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Oeil pour oeil
La dignité est dans la lutte

5 Avril 2002


Cette journée ressemblait à toutes les journées que Frost passait à Poudlard. Il revenait de cours où il n’apprenait pas grand chose puisque ses connaissances les surpassaient de loin, il mangeait dans la grande salle puis il allait dormir, il se réveillait et il recommençait encore et encore. En bref, il tournait en rond. Ces derniers mois lui avaient laissé un goût amer, surtout le passage de la mort d’Akutenshi ressuscité en Vampire. Il n’oublierait jamais l’impression d’impuissance que le départ de son meilleur ami avait laissé, ainsi que l'humiliation de son combat avec Bleddyn. Il se sentait comme une Ferrari limitée à 90 km/h, il aurait pu faire beaucoup mieux si seulement il évoluait dans un environnement qui correspondait à ses capacités. Ambrose était un bon professeur néanmoins, il lui avait transmis tout ce qu’il pouvait lui transmettre et Frost le ressentait de plus en plus.

Cigarette au bord des lèvres, mains dans les poches, le Serpentard déambulait dans le parc, il voulait échapper au brouhaha incessant de la grande salle pendant le dîner. Le temps commençait à se réchauffer, le printemps succédait enfin à l’hiver. Ses pas le guidèrent jusqu’au chemin qui menait à la cabane d’Hagrid où il croisa un groupe de 6ème années, ils ricanaient un peu trop méchamment pour être innocents mais Frost les ignora, ce que ces crétins avaient fait l’indifférait royalement. Alors qu’il s’apprêtait à contourner le jardin du garde chasse dans le but de rejoindre les abords du lac, un reniflement derrière une gigantesque citrouille attira son attention. Il avisa l’énorme légume d’un œil curieux et hésita un moment à feindre de n’avoir rien entendu. Merlin seul sait pourquoi il décida d’aller voir qui se trouvait caché là, toujours est-il qu’il contourna la citrouille et découvrit une blondinette recroquevillée sur elle-même. Le Serpentard tira sur sa cigarette une fois, deux fois, trois fois et finalement, se décida à réagir.

Ça va ? Demanda-t-il.”

A peine lui avait-il posé la question que le souvenir du groupe de 6ème années lui revint en mémoire. Un classique.

Laisse moi deviner, c’est ces quatre crétins qui t’ont mise dans cet état ? Poursuivit-il en s’appuyant contre le gros cucurbitacé, bras croisés.”

Il savait ce que le harcèlement pouvait engendrer, notamment parce qu’il y avait fait face au travers d’Orion. Frost se défendait bien, en règle générale il rendait les coups qu’on lui infligeait, son frère en revanche était un garçon sensible que chaque réflexion ébranlait. Il n’était pas particulièrement gentil mais jamais il ne s’en serait pris à quelqu’un gratuitement, juste pour l’humilier et lui faire mal. Cyrus était de ceux qui blessent pour le plaisir de blesser, Frost le détestait suffisamment pour que les personnes dans son genre lui donne envie de commettre un meurtre. Il voyait Orion à travers cette jeune fille effondrée, c’est certainement pour cette raison qu’il consentit à s’asseoir à côté d’elle quelques minutes.

Pleurer ne résoudra rien, affirma-t-il en posant nonchalamment ses bras sur ses genoux pliés. Si tu veux qu’ils te foutent la paix, il faut que tu te battes. Ce monde est une putain de jungle et pour survivre, tu dois devenir plus forte que tes agresseurs. Tant que tu te soumettras, ils frapperont, ce sont des animaux, ils ne comprennent que la violence.

La plupart des gens l’auraient probablement plainte, lui auraient fait un gros câlin et auraient séché ses larmes mais Frost n’était pas de ceux-là. C’était un jeune homme pragmatique, il analysait la situation et trouvait une solution au problème.

Ils n’auront jamais pitié de toi.. Ils s’en contrefoutent… Ajouta-il en soufflant un nuage de fumée dans le vide. Tu as une baguette mais pas que, entraîne toi, je peux t’assurer qu’un bon coup de poing suffit généralement à les mettre au tapis.

Il n’y a pas plus fragile qu’une brute, malgré les apparences, ce sont souvent de vraies pleurnicheuses. Le souvenir de sa confrontation avec Troy Gnash en cinquième année soutira au serpentard un petit sourire en coin. Il lui avait suffit de l’attraper par le col et de le plaquer contre un mur pour qu’il l’implore de le laisser partir, c’était d’un pitoyable… Hunter faisait partie de ce genre de gars, plus impressionnant que dangereux. Son cousin était une sacrée poule mouillée derrière ses airs d’héritier au sang-pur. Maintenant qu’il y pensait, il correspondait parfaitement à sa famille, cruelle certes, mais lâche. Un nouveau reniflement de la part de la blondinette tira Frost de ses réflexions.

Pourquoi est-ce qu'ils s’en prennent à toi ?




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Oeil pour oeilVendredi 5 avril 2002Il était communément admis que l’homme était depuis toujours un loup pour l’homme, pourquoi est-ce que je devrai m’en étonner ? La partie rationnelle de mon esprit savait que je ne devais pas accorder autant d’importance aux mots des jeunes Sang-Purs, mais je ne pouvais rien y faire : ils me touchaient droit au coeur à chaque fois. Il y avait des moments où j’arrivais à garder la tête haute et parfois, comme maintenant, où je craquais complètement. C’était comme si le barrage de mon esprit cédait d’un coup, et que leurs mots et leurs moqueries incessantes me submergeaient antérieurement. Je n’ai jamais été habitué à autant de méchanceté, de sous-entendus et de reproches détournés. Nous étions plus dans un style de communication directe et franche dans ma famille, alors peut-être que ceci explique un peu cela…  

Au moins, j’avais le droit à un peu de répit, même si c’était en me cachant derrière un énorme légume d’un orange bien tape-à-l’œil. C’était un peu l’arbre qui cachait la forêt, non ? En tout cas, le petit groupe d’harceleurs – autant les appeler comme cela, étant donné que les mots avaient du pouvoirs sur notre esprit – était partis, me laissant seule avec mes pensées. Je renifla un bon coup, avant de laisser vagabonder mon esprit en observant le ciel. Parfois, en le regardant, je me demandais pourquoi la vie n’était pas un tout petit peu plus simple… Et une odeur assez désagréable me fit froncer les sourcils. De par ma minuscule expérience, j’avais l’impression de reconnaître l’odeur de la cigarette, bien qu’elle soit bien différente de celles que fumait à longueur de journée le petit frère de Spencer. Mais après tout, j’étais bien placée pour savoir que les cigarettes de Lemony étaient un petit peu spéciales… « Ça va ? » Je ne pus m’empêcher de sursauter en entendant la voix de Frost Rosier. Autant ne pas y aller par quatre chemins : ce n’était pas lui que j’attendais à venir voir ce qu’il se passait. Quand à sa question… si je n’étais pas en train de pleurer, je crois bien que j’en aurais ris. Il était évident que je n’allais pas bien, n’est-ce pas ?

« Laisse moi deviner, c’est ces quatre crétins qui t’ont mise dans cet état ? » Cette fois aussi, je fus surprise, mais dans le bon sens. Le fait qu’il ait compris de lui-même la situation m’enlevait une sacrée épine du pied : je n’aurai pas besoin de résumer ce qui venait de se passer, alors que j’avais sans doute encore la voix un peu tremblante à cause des larmes. « Pleurer ne résoudra rien. » Je hochais la tête, sans rien dire. Je le savais bien que les pleurs ne leur donnera que des armes supplémentaires pour continuer, mais je n’avais sûrement pas assez de détachement ou de force de caractère pour ne pas céder à une bonne crise de larmes de temps à autres. « Si tu veux qu’ils te foutent la paix, il faut que tu te battes. Ce monde est une putain de jungle et pour survivre, tu dois devenir plus forte que tes agresseurs. Tant que tu te soumettras, ils frapperont, ce sont des animaux, ils ne comprennent que la violence. » Il y a encore peu, j’aurai souris face à ce genre de discours que j’aurai jugé un peu trop simpliste, voir dangereux. Sauf que cela durait depuis des années, et j’avais bel et bien l’impression qu’il y avait une escalade dans la violence de leurs mots… Au moins, avant, je pouvais faire semblant de ne pas avoir entendu ou ne pas avoir compris ce qu’ils voulaient dire, ce qui n’était plus vraiment possible à présent. « Ils n’auront jamais pitié de toi.. Ils s’en contrefoutent… » Je fixa mon regard devant moi, sans rien dire. Je le savais bien, qu’ils n’aurait pas pitié de moi en voyant quelques larmes. C’était une satisfaction malsaine pour eux, de me voir craquer. De tout cela, j’en avais bien conscience, mais c’était dire de résister tout le temps… « Tu as une baguette mais pas que, entraîne toi, je peux t’assurer qu’un bon coup de poing suffit généralement à les mettre au tapis. » Je regarda Frost, interloqué. Est-ce qu’il suggérait réellement ce que je pensais qu’il me suggérait… ?

« Pourquoi est-ce qu'ils s’en prennent à toi ? » J’essuyais doucement une dernière larme qui courait sur ma joue, avant de prendre une grande inspiration pour me lancer dans mon récit. « C’est… compliqué. » Mais après tout, quelles histoires ne l’étaient pas ? Je soupira une nouvelle fois, avant de continuer : « Ma famille n’est pas très aimée parmi les Sang-Purs… ils ne sont pas vraiment adeptes de ce genre de milieu, et ma mère n’est pas une véritable Sang-Pure. » Ce qui en résultait qu’elle n’était pas souvent invitée, ou plutôt que certaines familles oubliaient d’envoyer trois invitations chez nous. Il n’y en avait que pour mon père et moi, ma mère passant à la trappe. Alors que tout le monde dans la famille de mon oncle était toujours invités, étrangement… « Et puis… c’est vraiment stupide, je sais, mais mes parents ne font pas un métier assez bien, selon eux. Ma famille n’est pas très portée sur le luxe, ou les choses comme ça. » Au fond, ils trouvaient que des choses minimes. Prises individuellement, leurs raisons prêtaient à rire, mais lorsque c’était un tout qui était rabâché depuis des années… « Mon père a passé quelques années avec des Moldus, en plus. Ça aussi, ça ne plaît pas à certains. » Comme si le fait de faire son service militaire était une faute grave… Enfin bon, apparemment être journaliste l’était tout autant. Il ne fallait pas chercher à savoir, avec eux. « Normalement je ne réponds rien, mais ça devient de plus en plus dur. » Je haussais les épaules, en regardant les nuages au-dessus de Frost et moi. « Peut-être que je devrais utiliser ta solution. Mais je devrai trouver quelqu’un pour m’apprendre. » Et je ne pense pas que mon père soit très heureux à l’idée de m’apprendre quelques techniques de défense. Et puis… soyons honnête, je n’avais pas du tout envie de parler des moqueries à mes parents. Ma mère pourrait partir au quart de tour, et ça briserait le coeur de mon père qui a une foi aveugle dans l’humanité.
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Oeil pour oeil
La dignité est dans la lutte

Une histoire de sang, Frost aurait dû le voir venir, il était presque toujours question de ça dans cette école. Soyons honnêtes, il y a un réel écart entre les sangs purs et les sangs-mêlés/nés moldus. Lui-même avait dû se battre contre les préjugés qui suivaient sa fratrie comme un niffleur poursuit une pièce d’or. Depuis la guerre, la situation l’avait poussé à garder un oeil sur Orion, il ne comptait plus les bagarres, les insultes, les fourberies... Il savait d’expérience ce dont les sangs-purs pouvaient être capables. Ambrose l’avait formé pour cette raison, parce que sans un bon niveau de défense et d’attaque, il finirait probablement mort dans un coin de la forêt interdite.

Frost comprenait, bien que sa situation soit différente de celle de la Poufsouffle, le résultat demeurait le même. Et les agressions finiraient par empirer, ses harceleurs ne se contenteraient pas d’insultes éternellement. Bientôt les mots laisseraient place à des coups et les coups à des sortilèges, de toute façon les enfants de familles haut placées ne risquaient rien, leurs parents avaient une telle influence qu'en cas de litiges, ils trouveraient toujours un moyen de s’en sortir. Autrefois Alabaster réparait ses erreurs quel qu’elles soient, il aurait probablement pu commettre un meurtre et s’en sortir avec quelques travaux d'intérêt général. En connaissance de cause, Frost avait une responsabilité s’il arrivait quelque chose à cette fille. En sommes : soit il la laissait se débrouiller et certainement se faire battre sans lever le petit doigt, soit il partageait ses connaissances avec elle. Il s’adossa à la citrouille lourdement en poussant un soupir désabusé.

Je vois… Dit-il. J’imagine que tu n'as personne pour t’apprendre…

Déduction logique, si elle se posait la question c’est qu’elle était seule. Le Serpentard se sentait piégé et Merlin seul sait à quel point il détestait être dans ce genre de situation. Ceci étant dit, son emploi du temps lui permettait largement de donner des leçons. Mais s’il commençait à l’entraîner, perfectionniste qu’il était, il ne s'arrêterait pas avant qu’elle ait un niveau exceptionnel. De fait, Frost l’aurait sous sa responsabilité jusqu'à la fin de l'année. Et puis, il n’était pas dupe, cette fille devait connaître son passé, sa réputation, si elle traînait avec lui, les choses trouneraient au vinaigre.

Je veux bien t'apprendre, déclara-t-il. Mais tu dois savoir que c’est un aller sans retour pour plusieurs raisons : te montrer en ma compagnie te rendra encore plus détestable aux yeux des familles de sangs-purs, pour eux je suis dangereux parce que je ne me laisse pas faire et que je suis capable de les abattres facilement, ils le savent, tu deviendras une cible, plus que tu ne l'es déjà…”

Frost marqua une pause, le temps que la Poufsouffle assimile l'information.

Si je t'apprends ce que je sais, tu deviendras beaucoup plus forte et donc, tu deviendras une menace à leurs yeux… Poursuivit-il gravement. Tout a une contrepartie, si tu décides de te battre, ils essaieront de t’éliminer.

Nouvelle pause. Le Serpentard glissa une cigarette neuve entre ses lèvres et l’alluma d'un coup de baguette.

Je ne vais pas te ménager, les entraînements seront difficiles, tu auras des courbatures, il arrivera que tu sois blessé, tu auras mal…”

Il ne le fera pas pour le plaisir mais pour la rendre résistante. Plus elle endurera la douleur et moins elle aura peur de souffrir. C’est mathématique. Frost avait appris à supporter les plaies, les os brisés, les courbatures et les hématomes. Ambrose était un homme protecteur mais il n’avait aucune pitié en combat. Il le remerciait malgré tout de l’avoir rendu solide.

Mais je peux t'assurer que tu deviendras intouchable. Tu n’auras plus rien à craindre de personne dans cette école…

Le Serpentard souffla un épais nuage de fumée dans le vide devant lui et haussa les épaules.

La décision t’appartient.




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Oeil pour oeilVendredi 5 avril 2002Est-ce que Frost avait vraiment compris ce que j’avais cherché à lui retransmettre avec mes mots ? Même pour moi, ils me semblaient confus et issus d’un discours assez vague, mais peut-être me faisais-je des idées, finalement. « Je vois… J’imagine que tu n'as personne pour t’apprendre… » Je réfléchis, un instant, avant de hocher la tête. Ce n’était pas comme si il n’y avait personne pour m’apprendre, en soit : mon père le pourrait, puisqu’il avait fait l’armée Moldue. Mais je me doutais bien qu’il ne voudrait pas, et je ne voulais pas lui parler de mes petits différents avec certains élèves. Il avait mis tellement de temps avant d’accepter que j’aille à l’école, en réaction à sa propre histoire… Je ne voulais pas qu’il me retire la joie de voir mes amis tout les jours, seulement pour deux ou trois mots de trop. « Je veux bien t'apprendre. » Je leva les yeux vers le jeune homme, surprise. Ce n’était pas le genre de personne sur laquelle j’aurai collé d’emblée l’étiquette « altruiste ». « Mais tu dois savoir que c’est un aller sans retour pour plusieurs raisons : te montrer en ma compagnie te rendra encore plus détestable aux yeux des familles de sangs-purs, pour eux je suis dangereux parce que je ne me laisse pas faire et que je suis capable de les abattre facilement, ils le savent, tu deviendras une cible, plus que tu ne l'es déjà… » « Je ne cherche pas à les abattre… ! » Je ne serai jamais une vraie menace pour eux, je ne cherchais d’ailleurs pas à l’être…  et puis mon statut me protégeait un peu, n’est-ce pas ?

«  Si je t'apprends ce que je sais, tu deviendras beaucoup plus forte et donc, tu deviendras une menace à leurs yeux… Tout a une contrepartie, si tu décides de te battre, ils essaieront de t’éliminer. » Je frissonnais, malgré moi, en entendant ce genre de mots. Une partie de moi me disait qu’il en faisait un peu trop, obscurcissant un tableau déjà bien assez sombre comme ça. « Nous ne sommes plus en 98, quand même… » Les choses avaient évoluées, heureusement. Mon esprit rationnel ne pouvait pas admettre que des adolescents – des enfants ! - se mettent à tuer ou pire juste parce que je leur avais mis une baffe ou deux. Ce n’était pas comme cela que le monde fonctionnait. En tout cas, ce n’était pas mon monde. « Je ne vais pas te ménager, les entraînements seront difficiles, tu auras des courbatures, il arrivera que tu sois blessé, tu auras mal… » J’ouvris grand les yeux, en essayant de penser rapidement à la balance entre coût et avantages. Une tranquillité d’esprit contre quelques bleus ? Après tout, ce serait comme si je faisais n’importe quelle activité physique, ou du Quidditch, n’est-ce pas ? « Mais je peux t'assurer que tu deviendras intouchable. Tu n’auras plus rien à craindre de personne dans cette école… » « Je ne les crains pas, c’est juste un peu lourd, parfois… » Je soupirais, mise devant mes propres contradictions. Comment pouvais-je minimiser leurs mots qui venaient de me faire éclater en sanglots incontrôlables derrière une citrouille ? Mais surtout, je repensais à autre chose. Les Sangs-Purs de Poudlard ne faisaient que lancer deux ou trois méchancetés, certes. Mais j’avais bien appris, il n’y a même pas deux mois, qu’il pouvait y avoir des situations plus dangereuses que celles-ci. Des situations où savoir se défendre étaient vitales, car il n’y aurait pas toujours Sirius derrière moi pour m’aider.

« La décision t’appartient. » « D’accord. » La réponse fusa d'entre mes lèvres, à ma plus grande surprise. Ce fut comme si un poids s’enlevait dans ma poitrine, me permettant d’un peu mieux respirer. Je refusais que l’on me catalogue comme une victime, une victime de harcèlement, ou du système. « Qu’est-ce qui est en premier, au programme ? » J’adressais un sourire à Frost, en essuyant les dernières larmes qui restaient accrochés à mes cils. J'étais déjà un peu plus serine, sans trop savoir mettre le doigt sur pourquoi. J’avais l’impression d’avoir un secret avec mon nouvel objectif. Devenir plus forte pour ne plus jamais mourir de peur dans une salle de bain sordide, pour redresser la tête quand ils insultaient mes parents. Et puis, contrairement à ce que pensait Frost, j’étais certaine que les conséquences de notre arrangement ne seraient pas aussi terribles qu’il le pensait.
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Oeil pour oeil
La dignité est dans la lutte

À en juger par ses réactions, Maggie n’avait pas conscience du degré de dangerosité des sangs-purs. La guerre datait de 3 ans seulement, ç’aurait été miraculeux que les mentalités changent en si peu de temps. Les Serpentards, majoritairement, avaient gardé leurs mauvaises habitudes et une bonne partie d’entre eux les conserveraient encore très longtemps. Frost le savait pour avoir grandi au cœur du cercle des mangemorts, côtoyé leurs enfants et subit les conséquences de sa “trahison”, ces gens-là n'avaient plus rien d’humains. Il y avait des familles de sangs-purs honorables mais malheureusement, elles étaient minoritaires. Comment expliquer ça à une fille qui venait d’un foyer aux origines opposées, dont l’expérience s'arrêtait à l'idée qu'elle se faisait de la guerre ? Elle ne pouvait pas imaginer à quoi ressemblait la vie des enfants issus de familles extrémistes. Pour la plupart d’entre eux, le statut de sang et la réputation justifiaient des mesures radicales, ils avaient été élevés comme ça. De fait, Maggie était une cible inoffensive pour l’instant, une amélioration de ses capacités aurait des conséquences bien qu’elle pense le contraire. Pour toute réponse, Frost se contenta d’un soupir, débattre ne servirait à rien et si elle minimisait les risques, c'était son problème. Persuadé qu’elle refuserait sa proposition, il se leva, prêt à repartir.

D’accord. Qu’est-ce qui est en premier au programme ?

C'était inattendu. Le jeune homme jeta à la Poufsouffle un regard partagé entre la surprise et l’incertitude, il n’avait pas envie d’enseigner à quelqu'un qui ne donnerait pas le meilleur de lui-même. Frost tira sur sa cigarette l’air pensif, il pesait le pour et le contre, le bénéfice risque, il calculait l’investissement physique et psychologique que cette expérience engendrerait. Finalement, après une bonne minute les yeux dans le vide, le Serpentard reporta son attention sur la blondinette assise à ses pieds.

“On va commencer par évaluer tes capacités, déclara-t-il. Rejoins moi au Septième étage demain matin à 9h, ne sois pas en retard.

Sur ces mots, Frost laissa Maggie derrière sa citrouille er reprit le chemin du lac noir tranquillement. Heureusement qu’il n’avait rien de prévu ce week-end là. En réalité il n’avait jamais grand chose de prévu hors vacances, il arrivait qu'il boive quelques verres avec Falcon mais rien de plus exaltant…

[Ellipse]

Le lendemain matin, Frost se réveilla de relativement bonne humeur. Tout le monde dormait profondément ce qui lui permit de se préparer dans le calme. Exit l’uniforme, il enfila un chino et une chemise noire ainsi qu'une paire de brogues impeccablement cirées. Il avisa son reflet dans le miroir, coiffa ses cheveux élégamment et sortit de son dortoir en retroussant ses manches sur ses avant-bras. Il n’y avait pas grand monde dans les couloirs du château, la plupart des élèves cuvaient leur vendredi soir. Ça l’arrangeait, moins il y avait d’adolescents stupides sur son passage, mieux il se portait.

Après un petit déjeuner sommaire constitué d’un café et d’un œuf au plat, le Serpentard rejoignit le Septième étage paisiblement. Quelques connaissances le saluèrent sur son passage et il réalisa que depuis le début de cette année, ses relations s'étaient sensiblement améliorées. Falcon y était pour beaucoup, néanmoins il pouvait se targuer d’avoir fait un effort. Le souvenir de Livia lui vint à l'esprit et son cœur se serra douloureusement dans sa poitrine. Cette fille lui avait retourné le cerveau, Frost refusait d’admettre qu'elle lui manquait mais le fait est qu’il pensait à elle plus qu’il ne l’aurait dû. Pourtant leur liaison fut courte, intense certes, mais brève. Le plus jeune des Rosiers se secoua mentalement, il n’avait franchement pas besoin de se miner le moral pour une Gryffondor dont la considération frôlait l’indifférence.

Les couloirs du septième étage étaient aussi vides que le reste de l'école. Ainsi, Frost trouva Maggie facilement. Il ne prit même pas la peine de s'arrêter pour la saluer et se contenta de passer devant elle une main dans la poche.

Suis moi, ordonna-t-il.”

Il conduisit la jeune fille jusqu’à un mur recouvert d’une tapisserie affreuse. Franchement celui qui avait dépeint Barnabas le Follet tentant d'apprendre la danse classique à des trolls devait être profondément dérangé. Le Serpentard pivota et se concentra sur le mur d’en face. Il ferma les yeux brièvement et, lorsqu’il les rouvrit, une grande porte ouvragée apparut. Il pouvait remercier Drago Malefoy, ce gars était un mystère mais il avait définitivement des informations utiles. Frost entra dans la salle sur demande, transformée pour l’occasion en salle d’entraînement, referma la porte derrière Maggie et lui fit signe de monter sur l'espèce de tatami surélevé au centre de la pièce.

Bienvenue dans la salle sur demande, déclara le jeune homme. Tu ne dois parler à personne de son existence, c’est un secret bien gardé de cette école. Peu d'élèves savent où elle se trouve…

Il retira ses chaussures hors de prix et invita la jeune fille à en faire de même.

Bien je vais commencer par évaluer tes capacités physiques, informa le Serpentard en s’immobilisant au centre du tatami. Frappe moi.

Il n’avait pas peur de prendre des coups. De toute façon, Maggie était une débutante, elle ne parviendrait probablement pas à le toucher. À force de se battre contre son oncle, Frost avait appris à anticiper les gestes de son adversaire. De même, il était désormais capable de ressentir les variations de l’atmosphère autour de lui les yeux fermés. Ambrose pensait à raison qu’une baguette ne faisait pas tout. Un expelliarmus suffisait la plupart du temps à modifier l’issue d’un combat, par conséquent savoir se battre au corps à corps changeait généralement la donne. Le Serpentard observa la jeune fille devant lui se mettre en garde et il comprit à sa position qu’il allait y avoir du travail…




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Oeil pour oeilVendredi 5 avril 2002J’avais peut-être marqué mon accord un peu trop vite, mais je n’aimais pas tergiverser. Bien entendu, j’étais plutôt du genre à peser le pour et le contre lorsque je prenais une décision, mais une fois cela fait, je ne remettais pas au lendemain ma prise de position. Alors, puisque j’étais déterminée à apprendre à me défendre, de quelque manière que ce soit, je ne voyais pas pourquoi je ne m’y mettrais pas dès maintenant. Et même si cela pouvait sembler précipité aux yeux de Frost, il n’en était rien. « On va commencer par évaluer tes capacités. Rejoins moi au Septième étage demain matin à 9h, ne sois pas en retard. » Je ne pus m’empêcher de froncer les sourcils. Mes capacités ? Quelles capacités ? J’en étais bien dépourvu, que ce soit physiquement ou mentalement, et c’était bien là mon problème… Mais avant que je ne pût lui faire part de mes interrogations, Frost tira sur sa cigarette en s’éloignant. Et bien… je sentais que ça allait promettre, pour demain matin.

Samedi 6 avril 2002

Il faisait plutôt chaud, pour un mois d’avril. Il fallait avouer que, durant les vacances de Pâques, j’étais plutôt habituée à voir la neige que le printemps ! Mais pour l’instant, cela ne me dérangeait pas du tout : s’il fallait se battre avec Frost se matin, autant le faire alors que le temps était clément et agréable, n’est-ce pas ? Après un petit-déjeuner assez léger et rapide – Spence n’était pas là pour me distraire, alors mon repas avait été assez vite – je me rendis au septième étage, avant de me poster dans le couloir attenant à l’escalier. Frost n’ayant pas vraiment préciser de lieu de rendez-vous, j’imaginais que c’était le plus logique à faire. Comme cela, je pourrai le voir s’il montait les escaliers, ou s’il arrivait du couloir. Ce qui ne manqua pas d’arriver. « Oh, salut… ! » « Suis moi. » Je lui emboîta le pas sans rien dire, par pure habitude. Combien de fois Joachim m’avait dit la même chose, depuis que nous étions enfants ? Mais je pouvais quand même entendre la voix de ma meilleure amie dans mon esprit, tentant de me secouer : Frost n’était pas Joachim, je ne devais pas lui obéir comme s’il était normal qu’il me donne des ordres. Après tout, Joachim avait juste des difficultés de langage, dirions-nous… Je soupirais rien qu’en imaginant son air effaré lorsque je lui raconterai ma première séance avec Frost. Spencer n’allait pas s’en remettre !

Je le laissa me conduire devant une tapisserie d’un goût douteux. Je n’étais pas une experte des lieux magiques dans Poudlard, mais je pensais tout de même savoir où il m’amenait. Sauf que la pièce n’avait pas l’air d’être la même que celle dont on m’avait parlé. Elle était recouverte au sol d’un tapis étrange, au centre de la pièce. « Bienvenue dans la salle sur demande. Tu ne dois parler à personne de son existence, c’est un secret bien gardé de cette école. Peu d'élèves savent où elle se trouve… » Je toussota discrètement, pour attirer son attention. « Un bon quart des élèves la connaissent déjà… Notre Préfet-en-Chef, par exemple, y a bien vécu deux ou trois semaines durant la guerre. » Sans compter la famille Nightshade au complet, tout les Sang-Mêlés, les membres de l’Armée de Dumbledore... « Et je ne parle même pas de comment certains couples l’utilisent… » Je poursuivis, en enlevant mes chaussures. Est-ce que Frost n’avait jamais entendu ses camarades discuter de cette pièce à voix basses, à la fin des cours ? « Mais je n’en parlerais à personne, ne t’inquiète pas. » Si garder une secret de polichinelle était la condition pour apprendre à me défendre, je le ferai tout de même. « Bien je vais commencer par évaluer tes capacités physiques » Je ne pût me retenir de grimacer légèrement. Les fameuses capacités physiques qui étaient plus ou moins absentes de mon corps… Frost allait être drôlement déçu s’il s’attendait à me voir enchaîner une série de pompes sur le sol. «  Frappe moi. » « Beklager ? » Je regarda le jeune homme un instant, encore sous le choc de ce qu’il venait de me dire. J’étais prête à entendre tout sauf cela, ce matin. « Pardon ? Tu veux que je te frappes ? » Je me permis de lui demander, pour être vraiment sûre d’avoir compris. Une fois sa confirmation eut, je pris mon courage à deux mains pour serrer mes poings. Comment est-ce que j’étais censé le frapper ? Et où ? Avec quelle vitesse, ou quelle force ? Et si, par malchance, je me faisais mal ? Ou pire, je lui faisais mal ? Car il était totalement exclu que je le touche volontairement, mais on ne savait jamais…. Je m’essaya à toucher sa joue, mais comme je m’y attendais, je le loupa lamentablement. Entraînée en avant par mon élan, je tomba dans un bruit mat sur les matelas. Ce n’était pas vraiment ce que j’avais vu pour notre première séance, si je devais être honnête… « Est-ce que je dois vraiment recommencer ? Il ne vaudrait pas mieux que tu m’apprennes d’abord les bases ? » Ou, au moins, que je m’échauffe avant ? J’en savais peu sur le combat à mains nues, mais je pouvais tout de même dire que sa méthode était assez… originale.
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Oeil pour oeil
La dignité est dans la lutte

5 Avril 2002

Frost ne pensait pas qu’autant d'élèves connaissaient l’existence de la salle sur demande, cette nouvelle lui retirait une partie de son intérêt. Il faut dire que, pendant la guerre, il passait son temps à fuir et à se battre autant contre les pro mangemorts que les membres de la résistance. À cette époque, les frères Rosiers ne faisaient partie d’aucun camp si ce n’est le leur, ils ne savaient pas grand-chose du fonctionnement de l'école et de toute façon, ils s’en fichaient royalement.

Je vois… C’est décevant… Soupira Frost.”

À sa demande, Maggie hésita. La perspective de le frapper ne semblait pas la réjouir. Elle répéta pour être certaine de ce qu’il lui demandait et le jeune homme acquiesça. Ainsi, la blondinette leva un poing malhabile, dans le but d’atteindre sa joue à en juger par la trajectoire de son coup, mais loupa sa cible et s’effondra sur le sol à côté de lui. Il y eut quelques secondes de flottement pendant lesquelles Frost analysait ce qui venait de se passer et il réalisa l’ampleur du travail qui l’attendait.

Est-ce que je dois vraiment recommencer ? Il ne vaudrait pas mieux que tu m’apprennes d’abord les bases ?

-Je te rassure il y a peu de chance pour que je te demande de recommencer… Déclara-t-il. Je ne pensais pas devoir t'apprendre à toucher ta cible, ça me semblait suffisamment instinctif...

Le Serpentard soupira, lui qui trouvait Falcon pitoyable au combat allait devoir réviser son jugement.

Échauffe toi si tu veux, je te laisse 5 minutes, après on pourra commencer, je pense avoir une vague idée de notre point de départ…

Comme promis, Frost laissa à Maggie le temps de se préparer pendant qu'il réfléchissait à l’organisation de son cours. Elle avait un niveau déplorable ce qui signifiait qu’en plus de lui apprendre à se battre, il allait falloir travailler sur sa précision, sur ses réflexes, sur son équilibre et sur sa force physique. Ils ne pourraient pas se cantonner à un entraînement par semaine, à ce rythme ils finiraient à leur sortie de l’université. Frost attendit patiemment sur le côté que la jeune fille termine ses étirements puis, à peu près sûr de la marche à suivre, il reprit sa place au milieu du tatami.

Bon, pour l’instant on va oublier le combat, ça sert à rien, déclara-t-il. On va travailler sur tes réflexes, ton équilibre et ta force, ça ne va probablement pas te plaire mais on va se voir assez souvent, un matin sur deux pour commencer…

Pause. Le temps que Maggie assimile les informations.

Tu viendras courir avec moi tous les deux jours, précisa-t-il. L'idée c'est que tu sois plus solide, plus endurante, ça va jouer sur le plan physique évidemment mais aussi sur ton mental…

Ça il était bien placé pour le savoir. Avant de commencer ses entraînements et surtout, avant de se mettre au quidditch, Frost était un garçon plutôt frêle. De fait, malgré son caractère peu avenant, il n’en imposait pas autant que maintenant. Il avait mis du temps à se sculpter et il ne regrettait pas son dur labeur. Tout était question de positionnement, si Maggie se sentait faible et incapable de se battre alors elle ne s'améliorerait jamais.

Aujourd'hui je vais me contenter d'évaluer ton niveau en globalité pour connaître tes points forts et tes points faibles… Poursuivit le jeune homme tandis qu’un parcours apparaissait dans un coin de la pièce. On va commencer par ton équilibre.

Le Serpentard invita la Poufsouffle à le suivre jusqu’au parterre de piliers plantés dans le sol à différentes hauteurs, séparés les uns des autres d’un petit mètre.

Tu vas monter sur le premier pilier et sauter sur les autres le plus rapidement possible, ordonna-t-il en se postant bras croisés près du parcours. Arrivé au dernier, je veux que tu restes en équilibre sur un pied pendant une dizaine de secondes. Je ne te demande pas de faire un score parfait, c’est juste pour mesurer ton niveau d’équilibre.




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Oeil pour oeilSamedi 6 avril 2002« Je vois… C’est décevant… » Je haussais les sourcils en regardant le jeune homme, vraiment surprise par sa réponse. Est-ce que vraiment, l’intérêt de la Salle sur Demande diminuait-il si trop de personne commençait à connaître son existence ? Est-ce qu’il y avait un levier psychologique pouvant expliquer cette manière de penser… ? Peut-être que la rareté équivalait à la préciosité pour Frost, mais dans ce cas… il n’était pas si différent que la plupart des Sangs-Purs, selon moi. Enfin, au moins était-il gentil, bien qu’un peu brusque dans sa manière d’être, ce qui était toujours ça de pris selon moi. Je pris quelques secondes pour être sûre de bien comprendre sa consigne, m’exécuter… et rater complètement le but de l’exercice. Je ressentais une pointe d’agacement en lui demandant si je devais le frapper de nouveau, je devais bien l’admettre. Il m’avait certes prévenu qu’il serait un professeur intransigeant, mais j’aurai pensé qu’il serait faire montre d’un minimum de pédagogie, au moins. « Je te rassure il y a peu de chance pour que je te demande de recommencer… » Je soupirais de soulagement, sans me cacher. Il avait l’air de remettre en question sa méthode, n’est-ce pas ? « Je ne pensais pas devoir t'apprendre à toucher ta cible, ça me semblait suffisamment instinctif... » Instinctif… intéressant, comme choix de mot. Je souris en levant les yeux au ciel. « Je n’ai jamais eu besoin de me battre, tu sais ? » J’avais été élevée dans une famille pacifiste, bien que cela semble être contradictoire avec le passé de mon propre père. « Fille unique. Un cousin plus âgé. Un père ex-militaire. » Je leva un doigt à chacune de mes énonciations, en souriant un peu plus. Au final, je trouvais amusant que nos deux visions du monde ne s’accordaient pas. Mais, le plus intéressant serait de savoir ce qui avait déterminé le prisme à travers lequel Frost semblait voir un monde distordu, dangereux et violent…

« Échauffe toi si tu veux, je te laisse 5 minutes, après on pourra commencer, je pense avoir une vague idée de notre point de départ… » Il avait l’air si dépité que je n’eus pas le courage de lui dire ce qui me semblait évident : si je ne savais pas viser, il était très peu probable que je ne sache quels échauffements réalisés avant son entraînement. Je me mis tout de même debout pour m’échauffer vaguement les articulations. C’était à peu près tout ce que je savais faire, de toute manière. « Bon, pour l’instant on va oublier le combat, ça sert à rien. » Je hochais la tête, plutôt d’accord. Dommage que le jeune homme ne s’en rende compte que maintenant, cela m’aurait épargné la petite humiliation de tout à l’heure. « On va travailler sur tes réflexes, ton équilibre et ta force, ça ne va probablement pas te plaire mais on va se voir assez souvent, un matin sur deux pour commencer… » « Un matin sur deux… » Cela me paraissait énorme, mais je faisais confiance à Frost pour savoir ce qu’il faisait. Il était vrai que je n’avais pas un très bon niveau, en termes d’activités physiques, donc si c’était la seule manière d’obtenir des résultats… Il faudrait que j’en parle à Sirius. Peut-être que, lui aussi, de son côté, pourrait m’aider… ? Au moins pour tout ce qui relevait du physique et de l’endurance. « Tu viendras courir avec moi tous les deux jours. L'idée c'est que tu sois plus solide, plus endurante, ça va jouer sur le plan physique évidemment mais aussi sur ton mental… » « Je n’ai aucun problème avec mon mental ? » Je me considérais comme quelqu’un de très résiliente, même. Et ce n’était pas quelques tours de terrain de Quidditch qui allait y changer quelque chose, selon moi.

« Aujourd'hui je vais me contenter d'évaluer ton niveau en globalité pour connaître tes points forts et tes points faibles… » Cette annonce fut un peu un soulagement. Les évaluations relevaient d’un terrain connus, au final, et je me sentais plus à même dans ce genre d’exercice. Surtout que cela n’allait pas être utilisé à mauvais escient, mais de façon constructive pour m’aider à progresser. « On va commencer par ton équilibre. » J’avais l’impression qu’un bloc de glace venait de descendre au creux de mon estomac à ses mots – et encore plus en portant mon regard sur le parcours qui était en train de se créer sous nos yeux. « Tu vas monter sur le premier pilier et sauter sur les autres le plus rapidement possible. » Le plus rapidement possible, pour une tâche impossible… pour moi. « Arrivé au dernier, je veux que tu restes en équilibre sur un pied pendant une dizaine de secondes. Je ne te demande pas de faire un score parfait, c’est juste pour mesurer ton niveau d’équilibre. » « Frost… je sais que je ne suis pas l’experte ici, mais je ne peux pas le faire. » Score parfait ou non, cela n’avait pas d’importance à mes yeux. Seule comptait la hauteur démentielle de certains poteaux… et le vide qui m’attendait si jamais je tombais. « J’ai le vertige. La peur panique de tomber. » Je planta mon regard dans celui du jeune homme. Il avait beau croisé les bras et parlé sur un ton qui ne supportait pas d’être contredit, cela ne changerait pas cet état de fait. « Je peux monter sur un pilier, mais… est-ce que tu as vraiment vu cette distance entre les deux ? C’est vraiment énorme. Et je ne parles même pas du changement de tailles… ! » Ma voix commençait à partir dans les aigües sans que je ne puisse la contrôler. Comment pouvait-il croire un seul instant que je pouvais y arriver ? « Je sais qu’on peut penser que j’essaye de trouver des excuses, mais… je vais te montrer. » Parfois, un visuel valait mieux que des mots. Parfois, avoir une crise de panique à ce qui me semblait plusieurs mètres de hauteur était la seule façon de faire comprendre aux autres ce que le vide pouvait me faire ressentir. Je gravis péniblement le premier pilier, la gorge nouée. Je sentais déjà mon coeur tambourinait dans ma poitrine, comme s’il était prisonnier de ma cage thoracique. Peut-être que j’arriverai à faire le premier saut… peut-être. Mais une part de moi souhaitait que les piliers disparaissent, qu’ils ne me paraissent plus aussi grands, plus aussi espacés les uns des autres… Je fixais mon regard sur le deuxième pilier, en tentant d’ignorer le sol en dessous de moi. Étrangement, il me semblait plus aussi éloigné que lorsque j’étais en bas. Je n’y même pas à sauter véritablement pour l’atteindre et… je compris, en rougissant. La salle réagissait à ce que je souhaitais. Je lança un regard d’excuse à Frost, mal à l’aise. « Est-ce que je dois vraiment continuer ? » Car je venais de gâcher le but de son exercice, n’est-ce pas ?
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