelle fois ? ... Eh bien, j'aime me dire que oui. C'est évident. Tout vaut mieux que de crever comme une merde. Le monde ne se débarrassera pas si facilement d'Akutenshi Busujima, croyez-moi.
Je laisse mes muscles se détendre un maximum et soupire lourdement avant de laisser mon regard découvrir la chambre dans laquelle je suis. J’y faisais pas attention jusqu’alors, mais peut-être qu’il serait utile de demander…
... En fait… Où est-ce qu’on est ?
Quelque chose me dit que cet endroit est la chambre de Sam Phelps, mais on ne sait jamais. Après tout, à présent je m'attends un peu à tout et n'importe quoi.
Dernière édition par Akutenshi Busujima le Mer 5 Juin - 23:02, édité 2 fois