J'étais passée voir Alekseï après mes cours. Je suis allée directement à son club, qui avait brûlé il y a de ça presque un mois. Je voulais faire un don aux Pendragons, et en profiter pour voir le jeune homme. Notre relation avançait bien, et j'étais plutôt contente. On s'entendait bien, il continuait de me faire sortir de mes gonds, mais il se rattrapait très bien au lit. Genre… Vraiment bien. Il fallait être honnête, je n'avais jamais vécu avec Connor ce que je vivais avec lui. Même en dehors du lit. Aliocha avait le mérite de me faire rire, quand il ne m'énervait pas. J'appréciais de plus en plus de passer du temps avec lui, et retourner en Irlande tous les dimanches me brisait le cœur. J'aimais retourner dans mon pays, et travailler. Mais… Je ne le voyais pas. Et je voyais l'homme que je détestais et que j'étais censée épouser.
C'est l'une des raisons pour lesquelles j'étais assez contente de le revoir, après ce weekend. Le bâtiment était encore sacrément endommagé. Je ne le quittais des yeux que pour suivre Aliocha qui voulait me parler en tête-à-tête. « Tu m'as l'air bien sérieux, pour une fois… » Je lui souris, amusée, avant de l'écouter. Je plongeais mes mains dans les poches de mon manteau. Bien que je n'en avais pas besoin, grâce à mons ang de loup-garou, j'en mettais quand même un. Histoire de me fondre un peu plus dans la masse. J'avais conscience que les créatures comme moi étaient détestées en Angleterre, princesse ou non.
Et je l'écoutais dire tout ce qu'il avait sur le cœur. Quand il avait dit qu'il voulait me parler, je ne pensais qu'il me parlerait de son passe aux archives, qu'il avait peut-être perdu, ou quelque chose dans le genre qui aurait expliqué son sérieux. Mais non. Jamais je ne me serais attendu à ce qu'il me déclare sa flamme. Je le fixais, la bouche sèche, sans comprendre. Enfin, si, je comprenais. Mais… pourquoi moi ? Je sentis mon cœur battre de plus en plus la chamade, ainsi que mon corps chauffer. Exactement comme quand il m'embrassait dans mon lit. Ses mains n'étaient pas les seules à avoir ce pouvoir, ses mots aussi, apparemment… « Aliocha, je… Moi aussi, je t'aime, et… » Je m'interrompis, en mordant ma lèvre supérieure. Non, non, je ne pouvais pas dire ça. Même si c'était la vérité. Parce que oui, j'aimais l'homme qui se tenait debout face à moi. Je le savais, depuis quelques temps, même inconsciemment. Je pensais beaucoup trop souvent à lui pour que ce soit seulement de l'amitié.
« Mais je ne peux pas sortir avec toi, je suis fiancée, tu le sais, et… » Par les dieux, j'aurais tellement préféré pouvoir essayer une relation avec Alekseï, et pas avec Connor. Même si le premier ne ressemblait pas à un enfant royal, contrairement au second, au moins, il avait le mérite de me faire rire. De me rendre heureuse. Mon cœur se brisa quand je me rendis compte de ce que je faisais. J'étais en train de rejeter un potentiel bonheur, pour mn devoir. Mais après tout, n'était-ce pas pour ça que j'étais née ? J'essuyais rapidement une larme qui coulait sur ma joue. « Je suis désolée, je pense que notre relation devrait se terminer ici. Parce que je ne veux pas te faire plus de mal que je suis déjà en train de te faire, et… Je suis désolée, Alekseï. » Peut-être que le fait d'utiliser son vrai prénom rendrait les choses plus faciles ? Mais la seconde larme qui coula me confirma que non. Je ne pensais que ce soit lui qui parviendrait à briser mon masque, et pourtant… Alors, avant d'ajouter un mot de plus, je transplanais près de mon appartement, pour me dépêcher de rentrer et de pleurer dans mon lit.
Lundi 28 janvier 2002
D'un pas décidé, avec toute l'aura royale dont j'étais capable, je me plantais devant le garde qui gardait l'immeuble Romanov. « Bonjour. Je suis la princesse Louve Boadicée Iceni, et j'ai rendez-vous avec Lavande Everglade. » Je leur montrais la lettre que la jeune femme m'avait envoyée, pour qu'il me laisse rentrer dans l'immeuble.
J'avais vécu ces derniers jours comme un zombie. J'avais fait toutes mes tâches manuellement, j'avais été présente en cours sans être réellement là, et je me plongeais dans mes devoirs pour essayer de ne pas repenser à mon cœur brisé. Je n'avais pas croiser Alekseï depuis jeudi dernier, et je pensais que c'était un mal pour un bien, jusqu'à ce que je reçoive une lettre d'une certaine Lavande, qui se présentait comme étant la grand-mère d'Alekseï. Elle m'expliqua que son petit-fils était au lit, et refusait de se lever. Elle me suppliait de venir le voir, pour être sûre que tout aille bien. Elle avait été conseillée par Harry ; et quand j'allais voir ce dernier, il me confirma qu'il était alité pour cause de chagrin d'amour. Le savoir renforçait le mien, mais cela ne m'empêcha pas de lui rendre visite, une fois mes cours terminés.
Quand les gardes acceptèrent enfin de me laisser entrer, et après m'avoir indiqué l'étage, je pris l'ascenseur jusqu'au loft des Romanov. Ce n'était pas la première fois que j'allais chez eux. Au contraire, la seule et unique fois où j'y étais allée était durant une soirée organisée par Aliocha. C'est d'ailleurs ce soir-là que j'avais échangé mon premier baiser avec lui. J'étais saoule, et je ne m'en souvenais que vaguement, mais rien que cette pensée brisa mon cœur.
Je fus accueillie dans l'entrée par une vieille femme à l'air très sympathique. « Bonjour. Madame Everglade, je suppose ? Enchantée, je suis Louve Iceni. » « Oh, bonjour Votre Majesté, et merci infiniment d'être venue. Aliocha ne s'est toujours pas levé, il refuse de m'écouter, ou d'écouter ses pères… Harry m'a dit que vous étiez peut-être la solution. » J'en doutais, mais cela ne me dérangeait pas d'aider. Et surtout, au fond de moi, j'étais ravie d'avoir une raison de retourner le voir. Même si c'était pour lui dire de m'oublier. Madame Everglade me guida à travers les couloirs familiers, et toqua à une porte bien connue. Elle l'ouvrit doucement, avant de parler d'un ton rassurant : « Aliocha ? Une amie est venue te voir… » Elle se décala pour me laisser entrer. Le jeune homme était dans son lit multicolore, mais il semblait avoir perdu son éternelle étincelle de moquerie dans les yeux. « Bonjour, Alekseï. » « Je vais vous chercher du thé. » Elle ferma doucement la porte derrière nous, nous laissant tous les deux.
« C'est ta grand-mère qui m'a écrit. » Je m'avançais près du lit, le cœur battant. Je m'assieds même au bord, les mains sagement posées sur les genoux. Je lui tournais le dos, je n'étais pas encore prête à affronter son regard. « Je ne savais pas que tu étais capable d'être aussi accro à une fille, au point de faire une déprime amoureuse dans ton lit. » Je ne l'entendis pas rire. En même temps, ma plaisanterie n'était pas drôle… Mais je ne savais pas comment faire pour essayer d'alléger l'ambiance. Alors, à la place, je me tournais pour le regarder. « Pourquoi tu es amoureux de moi ? Je ne suis pas une personne amusante. Tu passes du temps avec moi pour te moquer de moi. » Et paradoxalement, j'aimais ça. Si j'avais vraiment voulu y mettre un terme, j'aurais pu essayer. Là, je n'avais même pas tenter. J'avais juste aimé être le centre de son attention, même si c'était à mes dépends. « Quand j'étais plus jeune, je passais plus de temps à lire des livres que de sociabiliser réellement avec les nobles pour me faire des amis. Je suis une personne ennuyeuse. Alors que toi… Tu parles avec tout le monde, tu aimes faire la fête. Tu es tout le contraire de moi. Comment tu peux imaginer une relation sérieuse et exclusive avec moi ? » Même moi, j'avais du mal à le concevoir. Et puis, parviendra-t-il à intégrer mon monde ? J'avais déjà commencé à entrer dans le sien, grâce à lui. J'avais découvert le monde étudiant, sans souci, avec juste des amis dans plein de contexte : une fête, autour d'une pizza, dans les couloirs, avec un milk-shake. Je finis par m'allonger dans le lit, en face de lui, prête à discuter, comme on faisait souvent.
I'll show you how a real queen behaves,
No damsel in distress, don't need to save me