C'était tellement étrange de revenir en Europe. Ça fait quoi, cinquante ans que nous ne sommes pas venus ? Avec Mads, nous avons voyagé partout. L'Afrique, l'Asie. Nous avons passé les dernières années en Amérique. Mais notre pays nous manquait. On a fini par craquer, rentrer à la maison. Au Danemark. On a essayé de recontacter la famille. Avec un peu de chance, peut-être que Christian, notre frère, nous en voudrait moins…? On les a cherché, mais ils avaient disparu de Copenhague. Il a fallu du temps pour que nous les retrouvions. C'est là qu'on a découvert qu'il s'était marié, et qu'il avait eu trois enfants. Bjørn, Anton et Cathinka. Et que eux-même avaient eu des enfants. Anton avait eu une petite fille, nommée Margreth. Apparemment, lui aussi avait respecté la tradition de donner des noms royaux… Mads avait également appris que Margreth avait la même date d'anniversaire que moi. Alors, ni une, ni deux, quand on trouva leur adresse, on décidait d'y aller le jour-même. Après tout, tout le monde était heureux le jour des anniversaires, non ?
Comme il fallait repartir en Amérique pour que je démissionne de mon boulot, j'en profitais pour acheter un cadeau à ma petite-nièce. Un ours en peluche avec un tee-shirt « I <3 NY » était parfait, non ? Je passerai pour la tante new-yorkaise cool. Mads me remboursa la moitié, on déménagea, et bye-bye la Grosse Pomme. Donc, le jour-même, on se posta devant la maison familiale. On avait eu un mal fou à la trouver. Super bien cachée. Déjà qu'il fallait les trouver en dehors du Danemark, si en plus, fallait trouver une adresse cachée, on était pas rendu ! Heureusement, Mads avait trouvé. Je ne savais pas comment il avait fait, et je n'étais pas sûre de vouloir savoir comment, mais bon.
C'est toute contente que je sonnais à la porte. Et que j'attendis patiemment. Patience récompensée quand j'entendis très rapidement des pas, avant que la porte ne s'ouvre sur une jeune fille blonde. Une cousine, peut-être ? Dans un danois parfait (je n'avais pas oublié ma langue maternelle), je lançais : « Bonjour ! Je cherche Anton Thorvaldsen, ou la petite Margreth, peut-être ? » Je lui fis un grand sourire, avant de comprendre que la petite Margreth était l'adolescente en face de moi. Ah. pour la tante cool, on repassera. « Ok, alors, enchantée ? Je suis ta tante. Et voilà ton oncle. » C'est quand elle commença à fermer la porte que je compris que ce n'était pas non plus la chose à dire. Mais Mads perdait de sa patience, et cala son pied dans l'encadrement pour l'empêcher de nous claquer la porte au nez. « Il me semble que ce n'est pas comme ça qu'on accueille sa famille, n'est-ce pas ? » « Calme-toi, Mads… » Je marmonnais, en essayant de garder mon sourire. Même si il commençait à devenir crispé.
Puis je me tournais de nouveau vers Maggie. « Ecoute, je sais que cela semble étrange, mais nous sommes les aînés de ton grand-père Christian. Peut-être qu'il a parlé de nous à Anton, je ne sais pas. On voulait juste renouer avec la famille, et on pensait que ton anniversaire serait la bonne occasion… » Même si maintenant, ça me paraissait de moins en moins réalisable. Peut-être que la famille avait raison, dans les années 30 ? Que nous n'aurions jamais dû revenir ? Je finis malgré tout par tendre le paquet à Margreth. « Joyeux anniversaire quand même. »
1 : Tous les dialogues sont en danois.
ຊ It was love, in your eyes, Now it haunts me every night ຊ