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Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.Avec Emily, Clary et les Iceni

/i\ TRIGGER WARNING /i\
(Tentative de suicide, suicide)




Mardi 30 Avril 2002

Depuis une semaine je me sens beaucoup plus serein, plus apaisé. Depuis que j'ai enfin pris ma décision.

J'ai essayé d'y croire, j'ai essayé de tous les croire, que je pouvais être quelqu'un d'important, quelqu'un d'utile, quelqu'un de bon, que je n'étais pas là pour rien, que la vie avait quelque chose à m'apporter, que je pouvais me sentir différemment. J'ai essayé de me mettre à leur place, de me voir comme ils me voient, de comprendre ce qu'ils voient en moi que je ne vois pas. Je suis fatigué de me battre et d'essayer, surtout depuis que Clary ne me parle plus.

Je ne peux seulement pas rester là à lui dire que je suis un mauvais garçon, que je ne suis pas bon pour elle, puis faire de la merde, lui prouver que j'avais raison et me morfondre ensuite parce qu'elle ne veut plus me voir. Ce n'est pas cohérent. J'ai créé cette situation avec elle, je n'ai pas été honnête, ni avec elle, ni avec Victoria. Je les ai déçu, je déçois toujours tout le monde. Je n'ai été honnête avec personne, pas plus avec Bleddyn et Louve qui ont cru en moi, pour rien. Bleddyn a vu en moi un soldat, j'ai cru que Diabhal était pour moi, je le pense toujours, mais je vais finir par foirer une mission, décevoir mon alpha, je finis toujours par tout gâcher. Je ne veux pas lire la déception dans les yeux de mon ami, pas plus que dans ceux croyant de sa sœur, qui a foi en moi, en mon carnet de soins de créatures magiques. Je ne suis pas à la hauteur, comme dit mon père, je ne suis qu'un gamin, je n'ai été qu'un vrai « loup » depuis peu selon lui, depuis ma transformation. Il a eu honte que je n'ai pas accepté le titre de Duc avant cela, que j'ai joué la comédie tout ce temps. Il s'est presque moqué de moi de me savoir dans la garde rapprochée de la famille royale, comme si je n'en étais pas digne. Alors que j'aurai pensé qu'il le serait, enfin... Quoi que je fasse, ce n'est jamais assez.

Je n'ai pas été plus honnête avec mes jumelles, encore moins avec Emily. Je n'ai jamais avoué à personne ce que je ressentais vraiment, comment je me sentais réellement, ce vide, cette souffrance, cette envie de mourir chaque jour, ce trou béant dans ma poitrine, comme si on m'avait arraché le cœur. Comme si j'étais éteins, lourd, fantomatique. La souffrance a toujours été mon quotidien, aussi bien physiquement que psychologiquement. Je suis resté le plus longtemps possible, et c'est long dix-neuf ans. Je n'aurai pas du vivre, j'aurai du mourir à la naissance, n'est-ce pas un signe qu'on a déjoué les Dieux ? Et qu'ils me le font payer ? Pour chaque minute de plus sur terre.

Je n'ai jamais avoué à personne ma première tentative de suicide, l'année où Emily n'était plus à Poudlard car c'était bien trop dangereux pour elle, l'année où les personnes comme Thomas Scott-Rosier étaient en plein pouvoir. C'était si dur de subir toute leur colère, toutes leurs tortures. Et maintenant Emy semble éprise avec la personne qui nous a fait le plus de mal, comment pourrais-je le supporter ? Comment pourrais-je la rendre heureuse si je garde toujours autant de rancœur envers lui ? Que je ne l'accepte jamais ? Je ne peux pas lui imposer ma souffrance, si je pars, je ne serai plus un problème à sa joie, à son avenir avec lui si elle le désire. Elle pourra être heureuse avec lui, sans moi. C'est le meilleur cadeau que je puisse lui faire. Car si elle m'a dit qu'elle me choisirait moi plutôt que lui, jamais je ne lui laisserai ce choix à faire. Jamais.

Si je disparais, je ne serai plus une déception pour les Iceni, ni pour mes parents. Je ne ridiculiserai plus personne. Je n'aurai plus ce comportement malhonnête que j'ai eu avec Chan Park il y a quelques années, quand je l'ai laissé mourant devant Sainte Mangouste, on pourra dire tout ce qu'on voudra, que j'étais jeune, que j'avais peur. J'ai laissé un ami faisant une overdose par ma faute, car on trop fumé, trop bu. Je ne blesserai plus les filles comme Vicky, à me comporter comme le parfait goujat, à ne pas être « gentleman » comme me l'a souvent dit Bleddyn. Pourquoi suis-je comme ça ? Je ne risquerai plus à coucher avec les prétendants de ma future reine, comme elle semble éprise d'Aliocha. Je me sens tellement honteux de ça. Pas d'avoir couché avec un homme, mais de savoir que maintenant elle est avec lui, que penserait-elle de moi ? Jamais je ne veux le savoir ou la décevoir.

Je ne ferai plus de mal à Clary, car Dana sait que c'est la dernière que je veux voir souffrir par ma faute. Je n'aurai plus à la repousser, à la faire tourner en rond, à lui envoyer des signaux contradictoires, elle pourra se trouver un gars bien et ne plus se sentir attirée par moi. Je n'aurai plus me battre avec personne pour m'imposer, pour me faire respecter. Je ne serai plus paralysé, anesthésié par cette vie, sans être vraiment moi, vraiment heureux. Je préfère protéger les gens que j'aime de moi, de mon aura néfaste et destructrice, je blesse et déçois tout le monde. Je vais les libérer, ils seront plus en paix. Et je me sens mieux en y pensant, je me sens allégé d'un poids.

Toute cette semaine j'ai passé du temps avec chacun d'entre eux. J'ai eu ma soirée avec Bleddyn et Aliocha, je suis retourné en Irlande pour les entraînements mais aussi pour voir mes parents, pour ordonner ma chambre, mes potions, mes plantes, que personne n'ait à s'en charger après mon départ. J'ai écrit les dernières instructions pour le médicament unique d'Enola, car je suis sur le point de trouver le dosage parfait, je transmets mes derniers écrits à son médecin, il saura quoi en faire pour continuer les recherches. J'ai mis dans une lettre épaisse mon carnet de soins de créatures magiques que j'ai adressé à Louve, elle devrait le recevoir demain, elle saura quoi en faire et l'adressera à un bon médecin du Palais pour prendre ma relève. Je ne laisse pas de lettre, pas de mot, je ne veux en rien les culpabiliser, parce que je les ai tous aimé et qu'ils n'ont rien à se reprocher. Ils ont essayé, c'est moi le problème, pas eux.

J'ai passé toute la semaine à espionner Clarissa à l'UMS, je l'ai regardé danser, manger avec ses amies, je l'ai regardé rire, je l'ai regardé étudié à la bibliothèque universitaire, ou prendre son déjeuner dehors. Et à chaque fois je me suis dit combien elle sera plus heureuse sans moi, qu'elle pourra avoir une belle vie, celle qu'elle mérite. Je bénis les moments que j'ai passé avec elle, très cours mais très intense, où j'ai ressentis des choses je crois, très fortes, nouvelles. Je la remercie de m'avoir fait me sentir vivant à ses côtés, bien plus que je ne l'ai été en ces dix-neuf années. J'aurai pu l'aimer, très fort, mais je ne veux pas la gâcher, je ne veux pas l'entraver. Je veux juste qu'elle soit heureuse. J'aurai voulu goûter à ses lèvres avant de disparaitre définitivement, juste pour être sûr une dernière fois de ma décision. Mais si je m'approche à nouveau d'elle, je n'aurai plus le courage de partir.

Ce soir je passe du temps avec mes sœurs et Emily, nous regardons un film, enfin elles, moi je passe mon temps à les regarder, à les aimer jusqu'à la dernière seconde. J'accepte toutes les remarques, toutes les réflexions, je me laisse même approcher et toucher plus que de raison, plus que ce que je pourrais le supporter en temps normal, mais je leur offre cela, si souvent demander ou souhaiter de leur part. Je n'ai pas été le frère parfait, j'ai toujours été bougon et rabat joie, j'ai souvent dit « non » à leurs questions, leurs envies. Elles n'ont jamais rien dit, jamais rien regretté, elles m'ont toléré bien plus que je ne me tolère. Elles m'ont plus supporté que je ne les ai supporté. Elles ont été trois sœurs formidables et je suis ravi d'avoir été dans leur vie, même si je n'ai pas été facile avec elles. Elles m'ont fait tenir toutes ces années que je le veuille ou non.

Mes sœurs rentrent en Irlande chez mes parents après la soirée. Demain c'est le 1er Mai. C'est Beltaine. La troisième fête Irlandaise. C'est la celle du feu brillant, la fête des lumières. C'est la fin de la moitié de l'année, qui est considérée comme sombre, et l'on passe ensuite à une période de l'année plus ensoleillée et plus éclairée. J'ai essayé il y a quelques années, la première fois où j'ai raté, le 1 Mai 1997. J'ai voulu sauter dans ce feu que j'avais créé derrière la serre à Poudlard. Ce n'est pas un choix au hasard, je suis persuadé être une ombre, et après ma mort le soleil les éclairera tous, plus brillant. Dans cette tradition, chacun doit jeter au feu un mauvais souvenir, quelque chose qui symbolise une retenue, le but étant de laisser le passé derrière soi. Je me sens comme un mauvais souvenir, je serai leur mauvais souvenir, celui qui les retient d'être pleinement heureux. Plus personne n'aura à se soucier de moi après ce soir. Il fêteront Beltaine et me laisseront derrière pour continuer leur vie.

Après le départ de mes sœurs, je devrai ramener Emily chez elle, elle ne reste pas dormir. Depuis ses agressions, je la raccompagne toujours si je suis en soirée avec elle, quand il n'est pas là. Je me laisse rire devant le film, amusant les filles qui me trouvent très détendu, presque bizarre ce soir, alors je joue un peu les rabat joie pour qu'elles ne s'inquiètent pas. Quand le film se termine, je laisse mes sœurs me serrer dans les bras avant de partir pour l'Irlande, non sans un commentaire comme quoi elles nous laissent l'appartement pour nous tout seul. Toujours à croire qu'un jour Emy et moi seront ensemble. Mais je l'aime comme je les aime elles. Alana me regarde, un de ses regards où j'ai l'impression qu'elle va me percer à jour, alors je fuis cet échange jusqu'à ce qu'elle transplane avec Eireann.

Je range ensuite un peu la vaisselle, faisant un peu traîner le moment avant de raccompagner Emy. Et elle se met à m'aider, m'embêtant plus qu'autre chose à vrai dire, mais j'en rigole. Je repense à ce week end qu'on vient de passer, celui de son anniversaire, et je me dis que je suis content d'avoir vu une dernière fois sa famille, qui m'a toujours accueilli à bras ouvert, ils ont toujours été adorables et attentionnés avec moi. Ses parents m'ont toujours mis à l'aise, et le fait qu'ils soient moldu m'a permis d'être un peu tranquille avec mon gêne de loup avec eux toutes ces années que j'allais chez eux les étés. Même si cette année il y avait Thomas. Prendra-t-il ma place chez eux à présent ? Emily me jette de l'eau savonneuse au visage et je la regarde comme si c'était la première fois, où la dernière. Elle me demande si je vais bien.

J'ai un instant de faiblesse, un seul, où j'ai envie de lui dire ce que je m'apprête à faire, ce que j'ai prévu après son départ. Un moment où je voudrai lui dire tout ce que je ressens depuis toujours. Une fraction de seconde où j'ai envie de lui demander de l'aide, mais je n'en fais rien. C'est beaucoup trop dur, et les mots ne sortent pas de ma bouche, ils restent coincés dans ma gorge me la brûlant. Personne ne comprendrait de toute façon, il y aurait plein de solution pour eux, mais je n'en vois pas une seule. Alors j'ai un léger sourire en la regardant.

 « Oui tout va bien, je suis pensif c'est tout. J'espère que mes parents ne feront pas trop chier mes sœurs. Demain c'est Beltaine.»

Emy sait ce que cela représente, et que je vais devoir y être, cette excuse peut passer, de plus, depuis que je suis Duc, qu'ils ont vu que je savais me transformer sans lune, mes parents ont harcelé mes sœurs pour savoir si elles savaient, pourquoi elles n'ont rien dit, enfin surtout mon père. C'est pour après que j'ai peur, qu'ils soient trop étouffant avec elles après mon départ, qu'ils les agressent « Vous aviez vu ? Vous saviez ? », je ne veux pas qu'ils les culpabilisent alors qu'on vivait sous le même toit.

 « On y va ?»

Elle s'accroche à mon bras et je transplane devant chez elle. Elle me fait rentrer, je ne croise aucun de ses colocataires. Je la raccompagne jusque devant la porte de sa chambre. Dire que je n'ai pas du mal à la quitter serait mentir. J'entends un bruit derrière la porte, j'ai la mine sombre un instant, mais je me ressaisi, c'est l'occasion ou jamais...

 « Je sais qu'il est là, je l'entends, je le...sens. Est-ce que je peux lui parler ?»

Emily me regarde inquiète. Je la supplie du regard.

 « Je ne lui ferai rien. Promis. Je l'attends dehors.»

Elle hésite encore une fois. J'insiste.

 « Promis.»

Je quitte la colocation et l'attends dehors. Il vient au bout de quelques secondes. Sortant par sa fenêtre, je roule mes yeux en l'air, c'est d'un ridicule. Même si je fais souvent la même chose, mais pour des raisons différentes. Il arrive vers moi, et je sais qu'il n'est pas vraiment tranquille. Je vois l'ombre d'Emily derrière la fenêtre, sans doute s'assurant que je tienne parole. Je baisse ma voix pour que seulement Scott-Rosier m'entende.

 « Tu veux la rendre heureuse ? Alors commence déjà par passer par la porte, gagne ce droit. Je pourrai jamais être sûr de tes intentions, si vraiment tu l'aimes. Mais ce soir je vais t'en donner le bénéfice du doute. Je l'ai toujours protégé, même de toi. Ça m'arrache la gueule de devoir te la confier. Mais va falloir que tu assures maintenant. Les Dieux verront si tu fais de la merde, ils le verront. Prend soin d'elle comme j'en ai pris soin toutes ces années.»

Je n'attends aucune réponse, mais son air est grave, sérieux et à l'écoute. Je ne sais pas ce que cela veut dire, mais de doute façon, je ne peux qu'y croire, je n'ai pas d'autre choix que de lui faire confiance. Je ne serai plus là pour le voir. J'espère qu'Emily ne se trompe pas, c'est sur elle que je mise plus que sur lui. J'espère qu'il l'aime et qu'il est vraiment en train de changer. J'espère que je ne pars pas trop tôt... qu'il ne va pas la briser après mon départ.

Je regarde une dernière fois par la fenêtre, dans l'espoir d'y voir une dernière fois ma sœur, puis je transplane dans mon appartement vide, comme moi. Je suis très paisible, très calme. Machinalement je range tout ce que je trouve qui traîne avec l'aide de la magie. Comme en Irlande, je range ma chambre, arrête des potions en cours. Traite mes plantes. Je ne veux laisser du travail pour personne. Je fais mon lit, alors qu'il ne l'est jamais d'habitude. J'ordonne tout. Je prépare quelques colis, notamment pour Lemony à Poudlard, des plantes dont il saura s'occuper dans la serre. J’envoie aussi mon reste d'aconit tue loup à mon cousin Sirius, je sais qu'il avait apprécié les derniers joins ensemble.

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. 37ef2f9e64cc188eed781bcc12f3ce7e

Je sors alors mon chaudron pour une dernière potion. Je prends le livre du professeur Rogue et trouve la page du philtre de Mort Vivante. Je me sors tous les ingrédients que j'avais mis de côté, et déjà préparés, coupés, dissous, mijotés pour certains. Je mets le tout dans le chaudron. Racine de valériane, Fèves sopophoriques, Asphodèle, Infusion d'armoise, Crochets de serpent en poudre, Mucus de Veracrasse, Cervelle de paresseux liquéfiée, Liquide blanc et violet, Poudre rose, Infusion d'armoise.

Je dose évidemment différemment, mon but n'est pas de m'endormir, mais plutôt de créer la potion du professeur Horace Slughorn, qui en avait réalisé une en classe où une seule goûte pouvait tous nous tuer. Je me suis renseigné, je mettrais plus de temps à mourir qu'un sorcier normal du fait de mon gêne de loup, mais la mort viendra. Je tourne le chaudron une dernière fois et viens prendre une fiole pour la remplir du liquide rose, me signifiant qu'elle est parfaite.

Je porte la fiole à mes lèvres et en boit tout le contenu.

Je viens m’asseoir par terre, adossé à mon lit. C'est ce que je regrette le plus, qu'on me retrouve ainsi, d'infliger cette vision à mes proches. Mais je sais qu'ils auront besoin de m'enterrer pour faire leur deuil. Je sais que c'est important qu'ils retrouvent mon corps pour le confier à Don, la déesse et souveraine du Pays des Morts.

Je touche le médaillon que Bleddyn m'a offert, il lui a été offert par Victoria, il suffit de le serrer pour prévenir que nous sommes en danger. Je sais que ses sœurs en portent chacune un. Le fait qu'il me l'offre à moi m'a profondément touché, mais je ne pense pas en être digne. Je pourrai le serrer, comme tout à l'heure avec Emily, j'ai une seconde de faiblesse, mais ma main tombe au sol, relâchant sa prise sur le collier. Il pourra l'offrir à plus méritant.

Je me sens de plus en plus faible, mon loup hurle à la mort, il appelle à l'aide, et je me dois de le faire taire. Il a envie de lutter pour moi, pour toutes les fois où je ne l'ai pas fait. Il a envie de se lever, de prendre un Bezoard, de m'enlever ce poison. Mais même si on le faisait, cela ne fera que me faire gagner du temps, pour vraiment me sauver et venir à bout du poison, il faudrait son véritable antidote, il faudrait la potion Wiggenweld, elle est la seule capable de neutraliser les effets d'une potion comme la Goutte du Mort vivant.

Des larmes coulent le long de mes joues. Je n'ai pas peur, parce qu'au fond j'ai toujours été prêt.

Je ne tiens plus contre le lit, je glisse au sol, la tête contre le parquet. Je sens ma respiration de plus en plus lente, jusqu'à ce qu'elle ne soit même plus audible pour un loup. Mon cœur bat en dessous de quinze battements par minute, bientôt tout sera terminé. Je ne verrai pas la lune haute dans le ciel ce soir.

« La mort n’est pas la pire chose de la vie. Le pire, c’est ce qui meurt en nous quand on vit. »

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. Tumblr_inline_pmp4o9Ii4g1rqq37j_400

:copyright:️ Justayne

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Jared Parkinson


«But I want to live and not just survive
That's why I can't love you in the dark »

KoalaVolant

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Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. Avec Louve Iceni, Jared Parkinson et Clarissa McGregor Mardi 30 Avril 2002

J'adore passer la soirée avec les Parkinson. Jared est mon meilleur ami, et j'ai bien cru le perdre il y a un mois, au chalet. Nous étions, nous sommes toujours en désaccord avec ma relation amoureuse. Il n'arrive pas à accepter que je sorte avec notre ex-bourreau. Et je peux comprendre, vraiment. Alors, pour ne pas envenimer les choses, quand on se voit, ce n'est plus chez moi. Bon, dans tous les cas, c'était souvent chez lui, mais là, vraiment, ça devient presque une règle. Ça me permet de voir ses soeurs, et il n'a pas à voir Thomas. Peut-être que ça marche. Il a l'air beaucoup plus détendu, ce soir. Il rit plus que d'habitude devant le film. Il râle moins quand ses soeurs tripotent ses cheveux ou quand je grimpe sur son dos. Il a l'air apaisé, et ça me fait plaisir. Comme si… Comme si ça allait. Comme si il avait fait la paix avec lui-même.

Quand ses soeurs partent, Jared reste avec moi. Ça marque la fin de la soirée. Comme d'habitude, il va me ramener chez moi. Ça me rassure, vraiment. Je me suis toujours sentie en sécurité à ses côtés, même lors de notre seule dispute. Même si j'ai commencé à avoir peur de le perdre, ce n'était pas de lui dont j'avais peur. Mais Jared commence à faire la vaisselle. A la main. Je hausse un sourcil. « C'est parce que tu étais chez mes parents que tu fais la vaisselle à la manière moldue ? » Je me moque, mais ça m'avait touchée que malgré nos derniers différents, il soit venu, comme tous les ans, chez moi pour mon anniversaire. Et, comme tous les ans, il avait ramené plein de barquettes de cerises qu'il avait fait poussé magiquement. Les cerises étaient mon fruit préféré, et ce n'était pas la saison. Alors, dès qu'il avait commencé à être bon en botanique, il faisait ça. Pour moi. Tous les ans, sans oublier. Il ne se doutait pas d'à quel point ça me touchait. Pour le remercier, je lui lançais un peu d'eau savonneuse à la figure.

Moi, je ne faisais qu'une plaisanterie, mais alors qu'il me regardait, l'air heureux, je tiquais. « Ça va ? » Peut-être qu'il était malade. Peut-être qu'il avait prit un coup sur la tête. Il me parlait des entraînements en tant que soldat de la garde irlandaise rapprochée, et franchement, ça rigolait pas là-bas. Mais non, il avait l'air d'aller bien, parce qu'il me souriait. « Oui tout va bien, je suis pensif c'est tout. J'espère que mes parents ne feront pas trop chier mes sœurs. Demain c'est Beltaine. » « Hum. » Je le regardais, avant de hausser les épaules. Bien que Jared ne se soit jamais trop attardé sur le sujet, je savais que c'était compliqué avec son père. Qu'ils n'avaient été proches. Jared avait une image très particulière de son daron, mais aussi de lui-même à cause du regard de son daron. « N'oublie jamais que ton père, c'est un gros con. Et que le mien t'adore, encore plus depuis que tu as soigné son rhume en cinq minutes. » Je finis par prendre un torchon en disant ça, et en l'aidant à essuyer la vaisselle propre.

Une fois la cuisine rangée, jared me tendit son bras.  « On y va ? » « Tu veux me ramener entre chien et loup ? » Là encore, je pensais qu'il allait râler ; mais non, il se contente de sourire. Je m'accroche à lui, et on transplane devant ma colocation. Je sors mes clés pour ouvrir la porte, et on traverse l'appartement sans croiser personne. Devant ma porte de chambre, j'hésite à le faire entrer. Thomas est là, il m'attend, je le sais. Et Jared aussi, vu l'air qu'il a quand on entend quelque chose dans ma chambre. « Je sais qu'il est là, je l'entends, je le...sens. Est-ce que je peux lui parler ? » J'hésite. Les rapports entre les deux sont loin d'être au beau fixe, et je n'ai pas envie de dégénérer les choses. Jared ne le sait pas, mais j'essaie d'améliorer le point de vu de Thomas sur les créatures. J'ai encore pas mal de boulot, alors, c'est pas le moment de tout faire basculer du mauvais côté. « Jared, je ne suis pas sûre que… » « Je ne lui ferai rien. Promis. Je l'attends dehors. » J'hésite encore, mais je n'ai pas le temps de parler que Jared insiste. « Promis. » Je finis par lui faire un signe de tête, et je rentre dans ma chambre. Thomas m'attend sur le lit, alors, je lui souris, et je lui dis que que Jared veut lui parler dehors. Je le rassure en lui disant que ce n'est que ça, que parler, et que de toute façon, je ne restais pas loin.

Mon petit ami descendit par la fenêtre pour rejoindre mon meilleur ami. Je ne pus m'empêcher de me rapprocher de la vitre, comme pour regarder. Mais, au premier étage, je n'entends rien de ce qu'ils racontent. Je vois surtout Jared parler, et Thomas écouter. Au moins, ça me rassure. Même si je ne sais pas de quoi ils parlent, ils ne se tapent pas dessus. Est-ce qu'il y avait des progrès ? Alors que Thomas regrimpe vers ma chambre, Jared se tourne et regarde ma fenêtre. Je lui souris, et je lui fis un signe de la main, avant qu'il ne transplane. Quand Thomas pose les pieds sur mon parquet, je ne peux m'empêcher de lui demander : « Alors, qu'est-ce qu'il voulait ? » Thomas a l'air soucieux. Il hésite avant de me parler.

Il me raconte que Jared m'a confiée à lui. Je tique. Jamais, ô grand jamais, Jared n'aurait fait ça. Il ne lui fait pas confiance, pourquoi il aurait fait ça ? Et Thomas continue. Que ses paroles sonnaient comme un au revoir. Comme… Un… Au… revoir ? Je réfléchis, avant de sentir mon cœur s'accélerer. Je ne réponds rien, et je me précipite vers ma bibliothèque. Les Parkinson m'avaient offert, quelques années auparavant, un livre sur leurs coutumes et fêtes quand j'avais commencé à leur poser des questions. C'était il y a plusieurs années, quand on passait de plus en plus de temps avec Jared. Il me faisait suffisamment confiance pour que j'en apprenne sur sa culture. Alors, oui, je pris ce livre, et je commençais à chercher. Jared m'avait que demain était Beltaine. Est-ce que je pouvais trouver des indices ? Je tournais les pages, avant de trouver ce que je cherchais. La fête du renouveau. Tourner le dos au passé. Mais jamais Jared n'avait réussi. Je ne lui jetais pas la pierre. Je gardais des traumatismes, moi aussi. On voulait s'en sortir ensemble. J'avais réussi sur certains points, mais pas lui.

La fête du renouveau, un au revoir… Jared qui semblait beaucoup plus détendu… J'avais peur de comprendre, mais surtout, j'avais besoin de savoir. « Thomas, je suis désolée, je dois… Je dois retourner le voir. Je suis désolée, il le faut. » Je l'embrassais, mais il m'arrêta, pour me dire qu'il venait avec moi. Je ne débattais pas, je me contentais de prendre son bras pur qu'on transplane ensemble. On n'avait pas le temps de discuter. On se retrouva devant la porte d'entrée. A tout hasard, je l'ouvris. Elle n'était pas fermée à clé. « Jared ? Tu es là ? » Si il déprimait, si il voulait partir loin, ou partir tout court, pourquoi il ne m'en avait pas parlé ? Je voulais l'aider. Pour ça, je devais le trouver. Je commençais à faire le tour. Cuisine, salon. Sa chambre. J'ouvris la porte, et je sentis mon cœur s'arrêter. « Jared ?! » Il était à terre. Immobile. Une potion sur son bureau. Je me précipitais vers lui. J'essayais de le retourner, pour prendre son poul. Avoir une mère médecin aidait pas mal… « Jared, Jared, réveille-toi, je suis là, RÉVEILLE-TOI ! THOMAS ! » Je commençais à l'agiter, le secouer, en hurlant le nom de mon copain pour qu'il vienne m'aider. Malgré le fait que je le touche, Jared ne réagissait pas, il avait presque pas de poul, et il avait le teint pâle comme la mort.

Il avait essayé de se suicider.

Pendant que Thomas analysait rapidement la potion, et commençait à fouiller les placards, je continuais de le secouer, je hurlais pour essayer de le réveiller. Mon cœur battait la chamade. J'avais peur ; non, j'étais terrorisée, paralysée à l'idée de le perdre. A l'idée qu'il ait essayé de mettre fin à ses jours. Je continuais de l'appeler, de crier son nom dans l'espoir qu'il y ait un sursaut. Je le serrais contre moi, en sentant les larmes couler. Ma vision devenait floue tellement je pleurais. Thomas se précipita vers nous, et ouvrit la bouche de Jared. Il enfonça une pierre, que je crus reconnaître comme un bézoard. Est-ce que ça allait le sauver ? Mais quand je vis l'air inquiet de Thomas, je compris que ce n'était qu'une solution temporaire. Alors, quand j'aperçus un éclat vert, je me dépêchais de l'attraper. Et de le serrer. Ce que je tenais était un médaillon que portait Jared, quotidiennement, depuis quelques semaines. Il m'avait expliqué un jour que c'était son prince, Bleddyn Iceni, qui lui avait offert. Il fallait serrer la pierre verte pour que son nom apparaisse, pour signifier qu'il avait un problème.

Il avait un problème, un gros. Et moi aussi. Je ne voulais pas qu'il meurt. Je ne voulais pas qu'il me laisse. Alors, je le tenais fort d'une main, l'autre tenant Jared pour qu'il reste contre moi. « S'il vous plaît, s'il vous plaît… » Je suppliais, à voix basse, la voix tremblante. Je ne pouvais pas m'arrêter de pleurer, et mes larmes tombaient sur son corps froid. « Jared, reste avec moi, je t'en supplie, reste avec moi, ne me laisse pas… J'ai besoin de toi, reviens… » Je ne pouvais pas m'empêcher de m'arrêter de pleurer. Mon cœur était en lambeaux, et pourtant, plus je continuais de regarder son visage pâle, plus il continuait de se déchirer douloureusement dans ma poitrine. Je ne voulais pas penser à l'après, je refusais d'imaginer la suite. Je ne pouvais pas imaginer le restant de ma vie sans lui. Il était mon meilleur ami, c'était mon roc. C'était avec lui que j'avais commencé à faire des blagues nulles, j'ai été sa première fausse patiente. Dès que j'avais le moindre rhume, je venais chez lui prendre des potions, avant de m'incruster sur son canapé. Je lui avais fait découvrir la culture moldue, il m'avait fait découvrir la culture sorcière. Il venait tous les ans chez mes parents, il m'avait invité à la cérémonie officielle à la remise du titre de Duc. J'avais toujours imaginé que nous serions ensemble. J'avais toujours imaginé qu'il serait le témoin de mon mariage, le docteur de mes enfants si j'en avais eu. Il ne pouvait pas me laisser.

Alors que je continuais de le serrer contre moi, j'entendis la porte s'ouvrir, et un type entrer. Quand je levais les yeux, je reconnus Bleddyn Iceni. Je ne lui avais jamais parlé mais je l'avais vu en Irlande, quand Jared m'avait invitée au palais. « Qu'est-ce qu'il se passe ici ? » « Jared… Il a… Il a… » Mais je n'étais pas sûre qu'il m'écoutait. A peine il avait posé la question qu'il balayait la pièce du regard. Il s'attarda sur le poison, avant de se tourner vers nous. « Quelqu'un sait ce que c'est, cette potion ? » J'étais incapable de le dire. Je savais faire une potion si je suivais une recette, mais j'étais incapable de le dire. Alors, Thomas prit la relève. Il expliqua quel type de potion c'était, qu'il avait reconnu les ingrédients. Il donna la liste au prince, qui reprit la parole. « Bien, merci. Je l'emmène en Irlande. Immédiatement. Nous avons tous les anti-poisons au palais. » « S'il vous plaît, emmenez-moi avec vous ! » Je lui jetais un regard implorant. « Je veux savoir ce qu'il en est. Au besoin, je veux être avec lui, dans ses derniers moments, si c'est trop tard… » Le… Prince me regarda une demi-seconde, ce qui me semblait être une éternité. Mais il finit par prendre Jared dans ses bras, avant de me tendre son coude. Je me tournais vers Thomas. « Merci, Thomas… Je te tiens au courant, je te le promets. Je t'aime. » Ce n'était pas la première fois que je le lui disais, mais c'était la première fois que je lui disais devant quelqu'un d'autre. Je pris alors le coude du prince, et je me sentis quitter le sol.

Quand on arriva, je regardais autour de moi. On était dans une sorte d'hôpital, mais de luxe. L'infirmerie du palais, je supposais ? « Teastaíonn cúnamh uaim. Go tapa !1 » Il parla dans sa langue natale, et je ne compris rien. Le prince posa Jared sur un lit, avant que des médicomages se précipitèrent. Je regardais la scène, jusqu'à ce que je sente qu'on me fasse reculer. « Venez avec moi. » « Je veux…. je peux rester avec lui ? » « On va rester, mais j'ai besoin de savoir ce qu'il s'est passé. » Sans quitter Jared des yeux, je laissais le prince me prendre par les épaules, me faire reculer et me faire asseoir sur un canapé. Au moins, nous n'étions qu'à quelques mètres de mon meilleur ami, et je pouvais voir toute l'équipe médicale autour de lui, à tout faire pour lui sauver la vie. « Emy, dites-moi ce qu'il s'est passé. » Je me tournais vers le prince, surprise. « Comment vous connaissez mon nom ? » Il leva le poignet, pour me faire apercevoir un bracelet avec plusieurs breloques. Il montra la pierre verte. « Votre nom est apparu ici. Jared m'a déjà parlé de vous, et je vous ai vu quand il est devenu Duc. J'ai supposé que vous aviez un problème, et que Jared m'avait appelé à l'aide. Je ne pensais pas trouver l'inverse. » Mes larmes, qui s'étaient taries, reprirent de plus belle. « J'ai passé la soirée avec lui. Il allait bien… Il riait même plus que d'habitude. Il me laissait l'emmerder, sans rien dire… Alors que d'habitude, il a toujours un truc à dire. » Moi aussi, d'ailleurs. Au fond, on s'était bien trouvé. C'est pour ça, il ne pouvait pas mourir… Il ne devait pas me laisser seule, avec mon humour pourri et mon caractère de merde. Il ne devait pas me laisser seule.

« Quand une personne suicidaire est sûre de sa décision, elle ressent un calme et une sérénité qu'elle ne connaissait pas avant… C'est courant chez certains soldats qui ont vécu la guerre. » Jared n'avait pas connu la guerre, à proprement parlé. Mais il avait connu la guerre intérieure, la guerre à Poudlard, avec les extrêmistes qui nous en faisaient baver, la guerre avec ses parents. Jamais, jamais il n'avait eu un moment de repos. « On… J'ai passé la soirée chez lui, avec ses soeurs. Puis elles ont transplané, nous laissant seuls. Je l'ai aidé à ranger la cuisine, en parlant. Il n'était pas comme d'habitude, alors, je lui ai demandé ce qu'il avait. Il m'a dit qu'à cause de Beltaine, ils 'inquiétait des réactions de son père. Puis, il m'a ramené à mon appartement. Il fait toujours ça, depuis qu'une de mes soirées a mal tourné. » « Comment vous avez compris ? Qu'il a tenté de se suicider ? » Je marquais une pause, le temps de regarder une partie des Médicomages recueillir ses signaux vitaux, l'autre préparer un antidote. « Il a voulu parler à mon copain. Entre eux deux, c'est loin d'être l'amour fou, bien au contraire… Alors, j'étais dubitative. Mais Jared a insisté. Je n'étais pas là, mais Thomas m'a dit que Jared m'avait confiée à lui. C'est là que j'ai tiqué. Parce que jamais il ne m'aurait confiée à quelqu'un d'autre que lui, encore moins à Thomas. » Le prince hocha la tête, avant de se lever. Il me dit qu'il revenait vite, qu'il allait juste me chercher une boisson chaude, pour l'attente ; que je pouvais rester là, tant que je ne dérangeais pas les médicomages. Déranger les médicomages, alors qu'ils étaient en train de sauver la vie de mon meilleur ami ? Certainement pas.

Je les regardais finir l'antidote alors que le prince revenait avec un plateau de thé, avant de le donner à Jared. Ils lui ouvrirent la bouche, pour lui faire avaler. Ils vérifiaient de nouveaux les signaux, le pouls, si il réagissait aux stimulis. Je n'étais pas sûre de comprendre tout ce qu'ils faisaient (après tout, je n'avais pas fait Médicomagie, moi), mais je me levais du canapé quand ils se rapprochèrent de nous. Il commença à parler en irlandais, mais le prince lui fit un signe, et il reprit en anglais. « Normalement, il est sorti d'affaire. » « Mol na déithe.1 » « Il ne se réveillera pas tout de suite, le temps que l'antidote fasse effet et lave tout son corps. Il faudra le garder en observation pendant quelques jours, voir semaines… Et un suivi psychiatrique. » Le prince les remercia, avant de se tourner vers moi. « Je sais que vous attendez qu'il se réveille, vous êtes la bienvenue, ici. Je vais aller voir ma sœur. Vous avez besoin de quelque chose ? » Je réfléchissais un instant. Je ne voyais pas de quoi je pouvais avoir besoin, alors que je voulais juste que Jared se réveille… Avant de réaliser que, si, j'avais besoin de quelque chose. « Est-ce que… Est-ce que je peux écrire une lettre ? Et l'envoyer ? » « Bien sûr. Je vous apporte du parchemin, de l'encre et une plume. » Je le remerciais, et je me rassis sur le canapé en attendant. Avant de me relever et de m'asseoir sur une chaise juste à côté du lit de Jared.

Je le regardais. Il était toujours aussi pâle, mais sa poitrine bougeait. Très lentement, mais elle bougeait, signe qu'il respirait. Je posais doucement ma main dessus. Je sentais son cœur battre, et je me sentis soulagée. En vie. Il était en vie. Je me redressais quand un Médicomage me tendit ce que le prince avait promis, avant d'installer une perfusion. Il m'expliqua que c'était pour aider le corps de Jared à nettoyer le poison qu'il y avait en lui. Je le regardais faire, puis, une fois que nous étions seuls, je commençais à écrire ma lettre : Thomas, Jared est en vie. Il n'est pas encore réveillé, mais il est sauvé. Grâce à toi. Tu n'imagines mêmes pas à quel point je te suis reconnaissante. Je vais rester encore un peu en Irlande, jusqu'à ce qu'il se réveille. Je t'aime. Emy Je pliais le parchemin, et je le gardais, jusqu'à ce qu'on vienne le chercher. En attendant, je posais ma tête entre mes bras, sur le lit de Jared, en le regardant. « T'es vraiment un idiot, tu le sais, ça ? » Je murmurais, en le regardant. S'il te plaît, réveille-toi vite, et dis-moi comment je peux t'aider…

Mercredi 1er mai 2002

J'avais passé la nuit à le regarder, à le surveiller. Je ne dormais que l'espace de quelques minutes, avant de me réveiller en sursaut. Comme si j'avais peur de louper le sien, de réveil. Je ne le lâchais pas du regard, comme si ça pouvait l'aider à revenir. Je sais, c'était débile, mais je ne pouvais pas m'en empêcher. Et je mourrais d'envie de savoir ce qu'il se passait dans sa tête… Je me redressais, en le regardant inconscient. Jamais, jamais je n'étais rentrée dans sa tête. Jamais je n'avais cherché à lire ses pensées, à connaître son humeur. Plus que quiconque, il n'aurait pas apprécié. Mais là… Et si c'était ma dernière chance ? Alors, je me détendis, en le fixant. Normalement, avoir le regard aidait plus facilement, mais tant pis. J'avais suffisamment confiance en moi pour y arriver. Je visualisais mon esprit se diriger vers le sien, pour rentrer dans sa tête. Quand je sentis mon sang se glacer de désespoir, je sus que j'y étais. Ce désespoir n'était pas le mien, je devais ressentir celui de Jared. Je sus que j'étais dans la tête de mon meilleur ami. « Jared, s'il te plaît. Tiens bon. Je suis là. Je veux t'aider, mais pour cela… Reviens. » J'hésitais un instant, avant de demander : « Est-ce que c'est ma faute ? Est-ce que c'est parce que je sors avec Thomas ? Alors que tu as le pouvoir de me demander de faire un choix entre vous deux ? Mais c'est toi, toujours toi que je choisirai. » Mon esprit sortit du sien quand un infirmier rentra dans la chambre, pour se placer derrière le lit. « Qu'est-ce que vous faites ? » « Je le bouge, ordre de la princesse. Vous pouvez venir. » Je n'étais pas sûre de comprendre ce qu'il se passait, alors, je le suivais.

En passant dans les couloirs, je faisais à peine attentions aux décors, ou aux décorations religieuses que des serviteurs plaçaient ici et là. La seule chose que je réalisais était que la journée était bien entamée en regardant par les fenêtres. Le soleil était haut, tout comme une fumée épaisse qui venait des jardins, comme si un immense feu de joie était allumé. Je ne ralentissais pas le pas pour regarder, et je me dépêchais de suivre l'infirmier. Il finit par ouvrir une porte, qui donnait sur un grand salon. Il traversa le salon et emmena le lit de Jared dans une sorte de chambre, où se trouvait… « Clary ?! » Je pensais que elle-même avait été prévenue jusqu'à ce que je m'aperçoive qu'elle était dans un lit, avec presque la même tête que Jared. Sauf que elle, elle avait les yeux ouverts. « Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Qu'est-ce que tu fais là ? » Je m'approchais d'elle, pendant que l'infirmier plaça le lit de Jared à côté du sien.

Elle avait l'air… Éreintée. Inquiète. Elle ne faisait que se tourner vers le lit de Jared, et je tenais à la rassurer le plus vite possible : « Les Médicomages ont dit qu'il allait bien, qu'il allait se sortir d'affaire. Il faut juste… Il faut juste attendre qu'il se réveille. » Je me tus, l'aidant simplement à se redresser dans son lit pour qu'elle puisse mieux voir Jared. Je redressais le coussin dans son dos, et je la soutenais le temps qu'elle se rasseoit correctement. « C'est mon copain et moi qui l'avons trouvé. Thomas lui a donné quelques minutes supplémentaires en lui mettant un bézoard dans la bouche. » Vraiment, jamais je n'aurais cru assister à ce genre de scène. Jamais je n'aurais cru voir Thomas sauver la vie de Jared. Comme quoi, tout peut arriver… Je jetais un oeil à Clary, qui semblait toujours aussi épuisée. « Je peux t'enlever de la douleur mentale, et physique, si tu veux. » Elle me jeta un regard interrogateur. « J'ai un don, qui me permet de manipuler l'esprit. Je peux soulager la douleur, l'angoisse, ce genre de choses. Je le fais souvent sur Harry, depuis que je le connais. » Harry est son meilleur ami, peut-être qu'elle aura un peu plus confiance, comme ça…

Quand elle me donne son aval en pleurant, je me dirige vers elle, pour me mettre à côté. Je posais mes deux mains sur son crâne. « Essaie de te détendre. Même si tu n'y arrives pas, ce n'est pas grave, d'accord ? » J'essayais d'avoir l'air réconfortante, assurée, mais en fait, c'était aussi un moyen pour moi d'oublier Jared. De ne pas le regarder avec son air toujours aussi misérable, alors qu'il n'ouvrait pas les yeux. A la place, je me concentrais. J'imaginais mon esprit, je le visualisais. Il partait de mon crâne pour aller dans mon cou, mes épaules, mes bras, mes mains, mes doigts. Petit à petit, je le fis entrer dans la tête de Clary. Pour l'instant, elle ne sentait encore rien. Tant que je ne faisais rien, ma présence était invisible. Je repérais très vite sa peur, son angoisse. Je me concentrais pour construire une barrière mentale autour, pour l'isoler. C'est ce que je faisais avec Harry ; j'avais fait la même chose à Thomas. Au moins, sa douleur mentale était amoindrie. Puis, je continuais de faire glisser mon esprit autour de son cerveau, dans la région de la douleur. Une nouvelle fois, je l'entourais, comme pour l'isoler. Pour que son corps soufre moins.

« Voilà. » J'enlevais mon esprit, je retirais mes mains, et je lui tendais un mouchoir pour essuyer ses larmes. Au même moment, on entendit du bruit dans le lit de Jared. On se dirigea automatiquement vers lui. Il commençait à ouvrir les yeux. « Jared, Jared, tu nous entends ? On est là. Tu es en Irlande. » Alors que je le regardais ouvrir les yeux, je sentis Clary s'agiter. Alors, je me dépêchais de m'approcher d'elle, pour la soutenir. Je l'aidais à se relever, et à la guider au lit de Jared. Leurs lits étaient côtes à côtes, masi je comprenais qu'elle avait besoin d'être à son chevet. Je la lâchais quand elle trouva appui sur son matelas à lui. Je le regardais, et la culpabilité m'envahit à nouveau. J'avais passé la soirée avec lui. Comment j'avais pu ne pas voir ses projets ? Est-ce que c'était de ma faute ? Est-ce qu'il allait m'en vouloir ? Est-ce qu'il allait recommencer ? Est-ce que c'était à cause de Thomas ? Il y avait trop de questions sans réponse. Et, sentant que je pleurais à nouveau, je préférais tourner le dos, pour laisser Jared et Clary se retrouver.

De nouveau, la porte s'ouvrit, pour laisser place à Louve et Bleddyn Iceni. Les deux étaient en tenue de bal. « Jared ? Jared, tu es réveillé ! » La princesse alla à son chevet, en face de Clary, pour le regarder. « Comment tu te sens ? Tu nous as fait une belle frayeur… » Le prince, lui, poussa sa sœur pour attraper mon meilleur ami par le col. « Comment… Comment as-tu pu imaginer faire une chose pareille ?! » Même de là où je me trouvais, je pouvais voir son regard noir. Presque meurtrier. Ses jointures devenaient blanches à force de serrer le col de Jared. « Bleddyn, arrête ! Tu vas le… ! » Elle s'arrêta, alors que lui continuait de fixer Jared. « Tu te souviens quand tu m'as dit que tu refusais de faire de moi un martyr, si je devais mourir au combat ? Tu t'en souviens ? C'est le jour où tu m'as dit que tu m'extirperais de la mort pour me foutre la plus grosse raclée de ma vie. » Son ton était plus que froid ; il était glacial. Tout comme le silence dans la pièce, seulement brisé par le dialogue de Jared et du prince. « C'est le jour où tu m'as dit que j'étais ton Alpha. Alors ouais, je te retourne la pareille. Je t'ai extirpé de la mort ; et crois-moi que quand tu seras sur pied, je te foutrais une raclée comme tu n'as jamais connu de ta vie. » Il souleva encore un peu plus son col, pour rapprocher son visage du sien. « Je suis ton Alpha, pas vrai ? Tu ferais tout pour moi, pas vrai ? Alors voilà. En tant que Alpha, je t'interdis formellement de recommencer une connerie de ce genre. » « Bleddyn, ça suffit ! Descend au bal prévenir sa famille qu'il est réveillé. » Bleddyn fusilla sa sœur du regard, avant de lâcher Jared, et de sortir de la pièce, nous laissant toutes les trois seules avec Jared. La princesse retira sa couronne. « Miss Evans, vous devriez vous reposer au salon, vous n'avez ni dormi ni mangé depuis 24 heures. Jared, Miss McGregor, comment vous vous sentez ? » Je risquais sûrement de commettre un crime de lèse-majesté, mais je ne bougeais pas. Hors de question de dormir ou de manger tant que Jared n'avait pas expliqué son geste.                    

1 : J'ai besoin d'aide. Vite ! (en irlandais)
2 : Les dieux soient loués. (en irlandais)
:copyright:️ Justayne

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One of would die for love
One of us would give it up
One of us would risk it all
One of us could say goodbye
One of us is hurting you
And baby that's the last thing that I wanna do

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Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. Avec Emily Evans, Clarissa McGregor et Jared Parkinson Mardi 30 avril 2002

Après avoir profité de ma pause de midi pour passer du temps avec Aliocha, et après mon cours d'histoire de la politique sorcière, je filais en Irlande, pour vérifier les préparatifs de Beltaine, la fête religieuse de demain. J'avais vérifié la décoration dans les jardins, là où se déroulerait la journée. J'avais jeté un oeil à la salle de bal, pour le soir. J'avais parlé de la sécurité avec Bleddyn et mes parents. J'avais jeté un oeil au repas en allant aux cuisines. Après une rapide collation, j'avais fait le point avec Anya, ma modiste, sur mes tenues du lendemain. Il y avait tellement de choses auxquelles je devais penser que j'avais peur d'en oublier une… Alors, une fois que j'avais fini de faire le tour, je pris le temps de relire l'organisation du lendemain. Avant d'attraper un roman, histoire d'essayer de me détendre un petit peu. Il fallait que je sois en forme pour le lendemain ! J'étais plongée dans ma lecture quand ça toqua à ma porte. « Votre Altesse, Sa Majesté votre frère est rentré en urgences avec le Duc Jared Parkinson. » Je me redressais, posant mon livre, assez intriguée.

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. 121a07e38ae53f7161bd187b68322de49cdae594

« Comment ça, en urgence ? » « Le Duc Parkinson a essayé de mettre fin à ses jours. » Je me relevais brusquement. Comment ça, a essayé de mettre fin à ses jours ? Jared a essayé de se suicider ? Je sentis mon cœur s'accélérer alors que mon esprit tournait à plein régime. Je savais que Jared avait eu une vie compliquée, je savais qu'il avait du mal à trouver sa place. J'avais bien vu, en novembre, à quel point il pouvait être mal. Il s'était forgé une carapace, que j'avais essayé de percer. Bleddyn y était arrivé mieux que moi, mais… J'espérais que Jared savait que ma porte était toujours ouverte. Pourtant, il ne semblait pas avoir voulu la pousser. « Où sont -ils ? » « A l'infirmerie du palais, Votre Altesse. » « Bien. Merci. » Je tournais les talons pour m'y diriger, immédiatement. Pendant le chemin, je continuais de réfléchir, pour essayer de ne pas m'effondrer. Tu as été élevée comme ça, Louve. Tu pleureras plus tard. Quand tu auras le temps. Là, tu ne l'as pas. Tu ne dois pas pleurer, tu dois agir. Ton sujet, ton ami a tenté de se tuer. Tu dois faire quelque chose.

Au moment où j'arrivais devant la porte, je fus incapable de l'ouvrir. Je me retrouvais tétanisée, incapable d'affronter ce qu'il se trouvait derrière. Si Jared était vraiment parti de l'Autre Côté, jamais je ne pourrais supporter cette vision. Mon sang se glaça et je me retrouvais paralysée. Non, je ne pouvais pas entrer. Heureusement, mon frère en sortit. « Alors ? Comment va-t-il ? » « Il n'est pas réveillé, mais il va s'en sortir. » Par les dieux, merci ! Je soupirais de soulagement, quand je vis une jeune femme brune dans l'entrebaîllement. Son visage me disait quelque chose, mais j'étais incapable de pouvoir dire où je l'avais déjà vue. « Qui est-ce ? » « Emily Evans. C'est la meilleure amie de Jared. Elle était là pour sa transformation et la remise de son titre. » Oh, oui, ça y est. Je me souvenais d'elle. Bleddyn commença à s'éloigner, en me disant qu'il devait aller chercher du parchemin et une plume, ainsi que de l'encre. Je restais dans le couloir, à observer cette jeune femme. Miss Evans était pensive, les yeux rouges et les joues mouillées, à ne pas quitter son ami des yeux. « Votre Altesse ? » Je me tournais, quand j'entendis qu'on me parle.

Thomas Fowl, le Premier Ministre de mes parents, venait à ma rencontre, avec sa fille Mióróis. Les deux s'inclinèrent, avant qu'il ne reprit la parole : « J'ai entendu dire qu'un des Ducs avait essayé de se suicider. » Une nouvelle fois, mon cœur fit un bond quand j'entendis ce mot. Je n'arrivais toujours pas à y croire. Et surtout, je ne voulais pas y croire. Ce qui était l'une des raisons pour lesquelles je ne rentrais pas dans l'infirmerie. Je me redressais, pour essayer de ne pas montrer ses sentiments. « Oui, Jared Parkinson. » « Jared ? Jared a essayé de se suicider ? » Je me tournais vers la jeune femme. Elle semblait plus que étonnée. « Vous le connaissez ? » « J'ai passé un weekend avec lui et des amis. Ma meilleure amie, Clary, et lui, avaient un lien… Particulier. » Je ne pouvais m'empêcher d'hausser un sourcil. « Avait ? » Le regard de Mióróis se voilait légèrement. « Elle est à l'hôpital. J'ai appris qu'elle aussi, elle avait failli mourir. » Elle aussi ? « Est-ce une tentative de suicide ? » « Je ne sais pas. Je ne pense pas. » Hum. Je jetais un oeil à l'entrebâillement de la porte. Quelqu'un avait apporté ce qu'il fallait à Miss Evans, et elle était plongée dans la rédaction d'une lettre. Deux personnes avec un lien qui manquaient de mourir, de plus, la veille d'une cérémonie religieuse qui fêtait le renouveau… Sachant que l'une des deux personnes était un fervent croyant ? La coïncidence semblait bien trop grosse. « Je veux la voir. » Déclarais-je brusquement. « Pouvez-vous m'y emmener ? » Le père et la fille se regardèrent, interloqués, avant d'accepter.

En Irlande, nous possédions plusieurs moyens de transports, que ce soit les cheminées, un espace de transplanage, ou encore des balais, utilisés plus rarement. Quand nous voyagions à plusieurs, comme ce soir, nous prenions ou le Caerulum Avis, le train qui reliait l'Irlande au Portugal, ou encore un carrosse tiré par des Sombrals. Cette dernière option étant la plus rapide, c'est celle que nous choisissions. Mr. Fowl envoya en avance un hibou, plus rapide encore que nous, pour prévenir l'hôpital de notre avancée. La nuit était bien avancée, et les visites étaient terminées depuis des heures, mais avoir un titre royal comportait tout de même quelques avantages. Notre carrosse atterrit sur le toit une ou deux heures plus tard, ce qui me laissa le temps de lire le rapport médical de Jared ; et un Médicomage vint immédiatement à notre rencontre. Il fit une révérence maladroite. « J'ai cru comprendre, Votre Majesté, que vous souhaitiez voir Clarissa McGregor ? » « Oui. Dans quel service est-elle ? » « Au troisième étage, au service des empoisonnements magiques, comme l'induisaient ses symptômes. Mais nous n'avons rien trouvé de concluant. » Nous marchions tout en parlant. Le Médicomage ouvrit les portes, et nous fit descendre plusieurs escaliers, avant de nous mener à la bonne chambre. Il nous fit entrer, et resta quand à lui dans le couloir. Je rencontrais alors une jeune femme magnifique, rousse comme moi, mais avec un air pâle et fatigué. Un jeune homme se trouva à ses côtés. Avec son odeur, j'en déduisis automatiquement que c'était un vampire, et qu'il devait travailler ici pour sentir autant les médicaments. « Clary ! Comment tu vas ? » Mióróis et son père allèrent directement à son chevet, pour lui prendre la main.

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. Benedict-cumberbatch-sherlock-gif-Favim.com-6766745

« Clary, tu as de la visite. Autre que nous. » Je m'approchais, en essayant d'avoir un air réconfortant et assuré. Pas la peine de lui faire peur alors que j'avais déjà une mauvaise nouvelle à lui annoncer. « Miss McGregor, je suis la princesse héritière irlandaise, Louve Iceni. Jared Parkinson est l'un des membres de ma garde rapprochée. Je me demandais si vous aviez un lien… Magique ou autre, entre vous. » Le Médicomage avait parlé d'un empoisonnement sans poison. D'après le rapport médical de Jared, il avait essayé de se suicider en avalant un philtre de Mort-Vivant. « Il a essayé de mettre fin à ses jours en s'empoisonnant. » Plusieurs émotions se lurent sur son visage. Elle était choquée, ce qui pouvait se comprendre. Je m'approchais encore un peu plus de son lit, et je m'assis sur une chaise à côté, pendant que Mióróis serrait sa main. « Ecoutez, j'aimerai vous proposer de venir en Irlande, pour guérir et vous reposer avec Jared. J'aimerai qu'il soit entouré de tous ses soutiens, dans son pays de naissance. » Je jetais un oeil au vampire à ses côtés. « Si elle est transportable, bien sûr. » Elle semblait hésitante, ce qui pouvait se comprendre. Mióróis rajouta : « Tu devrais accepter, tu seras entre de bonnes mains. Et puis, je suis en Irlande ce soir et demain, pour Beltaine. Et je peux revenir te voir ce weekend. » Son père hocha la tête, comme pour appuyer ses propos. Je ne rajoutais rien de plus. Je voulais la laisser libre de ses choix.

Une fois tout cela réglé, la jeune femme fut installée dans un fauteuil roulant, pour la conduire jusqu'au carrosse. Je pris le temps de poser un châle sur ses épaules avant que nous traversions le toit. Nous étions en plein milieu de la nuit, et le carrosse n'était pas chauffé. Ce n'était pas le moment qu'elle tombe malade, en plus de son accident. Le temps du voyage, du moins, le début, je ne dis pas grand-chose. Mióróis et elle sont amies, je ne veux pas qu'elles pensent que je m'impose, ou quelque chose comme ça. Toutefois, je tourne la tête, surprise, vers Miss McGregor quand elle me demande -difficilement- des nouvelles de Jared. « Je sais qu'il est sorti d'affaire, mais il n'est pas encore réveillé. Ça risque de prendre quelques heures, il faut lui laisser le temps. » J'essaie d'être assurée, pour pas montrer que, moi aussi, j'angoisse. Je pense que nous irions tous mieux quand Jared sera réveillé.

Une fois arrivés au château, Thomas Fowl nous laisse, mais Mióróis pousse la chaise roulante. Elle me suit jusqu'à la partie ouest du château, la partie privée. « Je vous ai installée dans des appartements à côté des miens. Ainsi, vous serez tranquille. Vous aurez votre chambre, un salon, une salle de bain, un dressing. On pourra installer une table pour vos repas. » J'ouvre les portes de l'appartement, décoré dans des tons de blancs, avec des touches de rouge pour rappeler aux invités les origines de notre famille. En effet, ces appartements étaient pour les invités spéciaux, et je décidais d'en faire la chambre de Miss McGregor pour quelques jours, voir quelques semaines.

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Mióróis l'aida à s'installer dans le lit, pendant que je la regardais. « Je suis désolée, je vais devoir vous laissez, j'ai énormément de choses qui m'attendent demai… » Je me coupais en voyant l'heure. Par les dieux, minuit était largement dépassé. « Énormément de choses qui m'attendent dans quelques heures, et il faut absolument que j'aille me reposer. Vous avez une cloche à côté de vous, n'hésitez pas à l'utiliser. Je reviens vous voir demain. Et on emmènera Jared ici, pour qu'il ne reste pas à l'infirmerie. » Je lui souris, avant de lui souhaiter une bonne nuit. Mióróis fit une légère révérence avant que je ne tourne les talons, et je l'entendis glisser dans le lit, aux côtés de son amie. Elle lui promis qu'elle veillerait sur elle cette nuit quand je fermis la porte.

Mercredi 1er mai 2002

Je n'avais dormi que quelques heures, et assez mal. J'avais passé mon temps à me tourner et à me retourner, en pensant à Jared, et en regrettant d'avoir dit à Aliocha de rester en Angleterre. J'aurais bien eu besoin de son soutien et de ses bras pendant cette nuit. Pendant que Anya s'occupa de mes cheveux, j'ouvris mon courrier, notamment un paquet. Et je trouvais le cahier de recherche de Jared. Mon cœur s'arrêta quand je le vis, et je compris. Il me l'avait offert, pour que je le garde en ma possession après sa mort. J'avais refoulé mes larmes, en voyant une telle marque de confiance, mais surtout en me disant qu'il avait été sûr de lui. Qu'est-ce qui avait bien pu lui arriver pour qu'il soit aussi sûr de lui ? Une fois levée, habillée, maquillée et coiffée, je fis un saut dans les appartements voisins pour aller rendre visite à Miss McGregor. Je voulais m'assurer qu'elle aille mieux, qu'elle avait pu dormir, et surtout, qu'elle avait prit son petit-déjeuner. Je lui promis également que Jared serait déplacé dans la journée, quand les Médicomages estimeront que ce sera bon. je filais ensuite au Temple pour assister aux cérémonies religieuses divers, au feu, et à discuter avec le plus d'Irlandais possible. Durant l'après-midi, quelqu'un vint me prévenir que Jared avait été déplacé dans les appartements de Miss McGregor, et que Miss Evans avait suivi. Je décidais alors de quitter la fête un peu plus tôt que prévu. Je me changerai pour le bal de ce soir, mais surtout, je pourrais aller les voir, et m'assurer que tout le monde était bien installé. Et surtout, m'enquérir de l'état de Jared. Mon frère me suivit, assez curieux.

Une fois ma robe enfilée, le maquillage et la coiffure changés, et la tiare installée sur ma tête, j'allais dans les appartements. J'entendis bouger, et je fus rassurer en voyant qu'il s'agissait de Jared qui se réveillait. Je n'aurais pas à affronter son inconscience… « Jared ? Jared, tu es réveillé ! » Je me dépêchais d'aller à son lit, en face de Miss McGregor. Elle était levée, et se tenait aux barres du lit médical. « Comment tu te sens ? Tu nous as fait une belle frayeur… » Je ne pus m'empêcher d'écarter les mèches de son front, pour regarder ses yeux. Mais je sentis mon frère me pousser, pour attraper Jared. « Comment… Comment as-tu pu imaginer faire une chose pareille ?! » « Bleddyn, arrête ! Tu vas le… ! » Tu vas le tuer. Je m'interrompis à temps, mais mon frère ne semblait pas m'écouter. Je l'avais senti tendu toute la journée. Il était inquiet, et maintenant que tout danger était écarté, il était furieux que Jared puisse avoir osé faire une chose pareille. Bleddyn avait parfois du mal à accepter certaines actions de ses soldats, encore plus de ses proches. Jared étant les deux, il en faisait les frais.

« Tu te souviens quand tu m'as dit que tu refusais de faire de moi un martyr, si je devais mourir au combat ? Tu t'en souviens ? C'est le jour où tu m'as dit que tu m'extirperais de la mort pour me foutre la plus grosse raclée de ma vie. » Personne n'osait parler, pas même moi. J'observais la scène, et je sentis que Bleddyn avait besoin de vider son sac avant que je ne le sorte de la pièce. « C'est le jour où tu m'as dit que j'étais ton Alpha. Alors ouais, je te retourne la pareille. Je t'ai extirpé de la mort ; et crois-moi que quand tu seras sur pied, je te foutrais une raclée comme tu n'as jamais connu de ta vie. » Je ne savais pas qu'ils avaient eu ce genre de dialogue. Je savais seulement que Bleddyn avait découvert qu'il était l'Alpha de Jared le jour où ce dernier avait rejoint Diabhal. « Je suis ton Alpha, pas vrai ? Tu ferais tout pour moi, pas vrai ? Alors voilà. En tant que Alpha, je t'interdis formellement de recommencer une connerie de ce genre. » « Bleddyn, ça suffit ! Descend au bal prévenir sa famille qu'il est réveillé. » J'estimais qu'il était temps d'arrêter ce combat de virilité. Bleddyn me fusilla du regard, puis il lâcha le col de Jared, et il sortit de la pièce.

Bien. Nous allions pouvoir parler. Je retirais ma couronne, qui pesait lourd, avant de me tourner vers les deux jeunes femmes. « Miss Evans, vous devriez vous reposer au salon, vous n'avez ni dormi ni mangé depuis 24 heures. Jared, Miss McGregor, comment vous vous sentez ? » Je regardais tour à tour les deux malades, avant de me diriger vers la commode. Se trouvaient dessus un pichet et un baquet. Je versais l'eau de la cruche en porcelaine dans le baquet assorti, et je pris un linge, pour humidifier le visage de Jared et le rafraîchir. Ce n'était pas la première fois que je faisais ce geste. La première fois avait été quand il s'était battu, et que je lui avais sauvé la vie grâce à son manuel. Le fameux manuel que j'avais reçu ce matin, au courrier. « Votre Majesté, le Duc Amadeus Parkinson est venu voir son fils. » Je me tournais vers Jared, interrogatrice. Je ne voulais pas le forcer à voir quelqu'un qui était peut-être en partie responsable de sa tentative de suicide. Quand le jeune homme me signifia qu'il n'avait aucune envie de le voir, je reposais le linge. « Je vais aller lui parler moi-même. » Je tournais les talons et alla à la porte qui menait au couloir, l'air sévère. Le Duc Parkinson se tenait là, en se dandinant sur place. Il ne s'attendait sûrement pas à se trouver en face de moi. « Vous ne pouvez pas le voir. Jared ne veut pas de vous. » Je ne lui avais pas laissé le temps de prendre la parole. « Votre fils n'est pas une honte, ni matière à moquerie parce qu'il a rejoint la garde rapprochée. C'est un honneur qu'il mérite, contrairement à vous. » Toutes ces paroles ne venaient pas de nul part, je l'avais entendu les prononcer à Jared le jour de la remise du titre, sans se rendre compte que j'étais dans le coin. J'avais été outrée d'avoir entendu ces choses, mais je n'avais aps agi. A tort. « Un vrai loup n'a pas besoin de se transformer à volonté. Un vrai loup est un loup qui participe au sein de sa meute. Jared en est un, depuis le moment où mon frère est devenu son Alpha. Vous n'êtes plus le sien, Amadeus. Vous n'avez plus aucun droit sur lui, je m'en assurerai. » Mes yeux lançaient des éclairs, et je le vis se décomposer de plus en plus. Parce qu'il culpabilisait, ou, comme disait ma tante, parce qu'il faisait tout pour être dans les proches des Iceni ? Son fils avait réussi. Pas lui. « Vous ne verrez Jared qu'avec son autorisation. Et la mienne. » Une fois ces paroles posées, je lui refermais les portes de l'appartement au nez, avant de retourner dans la chambre. Tous me regardaient. Miss Evans avaient des yeux comme des soucoupes, et posa un regard inquiet sur Jared. « Est-ce que je peux faire quelque chose avant que je ne doive aller au bal ? Jared, je suis à ton écoute, sincèrement. N'hésite pas. Pareil pour vous, Miss Evans, Miss McGregor. » Je regrettais presque de devoir aller à ce bal, mais, si il le fallait, je n'irai pas en cours demain, pour rester en Irlande.
:copyright:️ Justayne

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I'll show you how a real queen behaves,
No damsel in distress, don't need to save me

descriptionAlors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. EmptyRe: Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.

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Clarissa McGregor
Contexte
Nous sommes le jeudi 25 avril 2002. Clarissa Constance McGregor est la fille de deux professeurs de Poudlard : Victoire Prewett, professeur de Métamorphose, et Seamus McGregor, professeur de Magie sans baguette et vampire. Elève studieuse, Clary a choisi de poursuivre ses études à l'Université de Magie Supérieure dans le Cursus d'Histoire et Géographie Sorcière. Depuis un mois maintenant, elle a rompu tout contact avec Jared Parkinson en apprenant qu'alors ils flirtaient ensemble, il sortait déjà avec une autre fille, Vicky Prewett, la cousine de Clary.

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.
Mes doigts touchaient doucement les touches du clavier. D’abord timidement, puis de plus en plus en accord avec une mélodie qui me revenait souvent en tête ces dernières semaines. Une mélodie monotone, simple, répétitive. Les paroles traitaient du suicide et je me souvenais l’avoir déjà souvent écouté après que Mattéo soit parti. Pourquoi est-ce que cette mélodie me revenait en tête ?

« Qu’est-ce que tu fais ici ? »

Je relevais brusquement ma tête, interrompant la mélodie sur les touches du piano. Victoria Prewett se tenaient dans l’encadrement de la porte. Son sac était en bandoulière et ses cheveux légèrement bouclés avaient poussé depuis la dernière fois que je l’avais vu. Mon cœur s’emballa en voyant son visage aussi hostile. Je me levais, manquant de peu de trébucher. Depuis quelques semaines, maintenant, j’avais de multiples sensations de vertige. Je devais certainement couver quelque chose, même si aucune vitamine n’y changeait rien. Il faudrait que j’aille voir un médicomage pour avoir un véritable diagnostic, mais actuellement je n’en voyais pas l’intérêt. Peu de choses m’apportait de l’intérêt.

« Je voulais te parler. » répondis-je, une note d’espoir dans la voix.
« Je n’ai rien à te dire, moi. »
« Pourtant, tu es ici. »

Je souris doucement. Toujours renfrognée, Vicky croisa les bras devant elle. Nous étions cousines, toutes les deux, même si nous n’avions jamais eu une grande relation. Toutefois, elle restait de la famille et jamais je n’aurai voulu lui causer de tort.

« J’ai appris pour Jared et toi. »

Elle haussa un sourcil dédaigneux.

« Ah oui ? Comme c’est étonnant … »
« Vicky, laisse-moi t’expliquer, ce n’est vraiment pas ce que tu crois. »

Elle éclata d’un rire sans joie avant de jeter un regard derrière elle. Mais il n’y avait personne. La plupart des élèves était en cours à cette heure-ci. Pour ma part, j’avais terminé ma semaine, c’était pour cela que je m’étais rendue à Poudlard, envoyant auparavant un hibou à Vicky pour qu’elle me rejoigne.

Edmund m’avait dit que Vicky et Jared avaient rompu au cours de ce week-end. J’ignorais ce que j’aurai du ressentir à ce moment-là. De la joie ? Du soulagement ? Mais je n’y arrivais pas. Comment le pourrais-je ? Jared et moi avions flirté durant près de deux mois avant que je n’apprenne par Edmund qu’il sortait durant la même période avec ma cousine. Ce n’était pas moi. Ce n’était pas celle que je voulais être. Jared s’était moqué de moi en me faisant miroiter quelque chose qu’il ne pouvait m’offrir. Et que je ne désirais plus à présent. Certes, il avait rompu avec Vicky, mais était-ce pour autant qu’il désirait être avec moi ? Si tel avait été le cas, il aurait rompu juste après ce week-end au chalet et non trois semaines après. Qu’est-ce que cela signifiait-il ? S’était-il là aussi lassé de Vicky ?

« Excuse-moi, mais en général, quand les gens sortent cette phrase-là, c’est exactement ce que l’on croit. » ironisa-t-elle.
« Je ne savais pas ! » m’exclamais-je. « J’ignorais totalement que vous étiez ensemble. »

A nouveau, elle haussa un sourcil.

« Ah oui ? Pourtant je ne me suis jamais cachée de ma relation, moi. »
« Je n’étais pas à Poudlard. Et … excuse-moi, mais je ne tiens plus le compte du nombre de petit-ami que tu as ! »

Vicky ouvrit la bouche, voyant que j’avais osé affirmer ça. Est-ce que je regrettais ? Non. Je n’avais pas parlé sans réfléchir. Ce n’était jamais dans mes habitudes.

« Jared était mon petit-ami ! » éructa-t-elle.

Elle décroisa les bras, s’avançant vers moi, son doigt pointé vers le sol comme si elle cherchait à appuyer davantage ses propos. Son sac glissa de son épaule tandis qu’elle ajoutait :

« J’étais amoureuse de lui ! Je l’aimais. Et tu as voulu me le prendre ! »
« Je n’ai JAMAIS voulu te le prendre Vicky ! » m’écriais-je à mon tour. « Il m’a menti à moi aussi ! Du moment où j’ai appris que vous étiez ensemble, j’ai tout arrêté ! »

Vicky secoua la tête mais n’ajouta rien.

« Vicky. » repris-je d’un ton plus doux. « Je n’ai jamais voulu te blesser. Je … ne pensais pas que tu ressentais tout ça pour lui. Et je regrette d’avoir imaginé des choses avec lui. Moi aussi, je … »

Ma voix s’entrecoupa à ce moment-là et je sentis le vertige me revenir. Je posais une main sur une table de la salle de classe, fermant les yeux. Mes battements de cœur s’étaient accélérés. Je détestais cette sensation. Mes doigts me picotaient, comme brûlant de ne plus connaître une sensation qui autrefois me faisait sentir vivante. J’ouvris les yeux à nouveau, rageuse d’avoir un instant pensé à lui. Vicky me regardait, un air légèrement anxieux sur le visage. Elle avait recroisé les bras et tentait visiblement de retenir ses larmes.

« Vicky. Je suis désolée. Vraiment. »

La jeune femme renifla et tourna la tête de l’autre côté, voulant cacher ses larmes. Alors elle l’aimait vraiment ? Vicky avait toujours été du genre à passer d’un garçon à un autre sans s’y attacher vraiment. Elle aimait être désirée et elle aimait faire de nouvelles expériences. Mais … avec Jared cela semblait avoir été différent. Était-ce lié à sa récente morsure de loup-garou ? Avait-elle trouvé quelque chose comme un compagnon de meute en Jared ?

« J’étais amoureuse … » répéta-t-elle.
« Oh ma chérie … »

Mes bras vinrent entourer ses épaules alors que je l’encourageais à poser sa tête contre moi. Les sanglots commencèrent et je la laissais exprimer son chagrin. Elle aimait Jared. Elle l’aimait vraiment.

Je fermais les yeux, murmurant quelques paroles de réconfort tandis que son corps était agité de sanglots. S’était-elle interdite de pleurer pour laisser uniquement sa colère s’exprimer ? Mais à présent que la colère était passée, il ne lui restait plus que la tristesse.

Et moi ? Que me restait-il ? Avais-je imaginé ce lien qui s’était construit entre Jared et moi ? Nous avions été véritablement connectés l’un l’autre. Ces fourmillements dans la nuque, ses caresses sur ma peau, cette sensation de chaleur dès lors que mon corps entrait en contact avec le sien. Il était attentionné envers moi, je l’avais bien remarqué. Il n’agissait pas avec moi comme il agissait avec les autres. Je ne m’étais pas trompée, n’est-ce pas ? Il y avait vraiment un truc.

Alors pourquoi avait-il fait ça ?

Vendredi 26 avril 2002

Il était encore tôt. L’université venait juste d’ouvrir. Je posais ma serviette par terre avec une bouteille d’eau puis activai d’un coup de baguette la musique. Le piano commença à se faire entendre et je poussais un long soupir. Comme une libération.

Et je n’attendais pas pour m’élancer sur le parquet. Mes mouvements se libéraient doucement, comme encore engourdis par le sommeil, mais s’éveillant comme une fleur au petit matin. La musique me transportait, j’étais comme habitée à ce moment-là. Je ne pensais plus à rien. Tout faisait silence autour de moi. Mes problèmes disparaissaient. Mes préoccupations s’effaçaient. Il ne restait plus que la musique et moi qui l’accompagnais. J’augmentais le volume, comme encourageant tout le reste à disparaître. Je ne voulais plus rien ressentir.

Ni cette douleur qui m’enserrait la poitrine dès que je pensais à Jared. Ni mes doigts qui me brulaient quand je touchais la peau d’un de mes amis et que je ne ressentais plus la sensation. Ni ma tête qui tournait comme si j’allais m’évanouir à tout instant. Ni mes …

Ma cheville se tordit soudainement et je tombais, me rattrapant avec mes mains pour ne pas écraser mon visage contre le sol. Et, tout d’un coup, à ce même moment, le fourmillement dans ma nuque me picota. Je relevais brusquement la tête, mon regard cherchant tout autour de moi pour le voir.

« Jared ? »

Ma voix était brisée, comme si un sanglot la comprimait, ou comme si j’étais à bout de forces.

Mais il n’y avait personne. Personne qui ne vint me relever. Personne qui ne s’approcha. Rien. Personne.

Samedi 27 avril 2002

Je rejetais mes cheveux en arrière en poussant un soupir. Les examens étaient dans un mois et il fallait impérativement que je prenne de l’avance sur mes fiches de révisions. Mais je devais avouer que je ne savais jamais comment m’y prendre quand il s’agissait du cours du professeur Sikes, qui enseignait les Langues Anciennes. Ses explications partaient en tout sens et il nous arrivait régulièrement d’avoir une deuxième partie d’un chapitre qui n’avait même pas de première partie. Sans parler que désormais mes yeux me faisaient des tours. Les lettres dansaient devant mes yeux, et j’étais sans arrêt en train de me les frotter pour espérer les humidifier et les remettre en fonctionnement.

« Ça va ? »

Je relevais la tête alors que David s’installait en face de moi.

« Qu’est-ce que tu fais à la bibliothèque, toi ? Tu t’es perdu ? » ironisais-je.

Il eut un sourire en coin avant de tirer mon parchemin à lui.

« C’est quoi ce charabia ? »
« Du gaélique ! » répliquais-je en tirant à nouveau le parchemin jusqu’à moi. « Mais c’est normal que tu n’arrives pas à comprendre quoi que ce soit, avec ton sang de Troll. »

David leva les yeux au ciel.

« T’es bien revêche toi ! »
« Peut-être parce que tu viens me déranger alors que j’essaie de travailler ? »
« Ça fait 10 minutes que je t’observe et 10 minutes que tu n’as pas écrit une seule ligne. »
« Tu m’espionnes maintenant ? »
« Je dirai plutôt que je m’ennuie. »

Ce fut à mon tour de lever les yeux au ciel avant de soupirer devant tant de bêtises. David n’était de toute évidence pas le plus réputé d’entre nous pour être sérieux dans ses études. J’avais ce rôle, tandis qu’il était le clown de service. Il n’y avait qu’à voir son sourire de crétin se dessiner sur son visage dès lors qu’il faisait une idiotie. Le pire, c’est que la plupart des personnes arrivait à lui pardonner. A croire que c’était un ange !

« T’as toujours tes vertiges ? »

Je fronçais les sourcils.

« Qui est-ce qui … »
« Papa. » me coupa-t-il.
« Parce que tu parles à papa ? »
« Bien sûr que oui. » répondit-il, comme s’il s’agissait d’une évidence.
« David. La dernière fois que tu as parlé à papa, c’était à Noël. Tu es incapable d’avoir une discussion seul à seul avec lui. »

David et papa avaient une relation assez compliquée. Ils n’étaient pas vraiment en mauvais termes mais disons que David n’arrivait pas à accepter qu’il était désormais plus vieux en âge que notre père. Ce n’était pas une situation banale, c’était évident. Mais quand on avait un parent vampire, cela faisait parti du lot. Pour ma part, ce n’était pas quelque chose qui me dérangeait. Au contraire, je l’avais accepté depuis longtemps, assumant pleinement mon sang de vampire. David, lui, avait toujours eu un peu du mal à accepter cette différence.

« Ok ! » admit-il. « C’est maman qui m’a dit qu’elle le tenait de papa. Mais ça revient au même. Tu as des vertiges. Point. Papa s’inquiète, je crois et … »
« Ok ok, j’ai compris. »

Je souris.

« Hum … je gère. »
« Tu gères ? »
« Je gère. »

David éclata de rire.

« De la même façon que tu as dit que tu gérais les jumeaux avant qu’ils ne commencent à monter au chêne du jardin ? »
« C’était il y a 10 ans ! »
« De la même façon que tu as dit que tu gérais quand tu as voulu nous montrer comment voler à balai et que tu t’es retrouvée coincée sur le toit ? »

Cette fois-ci, j’éclatais de rire avec lui.

« Ce n’était pas ma faute, je suis certaine que Dean n’avait pas pris le modèle adapté à mon âge ! »
« De la même façon que tu as dit que tu gérais quand t’as pris la peinture de grand-mère et que tu as voulu repeindre les … »
« Arrête David ! » dis-je en riant davantage.

David riait lui aussi. C’était si bon de rire comme ça, en se remémorant de vieux souvenirs de notre enfance. Même si j’avais été la plus studieuse des enfants McGregor, je n’avais jamais été en reste pour les bêtises. David avait essayé de jouer au grand frère modèle avec moi, sans succès, car je faisais toujours tout pour passer outre sa soi-disante autorité.

Et puis, soudain, le fourmillement dans ma nuque. Je m’arrêtais de rire, mon regard scrutant les rayonnages. Je ne le voyais pas. Mais il était là, je le sentais. Je me levais aussitôt, commençais à faire quelques pas, avant de tomber. David me rattrapa aussitôt mais je ne l’écoutais pas alors qu’il me réprimandait cette fois-ci plus sérieusement sur cette histoire de vertiges. Mes yeux scrutaient les étagères à la recherche de Jared. Il était là. J’en étais sûre.

Lundi 29 avril 2002

Repas de famille oblige, je n’avais pu me rendre à Londres ou Druid’s Oak hier. J’avais eu droit en revanche à un long sermon des parents sur le fait que je ne devais pas assez me nourrir. Papa était allé me chercher du sang visiblement réhaussé en vitamines pour que je reprenne des forces. Selon eux, j’étais pale, presque fantomatique. Il était vrai que je me sentais fatiguée, vidée de mon énergie. Mais je mettais ça sur le compte des examens qui approchaient et des derniers événements qui m’avaient chamboulé. Je savais aussi que Harry et Mióróis s’inquiétaient pour moi, mais très bientôt, j’irais mieux. De toute manière, même le médicomage que maman avait fait venir hier ne comprenait pas d’où cela venait.

Mais au milieu de tout ça, j’avais presque regretté ce moment en famille, car j’étais convaincue que Jared me cherchait. Sinon, pourquoi aurais-je ressenti ces fourmillements dans ma nuque ? Il était là, sans que je le voie. Voulait-il que je le retrouve ? Je voulais le retrouver. Le toucher. Sentir ses mains frôler mon cou, caresser ses longs doigts fins, frotter mon nez contre le sien. Cela en devenait vitale. Pourtant, il restait introuvable.

Même aujourd’hui, alors que je mangeais au Cicero. Alexander et Jonathan faisaient les idiots de service en imitant leur professeur de Sortilèges, une vieille femme aigrie, et toute la tablée riait. Je souriais de temps à autre, mais mon regard cherchait désespérément des boucles brunes.

Jared, où étais-tu ? Jared, j’avais besoin de toi.

Mardi 30 avril 2002

Un mois. Cela faisait un mois que je n’avais plus senti le contact de sa peau contre la mienne. Et de plus en plus, une théorie s’imposait dans mon esprit : était-ce pour cela que mon corps se sentait-il si faible ? Était-ce une drogue de le toucher et à présent le sevrage était-il compliqué ?

Lorsque j’avais décidé de ne plus le voir, c’était parce que je n’avais pas apprécié qu’il m’ait menti et qu’il ait menti à sa petite-amie. Je le détestais, de la même façon qu’il m’avait dit qu’il serait toujours un connard et que je le haïrai pour ça. Il avait raison. Mais à présent, je sentais que je le haïssais autant que je le désirais.

Je fermais lourdement mon manuel alors que la bibliothécaire annonçait la fermeture pour la soirée. Il était presque 21h00. Je posais mes livres dans mon sac. Il n’y avait plus grand monde ici de toute manière. Je remerciais la bibliothécaire avant de sortir.

L’UMS était si tranquille à cette heure-ci. Je croisais quelques étudiants, mais ils étaient de plus en plus rares. Je pris une nouvelle inspiration, ayant l’impression d’avoir du mal à respirer et m’appuyais contre un mur. Mes yeux voyaient flous mais je savais que ça allait passer. Je commençais à avoir l’habitude de ce genre de symptômes.

Mais alors que je recouvrais peu à peu mes facultés, je me sentis … observée. Vous connaissez cette sensation quand vous sentez que quelqu’un a les yeux posés sur vous ? Sauf que quand je me retournais, le couloir était désert. Je secouais la tête, resserrant le sac sur mon épaule avant d’avancer à nouveau. J’allais rentrer. A pied car j’aimais la sensation de la fraîcheur de la nuit quand je marchais. Et j’avais besoin d’air.

Sauf que cette fois-ci, j’entendis nettement des pas derrière moi. Je me retournais à nouveau. Mais le couloir était toujours désert.

« Il y a quelqu’un ? » osais-je demander.

Merlin, j’avais l’impression d’être dans un film d’horreur. Je passais une main sur mon visage, fatiguée. Il fallait que j’arrête ma parano. C’était sans doute ma tête qui me jouait des tours. J’étais si fatiguée, si malade. C’était sans doute l’étape suivante, où je commençais à devenir folle ? Je laissais échapper un rire, confirmant encore plus ma folie si quelqu’un me voyait et m’entendait avant de reprendre ma route.

Et puis soudain, ce fut un coup dans le cœur. Pas comme un coup de poignard mais plus comme si on avait plongé la main à l’intérieur de mes entrailles et que la poigne se refermait lentement sur mon cœur jusqu’à l’écraser totalement.

« Oh … »

Et puis la sensation disparut. Ce n’était rien ? Ce n’était rien n’est-ce pas ? Je voulus me remettre à marcher mais mes jambes se dérobèrent soudain. Je n’eus pas le temps de me rattraper comme la dernière fois que ma tête heurta le sol. Ma vue se brouilla et mes oreilles se mirent à bourdonner. J’aurai voulu crier mais j’avais la sensation de ne plus être maître de mon propre corps. Ma gorge était serrée, mon cœur se comprimait à nouveau et je me sentais partir. Ma respiration se ralentissait et je me sentais partir.

Pourquoi ? Qu’est-ce qui se passait ? Je voulais crier, je voulais pleurer, je voulais appeler à l’aide. Je voulais que mon père soit là. Je voulais … Jared.

Ma joue était collée au sol quand je vis des bottes devant moi. Ma vue se brouillait encore quand je sentis qu’on me soulevait comme si je n’étais pas plus lourde qu’un sac.

« Jared ? » parvins-je à articuler.

Je ne voyais pas le visage de la personne et un nouvel enserrement me prit à la poitrine. Et je m’évanouis.

Quelques heures plus tard …

Ma bouche était pâteuse, comme si on m’avait forcé à avaler quelque chose au goût désagréable. Mon odorat et mon ouïe s’éveillèrent plus facilement que ma vue. Je sentis tout d’abord l’odeur des médicaments et celle de personnes que je ne connaissais de toute évidence pas. Puis quelqu’un qui farfouillait au milieu de tubes et de seringues. Un bip-bip.

« Papa ? »

J’ouvris les yeux, comprenant que j’étais à l’hôpital. Ca avait été la même chose deux ans auparavant. Et papa était là, à mon chevet, la mine défaite. Je savais qu’il en avait bavé. Et je savais que j’avais été trop loin. Mais à ce moment-là, j’étais anéantie par la perte de Mattéo. Je ne pensais jamais m’en remettre. Je me sentais perdue et terriblement seule, ayant perdu toute confiance en moi-même.

Mais ce n’était pas papa à côté de moi. De même que je n’étais pas là pour Mattéo.

« Je … »
« Doucement, miss McGregor. » m’intima le médicomage. « Vous êtes encore très faible, il vaut mieux donc ne rien brusquer. »
« Comment … »
« Comment êtes-vous arrivés ici ? C’est le docteur Black-Peretti qui vous a amené. Il a agi très rapidement et nous a donné toutes les informations nécessaires à votre sujet. »

Il continuait de prendre des notes sur un petit carnet, classant visiblement des fioles avec un liquide rouge vermeille à l’intérieur. Sans doute mon sang. Était-ce Jared qui m’avait amené ici ? J’en doutais. Je n’avais rien ressenti quand il m’avait pris dans ses bras. Rien. Comme si notre lien n’existait plus. Pourtant, je le sentais persister. Oui, je le sentais, ce lien qui nous unissait. Il était toujours là. Mais faible. Loin. Distant.

Mais qui était ce docteur ? Comment pouvait-il aussi bien me connaître ? Et où était-il passé à présent ?

« Ma famille … »

Ma voix était faible et je peinais à garder les yeux ouverts. La sensation que mon cœur se comprimait avait disparu mais c’était comme si chacune de mes veines, chaque goutte de mon sang avait été envahie par une substance étrange. Du poison. Une brûlure plus que désagréable. Que m’arrivait-il ? Etais-je tombée gravement malade ?

« Ils ont été prévenus immédiatement. Et je crois savoir que le docteur a fait parvenir un hibou à vos colocataires. »

Mon ami ? Mes colocataires ? Cette discussion n’avait ni queue ni tête mais j’étais trop fatiguée pour y penser davantage. La porte s’ouvrit à ce moment-là et je battis des paupières plusieurs fois avant de reconnaître Mióróis.

« Clary ! Comment tu vas ? » s’exclama-t-elle.
« Oh Mióróis ! »

J’étais tellement soulagée de voir un visage ami. Son père arriva aussitôt derrière elle et je me sentais chanceuse qu’il soit également venu. Le père de Mióróis m’avait toujours bien accueilli et avait toujours été bienveillant à mon égard.

Je ne savais comment répondre à mon amie. Comment j’allais ? Mal. Sans mentir. Je me sentais déboussolée, perdue, dans l’incertitude. La douleur aurait pu être secondaire si je savais au moins ce que j’avais. Je me sentais tellement perdue quant à mon état – et à mon sauveur – que mon esprit peinait à rationnaliser tout ce que je vivais.

« Clary, tu as de la visite. Autre que nous. »

Je fronçais les sourcils avant de m’apercevoir qu’en effet une troisième personne avait suivi le premier ministre irlandais et sa fille. J’eus un hoquet de surprise. Nom d’une bouse d’hyppogriffe, que faisait la future reine d’Irlande dans ma chambre d’hôpital ? Je ne la connaissais que de nom et de visage pour l’avoir déjà aperçu dans les pages de la Gazette qui ne cessait de transposer sa vie à chaque fois qu’elle osait renifler. Je tentais de me redresser maladroitement sur mes oreillers, mal à l’aise d’être ainsi présentée à une figure de la royauté irlandaise.

« Miss McGregor, je suis la princesse héritière irlandaise, Louve Iceni. » dit-elle.
« Ma … majesté. » la saluais-je la plus respectueusement possible.

Elle eut un sourire poli bien que peiné. Mais que diable faisait-elle ici ? Rendait-elle visite aux petits malades de l’hôpital en pleine nuit ? Ça paraissait assez improbable.

« Jared Parkinson est l'un des membres de ma garde rapprochée. Je me demandais si vous aviez un lien… Magique ou autre, entre vous. »
« P … pourquoi me parlez-vous de Jared ? »

Même s’il faisait parti de sa garde rapprochée, cela n’expliquait pas sa présence ici. Pourtant, sa phrase suivante avait aussitôt réveillé ma théorie … Jared et moi avions une certaine connexion. Inexplicable mais bien là. Quelles en étaient les limites ? Voilà un mois que nous nous étions évités copieusement et bientôt un mois que je ressentais de plus en plus de la fatigue, des vertiges et d’autres maux inexplicables. Et si tout ceci était lié à Jared ?

« Est-il malade ? » demandais-je, ne masquant plus mon angoisse.
« Il a essayé de mettre fin à ses jours en s'empoisonnant. »

J’aurai voulu pousser un cri pour exprimer ma détresse. J’aurai voulu pleurer pour exprimer ma tristesse. J’aurai voulu …

Mais tout ce que je pus exprimer sur mon visage fut un énorme choc. Ma bouche s’ouvrit, formant un O, alors que mon cerveau s’était soudainement mis sur pause. J’avais bien entendu les mots, ça il n’y avait aucun doute. En revanche, je peinais à leur donner un sens. Aussi, je les répétais dans ma tête, en boucle, espérant qu’ils allaient me faire réagir. Mais rien n’avait de sens. Rien n’avait de logique.

« Je … je … je n’ai pas très bien compris. » balbutiais-je. « Pouvez-vous … répéter ? »

Louve Iceni approcha une chaise qu’elle calla à côté de mon lit. Mióróis était toujours présente, de l’autre côté, serrant ma main. Mais je n’avais pas l’impression de me sentir pleinement ici. Je ne ressentais rien. Rien qu’un trou béant dans ma poitrine.

« Ecoutez, j'aimerai vous proposer de venir en Irlande, pour guérir et vous reposer avec Jared. »

Guérir ? Me reposer ? Jared … Jared avait mis fin à ses jours. Non … Non. Il avait essayé de mettre fin à ses jours. Jared. Je portais une main à ma poitrine, me souvenant cet étau qui m’avait serré le cœur. Jared … C’était lui, n’est-ce pas ? Cette connexion, ce lien magique … C’était lui qui me faisait ressentir tout ça. Jared avait essayé de mettre fin à ses jours. Pourquoi ? Pourquoi avait-il abandonné la partie ?

Pourquoi m’avait-il abandonné ?

La voix de Mióróis me fit sursauter alors que j’avais ignoré jusque-là le reste des discussions.

« Tu devrais accepter, tu seras entre de bonnes mains. Et puis, je suis en Irlande ce soir et demain, pour Beltaine. Et je peux revenir te voir ce weekend. »

J’écoutais les paroles de ma meilleure amie, les accueillant avec un soutien indescriptible. Je ne savais pas encore à cet instant à quel point cela comptait, parce qu’à ce moment-là, mon cerveau était incapable d’exprimer aucune logique. Il tournait en boucle sur le prénom de Jared et sur les sensations que j’avais ressenties ces derniers jours.

« … D’accord. D’accord, je viens. » réussis-je à articuler.

De toute manière, je ne me voyais pas rester ici, dans cette chambre d’hôpital, alors que Jared … que Jared avait …

Je gardais ma main serrée contre moi, se nouant autour du tee-shirt que les Guérisseurs m’avaient passé après les examens. Je me sentais mise à nue, pas seulement du fait que je ne portais plus mes habits, mais parce que je sentais que mon destin basculait radicalement.

Un lien m’unissait à Jared. Un lien - dont je ne parvenais pas à expliquer la logique - nous unissait comme deux faces d’une même pièce. Si je tombais, il tombait. Si je m’éloignais, notre santé déclinait. Si je souffrais, il souffrait.

Merlin … qu’avais-je fait ?

Un médicomage arriva avec un fauteuil roulant et je me laissais aider par Mr Fowl et Mióróis pour m’installer dedans. Je n’avais pas la sensation d’être vraiment dans mon corps de toute évidence. Je sentais la brûlure dans mes veines, je sentais ma bouche sèche, je sentais mes pieds froids touchaient le métal dur du fauteuil. Mais je n’arrivais pas à réfléchir. Mon regard s’égarait sur des objets de la pièce sans vraiment les voir. Mes oreilles entendaient les échanges des personnes entre elles sans vraiment les écouter.

Je crois que c’était Mióróis qui guida mon fauteuil jusqu’à un carrosse qui s’était posé sur le toit de l’hôpital. Un carrosse royal avec des roues en or et des ornements brillants même dans la nuit. J’aurai aimé être en meilleure condition pour les étudier et poser mille et une questions au chauffeur ou à la princesse directement. Mais je n’arrivais pas à y trouver d’intérêt. Je m’installais sur la banquette, la main de Mióróis toujours dans la main alors que la carrosse se mettait en route. Je n’avais pas vu de chevaux ni d’hyppogriffes, alors j’imaginais qu’il était tiré par des Sombrals, ces créatures sombres qui se révélaient à notre regard seulement quand on avait vu la mort en face.

Une larme roula sur ma joue que j’écrasais immédiatement. Je ne voulais pas pleurer. De quel droit pouvais-je pleurer ? J’avais ignoré Jared durant des semaines, rejetant sans mal la faute sur lui, sur ce qu’il avait dit et fait. J’avais dit du mal à son sujet à ma cousine pour apaiser son chagrin. J’avais tout fait pour l’écarter de mon esprit alors qu’il y revenait sans cesse comme un boomerang. Je n’avais pas le droit de pleurer.

« Est-ce que … est-ce qu’il va s’en sortir ? » demandais-je de cette même voix faible que je maudissais.

La princesse en face de moi tourna la tête, surprise, dans ma direction.

« Je sais qu'il est sorti d'affaire, mais il n'est pas encore réveillé. Ça risque de prendre quelques heures, il faut lui laisser le temps. »

Je hochais doucement la tête. « il est sorti d’affaire » … Aurait-il des séquelles ? Physiques ? Mentaux ? Evidemment que oui. S’il en était arrivé à vouloir mettre fin à ses jours, rien ne sera réglé à son réveil. Merlin, est-ce que j’angoissais d’être l’une de ses raisons ? Peut-être, oui. Mais j’angoissais encore plus qu’il ne se réveille jamais.

Soudain, j’avais un cruel rappel de ce qu’avaient pu ressentir mes proches deux ans plus tôt. L’attente à mon chevet, le désespoir de mon père, l’incompréhension de ma mère, l’impuissance de mes frères et sœurs. J’avais voulu les quitter. J’avais pris ma décision. Je n’arrivais plus à vivre sans Mattéo. Je n’arrivais plus à respirer sans lui. Il m’avait quitté sans un regard en arrière. Sans même laisser un mot. Et je m’étais sentie si vide. Une coquille sans âme. Comme si un Détraqueur avait aspiré toute vie à l’intérieur de mon corps. Je n’avais pas pu supporter cette douleur, cette souffrance. J’avais essayé. Quelques jours, quelques semaines. Mais je ne pouvais pas faire semblant. Tout me semblait difficile, lourd. Je ne voyais aucune issue, convaincue que ma vie serait à tout jamais fade sans lui.

Et puis je m’étais réveillée à l’hôpital. Mes proches m’avaient entouré de tout l’amour nécessaire. Mon psychomage avait été si bienveillant. Mes amis m’avaient pardonné. J’avais quitté Poudlard et rejoint l’UMS. Bien consciente que mes parents n’accepteraient jamais que je vive seule, j’avais monté une colocation avec Jordan et puis cette année avec Harry et Mióróis. J’avais repris mes études, passionnée par l’histoire et plus particulièrement celle de ma famille. Je m’étais remise à dessiner, peindre, danser. J’avais retrouvé goût à la vie.

Et j’avais rencontré Jared. Je me souvenais aisément que c’était sa voix qui m’avait le plus marqué lors de notre première rencontre. Quel connard avait-il été. Il n’avait eu de cesse de me décevoir et puis, il me surprenait. Sa façon qu’il avait de me regarder, ses mains dans les miennes, son sourire en coin, le goût de son sang dans ma gorge alors qu’il me laissait faire, fasciné. Jared avait été une rencontre renversante. Et j’avais sans doute eu peur de toutes ces sensations qu’il produisait chez moi. Avais-je peur de m’attacher ? Avais-je peur qu’il me rejette un jour comme Mattéo l’avait fait ? Avais-je peur qu’il me quitte et que je retombe dans ce cercle vicieux ? Je l’avais rejeté avant même qu’il n’ait eu le temps de me rejeter. J’avais voulu me protéger en oubliant de le protéger lui.

Une nouvelle larme roula sur ma joue.

Je voulais le voir. Je voulais lui parler. Je voulais le toucher, le sentir, l’entendre. Je voulais ressentir ces fourmillements dans ma nuque et ses caresses qui provoquaient une tempête dans mon être. Je le voulais.

Le trajet me parut interminable. Ma tête s’était machinalement appuyée dans le cou de Mióróis. Peut-être même que je m’étais endormie quelques minutes. Lorsque le carrosse se posa enfin, je sentais encore ma nuque raide. Mr Fowl nous quitta, ayant sans doute bien des affaires plus importantes à régler, tandis que Mióróis poussait à nouveau mon fauteuil roulant. Je ne disais toujours rien, gardant le silence tandis qu’une nuée de pensées m’envahissait.

Le palais royal était immense, évidemment. Je guettais chacune des portes, comme m’attendant à voir Jared ouvrir l’une d’entre elles. Mais je ne ressentais aucun fourmillement dans ma nuque. Rien qui ne m’indiquait sa présence.

« Je vous ai installée dans des appartements à côté des miens. » nous annonça la princesse. « Ainsi, vous serez tranquille. Vous aurez votre chambre, un salon, une salle de bain, un dressing. On pourra installer une table pour vos repas. »

Je levais les yeux vers elle.

« Merci. Ça me touche beaucoup ce que vous faites … pour nous. »

Je ne connaissais pas grand-chose de la royauté irlandaise ni de leurs coutumes ou traditions. Pourtant, j’étais assez convaincue que ce n’était pas à tout le monde qu’était ouvert ce genre de privilèges. Jared devait énormément compter pour eux. Louve Iceni ouvrit les portes d’un appartement luxueux. Je pris une grande inspiration face à l’étendue de confort qui s’étalait devant mes yeux.

Mióróis ne ralentit pas jusqu’à ce que je sois arrivée devant le lit.

« Je vais le faire. » lui dis-je.

Elle en avait déjà tant fait pour moi. Je pris appui sur les manches du fauteuil avant de me faire basculer sur le lit. J’avais l’impression qu’aucun de mes membres ne voulait m’obéir tellement la fatigue me gagnait. Après s’être assurée que j’étais correctement installée, Louve se dirigea à nouveau vers la porte.

« Je suis désolée, je vais devoir vous laissez, j'ai énormément de choses qui m'attendent demai… Énormément de choses qui m'attendent dans quelques heures, et il faut absolument que j'aille me reposer. »

Je hochais la tête depuis mon lit. Je me sentais tellement petite dans ce lit immense.

« Encore merci beaucoup. »
« Vous avez une cloche à côté de vous, n'hésitez pas à l'utiliser. Je reviens vous voir demain. Et on emmènera Jared ici, pour qu'il ne reste pas à l'infirmerie. »

Mon cœur fit un bond dans ma poitrine en entendant à nouveau son nom. Jared. J’aurai aimé le voir ce soir. Mais je devais le reconnaître. Je tombais de fatigue. Et lui ne devait pas être en meilleur forme. Demain. Demain, je le verrais.

La porte se referma sur Louve et je sentis Mióróis se glisser à son tour sous les draps.

« Merci … » soufflais-je à mon amie qui écarta une mèche de mes cheveux.

Oui, je savais qu’elle veillerait sur moi. Je n’avais aucun doute sur ça.

« Merci. » répétais-je avant de sombrer aussitôt dans le sommeil.

@ Victoire

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Clarissa McGregor

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Clarissa McGregor
Contexte
Nous sommes le mercredi 1er mai 2002. Clarissa Constance McGregor est la fille de deux professeurs de Poudlard : Victoire Prewett, professeur de Métamorphose, et Seamus McGregor, professeur de Magie sans baguette et vampire. Elève studieuse, Clary a choisi de poursuivre ses études à l'Université de Magie Supérieure dans le Cursus d'Histoire et Géographie Sorcière. Depuis un mois maintenant, elle a rompu tout contact avec Jared Parkinson en apprenant qu'alors ils flirtaient ensemble, il sortait déjà avec une autre fille, Vicky Prewett, la cousine de Clary. Mais à présent, entre la vie et la mort, Clary comprend qu'un puissant lien magique la lie à Jared et ce garçon qu'elle ne parvenait à oublier va à présent bouleverser toute son existence.

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.
J’avais l’impression d’avoir fait un cauchemar en émergeant ce matin. Encore plus quand la voix de ma mère commença à résonner dans les couloirs. Mióróis était déjà debout. J’ouvris doucement les yeux, me redressant un peu tandis qu’elle ouvrait la porte à la tornade McGregor. Ma mère entra en premier, faisant de grands gestes, suivie de mon père qui usa de sa rapidité de vampire pour arriver le premier à mon chevet. J’accueillis ses bras comme un immense réconfort. Son odeur me rassura immédiatement. C’était comme être à la maison.

Maman avait été folle d’inquiétude, apprenant que son « bébé » - comme elle nous appelait quand un malheur s’abattait sur ses enfants – avait été envoyé à l’hôpital puis transféré dans la nuit en Irlande, au palais royal. Je me doutais que cela faisait beaucoup pour eux, surtout après l’enfer que je leur avais fait vivre la dernière fois. Aussi, je me contentais d’accueillir leurs embrassades, les rassurant du mieux que je pouvais. Je savais que mon père était inquiet de savoir qu’il y avait encore une fois un garçon dans l’histoire mais lorsque je leur parlais de sa tentative de suicide et du lien étrange qui nous unissait, il parut se radoucir.

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. Vic-x-Seamus-1

« C’est le fils d’Amadeus ? » demanda-t-il en jetant un coup d’œil à ma mère.
« D’après le nom, je pense que oui. Mais je croyais qu’il fréquentait Vicky. »
« C’est fini entre eux. » dis-je en haussant les épaules.

Ils n’accordèrent guère plus d’importance à cette histoire et m’encouragèrent à avaler mon petit-déjeuner. La princesse passa une nouvelle fois dans la chambre, rassurant à son tour mes parents sur les meilleurs soins qui me seraient donnés. Leurs équipes feraient aussi la lumière sur cet étrange sortilège qui nous unissait. J’étais rassurée moi aussi en l’entendant parler ainsi. Tout irait bien. Ils pouvaient rentrer à Poudlard et reprendre leurs cours. J’étais entre de bonnes mains.

Je ne sentais presque plus la brûlure dans mes veines alors qu’hier soir la douleur était encore vive. J’étais très engourdie, comme si le sommeil ne voulait pas me quitter. Mes mains étaient froides, incapables de se réchauffer et je savais que j’avais un teint encore plus pâle qu’à l’ordinaire. Mais j’avais un espoir. Je savais que j’allais le voir. Aujourd’hui.

Mes parents prirent congé en même temps que Mióróis. Je l’obligeais à me laisser, malgré ses protestations. Aussi, je trouvais de quoi l’occuper pour la faire taire : prendre mes devoirs et informer nos amis communs de mon état. Je savais qu’il lui en coûtait de me laisser alors que cela faisait plusieurs heures qu’elle prenait soin de moi. Mais je ne voulais pas la contraindre de rester davantage. Tout ce que je voulais, c’était voir Jared et je savais que dès lors que mes mains entreraient en contact avec sa peau, je me sentirais mieux. Dès lors qu’il serait réveillé, je me sentirais mieux. Il n’y aurait plus aucune raison de s’inquiéter pour mon état. Tout ce qui importait c’était Jared.

La journée s’annonçait longue bien que la matinée était presque terminée. Une horloge trônait sur la cheminée qui servait à chauffer la chambre. Diverses décorations royales ornaient les murs tels que des portraits me surveillant et m’étudiant. J’entendais leurs discussions, s’étonnant que je ne sois pas de la famille royale malgré ma crinière rousse. Et puis, la porte s’ouvrit. Je me redressais dans mon lit alors qu’un guérisseur entrait, traînant à l’aide de sa baguette un lit avec lui.

Et je le reconnus. Jared.

C’était déjà un choc de savoir qu’il avait essayé de mettre fin à ses jours. Mais ça l’était encore plus de le voir là, étendu sur le lit, des tuyaux connectés à son bras, son teint blafard, ses cheveux noirs ayant perdu leur éclat. Ma gorge se serra tandis que mes poings s’enroulaient autour des draps pour me retenir de le rejoindre immédiatement.

Sauf qu’une autre personne attira mon attention.

Emily Evans suivait le lit de près. De gros cernes ornaient ses yeux rouges, tandis que ses cheveux étaient coiffés en bataille sur sa tête, signe qu’elle avait dû passer une assez mauvaise nuit. Lorsqu’elle me vit, sa surprise fut immédiate.

« Clary ?! »
« Salut … » bredouillais-je.

Quand j’avais pensé quelques heures plus tôt que je ne méritais pas de pleurer Jared, je pensais notamment à Emily. Je la connaissais depuis quelques années maintenant, mais elle avait pris une importance toute autre quand j’avais compris la proximité qu’il y avait entre elle et Jared. Au départ jalouse, j’avais vite du admettre la vérité : Emily en aimait un autre. Elle et Jared, ça n’avait rien avoir avec l’amour passionnel et romantique. C’était plus un amour fraternel, comme celui qui unissait Alana et Eireann à leur frère.

Merlin, Alana et Eireann. Où étaient-elles ? Quelqu’un les avait-il prévenues ?

« Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Qu'est-ce que tu fais là ? »

Malgré la fatigue qui se lisait sur les traits de son visage et sa voix un peu rauque, elle restait debout, fidèle à son meilleur ami. Je tournais à nouveau la tête vers lui tandis que le Guérisseur finissait d’installer le lit à côté de moi.

« La princesse Iceni m’a amené ici. » répondis-je, ne pouvant quitter des yeux le visage inconscient de Jared. « C’est elle qui m’a appris pour Jared. Est-ce que tu en sais plus ? »

Mes mains s’étaient mises à trembler. Je n’avais même pas ressenti le fourmillement habituel dans ma nuque. C’était comme s’il était …

« Les Médicomages ont dit qu'il allait bien, qu'il allait se sortir d'affaire. Il faut juste… Il faut juste attendre qu'il se réveille. »

Je portais une main à ma bouche en l’observant, défaite, impuissante. Peut-être que le lien ne pouvait pleinement agir si l’un d’entre nous était inconscient. Peut-être que dès qu’il ouvrirait les yeux, je sentirais immédiatement sa chaleur. Oui, peut-être …

Emily m’aida à me redresser et je tournais un instant la tête vers elle alors qu’elle remettait un coussin dans mon dos. Je sentais ma tête tanguer légèrement. De toute évidence, je n’étais pas encore prête pour les grands efforts même si je me sentais revigorer de le savoir à présent avec moi, dans cette pièce. Je ne voulais plus le quitter. Je ne voulais plus être séparé de lui.

« C’est si long … » murmurais-je plus pour moi que pour elle. « La princesse Iceni a parlé d’un empoisonnement. Est-ce que … est-ce que tu sais comment … »

Ma voix s’entrecoupait comme si je n’arrivais toujours pas à croire que tout ceci était arrivé réellement. Comme si je n’arrivais pas à admettre que j’étais dans ce lit, à moitié vivante, observant l’homme qui avait tenté de mettre fin à ses jours quelques heures plus tôt. Oh Jared …

« C'est mon copain et moi qui l'avons trouvé. Thomas lui a donné quelques minutes supplémentaires en lui mettant un bézoard dans la bouche. »

Il paraissait si paisible, les yeux fermés, les muscles décontractés. Pourtant, je savais qu’il avait dû souffrir. J’ignorais quel poison il avait utilisé mais en tant qu’étudiant en médicomagie, je le soupçonnais d’avoir fait ce qu’il fallait pour en terminer pour de bon. Il ne comptait pas revenir et pourtant il était là. En vie. Le cœur battant, le sang pulsant dans ses veines. Cela avait du être un lourd combat pour les médicomages et guérisseurs de le ramener. Et je savais à présent que la brûlure que j’avais ressentie dans les veines était surement les diverses potions qu’ils avaient injectées à Jared.

« Thomas a eu un très bon réflexe. » dis-je en regardant Emily. « Et Jared a eu de la chance que tu sois là avant qu’il ne soit … »

… trop tard. A nouveau je tournais la tête vers Jared, me penchant, espérant peut-être pouvoir le toucher, le sentir de plus près. J’en avais assez de cette distance. Je le voulais plus près.

Je grimaçais alors que je sentais mes forces s’amenuisaient. Je soufflais, rageuse d’être aussi inutile.

« Je peux t'enlever de la douleur mentale, et physique, si tu veux. »
« Hein ? »

Je tournais la tête vers Emily, refoulant mes larmes.

« J'ai un don, qui me permet de manipuler l'esprit. Je peux soulager la douleur, l'angoisse, ce genre de choses. Je le fais souvent sur Harry, depuis que je le connais. »

Je déglutis, la regardant. Elle pouvait manipuler l’esprit ? Elle était Légilimens ou quelque chose comme ça ? Pourtant, elle m’aurait clairement dit qu’elle était Légilimens au lieu de parler de manipulation de l’esprit. Emily était intelligente, du peu que je la connaissais du moins.

J’ignorais exactement ce qu’elle possédait comme don. Mais j’étais épuisée. Et j’avais mal. Aussi bien de voir Jared dans cet état que de ressentir toute la fatigue accumulée ces dernières semaines. Je voulais juste qu’on me laisse m’endormir à ses côtés. Mais ce n’était pas possible pour le moment. Alors je regardais Emily et hochais doucement la tête.

« Ok … vas-y … »

Emily s’approcha de moi et posa ses deux mains sur ma tête.

« Essaie de te détendre. Même si tu n'y arrives pas, ce n'est pas grave, d'accord ? »

A nouveau, je hochais la tête. J’avais encore envie de pleurer, comme si le fait de parler de moi, m’anéantissait. Je ne voulais pas qu’on s’attarde sur ma douleur quand il y avait Jared à côté qui n’était pas être en meilleure forme que moi. Pourtant, je ressentais dans les paroles d’Emily l’envie d’être utile. Elle avait dû le veiller toute la nuit, sans réellement prendre du repos pour elle. Elle avait dû observer les médicomages s’agiter sans pouvoir les aider. Alors, si elle voulait se sentir utile, je pouvais au moins faire ça pour elle.

Ce que fit Emily était assez étrange, à tel point que je peinais à poser des mots dessus. C’était comme un flux qui partait d’elle et qui arrivait en moi. C’était comme si une rivière d’eau douce arrivait pour inonder mon cerveau en feu. Petit à petit, ce qui bourdonnait à mes oreilles fut atténuer. Les endroits qui me faisaient souffrir furent plus faciles à supporter. Et le chagrin et l’angoisse que je portais depuis plusieurs heures à présent fut apaisé. C’était si libérateur que je ne réalisais pas que les larmes avaient coulé sur mes joues.

« Voilà. » dit-elle en se retirant doucement.

J’ouvris les yeux pour voir le mouchoir qu’elle me tendait. Il n’y avait aucun jugement dans son regard, juste une profonde compassion. Je pris le mouchoir et essuyais mes yeux, prenant le temps de prendre de grandes inspirations pour apprécier le calme qui était revenu en moi.

« Merci. Tu … »

Mais je n’eus pas l’occasion de la complimenter davantage car un bruit rauque se fit entendre du côté du lit de Jared. On tourna toutes deux la tête vers lui pour le voir commencer à s’éveiller.

« Jared, Jared, tu nous entends ? On est là. Tu es en Irlande. » s’exclama Emily qui s’était dirigée vers lui.

J’essayais à mon tour de retirer les draps qui s’étaient emmêlés autour de mon corps, prête à me traîner jusqu’au lit de Jared. Je voulais être là. Je voulais le voir. Emily revint vers moi, m’aida à me soutenir jusqu’au lit de Jared. Je me laissais choir sur le matelas de Jared, le souffle court. Ses paupières bougeaient faiblement et ses lèvres semblaient former des syllabes que nous ne parvenions pas bien à comprendre.

Et puis on comprit. « Non » disait-il en boucle. La panique se lisait sur ses traits alors qu’il commençait à réaliser l’endroit où il se trouvait. Oui, il avait vraiment voulu partir. Il ne comptait pas sur l’idée de revenir. Pourtant, il était bien là. Aucun d’entre nous n’avait respecté sa volonté.

Je me rapprochais de lui et pris aussitôt son visage en coupe.

« Jared ? Jared, on est là. On est avec toi. »

Mes mains posées sur son visage eurent une action immédiate. Encore plus fort que le don d’Emily, je sentis mes paumes se réchauffer d’elle-même et j’en aurai presque pleuré de joie si j’avais encore des larmes. Son regard croisa alors le mien et dès lors j’en oubliais la présence même d’Emily. Je vins poser mon front contre le sien, ne pouvant retenir un soupir de le sentir vivant, conscient à côté de moi. Ses mots devaient aussi se bousculer dans sa tête, mais je réussis à comprendre ce qu’il voulait dire même si la phrase était incomplète.

« Jared. » soufflais-je à nouveau, ne me lassant pas de prononcer son prénom. « Ne t’inquiètes pas, on va tout t’expliquer. Mais si je suis là, c’est avant tout pour … »

Je le regardais avant de regarder mes doigts qui touchaient sa peau. Il était en vie. Il était réveillé. Je ne voulais plus le lâcher. C’était égoïste de ma part, je le savais. Il avait voulu quitter cette Terre. Il avait voulu nous quitter, tous. Qui étions-nous pour le retenir ? De quel droit l’avait-on empêché d’accomplir son geste ? Mais ignorait-il à quel point nous tenions chacun à lui ? Je refusais qu’il parte. Oui, il ne quitterait pas ce monde tant qu’il n’aurait pas expliqué son geste.

« Espèce d’idiot… » murmurais-je à voix basse pour que seul Jared m’entende. « Tu m’as dit que tu n’étais pas quelqu’un de bien et que tu allais forcément tout gâcher entre nous, ce soir-là au bal masqué. Et pourtant, Jared … »

Ma voix s’entrecoupa. J’avais fermé les yeux, mon front appuyé contre le sien, mes mains caressant son visage.

« Jared, tu as bouleversé tellement de choses en moi. Tu n’es pas quelqu’un de mauvais, et encore moins la personne qui a gâché ma vie. Au contraire. »

Il n’y avait nulle colère dans le ton que j’employais, au contraire même. Celui-ci était calme, posé, serein.

« Je refuse même l’idée de te perdre ou de rester loin de toi. Tu m’entends ? J’ai besoin de toi, Jared. Et je te le jure devant Merlin ou même devant n’importe quelle divinité irlandaise, si tu veux vraiment quitter ce monde, je te suivrais. Tu ne me laisseras pas en arrière comme tu l’as fait. Dans ce monde ou dans un autre, je te suivrais toujours, Jared Parkinson. »

J’ouvris à nouveau mes yeux et me reculais doucement, mon front se décollant du sien. Rien ne pouvait plus être déterminant pour moi que cet instant. Je le savais. Au fond de moi, je le savais que c’était ainsi. Dès le premier jour où il avait posé ses yeux sur moi. Dès le premier jour où ses mains avaient frôlé les miennes. Je le savais que j’étais ok avec tout ça.

Ses mots à nouveau se bousculaient à ses lèvres et je l’écoutais s’excuser pour son geste, perdu et décontenancé.

« Chut, ça va aller … » dis-je en caressant doucement ses cheveux.

La porte s’ouvrit soudainement à la volée derrière nous et je me reculais aussitôt au fond du lit pour laisser la princesse Iceni s’approcher. Elle était suivie par Bleddyn Iceni, son frère. Tous deux étaient habillés pour une soirée mais ils semblaient avoir interrompu leurs projets pour venir s’enquérir de l’état de Jared.

« Jared ? Jared, tu es réveillé ! » s’écria Louve Iceni. « Comment tu te sens ? Tu nous as fait une belle frayeur… »

Mais le prince bouscula vivement sa sœur et se pencha vers Jared, non pour le prendre dans ses bras mais pour le saisir au col. Je sursautais aussitôt.

« Comment… Comment as-tu pu imaginer faire une chose pareille ?! »
« Bleddyn, arrête ! Tu vas le… ! »

Mais le prince ne s’arrêta pas. Ses jointures devenaient blanches alors qu’il serrait davantage le col de Jared. Son regard devait certainement être assassin, témoignant de la frayeur qu’il avait eu lui aussi. Oh Jared, comment avais-tu pu croire que nous serions mieux sans toi ?

« Tu te souviens quand tu m'as dit que tu refusais de faire de moi un martyr, si je devais mourir au combat ? Tu t'en souviens ? C'est le jour où tu m'as dit que tu m'extirperais de la mort pour me foutre la plus grosse raclée de ma vie. C'est le jour où tu m'as dit que j'étais ton Alpha. Alors ouais, je te retourne la pareille. Je t'ai extirpé de la mort ; et crois-moi que quand tu seras sur pied, je te foutrais une raclée comme tu n'as jamais connu de ta vie. »

Je détournais le regard, alors que Jared exerçait une plus légère pression sur ma main, comme cherchant de la force en notre lien. Mon autre main vint d’elle-même saisir celle d’Emily. Ce que nous vivions là était si hors du temps que j’avais besoin de quelque chose pour me raccrocher à la réalité. Et je savais que je pouvais trouver ce soutien chez Emily, aussi bien qu’elle pouvait le trouver en moi.

« Je suis ton Alpha, pas vrai ? Tu ferais tout pour moi, pas vrai ? Alors voilà. En tant que Alpha, je t'interdis formellement de recommencer une connerie de ce genre. »
« Bleddyn, ça suffit ! »

Je sursautais une nouvelle fois en entendant la parole d’autorité de la future reine.

« Descend au bal prévenir sa famille qu'il est réveillé. »

De toute évidence, même si Bleddyn n’était pas d’accord avec sa sœur, il relâcha Jared et sortit aussitôt de la pièce. Nous étions à présent toutes les trois seules avec Jared.

« Miss Evans, vous devriez vous reposer au salon, vous n'avez ni dormi ni mangé depuis 24 heures. Jared, Miss McGregor, comment vous vous sentez ? »

Je jetais un regard vers Emily qui n’avait manifestement aucune envie d’aller se reposer tant qu’elle n’aurait pas parlé à Jared. Je la comprenais et vins caresser son bras avant de reporter mon attention sur la princesse.

« Ça va aller. » répondis-je avant de baisser le regard vers Jared.

A nouveau nos yeux se croisèrent et je vins chercher sa main. Mes doigts s’agrippèrent aux siens et je ressentis ce même frisson qui nous connectait l’un à l’autre. Sa chaleur se diffusait dans mon corps rien qu’à ce simple contact et je me sentais revigorée d’une énergie nouvelle. La princesse Iceni se leva pour aller chercher de quoi humidifier le visage de Jared. Je la regardais faire, ou plutôt je regardais le visage de Jared au contact de ce linge humide.

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. 1920985fde3d567d091b3f43246f368c

Un silence s’était rapidement installé comme si chacun dans cette pièce prenait le temps de se reconnecter à la réalité, mesurant pleinement les derniers événements qu’il y avait eu.

« Votre Majesté, le Duc Amadeus Parkinson est venu voir son fils. »

Je ne tournais même pas la tête vers le garde, mon regard ne quittant pas le visage de Jared. Il ne voulait pas le voir. Très bien. J’aurai sans doute des explications plus tard à ce sujet. Au fond je savais que je ne connaissais pas beaucoup Jared même si j’avais déjà eu des aperçus de sa vie.

« Je vais aller lui parler moi-même. » déclara la princesse en se dirigeant d’un air sévère avec le couloir.

Elle avait laissé la porte ouverte mais même avec mon ouïe de demi-vampire je pouvais entendre la conversation qui se passait quelques pas plus loin. Je savais que Jared aussi.

« Vous ne pouvez pas le voir. Jared ne veut pas de vous. Votre fils n'est pas une honte, ni matière à moquerie parce qu'il a rejoint la garde rapprochée. C'est un honneur qu'il mérite, contrairement à vous. »

Je battis des paupières, fronçant légèrement les sourcils en entendant ces paroles. Jared était considéré comme une honte par sa famille ? Comment ? Pourquoi ?

« Un vrai loup n'a pas besoin de se transformer à volonté. Un vrai loup est un loup qui participe au sein de sa meute. Jared en est un, depuis le moment où mon frère est devenu son Alpha. Vous n'êtes plus le sien, Amadeus. Vous n'avez plus aucun droit sur lui, je m'en assurerai. »

En tant que demi-vampire, je ne savais pas pleinement ce que c’était que de vivre en meute ou même d’avoir un alpha. Mais la façon dont Louve appuyait ses mots, je savais que cela avait une signification importante. De même que le regard de Jared s’éclairait à ses mots, je savais que cela comptait pour lui. J’exerçais une légère pression sur sa main pour lui signifier mon soutien.

« Vous ne verrez Jared qu'avec son autorisation. Et la mienne. »

J’entendis les pas de Louve revenir vers nous et refermer la porte au nez du père de Jared. C’était sans doute le mieux. Pour le moment, Jared n’avait certainement pas besoin d’ondes négatives autour de lui. Je tournais la tête vers Louve, à moitié surprise par sa détermination. Elle était une future reine après tout.

« Est-ce que je peux faire quelque chose avant que je ne doive aller au bal ? Jared, je suis à ton écoute, sincèrement. N'hésite pas. Pareil pour vous, Miss Evans, Miss McGregor. »

Je laissais Jared répondre, souriant doucement en l’entendant dire à Louve de regagner ses obligations. Mon regard croisa celui d’Emily avant qu’elle ne reporte son attention sur Jared. Je savais qu’elle brûlait d’envie d’avoir son moment à elle avec son meilleur ami. Jusqu’à présent, elle s’était effacée pour nous laisser, nous autres, parler à Jared.

Louve quitta la pièce, refermant doucement la porte et je regardais tour à tour Jared puis Emily. Ce fut elle qui commença à parler en première, répondant aux questions de Jared sur ce qu’il s’était passé. Elle parla de ses soupçons lorsqu’il avait parlé avec Thomas la veille, de ses recherches dans un manuel avant de courir avec Thomas jusqu’à chez lui. Elle parla de la façon dont elle l’avait trouvé étendu au sol. Thomas avait eu le réflexe de lui donner un bézoard tandis qu’Emily avait utilisé un collier magique permettant de contacter Bleddyn. Rapidement, le transfert de Jared en Irlande avait eu lieu puis les médicomages s’étaient occupés de lui tandis qu’Emily le veillait.

Je pouvais sentir toute son angoisse d’avoir vécu ses instants si difficiles. J’eus également une pensée pour Thomas, ce garçon que Jared haïssait à juste titre et qui pourtant lui avait sauvé la vie. Quelles étaient ses émotions à ce sujet ? J’avais beau scruter son visage, j’ignorais totalement ce à quoi il pensait à ce moment-là. Mais quand il se tourna vers moi pour savoir ce que je faisais là, ce fut à mon tour de prendre une grande inspiration pour raconter ce qu’il s’était passé.

Je lui parlais de mes vertiges et de mon air malade au cours du dernier moment, justifiant rapidement par ce lien magique qui nous unissait. J’en étais convaincue, quelque chose s’était produit lors de notre partie au jeu Maléfices & Sortilèges. Je l’avais retourné plusieurs fois dans ma tête et je savais que tout revenait à cette soirée. Aussi, quand on était proche ou même quand on se touchait, nous nous sentions bien, comme en témoignaient actuellement nos mains liées l’une à l’autre. En revanche, notre éloignement après le week-end au chalet nous avait rendu faible.

Je lui racontais les effets de son empoisonnement sur moi, atténuant les sensations pour ne pas le faire culpabiliser. Il n’avait pas besoin de ça actuellement. Aussi, j’avançais rapidement sur mon passage à l’hôpital avant que la princesse Iceni ne vienne me chercher pour me ramener en Irlande. Et nous voilà.

Du coin de l’œil, j’avais vu Emily sombrer doucement dans le sommeil. Recroquevillée sur un fauteuil qu’elle avait approché près du lit de Jared, sa tête était doucement partie en arrière alors que je racontais le voyage en carrosse royal. Je m’interrompis dans mes explications au moment où il avait ouvert les yeux pour regarder Emily avec un sourire aux lèvres.

« Je crois qu’elle n’avait pas fermé un œil depuis qu’elle t’avait trouvé hier. » confiais-je. « Elle tient beaucoup à toi. »

Je m’étais rapprochée, ma main venant caresser ses boucles brunes qui m’avaient tant manqué. Le bras de Jared vint interrompre mon geste et je déglutis en l’entendant me parler de ce que je lui avais confié à son réveil.

« Ce n’était pas des paroles en l’air. » dis-je.

Mon poignet qu’il tenait dans sa main se déroba pour venir nouer mes doigts aux siens. J’avais beau avoir encore besoin de repos, rien que le fait de le toucher me donnait des sensations dans tout le corps. Je me sentais plus vivante que jamais et j’étais convaincue qu’il en allait de même pour lui. Les médicomages qui étaient passés à un moment entre nos récits avaient indiqué que l’antidote injectait l’engourdissait encore, mais qu’il n’y avait rien d’alarmant. Le temps que la potion élimine le poison et Jared reprendrait vite des forces et de la vitalité.

« Jared, ce qu’il s’est passé entre nous … »

Je baissais la voix, comme si je ne voulais pas que qui ce soit nous entende à part lui. Rien n’avait d’importance à part lui. Je me rapprochais un peu plus de lui, toujours assise sur le matelas alors que nos doigts s’entremêlaient, incapables de nous tenir à l’écart l’un de l’autre.

« Je regrette ce qu’il s’est passé. Non, je ne regrette pas ce qu’il y a eu entre nous. Je regrette la manière dont ça s’est passé. Cela n’était pas correct envers Vicky déjà. »

Je vins soulever son menton pour l’obliger à me regarder dans les yeux.

« Mais tu n’es pas le seul fautif dans cette histoire. Je t’interdis de croire ça. J’ai aussi ma part de responsabilité même si je ne l’ai pas admis devant toi un mois plus tôt. J’ai fui lâchement. Tu me pensais courageuse, mais j’ai fui face à tout ça. Pas parce que j’avais peur de toi ou parce que tu n’étais pas un mec bien. Mais parce que j’avais peur de m’attacher à nouveau à quelqu’un. »

Je me mordis les lèvres, baissant à mon tour la tête, comme honteuse de ressentir ça. Je savais qu’un jour il faudrait que je lui parle de Mattéo et de tout ce qu’il s’était passé. Mais pas ce soir. Jared n’avait pas besoin d’entendre encore cette histoire. Cette fois-ci, ce fut Jared qui vint relever mon menton vers lui.

« C’est déjà trop tard. Je tiens énormément à toi. Tu ne peux pas savoir à quel point. »

Mes yeux brillaient de larmes en affirmant cela. C’était terrifiant d’admettre que l’on tenait à quelqu’un plus qu’à sa propre vie. Mais c’était le cas. Et je savais que c’était différent d’avec Mattéo. Jamais je n’avais exprimé de tels sentiments, ni même les avait ressentis. Jared était différent. Il était tout pour moi. Aussi vrai que je m’appelais Clarissa, je voulais Jared dans ma vie.

« Quand j’ai su ce qu’il t’était arrivé … Merlin, Jared … je n’aurai jamais pu vivre avec ça. Je suis à toi, comme tu es à moi. Je ne suis pas un loup-garou mais je sais ce que c’est que d’être une famille. Une meute, comme vous dites. Jared, je veux faire parti de ta meute. Je sais qu’une fois je t’ai dit que je n’étais pas certaine d’être ok avec tout ça. Mais je le suis aujourd’hui. »

Mes larmes roulaient sur ma joue alors que j’affirmais tout ça. Toute l’angoisse accumulait, toute la peur et la crainte de ne jamais le revoir, tout explosait à cet instant. Emily m’avait aidé à calmer cette tempête mais le soulagement venait finir d’ouvrir les vannes.

« Je t’en prie, ne me quitte plus jamais. J’ai besoin de toi. J’ai réellement besoin de toi. »

Je le sentis me prendre dans ses bras et je me laissais faire, venant caler ma tête dans son cou alors que ses bras m’entouraient. Je me laissais bercer par les battements de son cœur, me réjouissant de les entendre si clairement tandis que mes doigts venaient caresser la peau nue de ses bras.

Je m’endormis bien plus sereinement que jamais je ne l’avais fait depuis des semaines.

Jeudi 2 mai 2002

Personne n’était venu nous déranger avant 10h du matin. Un raie de lumière arrivait à passer entre les rideaux tirés. Je battis des paupières, m’éveillant doucement. Ma joue était collée contre l’oreiller mais je sentais le bras de Jared m’enserrer doucement la taille, comme se raccrochant à moi. Je fermais à nouveau les yeux, prenant le temps d’apprécier ce contact. Son cœur battait tranquillement dans mon dos et j’entendais son souffle soulever quelques mèches de mes cheveux roux.

En ouvrant les yeux à nouveau, je vis qu’Emily était restée là toute la nuit. Elle avait du bouger car elle s’était finalement glissée dans mon lit, sans doute mieux installée que sur le fauteuil sur lequel elle s’était endormie au départ. Je me demandais si elle et Jared avaient pu discuter rien que tous les deux.

Je fus attirée par du bruit à l’extérieur et l’instant d’après, je reconnus les voix. Alana et Eireann. Doucement, je commençais à m’extirper du corps chaud de Jared, rabattant les couvertures derrière moi. J’étais surprise de me voir peu chancelée sur mes jambes. J’y allais tout de même en douceur, ne voulant prendre aucun risque de me voir tourner de l’œil et de m’étaler dans la chambre. Pourtant, malgré mes précautions pour marcher sur la pointe des pieds, j’entendis la voix de Jared dans mon dos.

Je me retournais, ne pouvant dissimuler mon sourire face à son ironie. S’il recommençait à plaisanter, même rien que comme ça, c’était qu’il avait retrouvé du goût à la vie, non ? Ou était-ce encore un masque ?

« Je ne prenais pas la fuite, louveteau. » répliquais-je. « Mais … tes sœurs sont de l’autre côté de cette porte et je trouvais juste d’aller les rassurer. »

Il m’informa qu’il les avait déjà entendus lui aussi. Guère étonnant, elles faisaient un raffut de tous les diables. Et puis, ils étaient tous les trois connectés l’un à l’autre, sans parler qu’il avait une ouïe surdéveloppée avec ses gènes de loup-garou.

« Tu veux les voir ? » demandais-je doucement. « Ou est-ce que tu préfères que je leur dise de revenir plus tard ? »

Qu’importe ce qu’il choisirait, je le respecterai. Je savais qu’il tenait à ses sœurs bien plus qu’à n’importe qui. Il n’y avait qu’à voir comment il les protégeait. Mais après la scène de la veille avec son père, je ne voulais plus trop m’avancer quant à sa famille.

@ Victoire

ϟ ϟ ϟ

Clarissa McGregor

descriptionAlors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. EmptyRe: Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.

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Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.Avec Emily, Clary et les Iceni

/i\ TRIGGER WARNING /i\
(Tentative de suicide, suicide)


Mercredi 1 Mai 2002

« Jared, s'il te plaît. Tiens bon. Je suis là. Je veux t'aider, mais pour cela… Reviens. »

Emily ? Emily qu'est-ce que tu fous là ?! Non, tu ne dois pas être là. Emily, je devais être seul ici. Je devais vous laissez de l'autre côté. Tu ne peux pas m'aider, personne ne le peut. Je vais bien où je suis, ne t'inquiète pas pour moi. Je t'aime Emily, soit heureuse. Je n'ai ni froid, ni mal, je ne ressens rien, c'est ce que je veux.

« Est-ce que c'est ma faute ? Est-ce que c'est parce que je sors avec Thomas ? Alors que tu as le pouvoir de me demander de faire un choix entre vous deux ? Mais c'est toi, toujours toi que je choisirai. »

Non ce n'est pas ta faute, tu n'y es pour rien. Je ne te demanderai jamais de faire un choix, de te sacrifier pour moi. Je suis parti pour que personne n'est à le faire. Tu dois partir maintenant. Je t'ai aimé si fort, n'en doute jamais. Tu ne seras jamais fautive. Il faut que tu partes maintenant, j'ai peur que tu restes ici.

* Quelques temps plus tard *

Je ne sentais plus rien, il n'y avait plus rien, c'était paisible, je n'entendais plus mes pensées, je n'avais de compte à rendre à personne, je ne décevais plus personne, je n'avais plus d'excès de colère, je ne me détestais plus, j'étais seul, c'était calme. Et soudainement je ressens d'affreuses douleurs, de désagréables sensations, mes pensées sont à nouveau sombres, mes muscles sont engourdis, les os brûlant, mon sang est en feu. J'ai la bouche sèche, les mains froides, je ressens... je ressens à nouveau...la vie.

J'entends des voix autour de moi, des voix que je reconnaîtrai entre mille, mais ce n'est pas possible, ce n'est pas possible, sauf si je ne suis pas mort. Je bouge mes doigts et je sens du tissu, un drap. J'avale ma salive et j'ai des milliers d'aiguilles qui transpercent ma gorge. Non. Non. Si je garde les yeux fermés je ne me réveillerai pas, si je les ferme bien fort. Mais ça n'y fait rien. Respirer me semble compliqué, pourquoi je respire ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce que j'ai encore mal fait ?

Je me sens dans le brouillard, incapable d'ouvrir les yeux, mais rien ne se passe, je ne disparais pas, je sens même de plus en plus le poids de mon corps contre un matelas, je me sens vivant. Et sans que je ne fasse rien, je me sens de plus en plus léger, en fait, ce sont les douleurs qui sont plus légères, j'ai l'impression d'avaler une potion chaude et revigorante. Ça part de mon crâne, la sensation se propage dans tout mon corps. Je sens comme un mieux être, une chaleur agréable, mais rien de ce que je dois ressentir dans la mort ne doit être agréable. Je ne devrai rien ressentir, ni douleur, ni douceur. Rien de désagréable, rien d'agréable. Alors pourquoi ?

« Voilà. »
« Non »

Emy ! Mais la voix n'est pas comme tout à l'heure, elle est... présente. Elle est à mes côtés, je le sens, littéralement. Je grogne pour essayer de parler. Je ne comprends pas.

« Merci. Tu … »
« Non »

Clarissa ? Que fait Clarissa ici, avec Emily ? Mais où suis-je ?

« Jared, Jared, tu nous entends ? On est là. Tu es en Irlande. »

En Irlande ? On ? Emy ? Clary ? Pourquoi ?! Je ne suis pas mort. JE NE SUIS PAS MORT PUTAIN !

« Non, non, non ! » répété-je avec une voix éraillée et faible.

Non je ne devrai pas être ici, j'ai raté ! J'ai putain de raté ! Encore ! NON. La panique m'envahit, je ne voulais pas revenir, je ne... voulais pas.

« Laissez-moi, non...non...» ma voix ténue se brise.

Quelqu'un attrape alors soudainement mon visage et je sais que c'est elle. Clarissa, m'aingeal [1] . A la seconde où ses doigts me touchent, mon corps s'embrasse. Un élan vital, une énergie folle m'active. C'est trop de bien-être, trop de satisfaction, trop de bonheur pour moi. Je ne devrai pas ressentir cela, je ne le mérite pas, pourtant, pour rien au monde je ne voudrai qu'elle retire ses mains.

« Jared ? Jared, on est là. On est avec toi. »

Sa voix, son odeur, sa douceur. Tout se remet en perspective, tous mes sens sont animés d'un plaisir qu'ils avaient tant demandé et que je leur avais refusé en ne la touchant pas pendant un mois. J'ai été éprouvé par la distance, jusqu'à en souffrir physiquement. Je mettais cela sur le compte de la fatigue, des entraînements, des études, de mon emploi du temps, de mes nuits de plus en plus courtes. Mais elle m'avait manqué physiquement, je m'en rends compte là maintenant. Mes yeux s'ouvrent alors sur elle. Tant pis pour la mort, si je peux la voir une dernière fois.

Elle me regarde et je suis bien en vie. Son front se pose sur le mien et je referme à nouveau mes yeux. Je suis partagé entre la joie et le désarroi le plus profond. Je vis alors je peux la toucher, mais je vis... encore. Je ne comprends pas comment je peux être encore là, j'ai tellement dosé cette potion, c'était irrémédiable. Il fallait peu de temps, une heure ou deux, pas plus. Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi Emy et Clary sont-elles là ?

« Qu'est-ce que... pourq... pourquoi t'es...» Parler m'est douloureux.
« Jared. Ne t’inquiètes pas, on va tout t’expliquer. Mais si je suis là, c’est avant tout pour … »

Je frissonne de sentir ses doigts sur moi, sur mes bras. Chaque mouvement me procure la douceur infini, l'apaisement. Elle me reconnecte à cette vie que je ne voulais plus, mais elle le fait d'une manière moins douloureuse, délicieusement appréciable. Mais je sais que c'est éphémère, je sais qu'elle va à nouveau partir et me laisser. Je préfère être dans un monde où elle n'existe pas, plutôt que dans un monde où elle me repousse et refuse de me voir. Je ne sais plus où je suis ? Car dans le monde que j'ai voulu quitté, elle ne voulait pas de moi.

« Espèce d’idiot… Tu m’as dit que tu n’étais pas quelqu’un de bien et que tu allais forcément tout gâcher entre nous, ce soir-là au bal masqué. Et pourtant, Jared … »

Elle me repère, elle me guide. Nous sommes donc bien dans cette réalité là. Ses mains caressant mon visage, je ne le mérite pas. Je ne devrai pas me sentir si bien dans ses bras. Pas après tout ce que j'ai fais.

« Jared, tu as bouleversé tellement de choses en moi. Tu n’es pas quelqu’un de mauvais, et encore moins la personne qui a gâché ma vie. Au contraire. »
« Dis pas... dis pas...ça... Clary.»

Je refuse qu'elle me parle de ses sentiments maintenant, ou de tout ce qu'elle pense de moi. Y'a rien à penser de moi, qu'un pauvre lâche, un pauvre con, un enfoiré qui gâche tout. Je suis mort, je suis mort de l'intérieur, c'est juste que mon corps refuse de disparaître de l'Autre côté. Je suis un poison, que même un autre poison ne peut pas détruire. Une mauvaise herbe récalcitrante.

« Je refuse même l’idée de te perdre ou de rester loin de toi. Tu m’entends ? J’ai besoin de toi, Jared. Et je te le jure devant Merlin ou même devant n’importe quelle divinité irlandaise, si tu veux vraiment quitter ce monde, je te suivrais. Tu ne me laisseras pas en arrière comme tu l’as fait. Dans ce monde ou dans un autre, je te suivrais toujours, Jared Parkinson. »

Non Clary... non... Mon cœur connaît des soubresauts devant sa confidence. Devant sa déclaration. Elle n'est pas sérieuse ?! Pourquoi a-t-elle dit cela ? Pourquoi jure-t-elle devant Merlin et mes Dieux ? Pourquoi ?! Pourquoi a-t-il fallu qu'elle me dise cela ? Pourquoi me fait-elle ressentir de la culpabilité d'avoir voulu la quitter, la laisser ici. L'aurait-elle vraiment fait ? Me rejoindre ? Mais je ne le veux pas, je veux qu'elle vive, qu'elle soit heureuse, je voudrai tant la rendre heureuse. Toujours pour toujours. Je la regarde dans les yeux alors qu'elle se décale de mon front, mes yeux remplis de larmes. Je ne les veux pas, mais elles sont là.

« Je... je... Je suis désolé, je suis dé...solé.» ma voix est rêche, difficile.
« Chut, ça va aller … »
« Désolé...»

Désolé d'avoir voulu partir, de toujours vouloir partir, désolée d'être parti d'ici. Désolé d'être encore ici.

La porte de la pièce où je me trouve s'ouvre vivement. Clarissa s'éloigne de moi, mais garde ma main dans la sienne. Ma jolie rousse laisse place à une autre chevelure de feu, la princesse Louve. Le « tu es en Irlande » d'Emily me revient alors. Louve est en tenue pour Beltaine. Que fait-elle là ?

« Jared ? Jared, tu es réveillé ! Comment tu te sens ? Tu nous as fait une belle frayeur… »

Frayeur ? Pourquoi paraissent-il tous si soulagés que je sois toujours là ? Mais alors que j'essaye d'y réfléchir, je sens un mouvement puissant me décoller le dos du matelas. Bleddyn m'a attrapé par le col. Son regard est marqué par un regard noir, puissant, sans appel. C'est comme si la réalité m'avait chopé par le cou.

Je ne l'avais encore jamais vu de la sorte, jamais. Tout mon être en tremble, mon loup que je n'avais pas ressenti jusqu'ici, probablement usé et éprouvé par le poison et son antidote, se manifeste. Il a la trouille. J'ai la trouille. Il reconnaît l'autorité immédiate et l'aura de son Alpha, de sa colère sourde.

« Comment… Comment as-tu pu imaginer faire une chose pareille ?! »
« Bleddyn, arrête ! Tu vas le… ! »

J'essaye de prononcer un Majesté, un Monsieur, mais je n'y arrive pas. Je ne le peux pas. Il m'approche un peu plus de son visage, ses phalanges en deviennent blanches. Mes yeux se remplissent de larmes, aucune n'en coulent.

« Tu te souviens quand tu m'as dit que tu refusais de faire de moi un martyr, si je devais mourir au combat ? Tu t'en souviens ? C'est le jour où tu m'as dit que tu m'extirperais de la mort pour me foutre la plus grosse raclée de ma vie. C'est le jour où tu m'as dit que j'étais ton Alpha. Alors ouais, je te retourne la pareille. Je t'ai extirpé de la mort ; et crois-moi que quand tu seras sur pied, je te foutrais une raclée comme tu n'as jamais connu de ta vie. »

Et je le pensais, je pensais chaque mot. J’ignorais qu'il pouvait le penser aussi. Mes lèvres tremblent, mes yeux sont rivés sur les siens, non pour le provoquer, mais dans un profond respect pour cet homme, mon ami, mon alpha. Machinalement, je serre la main de Clary pour être sûr que j'étais bien de retour, parmi eux. Qu'elle est toujours là, à mes côtés.

« Je suis ton Alpha, pas vrai ? Tu ferais tout pour moi, pas vrai ?

Mon cœur commence à battre la chamade, j'ai peur de ses mots. Parce que oui, je ferai tout pour lui.

« Maj... majesté...»

Je veux qu'il arrête, je veux qu'il se taise. FAITES LE TAIRE !

«Alors voilà. En tant que Alpha, je t'interdis formellement de recommencer une connerie de ce genre. »

Non... Non. Je ferme mes yeux et des larmes en coulent. Il me condamne à cette vie, ici. Cette vie que je ne mérite pas, cette vie de souffrance. Ils me condamnent tous les deux.

« Bleddyn, ça suffit ! Descend au bal prévenir sa famille qu'il est réveillé. »

Mon cœur est lourd, lourd de cette responsabilité. J'ai raté peut-être ma seule chance. La dernière. Il faudrait que Bleddyn ne soit plus mon Alpha, que Clary ne soit plus aussi déterminée et convaincue de ne pouvoir vivre sans moi. Mais ce n'est peut-être pas impossible, c'est même presque sûr qu'ils se lassent, qu'ils me chassent pour de bon.

« Miss Evans, vous devriez vous reposer au salon, vous n'avez ni dormi ni mangé depuis 24 heures. Jared, Miss McGregor, comment vous vous sentez ? »
« Ça va aller. »

J'écoute Louve, j'écoute vraiment Louve, et sa phrase me fait buguer. Emily n'a ni dormi ni mangé ? Depuis 24h ? Je n'ose pas poser mes yeux sur elle, si je le fais, si je la regarde, ça sera vraiment le dernier signe que je suis bien vivant. Et j'ai peur d'assumer la réalité. J'ai peur de la regarder, de lire la faim, la peur, le manque de sommeil dans ses yeux. La déception. La colère aussi. J'ai peur de sa réaction. Alors je me concentre à nouveau sur la seconde partie de phrase de la princesse, alors qu'elle vient passer un linge mouillé sur mon visage.

Comment ça « comment vous vous sentez ? » Clary et moi ? Nous deux ? Je prends alors le temps de vraiment regarder Clary qui rive son regard au mien. Elle vient chercher ma main et j'entrelace nos doigts, ressentant à nouveau cette douceur intérieure et salvatrice. Je m'aperçois avec effroi qu'elle n'est pas... elle est pâle, plus que d'habitude, son cœur est moins vif, elle est faible. Elle ne va pas bien ? Est-ce qu'elle ne va pas bien à cause de moi ? J'essaye de lire une réponse dans ses yeux, parce que j'ai à nouveau peur. Peur de poser la question et d'avoir ma réponse. Alors je ne dis rien.

« Votre Majesté, le Duc Amadeus Parkinson est venu voir son fils. »

Mon cœur s'accélère dangereusement. Pas une seconde je n'ai pensé à mes parents, à mes sœurs. Je me suis concentré sur ceux qui m'entouraient. Mais rien que l'évocation de mon père me donne des sueurs froides. Je secoue ma tête le plus vivement que je peux, mes yeux sont marqués de mon refus. Moi je ne veux pas le voir et Louve me comprend. Elle me comprend mieux que je me comprends.

« Je vais aller lui parler moi-même. »

Je me sens soulagé, je me sens reconnaissant de son geste. Elle est ici, à mon chevet, à s'occuper d'affaires qui ne méritent pas d'être traitées alors que c'est Beltaine. Elle a d'autres responsabilités aujourd'hui, et je gâche tout, je lui vole son temps, alors qu'elle en a déjà pas beaucoup pour elle. Elle s'est inquiétée pour moi, je l'ai vu à son regard, jamais je n'avais vu de l'inquiétude sur son visage, d'aussi longtemps que j'ai grandi au Palais et que je l'ai croisé. Elle maîtrise toujours tout. Et j'ose lui causer du tort. Je ne la mérite pas, aucun de ses bons soins. Pourtant je suis incapable d'affronter mon père pour la soulager de cette peine.

Tout le monde fait silence et je me risque à regarder Emily, ça dure un fraction de seconde et mon cœur semble s'arrêter une seconde fois. Son visage, ses yeux... elle est épuisée, elle est... ravagée par ma faute. J'ai affreusement honte, alors je me concentre pour écouter la voix de Louve au loin, parlant à mon père. Les mots qu'elle a pour moi me touchent. Elle me défend, elle plaide ma cause. Il est dur de réaliser qu'elle pense que je ne suis pas une honte, que je suis même quelqu'un d’honorable qui participe au sein de la meute. Elle remet mon père à sa place et cela soulage une partie de mon cœur. Je sais que Clary écoute, elle exerce une pression dans la paume de ma main.

« Vous ne verrez Jared qu'avec son autorisation. Et la mienne. »

Je me sens sincèrement rassuré. Je n'ai pas envie de voir mes parents. Ni personne. Personne d'autre que les personnes dans cette pièce. Louve revient dans la chambre.

« Est-ce que je peux faire quelque chose avant que je ne doive aller au bal ? Jared, je suis à ton écoute, sincèrement. N'hésite pas. Pareil pour vous, Miss Evans, Miss McGregor. »

Je secoue ma tête. Je n'ai besoin de rien, je n'avais besoin de rien et ils m'ont tout donné. Trop. Même la vie.

« Merci Majesté... pour mon père. Vous pouvez aller au bal, je n'ai besoin de rien...»

De quoi pourrais-je avoir besoin ? Ce que je voulais, on me l'a pris. Louve nous laisse, c'est tellement difficile de gérer cette situation. De les avoir toutes les trois à mon chevet. Je n'ai pas l'impression de les mériter, aucune des trois. Et si je dois souffrir à nouveau, autant le faire franchement, autant l'assumer, je me décide alors à poser un véritable regard sur Emily, et mon ventre se creuse en la voyant à nouveau. Elle me semble si fragile, est-ce que je l'ai brisé ? Je me fais violence pour ne pas rompre le contact visuel.

« Comment tu vas ? »
« Emy... qu'est-ce... »

Qu'est-ce qui s'est passé pour que je reste en vie ? Pourquoi je suis toujours en vie ?!

«C'est.... C'est grâce à Thomas que tu es là. C'est lui qui a réalisé que c'était plus qu'un au revoir. Il m'a parlé de ses soupçons.»

Mon cœur rate un battement, c'est quoi ce délire ? C'est quoi cette connerie ? De ses soupçons ? De ses soupçons de quoi ?! Je l'écoute parler, mais j'ai l'impression que je ne suis plus dans mon corps. J'ai l'impression que je flotte au dessus, que tout ce qu'elle me raconte est une blague. Que ce n'est pas la réalité. Comment est-ce que mon bourreau peut-être aussi mon « sauveur » ? Comment ce mec aussi perfide et sans cœur aurait parlé de ses putain de soupçons de merde, qui ont permis de faire douter Emy. Elle me raconte tout en détail, elle m'explique qu'elle sait que je ne l'aurai jamais confié à Thomas, qu'elle avait toujours le livre des coutumes, qu'elle a regardé Beltaine. Je ne dis rien, je ne montre rien, j'écoute seulement, elle a besoin de parler, j'ai besoin d'entendre, même si je ne comprends pas.

Pourquoi faut-il que j'ai une amie aussi futée ? Pourquoi a-t-il fallu qu'elle réagisse aussi vite ? Pourquoi a-t-elle tout compris ? Et pourquoi ce connard a cru bon de devoir m'aider cette fois ? Il ne l'a jamais fait en 6 ans quand il me martyrisait. Il aurait simplement pu fermer sa gueule, ne pas parler de ce que je lui avais dit. Je ne pensais pas qu'il le ferait, qu'il se confirait, voilà mon erreur, j'ai misé sur lui... pensant qu'il ne dirait rien. Même si je ne pouvais pas m'imaginer une seconde qu'elle ferait des liens. Mais je devrai le savoir depuis le temps, elle a toujours été brillante, bien plus que moi, la preuve. Et pourquoi j'ai gardé ce collier ? Pourquoi ?! C'est une autre erreur.

Mon cœur est lourd, il pèse si lourd, et j'ai mal, partout, chaque cellule me rappelle que je respire une fois de plus sur cette terre. Et moi j'écoute ma meilleure amie, ma sœur me faire le récit de mon sauvetage. Est-ce qu'il faut que je dise merci ? Elle m'a veillé sans boire, sans manger, sans dormir, pas une seconde. Elle s'est inquiétée, je peux encore le sentir, elle s'inquiète toujours, je le vois. Elle m'a découvert, c'est elle qui m'a découvert... elle n'aurai jamais du me voir, ce n'était pas ce que j'avais prévu.

Maintenant que je sais ce qu'Emily faisait là à mon réveil, je me demande pourquoi Clary y était ? L'ont-ils fait venir pour espérer que je revienne à moi, comme dans tous les Contes que m'a lu Emy ? Une sorte de princesse charmante ? Qui par son baiser réveille son prince ? Mais connaissaient-ils mes liens ? Mes sentiments pour elle ? Non, alors, l'autre raison... j'en ai peur, j'en ai terriblement peur. Mais j'ai besoin de savoir aussi, d'entendre. Je me tourne vers ma jolie rousse et lui caresse le visage, l'invitant à me raconter son histoire.  

Elle confirme ma crainte, ses vertiges, les miens, ce vide, cette faiblesse. J'ai mis cela sur le compte du surmenage. Elle a été beaucoup plus atteinte que moi, car je suis un loup de naissance, et elle une demi-vampire, sa partie humaine s'est affaiblie plus rapidement que moi. Et avec mon empoisonnement, je l'ai empoisonné. Mon ventre se serre, j'en ai des crampes à l'estomac. J'ai envie de vomir et avale difficilement ma salive. Je ressens encore tous les effets amoindris de la potion, des antidotes, les fortes doses d'aconit dans mon sang. Oui on a un lien, oui c'est possible que ce soit ce jeu, Maléfices & Sortilèges. J'y ai déjà songé avant de balayer un peu l'idée. Je n'aurai pas du, ce lien était magique, dans tous les sens du terme. Je le vois encore aujourd'hui, je suis incapable de la lâcher, incapable de ne pas la toucher, et c'est si bon.

Mais quoi qu'il en soit, je l'ai mis en danger, j'ai failli... j'ai failli la tuer. Mon cœur prend un rythme assez dingue, mon cœur s'agite à l'idée que j'aurai pu l'emporter avec moi. Je suis mortifié rien qu'à cette idée. Je comprends maintenant son teint pâle, sa faiblesse. Je sais qu'elle minimise les symptômes, qu'elle fait la fière ou juste qu'elle ne veut pas que je me sente coupable. Mais je sais qu'elle enjolive la situation pour me protéger. Et Louve... Louve qui a su aussi, qui a fait des liens, qui a amené Clary ici, en Irlande, chez moi, chez nous, chez elle. Littéralement à côté de ses propres appartements. Je sais, mieux que personne, l'immense privilège que s'est d'être ici, dans cet espace du palais, c'est un honneur, mais un honneur que je ne mérite pas. Bien que je lui en sois reconnaissant, qui ne le serait pas ?

Mes yeux se posent sur Emy, qui vient de s'endormir, et cela me soulage un instant et je soupire. Je suis content qu'elle se repose. Elle a tant fait.

« Je crois qu’elle n’avait pas fermé un œil depuis qu’elle t’avait trouvé hier. »

Je regarde ma meilleure amie assoupie, vulnérable, et un peu plus souffrante par ma faute. Jamais je n'ai voulu lui causer du tort. Je m'en veux énormément.

« Elle tient beaucoup à toi. »
« Je tiens aussi beaucoup à elle. C'est ma sœur. Elle était juste pas dans le ventre de ma mère, sinon ça change rien. »

Je lève ma main et réuni, tant bien que mal, des forces pour lancer un sortilège et la recouvrir d'un plaid. Mais hélas, trop faible, ça ne la couvre que jusqu'à la taille. Alors Clarissa prend sa baguette et termine mon geste. Ce n'est peut-être rien, mais qu'elle ait cette attention pour Emy, c'est beaucoup pour moi. C'est les personnes qui comptent le plus pour moi.

Elle vient un peu plus près de moi, sa main se lève pour venir caresser mes cheveux mais j'intercepte le geste et attrape son poignet avant.

« Dis-moi que c'était des bêtises. Dis-moi que tu n'en pensais pas un mot, tout à l'heure, quand tu as dit que si je veux vraiment quitter ce monde, tu me suivrais ?»

Elle ne peut pas penser cela, elle ne peut pas le vouloir, pas pour moi.

« Ce n’était pas des paroles en l’air. »

Je ferme mes yeux. Presque déçu. J'aurai préféré que ça soit faux, qu'elle ait dit cela sous la précipitation, sous l'anxiété ou le soulagement. Je sais qu'elle est sérieuse. Je lâche un peu prise sur son poignet et elle vient nouer mes doigts aux siens. Le bien que je ressens semble sans fin à son contact, c'est comme une drogue, et je connais la drogue, celle ci est pure, brute, déroutante, puissante, terrifiante. Oui, j'ai peur de ce que je ressens avec elle.

« Jared, ce qu’il s’est passé entre nous … »

Je la laisse gagner de l'espace, de la place sur le lit, je lui donnerai tout.

« Je regrette ce qu’il s’est passé. Non, je ne regrette pas ce qu’il y a eu entre nous. Je regrette la manière dont ça s’est passé. Cela n’était pas correct envers Vicky déjà. »

Je baisse mon regard, honteux, douloureux. Mais elle vient redresser mon menton pour que je la regarde. Que répondre à ça ? Elle a raison. Je n'aurai jamais du en arriver là, je n'aurai jamais du lui cacher la vérité, profiter de notre lien, des sensations si agréables.

« Non ce n'était pas correct. Je ne pensais pas faire à mal, j'ai lutté Clary, j'ai voulu te repousser, mais ça m'était impossible. J'aurai voulu le dire à Vic, mais comment l'expliquer ? Je n'ai jamais voulu blesser personne. Je m'y suis mal pris, je n'ai jamais vécu un truc comme ça. Je n'ai jamais de relation aussi suivis que je l'ai voulu pour Vic, pour de mauvaises raisons en plus. Je suis désolé.»
« Mais tu n’es pas le seul fautif dans cette histoire. Je t’interdis de croire ça. J’ai aussi ma part de responsabilité même si je ne l’ai pas admis devant toi un mois plus tôt. J’ai fui lâchement. Tu me pensais courageuse, mais j’ai fui face à tout ça. Pas parce que j’avais peur de toi ou parce que tu n’étais pas un mec bien. Mais parce que j’avais peur de m’attacher à nouveau à quelqu’un. »

Je fronce mes sourcils en la regardant se mordre les lèvres. Quelqu'un l'a faite souffrir, je m'en suis déjà douté. C'est peut-être aussi cela que je ressentais, je n'avais pas le droit de la faire souffrir encore, qu'elle tombe encore sur un connard. Car je suis sûr qu'elle était avec un connard. Elle mérite quelqu'un de bien, de vraiment mieux que moi. Pourtant, je n'ai envie qu'elle soit avec personne d'autre que moi ce soir. Je viens tendrement attraper le bas de son visage pour lui faire lever la tête.

« Je comprends m'aingeal[1], je ne te demande pas de t'attacher à moi... je...»
« C’est déjà trop tard. Je tiens énormément à toi. Tu ne peux pas savoir à quel point. »

J'en ai le souffle coupé sur l'instant. Déjà trop tard... je ne sais pas comment réagir face à ce genre de confidence. Comment peut-elle déjà tenir à moi ? Mon cœur se gonfle de joie malgré moi, c'est une sensation presque nouvelle, mais douce-amère, parce je ne sais pas comment faire, quoi lui dire. Je ressens beaucoup pour elle, trop peut-être, mais je ne sais pas comment l'exprimer à la hauteur de ce que je pense. Il n'y a pas de mot, parce que j'en ai jamais eu, je n'ai jamais connu cela. Pour personne.

« Quand j’ai su ce qu’il t’était arrivé … Merlin, Jared … je n’aurai jamais pu vivre avec ça. Je suis à toi, comme tu es à moi. Je ne suis pas un loup-garou mais je sais ce que c’est que d’être une famille. Une meute, comme vous dites. Jared, je veux faire parti de ta meute. Je sais qu’une fois je t’ai dit que je n’étais pas certaine d’être ok avec tout ça. Mais je le suis aujourd’hui. »

Je suis profondément touché, si ému que j'en ai les larmes aux yeux alors que les siennes coulent. Ce qu'elle dit, à propos de la meute, alors qu'elle a du sang de vampire en elle, alors que je lui ai fait tant de mal, que j'ai voulu la laisser, que j'ai failli la tuer, elle ne m'en veut même pas. Cette femme est formidable, unique. Je viens essuyer ses larmes avec mon pouce.

« Ne pleure pas, ne pleure pas pour moi Clary. Je suis là.»

J’essuie à nouveau ses larmes, refoulant les miennes. La gorge nouée, les tripes retournées.

« Je t’en prie, ne me quitte plus jamais. J’ai besoin de toi. J’ai réellement besoin de toi. »

Je viens la prendre dans mes bras, la rapprocher de moi, qu'elle soit entièrement à mes côtés sur le lit. Je viens l'enlacer tendrement, embrassant le haut de sa tête.

« Je te quitte pas m'aingeal [1]. Je te quitterai pas.» Ces mots me brisent, mais je les lui dois. « Je suis navré, je suis tellement désolé, je ne savais pas que je pouvais te faire du mal. Je ne savais pas que je pouvais te tuer. Je n'ai jamais voulu ça. J'ai besoin de toi aussi, plus que jamais. On se quitte plus.»

Je viens respirer son odeur, me nourrir de sa fraicheur, de son contact. Je pourrai passer une vie comme ça. Je pourrai presque me croire au... Paradis. Je la sens s'apaiser, se détendre tellement que sa respiration et son cœur deviennent régulier et je sais qu'elle s'est endormie.

« Plus que jamais.»

C'est à mon tour de veiller sur elle, sur elles. Je regarde Emily dormir pendant que j'entends les bruits du Bal au loin. L'agitation de cette fête qui se terminera sur ce grand feu après demain. Et moi je suis toujours là. D'un coup Emy se réveille en sursaut.

«J'AURAIS PAS DU DORMIR !»

Ça pourrait presque être drôle, dans un autre contexte. Elle panique et me cherche du regard. Elle me trouve et j'y vois du soulagement, ce qui me fait encore plus mal.

« Je suis là Emy, j'ai pas bougé.»

Elle me regarde, Clarissa dans mes bras alors que nous sommes dans le lit. J'imagine qu'elle est surprise, je ne suis pas réputé pour être quelqu'un de tactile ou supportant les contacts, elle mieux que personne le sait, même si elle n'en fait qu'à sa tête, toujours. Qu'elle en faisait qu'à sa tête...

« Elle dort profondément. Tu peux te rendormir aussi, tu n'as même pas dormi 1h.»

Emy se lève du fauteuil, pour se rapprocher, elle semble hésitante, elle n'agit pas comme d'habitude, sa démarche est moins naturelle avec moi, comme si elle avait peur de mes réactions, ou que je me casse à son contact.

« J'aimerai te demander comment tu te sens, mais.... Ce serait une question complètement débile. »

Elle me sourit, ce qui me rassure un peu, juste avant que ses yeux ne se remplissent complètement de larmes. Ce qui me serre la poitrine. Je ne veux pas qu'elle pleure.

« Jared, je suis tellement, mais tellement désolée... »
  « Emy... pourquoi tu pleures ? De quoi tu es désolée ? Tu n'as pas à être désolée. »
« Je me dis que.... Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais j'ai l'impression que c'est un peu de ma faute. Si je n'étais pas sortie avec Thomas, si je t'avais laissé un peu plus tranquille, si on se n'était pas disputé... »
 « Non Emy, par tous les Dieux non, tu n'es en rien fautive ! Ne dis pas ça. Rien est de ta faute. Thomas... Thomas.»

Je ne la regarde plus. Je ne sais pas comment dire les choses. Je ne veux ni la blesser, ni la vexer et encore moins la faire culpabiliser, car elle n'a rien, absolument rien à se reprocher. Thomas a certainement sa part dans mon geste, mais il n'en porte pas toute la responsabilité. Et ce n'est pas parce qu'il est avec Emily que ça m'a déterminé à passer à l'acte. Ce n'est pas entièrement faux, même si ce n'est pas entièrement vrai. Je cherche mes mots, elle a besoin que je sois honnête et je l'ai toujours été avec elle, même si j'ai « caché » des choses, je n'ai jamais menti. Je regarde Clary qui a toujours une respiration calme et apaisé dans mes bras. Elle dort toujours.

 «Thomas m'a fait beaucoup de mal c'est vrai. Il t'en a fait beaucoup aussi Emy. Mais même lui n'est pas le seul responsable. C'est compliqué Emy, mais ça n'a rien à voir avec toi, ou que tu ne me laisses pas tranquille ou qu'on s'est disputé. Tu sais combien je t'aime, t'es responsable de rien, c'est moi...»

Emy finit par se rasseoir sur le fauteuil, elle met ses bras sur le rebord du matelas et vient poser son menton sur ses mains en me regardant. Elle garde toujours une certaine distance.

«Pourquoi tu n'en as jamais parlé ? Je t'ai dis que je te choisirai toujours. Ça veut dire que je serai toujours là. Alors... Pourquoi n'avoir rien dit ?»

Je n'entends aucun reproche dans sa voix, elle veut juste comprendre.

 «Emy, tu sais ce que je pense de Thomas, tu sais tout ce que j'ai vécu et tu sais tout ce que tu as vécu avec lui. C'est pas pour lui ou pour votre relation que j'ai... »

Je me racle la gorge. Je n'arrive simplement pas à le dire à voix haute, bien que je n'ai aucun problème avec cet acte. Mais je ne veux le dire devant elle, que ce soit aussi réel entre nous. Et je ne veux pas qu'elle pense ça, que c'est de sa faute, jamais. C'est mon humaine préférée, pour la vie.

«Je te demande aucun choix, je vois bien comment tu le regardes maintenant Emy. T'as plus ce regard comme avant, où il était la pire chose sur terre. Tu ne le regardes plus comme ça, et même si ça m'arrache de le dire, lui non plus n'a plus le même regard. Je suis pas ta conscience, j'ai aucun droit sur tes pensées ou sur ce que tu dois faire avec lui. Si t'as confiance en lui maintenant, alors j'ai confiance en toi. Jamais je te demanderai de choisir, c'est pas ça un frère.»

Emy me sourit légèrement, avant de s'essuyer les yeux. J'aimerai le faire, j'aimerai l'approcher aussi, mais je n'ose pas, voyant sa retenue à elle. Je lui renvois simplement son sourire.

«Un frère... On le pensait tous les deux, sans jamais le dire à voix haute, hein ?»
 «Ouais, j'ai jamais dit à mes sœurs qu'elles étaient mes sœurs, ça me semblait évident. »

Elle renifle légèrement avant de se redresser dans le fauteuil. Elle semble hésiter un instant, mais elle se lance.

«Quand on aura le dos tourné... Tu recommenceras ? Jusqu'à réussir ?»

Je suis surpris de sa question aussi directe, mais c'est Emy, et je l'aime aussi pour ça. J'ouvre la bouche et la referme. Une nouvelle fois je cherche mes mots, je veux être le plus honnête possible.

 «J'en sais rien Emy. Là tout de suite, j'en sais rien, je réalise tout juste que je suis là. Je dis pas ça pour t'inquiéter, je compte pas recommencer là maintenant. Je compte écouter et apprendre. Je compte trouver une autre solution. Je ne veux pas vous inquiétez, je supporte pas te voir comme ça. Vous voir tous comme ça. Je comprends pas vraiment.»

Elle marque une pause, sans me quitter des yeux. Je ne les baisse pas non plus.

« On est comme ça parce que... On tient à toi. Tu l'as dit, tu es mon frère. Tu m'as soutenue, tu as séché mes larmes, tu m'as soignée, tu m'accompagnes quand je te traîne en soirée ou quand je vais chez mes parents. Tu as fais tellement de choses pour moi que je regrette de ne pas avoir pu te rendre la pareille.»

Elle me sourit un peu tristement, je déteste ça. Vraiment je déteste ça, ça me renvoi à de très mauvais souvenirs à Poudlard, mais c'était pas moi qui la faisait souffrir à l'époque.

«Tu es... Tu vois ces temples grecs, avec des colonnes ? Tu es ma colonne, mon piller. Tu tombes, je m’effondre. Avec le temps, ça pourra se reconstruire, mais... Ca ne sera jamais pareil.»

Je suis vraiment touché par ses mots, par le fait de l'entendre aussi clairement pour la première fois, même si je suis sûr qu'elle m'a déjà parlé comme ça. Ou peut-être pas, en tout cas, je n'avais pas écouté avant. Mes lèvres tremblent, je sens que je pourrai m'effondrer et pleurer, comme un gamin, craquer une bonne fois pour toute. Mais je ne le fais pas. J'en suis incapable, je me suis retenu trop de fois, trop d'années. J'ai toujours été une façade, un masque. Je ferme mes yeux et caresse alors le bras de Clarissa, pour ressentir une force, du courage, pour m’imprégner de notre lien, pour me soulager et faire partir cette envie de sombrer devant cette déclaration amicale, fraternelle.

 «Je te demande rien en retour, Emy tout ce que tu dis que j'ai fais, je me suis jamais forcé ou j'ai jamais fait pour que tu fasses. C'était normal pour moi. Moi je regrette rien, aucun moment passé avec toi ou ta famille.»

J'ouvre à nouveau mes yeux et regarde Emy.

 «Tu... pourrais te reconstruire sans moi. Ça ne sera jamais pareil, mais est-ce que ça ne serait pas mieux ?»
«Tu te souviens quand je lisais le poème Dom Juan aux enfers de Baudelaire ? Tu m'avais demandé ce que je préférais entre la pièce et le poème. Je t'ai répondu que j'avais toujours un faible pour les originaux.»

Elle hausse les épaules. Je me souviens oui.

«Ça ne sera jamais mieux, Jared. Tu fais parti de ma vie originale, tu ne peux pas me demander de me contenter d'une pâle copie en espérant que ce soit mieux.»
 «Toi et ton faible pour les œuvres originales. Même quand elles sont déglinguées.»

Je parle de moi aussi, je suis tout de travers, je suis pas sûr d'être vraiment encore vivant.

«Les œuvres déglinguées sont les plus intéressantes.»

Elle sourit plus facilement, elle semble même amusée de sa blague. Soit, elle aime mon côté fracassé au sol par la vie.

 «Est-ce que tu l'aimes ? Thomas ? Et pourquoi ? Je veux dire, comment tu fais ?»

Elle prend un air pensif et concentré. Je suis pendu à ses lèvres. Je ne lui ai jamais demandé depuis le chalet, depuis notre dispute, depuis que j'ai compris que Thomas et elle c'était sérieux.

«Je sais pas. Disons que... Disons qu'il a commencé à changer quand je le détestais toujours. Il m'a montré patte blanche, si je puis dire.»

Elle me regarde, pas sûre de sa blague sans doute, je lève alors mes yeux au ciel. Mais je suis rassuré qu'elle continue ses vannes, je ne devrai pas pensé ça pourtant.

«Quand on m'a volé ma baguette, alors qu'on avait passé du temps la veille ensemble, je l'avais accusé. Il n'a rien dit, il a juste... Il a juste fait. Je n'ai pas cru ses mots au début. J'ai compris avec ses actes que ses paroles étaient réelles.»

Elle réfléchit à nouveau et je ne veux pas l'interrompre. Elle semble hésiter à m'en dire plus, ou moins.

« Et puis... Je ne peux pas t'en dire plus, parce que ce n'est pas à moi de te le dire. Mais j'ai la preuve qu'il n'est pas né bourreau. Il l'es devenu. Si il l'est devenu, ça veut dire qu'il peut devenir un homme bon.»

Je n'ai pas envie de connaître l'histoire de Thomas, disons que je ne suis pas encore prêt à croire à tout ça. Je veux bien lui laisser le bénéfice du doute, après tout, ce n'est pas moi qui passe du temps avec lui, c'est elle. Bien sûr qu'elle sait des choses, mais pour le moment, je ne veux pas les savoir.

 «Tu me le dirai s'il te faisait du mal ? S'il recommençait ? Tu me le dirai ?»
«Tu me dirais si tu voulais de nouveau te suicider ?»

Bien joué. Je souris devant sa phrase, je suis pris dans son piège. Je la connais pourtant, je me doutais qu'elle pourrait répondre de la sorte.

 «Je peux essayer. J'ai jamais réussi, mais je pourrai essayer, pour toi.»

Emy a un petit sourire en coin. Sadique !

«On fait un pacte. Si tu me promets de me dire la prochaine fois que ça ne va pas, je te jure de te dire si Thomas recommence ou non.»
 «Un pacte hein ? On pourrait faire un pacte.»

Un pacte ? Avec elle ? C'est risqué non ? Elle réfléchit une seconde.

«De toute façon, tu peux désobéir à un Alpha ? Le prince t'a interdit de recommencer. Ca veut dire quoi, concrètement ?»

Je ferme mes yeux, fortement agacé. Oui il l'a dit, j'aurai voulu qu'il ne le dise jamais. Et en plus devant tout le monde. Louve, Emily, Clarissa. Même sans ce lien de loup entre nous, il y avait des témoins. Et il sait combien je suis loyal, ils le savent tous. Je regrette qu'il l'ait dit.

 «Ouais, il m'a interdit. C'est ça. Ça veut dire que je peux pas, c'est assez difficile à expliquer, c'est en moi maintenant, mon loup a reconnu cet ordre, et c'est plus fort qu'une simple directive d'un patron ou d'une loi. C'est... profond, c'est comme inéluctable. Comme un serment inviolable. Et tant qu'il restera mon alpha, ça me sera difficile de ne pas lui obéir. Mais si je deviens alpha, ou si je quitte la meute... je pourrai m'en défaire.»

Je ne veux pas l'inquiéter, je me montre une nouvelle fois extrêmement sincère et transparent. Je respecte notre pacte improvisé. Mais il faut aussi la rassurer.

 « Je... je compte pas défier le prince, ni quitter la meute Emy. Même si ça serait ce que je veux de plus facile.»

Je ne peux pas retenir les larmes qui coulent, une de chaque côté. C'est plus facile de partir que de rester. Mais s'ils veulent que je reste, je me dois au moins d'essayer, encore. Mais je sais pas par où commencer. Emy lance la main devant elle, comme si elle voulait essuyer mes larmes, mais se retient, encore.

«Rappelle-moi d'envoyer au prince des chocolats de remerciement.»

Ironise-t-elle, je souris simplement. Parce que je ne sais pas encore si moi même je dois le remercier. Je ne sais même plus quoi lui dire, je ne sais pas s'il va vouloir que je fasse encore parti de sa meute, ou de sa garde rapprochée après mon geste. Peut-être que la question ne se posera même plus. Peut-être que la solution viendra de là finalement, plus rapidement que si je prenais moi même la décision. Peut-être que je vais être renié ?

«Je ne suis pas un loup. Je ne partage pas les mêmes croyances que toi. Il y a des liens que je ne comprends pas, même si je les respecte. Alors... Pourquoi ne pas en parler à quelqu'un qui pourrait comprendre ? Les Iceni avaient l'air super inaccessibles à ta cérémonie pour devenir Duc. Mais ils ont l'air d'être là pour toi. Et ce sont des loups, eux
 « Quelqu'un qui pourrait comprendre quoi ? Mon envie de... Je sais pas si ça dépend de la nature d'une personne, Emy t'as pas un gêne de loup en toi, mais je te reconnais comme ma soeur. Y'a personne qui puisse m'aider. Mais je veux bien cette fois essayer de vous croire. C'est tout ce que j'ai à offrir, pour le moment.»

J'peux pas plus putain, j'peux rien promettre vraiment. Je devrai juste pas être là et devoir affronter ça. C'est lourd sur mes épaules, mais je peux essayer, pour eux, tous autant qu'ils sont. Je sais pas quoi faire, par où commencer ? Qu'est-ce que je dois faire ?! Putain.

«Si Clary ne dormait pas dans tes bras, je t'aurai donné un coup de coussin.»

Elle montre Clary du menton. Traîtresse ! Alors je resserre mon étreinte sur Clary, ma douce, mon ange. Comment pourrais-je avoir envie encore de mourir alors qu'elle est dans mes bras ? Si elle y restait, peut-être que je n'en aurai jamais plus envie. Mais on ne peut pas vivre comme ça, collé l'un à l'autre.

« Tu sais très bien que t'aurai finis avec ce même coussin sur le visage, aplatie entre lui et le matelas»

Je souris. Elle le sait, je gagne toujours, mais elle essaye malgré tout.

«Essaie, avant de dire que ça ne marche pas. Va t'entraîner avec Bleddyn, laisse Louve s'occuper de toi, va prier tes dieux, frappe ton père, embrasse Clary, parle-moi... Accepte-nous. Fais nous confiance. Même si on ne comprend pas, on est là pour toi. Tu as vu tout ce monde autour de ton lit en 24 heures ? Tu as vu pour qui tu comptes le plus ? Laisse nous t'aider à trouver des solutions»

Je me demande parfois si elle utilise son don avec moi, où si c'est parce qu'au fond, elle me connaît par cœur. Elle ne l'a jamais fait, elle a toujours respecté cela avec moi. C'est pour ça que je suis choqué de ces mots, si... bienvenues. C'est juste, au bon moment. Je suis perdu et on dirait qu'elle me donne une carte à suivre, des solutions un peu écrites. Même si aucune n'est simple pour moi, mis à part m’entraîner avec Bleddyn. J'ai juste peur que je ne puisse plus, que je sois inapte ou un délire du genre, et ils auraient bien raison. Je peux leur faire confiance, je leur fais confiance. Mais je déconne, c'est moi le problème, en fait, je sais pas quel est véritablement mon problème et c'est peut-être justement ça … le problème.

«Qui te dit que je ne l'ai pas déjà embrassé ?"» Je sais qu'elle sait que je ne l'ai jamais fait.
«Je sais toujours tout, tu devrais le savoir avec le temps..»
«J'ai peur de lui faire plus de mal que de bien. Et me lance pas une vanne, je parle pas de mon baiser Evans, je dis juste que je me dis qu'elle mérite un autre gars.»

Emy fit la moue car je lui ai coupé l'herbe sous les pieds pour la blague. Je la connais par cœur.

«Tu es vraiment un idiot, Parkinson. Pourquoi elle mériterait un autre gars alors que c'est clairement toi qu'elle veut ? Laissez-vous une chance. Je t'aiderai à devenir un gars bien, pour que vous m'offriez de magnifiques louveteaux roux qui m'appelleront tata Emy.»

Des enfants, par tous les Dieux non. Moi être père ? Pour devenir comme Amadeus ? Quelle horreur. Jamais. De toute façon, je sais même pas si Clary me voit comme ça, comme son dernier mec, comme l'homme de sa vie. Je sais ce qu'elle a dit, mais peut-être qu'elle va un jour ouvrir les yeux. J'en sais rien.

«Un gars bien ? Faudrait déjà que tu te documentes pour toi alors avant de m'apprendre. T'es clairement la plus dérangé de nous deux. T'as vu avec qui tu sors ?»

Elle fait la dramatique avec des gestes appuyés, ça pourrait me faire éclater de rire, de la retrouver un peu elle même avec moi, mais je ne veux pas réveiller Clarissa. C'est la première fois depuis que je me suis réveillé qu'elle retrouve un peu d'humour.

«Tu me diras si je déconne ? J'ai déconné avec Victoria, pourtant..."» Je repense à Bleddyn, à ce qu'il disait, d'être un gentleman, j'ai pas réussi avec Vic, alors que je voulais pas être un pauvre con pour elle, c'est vraiment une chouette fille, je serai toujours là pour elle. Mais pour Clary, je veux faire encore mieux, je veux faire beaucoup mieux. «J'aurai pas de gosses, je suis pas sûr qu'elle en veuille, avec mes gênes... et je suis même pas sûr qu'elle me voit vraiment comme ça de toute façon. Je... je l'ai même pas encore embrassé.»

Elle pose une main sur le matelas, comme pour me faire une promesse, mais sans me toucher, encore une fois.

«Je te promets de te dire si tu déconnes. Et si tu déconnes, je te promets de tout faire pour t'aider à la reconquérir. »

Elle me sourit, comme pour me montrer le sérieux de ses paroles. Je hoche la tête.

« Donnes une chance à votre couple.»

Je vais essayer. Je le dois à Clary, après l'avoir faite tourner en rond, si elle me veut, je peux essayer oui. Elle a dit que j'étais à elle, et qu'elle était à moi. Le pensait-elle vraiment ? Elle me dit que oui. Mais maintenant, je doute encore.

« De toute façon, il y a un village sorcier, pas loin, non ? Au pire, je vais le visiter demain et t'en profite pour la pécho ! Embrasse-là ! Avec la langue. Et tu me racontera tout.»

« Aaaarrg Emy, t'abuses, arrête ! J'veux plus rien entendre, mes oreilles vont fondre ! Va dormir va !.»

Mais je retiens un rire. Que je refoule pour revenir sérieux.

« Sérieusement Emy, il faut que tu dormes. Je te promets que je serai là à ton réveil. Je ne bougerai pas.»

Je serre Clary contre moi.

« Je peux pas bouger de toute façon. Elle le sentirait, si ça peut te rassurer. Je vais dormir aussi, ce truc m’assomme encore. Je suis incapable de courir dans les couloirs ou même sortir du lit. Vraiment. Dort, je suis juste là.»

Elle va donc s'installer dans le lit que devait prendre Clarissa. Elle se tourne vers moi et me regarde et je ne la lâche pas non plus des yeux. On se regarde et je suis sûr qu'elle pense aussi à cette expression "en chien de faïence" c'est elle qui me l'a déjà sorti, cette expression moldu.

« J'aimerai l'embrasser lors d'un truc spécial, pas ici alors que je... alors que j'ai voulu la quitter définitivement.»

Je suis reconnaissant qu'elles restent malgré tout et envers contre tout. Je regarde ma meilleure amie, ma sœur dans les yeux jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Et je finis par le faire moi même. Humant l'odeur de ma jeune demi-vampire. Profitant de sa présence, de son contact, de son parfum dont je ne me lasserai jamais. Son effet est mieux que tous les antidotes, que toutes les drogues.

[1] M'aingeal = Mon ange en Irlandais
:copyright:️ Justayne

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Jared Parkinson


«But I want to live and not just survive
That's why I can't love you in the dark »

KoalaVolant

descriptionAlors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. EmptyRe: Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.

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Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.Avec Emily, Clary et les Iceni

/i\ TRIGGER WARNING /i\
(Tentative de suicide, suicide)


Jeudi 2 mai 2002

Je me réveille parce que j'ai un pré-sentiment, une sensation, mon instinct s'alarme. Je ne me sens pas aussi vigoureux qu'avant. Mais je sais que les effets vont progressivement s'estomper. Il faut dire que je n'avais pas pour but de me rater et qu'ils m'ont ramené de justesse, donc la dose d'aconit est presque plus intense que le poison lui même. Quand j'ouvre mes yeux, je suis toujours collé à Clary, mon bras entoure même sa taille, mon souffle est dans son cou, son odeur douce et rafraichissante me fait l'effet d'un traitement contre l'anxiété. C'est la première fois que je me réveille à ses côtés et que je n'ai pas envie d'en partir. La dernière fois au Chalet, je suis parti, parce que je ne pouvais pas ressentir ce que je ressens aujourd'hui. Maintenant j'ai le droit et ça soulage mon cœur. J'ai envie de me rendormir mais j'entends des voix familières derrière la porte des appartements. Mes jumelles. C'était donc ça ce pré-sentiment. Je sens alors Clary bouger et se retirer de mon contact, et donc du lit.

« Tu veux encore faire la course Clarissa ? Ou tu prends la fuite ?»

Elle se retourne pour me regarder et me souris, alors je ne peux en faire autrement, devant tant de beauté, je souris à mon tour. Est-ce qu'elle se souvient de ce jour là ? Sur la glace ? Est-ce qu'elle sait ô combien elle est si belle ?

« Je ne prenais pas la fuite, louveteau. »

Je hausse un sourcil, elle se souvient oui, elle persiste et signe même avec ce surnom. « Louveteau ». Qu'ont-elles à toujours faire ce genre d'humour ? Vont-elles se lasser un jour de leurs blagues débiles ou non ?

« Mais … tes sœurs sont de l’autre côté de cette porte et je trouvais juste d’aller les rassurer. »
« Je sais, je les ai entendu aussi.»

Je soupire. Je n'ai aucune énergie à les affronter. J'ai déjà fait face à la détresse d'Emily, je n'ai pas envie de... de décevoir mes autres sœurs, de voir et sentir leur peur, de donner des explications. De les entendre parler de mon père. J'ai beaucoup parlé à Emy, et je ne me sens pas capable de recommencer avec elles. Je sais qu'elles sont là les trois jours de Beltaine, je pourrai les voir, plus tard.

« Tu veux les voir ? Ou est-ce que tu préfères que je leur dise de revenir plus tard ? »

Je la regarde un instant, sensible à sa sollicitude. Est-ce qu'elle comprendrait, que je ne veuille pas ? Ce sont mes jumelles, elles ont le droit plus que personne. Ça serait normal que je veuille les voir ? Les rassurer, les embrasser, les serrer dans mes bras. Mais je ne le veux pas en temps normal, encore moins maintenant. Ça serait normal si j'avais l'impression d'être heureux de vivre, heureux d'avoir été sauvé, mais ce n'est pas le cas. Je sais que c'est horrible, mais c'est comme ça. Je suis comme ça.

« Dis-leur que je dors, qu'elles repassent un peu plus tard. Je suis pas encore prêt.»

Je ne sais pas quoi leur dire. Je n'ai pas su répondre correctement aux interrogations des filles jusqu'à présent, je ne sais pas ce que je peux dire ou non, faire ou non. Mes sœurs sont pires que des détecteurs de mensonges, elles vont être rapidement étouffantes malgré elles. Je les aime, fort, elles sont mon socle, mon sang. Mais pour le moment, j'ai besoin... d'air. Emy et Clary suffisent à mon oxygène. Je n'en peux pas plus. J'ai de toute façon beaucoup trop honte, j'ai beaucoup trop de mal.

Clarissa s'avance alors vers elles, avant qu'elles ne rentrent dans la chambre, pour leur parler. Quand je me tourne vers Emy, elle me regarde, alors je lui souris, mais je lis toujours cette inquiétude dans son regard, malgré nos échanges de la veille ou à cause d'eux. Vais-je pouvoir un jour la rassurer si je ne le suis pas moi même ?

Elle ne s'approche plus de moi, elle ne me touche plus comme avant, n'ébouriffe plus mes cheveux. Pas que ça me manque, parce que j'ai jamais supporté ça, j'ai subi et toléré, mais c'était son truc à elle, c'était toujours son truc et je disais rien, car elle connaît mes limites, et elle sait comment me faire chier sans aller trop loin, mais depuis que je suis ici, elle n'a pas essayé de me faire chier une seule fois et... ça me fait mal. Alors peut-être que ça me manque peut-être au fond. C'était notre truc.

Maintenant tout est étrange, je voudrai réparer tout ça, mais je suis celui qui a tout cassé. Je me sens tout cassé, je ne sais pas comment me réparer, je ne l'ai jamais su, sinon je n'aurai jamais chercher à me tuer. Mais je suis fatigué maintenant, beaucoup trop fatigué, je suis irrécupérable à ce stade, je voudrai juste qu'ils le comprennent tous, qu'ils me laissent. Mais ils se mettent tous à dire combien je compte pour eux, combien ils ont eu peur pour moi. Je mérite pas tout ça. Je vais essayer de suivre les conseils d'Emy. Je vais essayer pour de vrai. Encore une fois, une dernière fois. Sinon j'irai finir dans les bois, et on ne me retrouvera pas pour me ramener. Pas de Thomas, pas de collier, pas de bézoard ni de médecin Irlandais.

Clarissa revient dans la chambre, je vois à son regard que ça a été difficile avec mes sœurs. Je déglutis quand elle me raconte qu'elles ont insisté, invoquant notre gémellité, qu'elles ne feraient pas de bruit jusqu'à ce que je me réveille. Qu'elles veulent me voir, être rassurée. Insistant sur le fait que elle - Clary - l'avait vu, toucher... Mon cœur se serre, je sais, je sais très bien l'état dans lequel elles sont, et si ça avait été l'une d'elle ici, j'aurai forcé le passage, j'aurai tout détruit pour être à leur chevet. J'aurai été comme Emy, je n'aurai ni dormi, ni mangé. Mes mains tremblent devant toutes les émotions. Ce que je retiens, c'est que Clarissa a fait rempart, elle n'a pas cédé, malgré leur mot. Pour moi.

Mais je ne me sens tout simplement pas prêt pour les accueillir, je ne veux pas qu'elles me voient... comme ça. Et c'est injuste pour elles, sachant qu'Emy et Clary sont avec moi c'est vrai, mais elles étaient là dès le début, je ne me vois pas les faire fuir maintenant, ou de leur demander de partir. Je n'en ai ni l'envie, ni le droit. Alana et Eireann comprendront, elles sont ma chair et mon sang, elle comprendront. D'autant plus que c'est elles qui devaient retrouver mon corps après Beltaine et ce n'est pas facile à digérer pour moi, je ne suis pas prêt à leur dire directement.

On vient toquer à la porte et j'ai peur que ce soit elles, qu'elles reviennent finalement, et je ne pourrai pas leur en vouloir. Mais il s'agit en fait d'une Irlandaise qui nous apporte un plateau de petit-déjeuner. Évidemment il y a de tout dessus, digne des banquets de Beltaine, peut-être même plus. Deux autres loups viennent installer une table et l'Irlandaise peut poser le plateau dessus. Nous souhaitant bon appétit de la part de sa Majesté Louve Iceni.

Depuis que j'ai commencé mes entraînements à Diabhal le 8 avril, je reçois souvent des plats de traiteur ou des friandises de la part de Louve, elle est très prévenante et sait que mon emploi du temps se voit un peu plus charger, alors que le sien est pire. Alors elle pense à me nourrir, à me faire livrer des trucs. D'autant plus que depuis que je me transforme plus régulièrement en loup, j'ai toujours une dalle de l'enfer. Mais là, quand je vois la table, mon estomac se serre, je n'ai pas faim, je n'ai vraiment pas faim et de voir toute cette attention me fait honte, ils se donnent tous du mal pour moi, je ne les mérite pas. Emy me dirait de me laisser porter par tout ça, de me faire chouchouter par Louve et elles. Mais c'est dur. Je peux pas me réveiller un matin et accepter ce que je n'ai jamais accepté avant. Ca va me prendre du temps.

« Je vous laisse commencer, je vais me doucher.»

Je ne fais que gagner du temps, je ne mangerai pas. Je glisse alors du lit non sans mal et je visualise les quelques pas que j'ai à faire pour aller dans la salle de bain. Ils me semblent interminables, mais il faut que je le fasse. J'ai besoin de le faire, je suis alité depuis quand ? 48H ? Je pose mes pieds à terre et je sais qu'elles me regardent toutes les deux. Mon cœur bat la chamade, rien que la position assise est difficile, mais putain je peux le faire non ? Tout seul ? C'est marcher, juste marcher bordel. Je prends appuis sur mes avant bras de toutes mes forces sur le matelas et arrive à me mettre debout. La tête le tourne mais je trouve l'équilibre rapidement.

« C'est bon, c'est bon, ça va aller. Mon corps doit juste s'habituer à la verticalité. C'est important que j'y arrive seul.»

Seul, c'est faux, et elles doivent le savoir aussi sans être médicomage, mais j'ai besoin de le dire à voix haute pour en persuader mon loup. Ils m'ont vraiment ramené de loin, vu les effets que je ressens encore. Je ne m'étais pas raté, j'avais réussi en fait, c'est juste qu'ils en ont décidé autrement. Et ce connard de Thomas avec son Bézoard, il aurait du se le fourguer ailleurs si vous voulez mon avis. De quoi il se mêle ?

Maintenant que je suis stable, j'enlève ma perfusion. je coupe le robinet et la laisse pendre sur le pieds à perfusion. Je sens que je n'en ai plus besoin. Je regarde à nouveau la salle de bain et j'avance de quelques pas en m'aidant un peu de ce que je trouve sur le passage. Mes pas sont plus stables, alors j'arrive à me lâcher jusqu'à aller dans la salle de bain sans me tenir à quoi que ce soit. C'est laborieux, mais j'arrive à marcher.

Quand je vais pour fermer la porte, Emily me demande si je peux la laisser ouverte, pas fermé à clef. Je marque un temps d'arrêt, alors que je leur tourne le dos. Oh par tous les Dieux, Emily... elle croit que... elle pense que je pourrai recommencer n'est-ce pas ? Elle a encore très peur, même d'une douche. Mes mains se mettent à trembler à nouveau, alors j'hoche simplement la tête pour lui dire oui, et je ne ferme même pas vraiment la porte, je laisse un entrebâillement de quelques centimètres. Pour elle.

Je déambule dans la salle de bain sans me tenir aux meubles, je lutte avec mon corps pour qu'il se réapproprie sa force. Mais le fait de devoir enjamber le rebord de la baignoire me demande un effort surhumain, aussi quand j'y arrive, je m’assois pour pouvoir me laver. Je fais couler un moment l'eau sur mon visage, mes cheveux avant de me savonner. J'ai l'impression que tout mon corps est une plaie vivante. Tous les gestes me sont difficiles, mais je vais y arriver n'est-ce pas ? Je n'ai pas le choix. Je dois me remettre vite et reprendre les entraînements. Je dois récupérer mes travaux pour Enola et... mon carnet. Je ressens un violent pincement au cœur, le carnet, Louve doit l'avoir en sa possession maintenant. Je ne voulais pas être là, je ne devais pas être là pour subir leur réaction. Je devais être mort quand ils auraient tous récupérer ce que je leur avais confié. Comment vais-je faire maintenant pour les regarder dans les yeux ? Je ne suis qu'un lâche.

Clary vient toquer à la porte pour me demander si j'allais bien, car je mettais beaucoup de temps. Je sais que c'est faux, enfin, pas tout à fait, je sais juste qu'elles vérifient que je suis toujours... vivant.

« Tout va bien oui. Je suis encore sous la douche. J'ai bientôt finit.»

Elles le savent, elles l'entendent, mais elles s'inquiètent. Je ne peux même pas râler, ou leur en vouloir. C'est comme ça, c'est moi qui est provoqué cela, et la moindre des choses, c'est de l'assumer maintenant. Je prends le gel douche et me savonne, comme si en le faisant je pouvais laver toutes mes pensées, toutes mes douleurs, toutes mes erreurs, sans être vraiment sûr que mon suicide en était une.

Je me relève pour me rincer. J'arrive à tenir debout. Je fais glisser l'eau sur moi, savourant la sensation de l'eau chaude. Puis je ferme le robinet et sort de la baignoire, avec plus de grâce qu'en y rentrant. J'attrape une serviette et vois qu'il y a des vêtements de rechange propres sur un meuble. Je commence à me sécher et enfile un caleçon et un bas de jogging propre. Je jette le t-shirt sur mon épaule et me sèche un peu mieux les cheveux, sans le faire vraiment correctement.

Quand je reviens dans la chambre, les filles me regardent toutes les deux. Je passe le fait que c'est très gênant d'avoir sa copine et sa meilleure amie dans la même pièce, m'inspectant des pieds à la tête. En fait, je ne sais même pas si Clary est ma copine... on a rien déterminé. Et je repense à ce que m'a dit Emy, et si j'étais du genre, j'aurai pu rougir dans la seconde pour ce qu'elle m'a dit à propos du baiser. Mais je ne veux pas l'embrasser là, ici, dans cette chambre, avec tout ce qu'elle signifie. Je voudrai être beaucoup mieux que ça. Elle mérite que je sois beaucoup mieux. Au moins que le poison ne soit plus dans mes veines, dans... nos veines. Je remarque qu'elles n'ont rien mangé. Je ne fais aucun commentaire pour le moment. Je marche tranquillement mais sûrement vers le lit, pour m'y asseoir et enfiler le t-shirt.

Et nous entendons encore frapper à la porte. J'ai un haut le cœur de croire que ce sont à nouveau mes sœurs. Est-ce que je suis plus prêt qu'il y a trente minutes ? Non. Mais c'est un homme, d'un certain âge qui rentre dans la pièce, à sa gueule je sais que je vais pas l'aimer.

« Bonjour, Mesdemoiselles, Monsieur Parkinson. Je me présente, Aslinn McCarthy, je suis psychomage à la cour.»

Je regarde cet homme qui vient de pousser la porte des appartements. Il pousse une sorte de chaise roulante. J'espère que ce n'est pas pour moi. Mais hélas il pousse le chariot jusqu'à moi. Un putain de psy de merde, j'en étais sûr, je peux les sentir de loin ceux-là.

« Je vous pries de nous excuser, Jared et moi avons à parler, mais dans mon bureau. Je vous l'enlève une petite heure. Jared, si vous voulez bien vous asseoir ? »

Pardon ? J'avais rien prévu du tout moi. Je lève un sourcil. Il est sérieux ? Il croit que je vais m'asseoir sur son truc d'infirme là ? Même pas en rêve.

« Je n'ai pas envie, je n'ai pas besoin de parler. »
« Dis celui qui vient d'avaler la potion la plus mortelle au monde et risquer la vie de quelqu'un en le faisant. »

La salive dans ma bouche devient acide et j'ai du mal à déglutir de l'entendre parler ainsi, devant Clarissa et Emily. Ma main droite se met à trembler toute seule. C'est quoi ce délire ? C'est quoi ce gars ? C'est sérieux ?

« Vous préférez que nous parlions ici ? Soit. »

NON ! Il est malade ! Je regarde furtivement et alternativement Emy et Clary et me décide enfin. Hors de question que cet espèce de dégénéré parle devant les filles. Je me fais glisser du lit, je me sens putain de fragile. Mes jambes n'ont plus leur force, ni mes bras, rien en fait, je me sens faible comme je ne l'ai jamais été. Le psy me regarde en souriant, j'ai envie de lui faire bouffer ses dents. Pourquoi il me regarde comme ça ?

« Plus dur cet aconit là que celui que vous avez l'habitude de fumer ? Asseyiez vous, je vous en prie, inutile de vous infliger cela. »

Quel... quel enfoiré ! Mon cœur bat la chamade, je veux sortir de là avant qu'il en dise plus, avant que les filles entendent d'autres conneries de ce genre. Alors je rassemble toute mon énergie sur mes jambes, mes deux mains tremblent maintenant, mais je lutte, oh putain oui je lutte, je n'irai pas sur ce fauteuil.

Avec la colère et l'adrénaline mes jambes décident d'avancer, un pas après l'autre, je dépasse le fauteuil, je traverse la pièce et viens me tenir à la poignée de la porte, je me retourne pour regarder le gars, toujours souriant, comme m'analysant. Je déteste les psy, je les déteste et encore plus celui là.

« Bien. » Il se retourne vers les filles. « Mesdemoiselles, je vous le ramène en un seul morceau. Et n'ayez crainte pour moi.» C'est limite s'il leur lance pas un clin d’œil. En fait je dois être mort ou rêver, c'est pas possible. Puis il pousse le chariot devant lui et nous quittons les appartements. Il me fait marcher dans le couloir, et c'est de plus en plus dur. J'avance lentement, mes mains tremblent de plus en plus, mon souffle est court. Ma bouche affreusement pâteuse. Il ne dit rien pendant quelques minutes, puis il finit par lâcher.

« Si vous ne comptez pas vous asseoir dessus, pouvez-vous au moins le pousser, c'est votre fauteuil après tout. »

Il le fait rouler jusque devant mes mains et je n'ai d'autre choix que de le tenir. Je m'appuie dessus, et me sens soulager. Mais je n'en dis rien. Je pense que quelques pas de plus et je n'aurai pas pu avancer. Nous continuons d'avancer dans les couloirs, on change d'aile, je ne sais pas vraiment me repérer, car je suis trop concentré pour ne pas tomber et garder mon énergie. Je ne fais que le suivre en silence, me soutenant grâce à ce fauteuil de mes couilles. Mais au bout d'un moment, il finit par s'arrêter de marcher, à mon plus grand soulagement.

« Bien, nous pouvons nous installer ici je pense. » Il frappe à une porte, il n'y a aucune réponse, il ouvre, personne dans la pièce, il me demande d'avancer, ce que je fais, en me tenant au fauteuil qui me facilite la marche.

« Oui c'est parfait, venez voir. »

J'ai un moment d'hésitation, mais j'avance vers une grande fenêtre qui donne sur l'extérieur. On y voit le Temple de Dana au loin et un grand feu débutant devant, mon cœur bat la chamade au fur et à mesure que je « roule » jusqu'à voir parfaitement la scène. C'est la préparation du feu de joie pour le dernier jour, là où tous vont jeter un mauvais souvenir. Ça durera jusqu'à l'aube. Beltaine. J'ai les mains moites, la gorge sèche. C'est Beltaine et je... suis toujours là. Je ressens un pincement douloureux, même mourir je n'en suis pas capable. Comment peut-on être aussi ridicule ? J'étais pourtant sûr de moi. Mais j'ai échoué, encore.

« Beltaine, magnifique n'est-ce pas ? Qu'est-ce que vous jetteriez dans ce feu ? En dehors de vous même, je sais que vous avez déjà essayé. Le 1 Mai 1997.»

Mon cœur fait une embardée, comment ? Qu'est-ce qu'il vient de dire ? Je tourne brusquement ma tête vers lui. Il raconte quoi ce connard ?

« Jared, inutile d'essayer de faire semblant tous les deux. J'ai lu votre dossier, fais trois calculs en regardant les dates, c'est facile de le comprendre. Même si votre psy à l'époque est passé à côté.»

Il se penche vers un bureau derrière lui et récupère un dossier. Tout était prévu en fait, cette salle, cette vue sur le feu. Il ouvre le dossier et commence à lire, devant mon air ébahi.

« 6 octobre 2001. J'ai reçu ce jour dans mon cabinet pour la 2ème fois Mr Jared Parkinson âgé de 17 ans et 3 mois. La précédente rencontre a eu lieu à ses 14 ans mais à l'époque il a était très difficile d'en tirer quelque chose de constructif. » Il relève ses yeux vers moi. « Il ne fait pas mention de tentative de suicide c'est vrai, mais moi je sais. »

Je suis horrifié. Ce connard a récupéré le dossier confidentiel de mon ancien psychomage ?

 « Vous n'avez pas le droit, ça ne vous regarde pas. »
« Pas le droit ? J'ai tous les droits Monsieur Parkinson, Bleddyn m'a donné carte blanche pour votre suivi. »

Je suis choqué. Bleddyn ? Je passe le fait qu'il l'appelle par son prénom pour cette fois, pour ne pensez qu'une chose, c'est Bleddyn qui lui a demandé d'intervenir ? Pourquoi ? Mais je n'ai pas le temps de réfléchir qu'il continue de lire.

« Après quelques tests fastidieux réalisés avec le garçon, je peux en tirer un certain portrait psychologique, qu'il serait bon d'affiner par quelques séances si le garçon accepte de me revoir. Il est a noté que le jeune n'a pas toujours été coopérant et qu'il su éprouver mon expérience de 30 ans en temps que psychomage. »

Je n'en reviens pas, je n'avais jamais eu connaissance de ce dossier, qui a connaissance des notes de son psy ? Personne. En général, c'est le genre de dossier qu'on peut récupérer quand les patients sont mort. Pourquoi cet abruti me les lit ? Je ne comprends pas. Je n'ai plus envie d'être ici avec lui. Mes jambes sont de plus en plus faibles et même si je ne veux pas l'admettre, j'ai envie de m'asseoir ou de m'allonger, alors partir en courant n'est pas une option. Et si je saute par la fenêtre, on va encore crier au suicide. Mon cœur pompe difficilement pour me tenir debout. Mais le psy insiste et continue de lire cette merde.

« C'est quelqu'un d'audacieux, de sarcastique (croyez moi), qui peut se montrer manipulateur, arrogant avec un ego parfois inébranlable. Il a tenté à de nombreuses reprises de me mener en bateau, et je ne suis toujours pas sûr de certaines de mes analyses. C'est un orateur impétueux qui peut se montrer dur si quelqu'un fait du tort à ses sœurs ou à lui même. Sa relation avec ses sœurs et sa mère semble saine, en revanche il est clairement visible que la relation avec son père est conflictuelle. Il décrit son père comme quelqu'un de trop fier, qui ne parle que par sa nature lupine, le poussant toujours pour être comme lui. Mais Jared ne veut pas ressembler à son père. »

Mes lèvres frémissent de rage, mon cœur frappe encore et encore sous la colère. Je ne supporte plus de l'entendre me lire ce dossier.

 « Pourquoi vous faites ça ? C'est quoi ce délire ? C'est pas très éthique et déontologique ce que vous faites. C'est ridicule. Vous êtes quoi ? Une sorte d'imposteur incompétent qui a besoin d'avoir les notes d'un confrère pour faire une véritable analyse ? »

Il se penche vers moi, un sourire mi amusé mi agacé.

« Donc vous pensez que Bleddyn embauche des incapables ? Vous pensez que la couronne fait travailler des imposteurs incompétents ? C'est ce que vous dites ? »

La colère me fait vriller les entrailles. Il va fermer sa gueule et montrer du respect au prince ?!

 « Ce n'est pas ce que j'ai dis, non ! » Je ne sais pas comment me contenir devant autant de familiarité. « Et ce n'est pas "Bleddyn", c'est sa Majesté ! »

Le psy se recule en reprenant une posture droite. Il sourit, et j'ai envie de lui faire avaler ses dents blanche encore une fois.

« Loyal. Respectueux. Mais... » Il regarde dans tous les sens autour de lui. « Vous le voyez ici ? Si je veux, je pourrai aussi bien le traiter de petit con incapable qu'il ne se passerait rien. »

L'animosité se lit sur mon visage qui se déforme. Il joue à un jeu très dangereux. C'est maintenant tout mon corps qui tremble. Il faut qu'il arrête ça, de suite. Je ne vais pas me contenir. Mon loup est en feu, et je me sentirai capable de le défoncer, même si c'est juste la dernière chose que je ferai.

 «Arrêtez, arrêtez s'il vous plaît. C'est sa Majesté.» Je dis cela en serrant les dents de rage.

Il me sourit et hoche la tête.

« C'est votre Alpha, je le sais. Mais je me dois d'aller sur tous les terrains. Je me dois d'être sûr que vous ne voulez pas nuire à la couronne. Vous êtes leur soldat rapproché. Vous faites partie de Diahbal. On ne garde pas les imposteurs incompétents au Palais. »

J'ai l'impression de recevoir une gifle. Il retourne cela contre moi.

 « Je n'ai aucune intention de nuire aux Icenis. Jamais.»
« Et vous pensiez que votre mort allait leur faire du bien et non du tort ? Ils auraient perdu un excellent élément, c'est ce que que dit sa Majesté à votre encontre. Que vous êtes un bon élément dans la meute. On a de la chance de vous avoir au Palais Monsieur Parkinson.»

Mon cœur connaît un soubresaut. J'avale à nouveau ma salive difficilement, j'ai la bouche sèche putain ! Chier ! Un bon élément tu parles... comme si Bleddyn avait vraiment dit ça à cet espèce de connard.

« Je n'ai aucune intention de nuire aux Icenis. Jamais.» Je me répète.

Il fait la moue mais hoche la tête à nouveau avant de sourire. Il se penche à nouveau sur le dossier.

« Un solitaire disent ses parents. Je rajouterai dans le dossier, un enfant perturbé, torturé et profondément seul même entouré de ses jumelles. Souvent dans la lune (je me permets cette ironie dans mes écrits) et observant le monde et les gens sans jamais entrer en relation véritable. Son père explique qu'il aurait pu nouer des liens avec les enfants royaux, mais ne s'en est jamais donné l'occasion.

Ses parents ont pensé qu'il fallait le sociabiliser, le confronter au monde, et donc l'ont envoyé avec ses sœurs à l'école de Poudlard plutôt que de bénéficier des précepteurs que la cour aurait pu mettre à disposition. Mais les années collège finirent de briser le garçon. Son ambition l'a mené dans la maison Serpentard, mais ses propres camarades se sont retournés contre lui. Il a été victime de harcèlement pendant 6 longues années. 

Mon expertise me mène a dire que sa personnalité s'est vu profondément altéré et il s'est endurci émotionnellement, il ne montrait rien de ce qu'il ressentait et de ce qui se passait dans l'ombre et c'est visiblement toujours le cas à ce jour. C'est pour cela que sa famille a appris trop tard son harcèlement. Je me note à moi même qu'il est possible que l'étiquette et leur milieu noble aient incité Jared à ne rien révéler pour ne pas attirer l'attention sur ses parents à la cour. Être loyal aux royaux Iceni, à la meute. Mais il est possible que Jared ne voulait tout simplement pas décevoir son père, ne pas être le "faible" de la famille. »


Mon cœur et mon esprit sont esseulés par son discours, sa lecture, ses manières de faire. J'ai l'impression de recevoir coups après coups. Ça m'est putain d’insupportable. J'ai envie d'exploser, mais les doses d'aconit que j'ai dans mon corps m'empêchent d'être en pleine possession de ma force, de mon énergie, j'ai l'impression de n'avoir plus aucune vitalité. Je le regarde d'un œil mauvais, ma lèvre se redresse de rogne. J'ai envie de lui en coller une. De défoncer sa gueule de psy suffisant.

 «Parlez pas sans savoir ! Parlez pas de ma famille, parlez pas de mon père, vous ne les connaissez pas.»

Il ouvre alors une des fenêtre et prend sa baguette magique pour jeter le dossier. Avec la magie, ce dernier arrive dans le feu géant quelques mètres plus loin. Je peux le voir avec mes yeux de loups. On aperçoit les feuilles qui se dispersent et brûlent rapidement, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien, pas même des cendres. Le dossier a totalement disparu. Mes yeux s’écarquillent.

Il a... il a... tout brûlé. Toute cette analyse. Pourquoi ? Pourquoi il a fait ça ?

Je sais que ce geste est symbolique. Je n'ai pas envie de dire que cela me touche, que cela me fait du bien. Je ne veux pas lui donner raison. Jamais. Mais... je regarde ce feu s'alimenter de mon passé. Ce dossier enfin derrière moi. Je me ressaisi pour ne rien montrer, ni de mon soulagement, ni de ma gratitude de l'avoir fait. Y'a un poids qui a disparu quelque part en moi, sans que je comprenne comment et pourquoi.

« Je me contre fou de ce qui se trouve dans ce rapport Jared, c'est le passé. Aujourd'hui est un nouveau jour. Une nouvelle étape. Je me contre fou de ce que pensait ce psychomage. Mais je vais mettre au clair certaines choses avec vous. Je ne suis pas lui. Je pense que vous êtes un garçon foutrement intelligent, trop peut-être. Mais vous ne pourrez pas me manipuler comme mon confrère. Et détrompez vous, car si, je connais vos parents. Je suis un loup comme vous, je suis même Duc. Moi aussi je sais me transformer sans lune, je connais la famille royale, je connais tout ce qu'il y a à savoir sur les Iceni, je suis croyant comme vous. Je connais la vie de soldat, je connais Diabhal, vous n'êtes pas le premier soldat que je vois et avec qui je m'entretiens. Je connais donc vos parents. Et si vous me mentez, je l'entendrai. »

Il pointe mon cœur. Qui en ce moment même tachycarde. Il vient s'asseoir sur le rebord du bureau. Nonchalant. Je me sens pris dans ses filets. Ok il sait tout, alors qu'est-ce que je fous là ?

« C'est votre amie, Emily Evans qui vous a retrouvé. Quand elle a poussé la porte de votre chambre, elle a découvert votre corps presque sans vie. Elle était effondrée, elle le semble toujours. »

Mon cœur s'arrête de battre une seconde, je ne sens plus le sang dans mon visage. Mon ventre se creuse d'horreur. Je sais tout ça, les filles me l'ont déjà dit. Je ne voulais pas ça, je ne voulais pas qu'elle me retrouve. Je ne voulais pas lui infliger cette vision à elle, pas à elle. Je ne voulais pas la faire souffrir, jamais, pas après tout ce qu'on a vécu. Pas après tout ce qu'elle a vécu. Je ne voulais pas.

« Qu'est-ce que vous ressentez Jared ? Du fait que votre amie vous ait vu mort, au sol dans votre chambre. Que pensez-vous qu'elle a ressenti elle ?»

Je ne dis rien, je ne le regarde pas, je regarde le feu. Mes lèvres ont des spasmes, j'ai mal. J'ai mal putain j'ai mal ! J'ai mal ! J'ai si mal, je suis tellement désolé. Je ne voulais pas. Je murmure à peine.

 « Fermez votre gueule.»

Mais évidemment il a entendu. Il sourit.

« Je la fermerai si vous vous l'ouvrez. Qu'est-ce que vous ressentez de savoir que vous avez traumatisé votre meilleure amie Jared ? »

Mon souffle est court et les larmes me montent aux yeux, je les refoule, le plus fort possible. Je serre ma mâchoire, je plisse les paupières. Ce que je ressens est intolérable. Je le déteste, je ME déteste !

 « Rien.»
« Rien ? D'accord. Essayons autre chose. Dites-moi alors, vous saviez qu'en prenant ce poison, vous alliez aussi causer la mort de Miss Clarissa ? Vous vouliez qu'elle meurt c'est cela ? »

Mon sang ne fait qu'un tour, la fureur s’empare de moi, il va trop loin. Avec je ne sais quelles ressources encore possible, je lâche le chariot et vient attraper par le col le putain de psychomage. Je grogne sur lui, crocs sortis, yeux ambrés.

 « NON ! NON je n'en savais rien, je n'ai jamais voulu sa mort ! JAMAIS ! Arrêtez de dire ça putain ! Ne.dites.plus.jamais.ça !»

Il n'a pas bougé, son corps s'est simplement adapté à ma prise en s'inclinant en arrière. Il n'a pas l'air d'avoir peur, pas une seconde. Au contraire, ses lèvres s'étirent dans un large sourire. Il me regarde droit dans les yeux, il ne me défit pas, du moins, je ne le ressens pas comme de la provocation. Je n'ai pas assez de force pour le tenir plus longtemps et relâche peu à peu ma prise. Est-ce qu'il le savait ?

« De la colère. C'est ce que vous ressentez Jared. Bien. Très bien, c'est un bon début. »

Je suis au bout de mes forces et mes genoux flanchent, je tombe sur les rotules dans un bruit sourd. Le psy se baisse pour me soulever par les épaules, mais je le repousse d'un geste vif. Dégage connard !

 « Me touchez pas !»

Il retire ses mains et se relève, me regardant faire, il ne dit rien. Je me sens tellement humilié, blessé, mal. J'ai mal, j'ai mal, j'ignore quel est son but de me dire tout ça. Je suis désolé pour Emily, jamais j'ai voulu la traumatiser, et jamais je n'ai voulu faire du mal à Clary. Pourquoi il me dit tout ça ?

C'est quoi son but, que je pète un câble ? Que je le bute ? Je prends quelques secondes où je respire rapidement, presque haletant comme si je venais de courir pendant des heures. Puis je pousse sur mes mains pour essayer de me relever, je m'aide du fauteuil roulant derrière moi et viens finalement m'y asseoir dessus par dépit. Je ne tiens plus sur mes jambes, d'avoir manifesté mon loup m'a vidé du peu de forces que j'avais pour tenir debout à présent. Je m’assoies sur ma fierté.

« Vous êtes remarquable, je n'ai jamais vu un loup se manifester avec autant d'aconit dans les veines. Sa majesté Bleddyn ne s'est pas trompé sur vous.»

Je ne réponds rien mais j'éclate de rire. Ce qui semble le prendre au dépourvu. C'est nerveux, s'il savait les doses que j'ai pu prendre. Je sais que ce qu'ils m'ont administré est au delà de ce que j'ai pu prendre, mais mon loup est familier à ce genre de dosage.

« Vous riez parce que vous êtes consommateur n'est-ce pas ? D'aconit. »

Je le regarde droit dans les yeux et fronce mes sourcils.

 « Vous êtes légilimens ? C'est ça en fait ?»

Putain mais c'est ça. Quel enfoiré ! « Vous êtes un enfoiré ! » Il sourit, et j'en suis sûr oui !

« Non, je ne suis pas légilimens Jared, mais cela me fait plaisir que vous le pensiez, c'est que je vise juste. »

C'est pire en fait. J'aurai préféré que ce con le soit. Je sais qu'il ne me ment pas, il n'a aucun intérêt à le faire. Et illégal. Je ricane tellement je suis désabusé.

 « Je sais pas où vous avez eu votre diplôme, mais rien de ce que vous faites est protocolaire ou très professionnel.»
« Je vous l'ai dit, j'ai carte blanche de Monsieur. »

Qu'il l'appelle ainsi, comme on l'appelle à Diahbal me perturbe. Et soudainement je suis frappé de peur, mon cœur s'emballe à nouveau, mes mains viennent serrer les accoudoirs du fauteuil roulant et je le regarde inquiet.

 « Vous venez m’évaluer. Vous venez voir si je suis toujours apte pour Diahbal n'est-ce pas ?!»
« Vous pensez ? Et qu'est-ce que cela vous fait ? Qu'est-ce que vous ressentez là ? Ne mentez pas Jared, votre cœur bat si fort qu'il pourrait réveiller nos chers défunts. »

Je ne dis rien, je ne veux rien lui dire. J'ai peur. Voilà j'ai peur ! J'ai peur qu'il me rende inapte, j'ai peur de décevoir Bleddyn. J'ai peur de décevoir tout le monde. Finalement, il s'est peut-être trompé, je suis un imposteur incompétent.

« Jared... »

Je tourne mon regard vers le nouveau le feu, qui brûle toujours, il grossit pour être parfait pour demain, je sais plus vraiment quel jour on est. Et moi, je suis toujours là. Encore, avec les mêmes doutes, les mêmes souffrances. Pourquoi ne m'ont ils pas laissé mourir ?

« Vous voulez retourner dans ce feu n'est-ce pas ? N'ayez crainte de me répondre oui. Je ne suis pas là pour savoir si vous êtes apte pour Diabhal, bien sûr que vous l'êtes, chaque soldat à ce petit côté morbide avec un rapport étrange à la mort. Mais ce que je veux savoir, c'est si vous seriez capable d'emporter des gens avec vous. Si en mission vous sautez sur la mine pour protéger les autres ou si vous sautez avec eux.»

Je ne le regarde pas directement, mais dans le reflet de la vitre. Ce qu'il me dit me rassure un peu, je crois. S'il m'enlève Diabhal, maintenant qu'ils m'ont ramené, maintenant que je n'ai plus le choix, je ne sais pas comment je pourrai tenir. Si je n'ai plus Diabhal, je ne tiendrai pas. Je me souviens très bien des mots de Bleddyn. « Je suis ton Alpha, pas vrai ? Tu ferais tout pour moi, pas vrai ? Alors voilà. En tant que Alpha, je t'interdis formellement de recommencer une connerie de ce genre. »  Je serre mes mains contre les accoudoirs, jusqu'à en avoir les phalanges blanches.

 « Je n'ai jamais voulu que Clarissa meurt. Je ne savais pas que nous étions aussi connecté, je ne savais pas que ma vie était liée à la sienne. Jamais je ne l'aurai fait sinon. Du moins sans rompre le lien avant. Je ne veux pas entraîner des gens dans ma chute. Certainement pas Monsieur, ni aucun autre soldat. Je suis pas un terroriste ou un anti-royaliste.»

Je le vois dans la vitre, il semble convaincu, il peut, c'est la vérité. Je vois qu'il m'écoute, qu'il m'écoute vraiment, qu'il m'analyse, certainement, mais il m'écoute attentivement. Au moins il me rassure, j'ai toujours ma place à Diabhal, du moins c'est ce qu'il pense. Je ne sais pas ce que dira Bleddyn, s'il pourra toujours me faire confiance ?

« Emily a utilisé le collier de son altesse qui vous a transféré ici pour vous sauver la vie. Avant cela, Monsieur Scott-Rosier a collé au fond de votre gorge un Bézoard qui a donné du temps aux médicomages pour vous administrer l'antidote. »

Là je tourne ma tête vers lui, surpris, non... stupéfié. Pourquoi il me parle de Scott-Rosier ? Je sais très bien ce qu'à fait cet enculé. Ma poitrine se soulève à nouveau rapidement. Mon cœur s'emballe à nouveau à l'évocation de ce connard. Il m'a sauvé la vie. Lui ?! Pourquoi, pour me la pourrir encore plus ? Pour que je le vois faire souffrir Emily, peut-être pas de suite, mais bientôt ! Un jour...

« Il fait parti de vos harceleurs à Poudlard, n'est-ce pas ? »
 « Emily vous l'a dit ?»
« Non, je n'ai pas encore parlé à Emily. Je n'ai parlé qu'avec Monsieur. Emily lui a confié que vous avez tenu des propos à monsieur Scott-Rosier, que vous l'avez confiée à lui. Et elle n'a pas trouvé cela normal, car jamais vous ne l'auriez confiée à quelqu'un d'autre qu'à vous même, encore moins à ce Thomas a- t-elle dit. Ensuite il n'était pas difficile de me renseigner sur ce Sang-Pur qui était dans votre Maison à Poudlard. Et voir votre réaction me fait dire que j'ai vu juste.»

Je détourne à nouveau mon regard pour le fixer à nouveau sur le feu. Ils sont en train de l'alimenter pour qu'il soit parfait, et il l'est toujours, et mon dossier a disparu dedans, pour toujours. Il est toujours immense, pour recevoir tous les mauvais souvenirs ou le symbole d'une retenue, le but étant de laisser le passé derrière soi. Le psy a balancé mon ancien dossier. Il l'a fait. Mes lèvres tremblent, elles le font tellement en ce moment que je me demande si ce n'est pas plutôt un effet secondaire de tous les produits que j'ai pris. Je suis pas un pleurnichard en d'autre temps.

 « Qu'est-ce que vous attendez de moi ?»

Je me tourne et le regarde à nouveau. Il commence à me les briser sévère en fait, j'ai envie de revenir voir les filles, pas à branler ici avec un je-sais-tout.

« Qu'est-ce que vous attendez de vous ? »

Je soupire en secouant la tête. Piqué au vif, je ne m'attendais pas à ce genre de phrase à la Emily. Je hausse les épaules, j'en sais foutrement rien putain.

« J'aimerai vous faire comprendre que se taire, garder tout sous silence, cela s'accumule dans votre corps. Et ça se transforme en insomnie, en peur, en boule dans la gorge, en creux dans le ventre. Vous sentez tout cela n'est-ce pas ? Ça ne vous lâche jamais. Le silence se transforme en nostalgie, en regret, en erreur, en addiction, en violence même, ça devient du doute, des cauchemars, de la tristesse et du désarroi. Ce qu'on ne dit pas ne meurt pas Jared, ce qu'on ne dit pas nous tue. Je suis persuadé que c'est tout ce que vous taisez qui vous à mener à ce geste.»

Oh par pitié, ce genre de leçon pompeuse, il en fait aussi ? Je hausse mes épaules à nouveau. Et bien apparemment on ne peut pas mourir comme on veut, alors à quoi bon parler ? Si y'a toujours quelqu'un pour me faire revenir.

« Vous avez toujours envie de mourir Jared ? »
 « Oui.»
« Vous allez recommencer ? Comment ? »
 « Non, je ne peux pas.»
« Pourquoi ? »
 « On me l'a interdit formellement.» Je repense aux mots de Bleddyn.  « Et je suis pour le moment toujours lié à Clarissa. Et j'ai promis à Emily.»

Mais je vais trouver un moyen de réparer cela. Je vais trouver pourquoi nous sommes liés avec Clary. Je ne peux plus la mettre en danger. Si je me blesse, le sera-t-elle ? Et je ne peux tout simplement pas l’entraîner avec moi si je meurs en mission. Je sais que ce que je lui dis rassure le psy, il se dit que la crise suicidaire est passée, que le danger est éloigné pour le moment, que j'ai des raisons de vivre. Peut-être a-t-il raison ?

« Merci pour votre honnêteté. »

A quoi bon lui mentir ? Il va me faire chier pour me tirer les vers du nez de toute façon, et j'en ai déjà assez entendu.

« La séance est finie pour aujourd'hui. Je vous revois demain. »
 « Quoi ? Pourquoi ?!»

Mon visage se décompose sous la surprise ! Je dois encore le voir ? Genre pour un suivi ? Pourquoi ?!

« Jared, vous avez essayé de mourir, vous ne parlez pas de ce qui vous a poussé à faire cela. Tant que vous restez aussi secret, les séances continueront. Vous êtes un Duc, vous méritez les meilleurs soins, de plus vous faites parti de la garde rapprochée de ses Majestés, je ne peux simplement pas vous voir qu'une seule fois. Il faut qu'on travaille ensemble, il faut vous faire aider.»

Je fais parti ? Il a dit que je faisais partie de la garde rapprochée ? Parce que j'en fais encore parti ? Je ne suis pas genre radié après le geste que j'ai fait ? Probablement, mais il préfère ne pas le dire à un suicidaire. Il faut toujours donner des raisons de vivres, des « facteurs protecteurs ». Il n'annoncera pas les mauvaises nouvelles.

« Est-ce que vous permettez que je vous raccompagne ou vous souhaitez marcher ? »

Putain ! Je le regarde, je me sens incapable de marcher et je me sens incapable de faire bouger le chariot tout seul, je n'ai pas de force dans mes bras. Fait chier.

 « Vous pouvez... vous pouvez me raccompagner oui. »

Il me sourit et attrape les poignées derrière moi et pousse le fauteuil dans le bureau, puis dans les couloirs. Nous refaisons le chemin inverse. Je regarde sur le côté les fenêtres qui me donnent un spectacle de la fête de Beltaine qui bat son plein. Les banquets, les danses. J'aperçois même la princesse Louve, dans une de ses tenues du jour, elle tourne soudainement la tête vers ici. Vous me penserez dingue si je vous disais que j'ai l'impression qu'elle regarde vers moi, mais elle ne peut pas me voir n'est-ce pas ?

« Ils tiennent à vous vous savez ? Ils s'inquiètent tous pour vous. Ils vous aiment Jared. Vous comptez pour eux. »
 « Ils aiment l'image qu'ils se font de moi.»
« Quelle image ont-il de vous ? »
 « Quelqu'un qui en vaut la peine.»
« Vous ne pensez pas en valoir la peine ? J'ai vu là des personnes qui pensent et soutiennent le contraire. J'en ai vu défilé au Palais, mais je n'ai jamais poussé personne en fauteuil dans ces parties là du château.»

Je ne dis plus rien jusqu'à ce qu'il me raccompagne jusqu'aux appartements prêtés par Louve. Je médite ses paroles. Est-ce qu'il a raison ? Ou est-ce que c'est un truc de psy à dire à ses patients suicidaire ? Il ouvre la porte de la suite et pousse le fauteuil à l'intérieur. Je n'ose même pas regarder Clarissa et Emily, je n'ose même pas imaginer de quoi elles ont pu parler, ça m'angoisse de les savoir ensemble. Qu'ont-elles fait pendant cette heure ? Ca m'angoisse de savoir que je les ai déçu toutes les deux, que je leur ai causé du tort. Elles ont du réaliser à deux combien j'étais nul, et qu'elles s'attachaient pour rien à un gars perdu à tous les niveaux. Un looser, même pas capable de mourir correctement.

Une a failli mourir par ma faute, l'autre m'a trouvé quasi mort dans ma chambre. Comment je pourrai avoir envie de vivre après ça ? Comment pourrais-je en valoir la peine ? Je brise tout, je casse tout. Ils auraient du me laisser partir, ils auraient eu bien moins d'ennuis que maintenant.

Clarissa est encore plus pâle que d'habitude et Emily parait avoir bu la potion Goutte de Mort elle même, elle est ravagée par le chagrin et l'inquiétude. Je le sais. Y'a qu'un seul homme qui lui avait fait ressentir cela avant, et c'était Scott-Rosier, je vaux pas mieux que lui maintenant.

« Mesdemoiselles, je vous le confis. Bonne journée. A demain Jared. »

Je hausse simplement les épaules et lève mes yeux en l'air, de toute façon, je n'ai pas le choix, alors.

« A demain. »

Je ferme les yeux jusqu'à ce qu'il ferme la porte, je suis sûr qu'il a sourit à mon "demain", une fois fait, je soupire avant de les ouvrir à nouveau. Les filles me regardent, je ne sais plus comment leur parler. J'ai l'impression que j'ai perdu ce droit. Je ne me sens plus légitime. Qu'est-ce que je dois dire ? Qu'est-ce que je peux dire ? Je dois raconter ce qu'on vient de se dire avec le psy ? Non. Certainement pas. Comment je peux les rassurer, alors que je suis incapable de vouloir rester en vie ? Je ne peux pas leur mentir, pas encore, ni jouer la comédie. Je vois que pour elles aussi c'est difficile. Mais je sens qu'il faut que je fasse quelque chose, que je fasse un pas vers elles. Je remarque qu'elles n'ont rien mangé. Mais elles sont habillées. Bizarre.

« Je veux bien... » Elles se redressent plus droite toutes les deux, prêtent à répondre à mes questions ou mon besoin, ce qui me déchire le cœur, elles seraient prêtent à tout, encore ? Pourquoi ? Je ne le mérite pas. Je racle ma gorge, gêné devant autant de réaction.

 « Je veux bien qu'on me mette le frein à ce chariot de merde pour aller boire.» En une fraction de seconde elles s'agitent toutes les deux.

Emily vient mettre les freins au fauteuil alors que Clary rempli un verre d'eau pour me le porter. Je suis choqué par leur attention. Je prends le verre que Clary me donne non sans toucher ses doigts et ressentir un frisson et un bien être incroyable. Ce putain de lien, aussi délicieux que mortel. C'est une malédiction. Une... malédiction.

 « Mer... merci.»

Je bois le verre d'eau alors que ma gorge est en feu, j'ai l'impression de boire des morceaux de verre. J'ai la bouche sèche depuis la goutte du mort vivant. Mais est-ce que j'ai le droit de me plaindre ?

Clarissa reprend le verre que j'ai terminé pour le mettre sur la tablette à côté du lit où se trouve la carafe. Elle n'a pas à faire ça, elle est aussi en convalescence ! Je prends alors appui sur mes bras pour me soulever, je vois Emy bouger à côté de moi, comme si elle avait envie de m'aider, de me soutenir, mais qu'elle s’empêche de le faire. Avant elle n'aurait jamais douté, même si je râle quand elle me touche, avant elle... elle s'en foutait. Elle m'aurait sauté sur le dos pour me mettre une contrainte de plus, j'aurai préféré ça à sa réaction là.

Je fais quelques pas vers le lit, vers Clarissa, je viens attraper sa main et la tire doucement vers moi, jusqu'à ce que mes lèvres touchent son front dans un baiser ferme et tendre à la fois. J'aime son odeur rassurante, j'aime sa douceur, j'aime son contact. Je suis tellement désolé.

Je voudrai la rassurer, les rassurer sincèrement toutes les deux. Mais il me faudra du temps. Je la relâche pour aller m'installer dans le lit, vaincu par la fatigue. Je croise le regard d'Emy, elle ne m'a jamais vu aussi... faible. Je sais qu'elle est inquiète, toujours inquiète.

 « Vous ne voulez pas sortir un peu ? Profiter de Beltaine ? J'ai vu le feu dehors, c'est quelque chose à voir, vraiment.»

Mais elles ne bougent pas, elles se regardent. OKAY. Elles me disent qu'elles sont en fait sortie rapidement pendant ma séance avec le psy. AH. Dans le village sorcier. Mais elles n'ont pas vu Beltaine, ses banquets, ses traditions, ses temps de prières.

 « Je ne vais pas... je ne vais pas recommencer là. Je vous le promets. Je peux rester seul, vous avez le droit de... de prendre soin de vous aussi. Je revois le psy demain, alors... »

Alors quoi ? Alors je serai toujours là demain ? Putain Jared t'es con. Ok, essaye autre chose.

 « Enfin ce que je veux dire, c'est que vous avez le droit de me laisser pour aller manger un peu ou vous dégourdir les jambes.»

Mais Clarissa croise les bras sur sa poitrine. Elle me dit que si elle doit manger, alors moi aussi je le dois. J'hausse un sourcil. Elle est sérieuse ? C'est... bon OK, j'ai rien à dire en fait. C'est bon, j'ai compris, si elles veulent des certitudes. Je dois faire des efforts.

 « Ok, alors je viens avec vous. On essaye de pas se faire choper et on va voler des trucs sur le premier buffet qu'on croise. Emy, tu nous fais rouler ?»

Je viens me lever du lit à nouveau et m'installe sur le fauteuil, puis je tapote mes jambes en regardant Clary. Hors de question qu'elle marche elle aussi, elle doit être tout autant exténuée. Elle hésite, alors j'attrape son avant bras et la tire doucement jusqu'à la faire s'installer sur mes genoux. Ses jambes qui reposent sur un des accoudoirs. Un de mes bras vient s'installer dans son dos et entoure sa taille, l'autre vient se poser sur ses cuisses. Je me sens... tellement bien ainsi, l'avoir contre moi, la sentir de tout son poids sur moi, chaque point d’appuis me rappellent que je suis vivant, que je respire à nouveau. Que j'aime la respirer. Mes yeux se posent sur elle, avec tellement de tendresse que je ne m'en savais pas capable.

 « Si on croise ses Altesses, je compte sur vous pour dire que cette idée vient de vous !»

[1] M'aingeal = Mon ange en Irlandais
:copyright:️ Justayne

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Jared Parkinson


«But I want to live and not just survive
That's why I can't love you in the dark »

KoalaVolant

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Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. Avec Louve Iceni, Jared Parkinson et Clarissa McGregor Mercredi 31 mars 2002

Mon cœur fit un bond quand j'entendis Jared bouger, se réveiller. Je me précipitais à son chevet, avant d'aider Clary à aller dans son lit. Voir sa réaction me brisait, littéralement. Ses « non », sa panique, tout indiquait qu'il ne voulait pas revenir. Je tournais le dos, pour qu'il ne puisse pas voir mes larmes couler. Ce n'était pas des larmes de soulagement ; mais j'étais toujours aussi détruite de le voir dans cet état. Il avait voulu mourir. Je ne pouvais pas continuer sans Jared. Lui semblait ne pas pouvoir continuer tout court. Alors, je laissais le soin à Clary de lui parler, de le rassurer. Elle en serait sûrement plus capable que moi. Je me retournais quand la porte s'ouvrit brusquement. J'essuyais mes larmes pour que ni Clary, ni Jared, ni les deux Iceni qui rentraient ne me voient pleurer. La princesse alla directement au chevet de Jared. « Jared ? Jared, tu es réveillé ! Comment tu te sens ? Tu nous as fait une belle frayeur… » Je ne l'avais pas vue depuis que j'étais là. Clary, apparemment, oui. Tout le château avait été en ébullition pour la fête que j'avais vu se préparer, et quelques âmes, les plus importantes, apparemment, avaient tout fait pour lui. Oh, Jared. Tu es tellement entouré. Pourquoi vouloir en finir ?

Ce moment de calme fut interrompu par le prince qui attrapa le col de Jared, et je fis un bond en arrière. « Comment… Comment as-tu pu imaginer faire une chose pareille ?! » « Bleddyn, arrête ! Tu vas le… ! » Ma bouche s'assécha devant un tel spectacle. Je n'étais pas une créature, pas même une « demi » comme Clary, je ne savais pas comment les liens se faisaient. Mais Jared ne pouvait pas me faire croire que ce discours, le discours du prince était un dialogue entre un Alpha et son loup. Non, ça allait au delà. Sa colère n'était pas que de la colère, c'était l'expression de son inquiétude la plus profonde. Je n'avais même pas besoin d'user de mon don pour le savoir ; cela se voyait. Je sentis Clary attraper ma main, et je la regardais, surprise. Nous n'avions pas été trop proches au chalet, bien au contraire. Elle avait sûrement été jalouse de la relation que nous entretenions avec Jared. Je savais que, au fond, ce n'était pas une méchante fille, et que je pouvais parfois un peu trop faire la maligne. Mais ce geste de confiance me toucha, et me rassura. Je n'étais pas seule dans cette pièce avec une tension à couper au couteau.

« Je suis ton Alpha, pas vrai ? Tu ferais tout pour moi, pas vrai ? » « Maj... majesté… » Jamais je n'avais vu Jared comme ça. Même à Poudlard, après qu'il se soit fait fracassé, il n'avait eu un tel regard de peur, de trouille. Même Thomas n'avait jamais pu réveiller ce regard. « Alors voilà. En tant que Alpha, je t'interdis formellement de recommencer une connerie de ce genre. » « Bleddyn, ça suffit ! » Clary et moi sursautions en même temps face à cet élan d'autorité. Elle demanda à son frère de descendre prévenir son frère, ce qu'il fit, l'air toujours autant en colère. Puis elle se tourna vers nous. Elle me conseille de me reposer, chose que je ne fis pas. Je voulais être sûre que Jared aille bien, qu'il ne m'en veuille pas, surtout. La preuve, il ne m'avait même pas regardée quand la princesse s'adressa directement à moi. « Votre Majesté, le Duc Amadeus Parkinson est venu voir son fils. » Je levais les yeux au ciel à l'entente de son nom. Je ne l'avais jamais rencontré, hormis il y a quelques semaines, quand Jared devint Duc ; mais je ne l'avais jamais apprécié. Jared m'avait parlé un peu de lui, et le peu que je savais avait réussi à m'agacer.

A l'entente de son nom, Jared secoua brusquement la tête, comme pour signifier qu'il ne voulait pas le voir. Face à sa panique, je ressentis l'envie, le besoin d'utiliser mon don sur lui pour le soulager, comme je l'avais fait avec Clary… Mais il aurait fallu que je le touche, ou au moins, que je le regarde dans les yeux. Dans le premier cas, je ne pouvais pas. Je m'étais fais la promesse d'arrêter de le toucher comme je voulais, alors que je savais qu'il détestait ça. Il fallait que j'apprenne à respecter ses limites, pour éviter qu'il ne fasse une rechute. Dans le second cas… Et bien, il ne me regardait toujours pas. Peut-être qu'il m'en voulait à mort. « Je vais aller lui parler moi-même. » Je me tournais vers elle, le temps qu'elle sorte de la pièce, avant de reporter mes yeux sur Jared. Une fraction de seconde. Durant une fraction de seconde, il me regarda, avant de détourner les yeux. Une nouvelle fois, je sentis mon cœur s'émietter un peu plus.

Pour essayer de ne pas ressentir cette peine lancinante, je me concentrais sur ce que disait la princesse au père de Jared. Je n'étais pas une créature, alors, je ne devais pas entendre aussi bien que les deux autres, mais je distinguais clairement le fond du propos. Qu'elle protégerait Jared du contact de son père. Au fond, c'était la meilleure chose à faire. Quand elle revint, elle prit le temps de nous regarder, tous les trois. « Est-ce que je peux faire quelque chose avant que je ne doive aller au bal ? Jared, je suis à ton écoute, sincèrement. N'hésite pas. Pareil pour vous, Miss Evans, Miss McGregor. » Je secouais la tête, pendant que Clary se tourna vers Jared. Après tout, c'était à lui de répondre. C'était pour lui que nous étions là. « Merci Majesté... pour mon père. Vous pouvez aller au bal, je n'ai besoin de rien… » La princesse hocha la tête, avant de reprendre sa couronne, et de sortir de la chambre. Nous n'étions plus que tous les trois.

Qu'est-ce que j'allais faire ? Je savais que la princesse m'avait dit d'aller me reposer, et je ne le voulais pas, tant que je n'avais pas parlé à Jared. Mais Jared ne semblait pas vouloir me parler…. Jusqu'à ce qu'il me jette un regard. Là, je sus que il ne m'en voulait pas. Que c'était pour une autre raison, qu'il évitait mes yeux. Tant pis. Comme il ne semblait pas m'en vouloir, je me jetais à l'eau : « Comment tu vas ? » J'avais vraiment, vraiment besoin de savoir. Même si il ne répondait que physiquement. « Emy... qu'est-ce... » Il voulait des réponses. Evidemment. Comment on avait su ? Comment on l'avait sauvé ? Il avait le droit de savoir, même si la vérité ne lui plairait pas. « C'est.... C'est grâce à Thomas que tu es là. C'est lui qui a réalisé que c'était plus qu'un au revoir. Il m'a parlé de ses soupçons. » Je vis à son regard, qu'il était déjà perdu. Alors, je pris le temps de lui expliquer.

Je lui expliquais comment j'avais trouvé qu'il était d'aussi bonne humeur, mais que jamais je ne m'étais interrogée, jusqu'aux propos de Thomas. Que ce dernier avait trouvé les paroles de Jared étranges. Comment il avait trouvé étrange qu'il accepte de me confier à quelqu'un d'autre que lui, encore plus que ce soit à notre ancien bourreau commun. Comment j'avais pris ses inquiétudes au sérieux, que j'avais fait le lien avec les personnes suicidaires, encore plus en fouillant dans le livre qu'il m'avait offert ; comment j'avais fait le lien avec Beltaine. Je lui décris la peur sourde qui me prit au ventre, alors que j'avais eu besoin de le voir, de le revoir, pour me rassurer. Je lui racontais comment j'avais foncé chez lui, pour le trouver allongé au sol. Je lui narrais que j'avais appelé Thomas, qu'il avait compris son geste en voyant le poison. Je lui retraçais comment Thomas avait trouvé un bézoard pour lui enfoncer dans la gorge, alors que je serrais très fort le collier qu'il avait. Je lui rappelais que je savais que ça allait appeler le prince Iceni, je lui rappelais que c'était lui qui me l'avait raconté. Je lui rapportais comment le prince était venu rapidement, avait interrogé Thomas, et nous avait ramené tous les deux ici. Je terminais mon récit en lui narrant la nuit que j'avais passée à le surveiller, jusqu'à ce qu'on amène son lit ici, et que je retrouvais Clary.

Cette dernière prit la suite du récit. Elle commença à parler de ses vertiges, de comment elle commençait à se sentir malade, en mettant en cause l'espèce de lien magique qui les unissait. Je me concentrais sur sa manière de raconter comment elle se retrouva à l'hôpital pour laisser tomber l'angoisse qui m'avait prise alors que je racontais ma propre histoire. J'avais tellement eu peur de la réaction de Jared… Mais il s'était contenté de m'écouter, religieusement, sans rien dire. Clary était au passage de l'arrivée la princesse quand je rapprochais un fauteuil du lit de Jared. Je commençais à ressentir de plus en plus l'épuisement, et je tenais difficilement debout. Je dois confesser que je commençais à arrêter d'écouter Clary pile au moment où je m'assis. Je refusais de m'endormir, pourtant, le sommeil me prit en quelques minutes à peine.

***

Le silence. Clary ne parlait plus. Jared ne parlait plus. J'avais surtout mal au cou, et… Le silence. Pourquoi il y avait du silence ? Non, non, non, ce n'était pas normal. Il fallait que Jared parle, il fallait que j'entende sa voix, il fallait que… « J'AURAIS PAS DU DORMIR ! » Je sentis que je sursautais sur mon fauteuil. Non, je n'aurais pas dû dormir ! Comment je pouvais surveiller Jared, sinon ? Je me tournais automatiquement vers lui, et je fus soulagée de le voir me regarder. En vie. Il était en vie. « Je suis là Emy, j'ai pas bougé. » Je posais une main sur mon cœur, avant de la laisser retomber sur la couverture. Une couverture ? Depuis quand j'avais une couverture sur moi ? Clary avait dû la poser là. En parlant d'elle, la jolie rousse dormait profondément dans les bras de Jared. Bon… Je savais qu'il n'aimait pas être touché. Là, c'était un peu extrême, non ? Mais si ça ne le dérangeait pas… C'était quoi, les hormones qu'on avait quand on faisait un câlin ? Bref, si il faisait le plein de ça, peut-être que ça irait mieux pour lui. « Comment elle va ? » « Elle dort profondément. Tu peux te rendormir aussi, tu n'as même pas dormi 1h. » Une heure, même pas ?

J'ignorais son conseil pour me lever du fauteuil, et je m'approchais de lui. Je mourrais d'envie de lui caresser les cheveux, mais il fallait que j'apprenne à me retenir. Il fallait que j'apprenne à être moins chiante. Il fallait que j'apprenne à mieux l'écouter, mieux l'aider. « J'aimerai te demander comment tu te sens, mais.... Ce serait une question complètement débile. » Je lui souris doucement, comme pour lui montrer que j'avais conscience que cela ne servait à rien de lui poser une telle question. Pourtant, ça n'empêcha pas mes yeux de se remplir de larmes. J'avais encore tellement de questions, de choses à lui dire… « Jared, je suis tellement, mais tellement désolée... » « Emy... pourquoi tu pleures ? De quoi tu es désolée ? Tu n'as pas à être désolée. » Comment pouvait-il me poser cette question ? J'avais tellement de raisons de me sentir désolée envers lui. J'avais tellement de raisons de me sentir coupable. Entre deux sanglots, j'essayais d'expliquer : « Je me dis que.... Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais j'ai l'impression que c'est un peu de ma faute. Si je n'étais pas sortie avec Thomas, si je t'avais laissé un peu plus tranquille, si on se n'était pas disputé... » « Non Emy, par tous les Dieux non, tu n'es en rien fautive ! Ne dis pas ça. Rien est de ta faute. Thomas... Thomas. » Ouais, Thomas. Plus j'y pensais, et plus j'étais persuadée que c'était l'une des raions qui l'avait poussé à un tel acte.

Jared détourne le regard pour se concentrer sur Clary, pendant que les larmes continuent de couler sur mes joues. J'ai besoin de comprendre, Jared. J'ai besoin de savoir. Explique-moi, je t'en supplie. Je ne suis pas certaine de réussir à vivre avec ce poids culpabilisant sur ma poitrine toute ma vie. « Thomas m'a fait beaucoup de mal c'est vrai. Il t'en a fait beaucoup aussi Emy. Mais même lui n'est pas le seul responsable. C'est compliqué Emy, mais ça n'a rien à voir avec toi, ou que tu ne me laisses pas tranquille ou qu'on s'est disputé. Tu sais combien je t'aime, t'es responsable de rien, c'est moi… » Je renifle légèrement, pas sûre de ses explications. Si, je le crois. Mais l n'explique toujours pas son geste. Peut-être qu'au fond, il y a de multiples raisons. Qu'il ne veut pas dévoiler. Pourquoi il ne veut pas les dévoiler ? Pourquoi il ne veut pas m'en parler, moi qui suis sa meilleure amie ? Je me rassis sur le fauteuil, en mettant mes bras sur le rebord du matelas. Je pose mon menton sur mes mains en le regardant. Je n'ose toujours pas le toucher. Je n'oserai plus jamais.

« Pourquoi tu n'en as jamais parlé ? Je t'ai dis que je te choisirai toujours. Ça veut dire que je serai toujours là. Alors... Pourquoi n'avoir rien dit ? » « Emy, tu sais ce que je pense de Thomas, tu sais tout ce que j'ai vécu et tu sais tout ce que tu as vécu avec lui. C'est pas pour lui ou pour votre relation que j'ai... » Qu'il a fait une Agatha Christie, reine du poison. Sauf que ce sont ses personnages qu'elle a tué, pas elle-même. « Je te demande aucun choix, je vois bien comment tu le regardes maintenant Emy. T'as plus ce regard comme avant, où il était la pire chose sur terre. Tu ne le regardes plus comme ça, et même si ça m'arrache de le dire, lui non plus n'a plus le même regard. » Ça se voit, qu'on a autant changé ? Que ce soit lui, moi, dans la manière de nous regarder ? Peut-être qu'il n'a pas vu le changement chez Thomas, qu'il ne l'a vu que chez moi. Peut-être qu'il n'a pas envie de voir le changement.

« Je suis pas ta conscience, j'ai aucun droit sur tes pensées ou sur ce que tu dois faire avec lui. Si t'as confiance en lui maintenant, alors j'ai confiance en toi. Jamais je te demanderai de choisir, c'est pas ça un frère. » Le choix de ses mots me fait sourire, et je me redresse dans le fauteuil. J'essuie mes larmes. J'ai arrêté de pleurer, mais je me sens toujours aussi inquiète. Pour cacher cette angoisse, je lui envoyais un petit sourire. « Un frère... On le pensait tous les deux, sans jamais le dire à voix haute, hein ? » Parce que oui, moi aussi, je l'ai toujours vu comme ça. C'est même comme ça que je l'ai qualifié auprès de Thomas pour qu'il ne soit pas jaloux de notre amitié. Je ne l'avais juste jamais dit au principal concerné, et lui non plus, apparemment. « Ouais, j'ai jamais dit à mes sœurs qu'elles étaient mes sœurs, ça me semblait évident. » Ça me fait plaisir de voir qu'on a toujours vu ce lien de la même manière, même sans en parler entre nous. Ça prouve qu'on se voit de la même manière.

Je renifle une nouvelle fois -il faut vraiment que je trouve des mouchoirs- avant de me redresser dans le fauteuil. Une autre question me taraude. J'ai peur de l'effet que ça fera si je la pose, mais j'ai peur de ne pas la poser du tout. « Quand on aura le dos tourné... Tu recommenceras ? Jusqu'à réussir ? » Je le vois, qu'il est surpris. Ça se voit à sa tête, à sa manière d'ouvrir et de fermer la bouche, comme si il cherchait ses mots. « J'en sais rien Emy. Là tout de suite, j'en sais rien, je réalise tout juste que je suis là. » Très bien. Ça ne me rassure pas du tout, mais je ne dis rien. Je le laisse parler. « Je dis pas ça pour t'inquiéter, je compte pas recommencer là maintenant. Je compte écouter et apprendre. Je compte trouver une autre solution. Je ne veux pas vous inquiétez, je supporte pas te voir comme ça. Vous voir tous comme ça. Je comprends pas vraiment. » A défaut de ne pas tapoter son épaule, je ne le quitte pas des yeux, le temps de me répéter intérieurement tout ce qu'il m'a dit. Lui aussi ne me quitte pas du regard, et ça me rassure. Il ne comprend donc pas ? Il ne comprend pas pourquoi on est tous là, autour de lui, à s'inquiéter, à attendre son réveil, à pleurer son geste ? « On est comme ça parce que... On tient à toi. Tu l'as dit, tu es mon frère. Tu m'as soutenue, tu as séché mes larmes, tu m'as soignée, tu m'accompagnes quand je te traîne en soirée ou quand je vais chez mes parents. Tu as fais tellement de choses pour moi que je regrette de ne pas avoir pu te rendre la pareille. » Si j'avais su ce qu'il se tramait dans sa tête, j'aurais pu essayer de l'aider. Au lieu de l'emmerder physiquement, pourquoi je n'avais pas usé de mon don sur lui ? Pourquoi je n'avais pas cherché à savoir comment il allait réellement ? Pourquoi je n'avais pas installé de barrières mentales ? Pourquoi j'ai décidé de respecter ses limites ? Ah oui, parce que je lui avais promis. Fichu consentement à la con.

Il fallait qu'il comprenne, il fallait que je lui explique ce que ça implique, de l'avoir dans nos vies. Pour cela, rien de mieux qu'une métaphore. En bonne littéraire, j'adorais ça. « Tu es... Tu vois ces temples grecs, avec des colonnes ? Tu es ma colonne, mon piller. Tu tombes, je m’effondre. Avec le temps, ça pourra se reconstruire, mais... Ca ne sera jamais pareil. » « Je te demande rien en retour, Emy tout ce que tu dis que j'ai fais, je me suis jamais forcé ou j'ai jamais fait pour que tu fasses. C'était normal pour moi. Moi je regrette rien, aucun moment passé avec toi ou ta famille. » Si il ne regrette rien, alors, pourquoi ? Pourquoi avoir fait ce geste ? Jared ouvrit de nouveau les yeux, et me regarda. « Tu... pourrais te reconstruire sans moi. Ça ne sera jamais pareil, mais est-ce que ça ne serait pas mieux ? » Il était sérieux, de me demander ça ? Non, jamais de la vie ce ne serait mieux. Pour une très bonne raison. « Tu te souviens quand je lisais le poème Dom Juan aux enfers de Baudelaire ? Tu m'avais demandé ce que je préférais entre la pièce et le poème. Je t'ai répondu que j'avais toujours un faible pour les originaux. » J'haussais les épaules, alors qu'il me fit signe qu'il se souvenait de ce que je racontais. Il m'avait toujours écouté quand je délirais sur la littérature moldue, ou sorcière. L'avais-je réellement écouté, moi ? « Ça ne sera jamais mieux, Jared. Tu fais parti de ma vie originale, tu ne peux pas me demander de me contenter d'une pâle copie en espérant que ce soit mieux. » « Toi et ton faible pour les œuvres originales. Même quand elles sont déglinguées. » Il fallait avouer que ce commentaire me fit sourire, légèrement amusée, et je ne pus m'empêcher de rétorquer : « Les œuvres déglinguées sont les plus intéressantes. » Je lui souris. J'ai beau lui faire une vanne, il faut qu'il comprenne aussi que je suis sérieuse. Ok, c'est pas marrant ce qui lui est arrivé, à moi non plus, mais au moins, nous ne sommes pas des êtres lisses. Au moins, nous nous sommes trouvés.

Je le regarde, sans rien rétorquer, et c'est lui qui relance. « Est-ce que tu l'aimes ? Thomas ? Et pourquoi ? Je veux dire, comment tu fais ? » Alors là, si je m'attendais à une telle question… Je prends le temps de réfléchir, un peu songeuse. Pour être sûre de poser les bons mots sur mes pensées. Mais en fait… Je crois que je n'ai pas encore de vraies réponses. « Je sais pas. Disons que... Disons qu'il a commencé à changer quand je le détestais toujours. Il m'a montré patte blanche, si je puis dire. » Il fallait bien que je tente le jeu de mot, non ? Je lui jette un regard, pour voir sa réaction. Pour voir si c'est une limite ou non. Jared lève les yeux au ciel, mais ne dit rien. Il ne semble pas vexé, bien au contraire. Ça me rassure, et je continue mon récit. « Quand on m'a volé ma baguette, alors qu'on avait passé du temps la veille ensemble, je l'avais accusé. Il n'a rien dit, il a juste... Il a juste fait. Je n'ai pas cru ses mots au début. J'ai compris avec ses actes que ses paroles étaient réelles. » Mais surtout, ce qui m'a poussé à lui dire que je l'aimais, c'était la vision de son dos, de ses cicatrices. Qu'il me raconte son passé, et que je comprenne sa vie était la preuve qu'il me manquait pour que je me sente suffisamment en confiance pour lui ouvrir mon cœur. Sauf que je ne peux pas raconter l'histoire de Thomas à la place de Thomas, encore plus à son ex-victime qu'il n'apprécie pas. « Et puis... Je ne peux pas t'en dire plus, parce que ce n'est pas à moi de te le dire. Mais j'ai la preuve qu'il n'est pas né bourreau. Il l'es devenu. Si il l'est devenu, ça veut dire qu'il peut devenir un homme bon. » Jared ne répond pas. Je ne suis pas sûre qu'il ait envie de répondre. Je ne sais même pas si il veut comprendre, si il est prêt à le croire. Je ne vais certainement pas l'y pousser. Tout ce qui m'importe, c'est une chose que je lui avais déjà demandé : me croire, moi.

« Tu me le dirai s'il te faisait du mal ? S'il recommençait ? Tu me le dirai ? » « Tu me dirais si tu voulais de nouveau te suicider ? » Jared sourit face à ma question, et je lui retourne un regard entendu. On peut être deux à jouer à ce jeu-là ! « Je peux essayer. J'ai jamais réussi, mais je pourrai essayer, pour toi. » Pour la première fois depuis son réveil, j'ai mon petit sourire en coin qui se réveille. Celui que Jared déteste, parce que ça veut dire que j'ai une idée, qui généralement l'inclue. Et il a beau détester mes idées, je le force à les appliquer quand même. Est-ce que c'est vraiment une part de notre amitié, ou c'est quelque chose qu'il déteste vraiment ? Il faudrait que je lui demande, un jour. Mais en attendant, je lui expose mon idée. « On fait un pacte. Si tu me promets de me dire la prochaine fois que ça ne va pas, je te jure de te dire si Thomas recommence ou non. » « Un pacte hein ? On pourrait faire un pacte. » Cette idée de pacte me fait réfléchir, et me fait penser à quelque chose. Quelque chose que j'ai vu, avec Jared. Je sais que c'est un loup. Je sais que le prince est son Alpha. Je ne suis pas sûre de tout comprendre aux liens lupins, mais… « De toute façon, tu peux désobéir à un Alpha ? Le prince t'a interdit de recommencer. Ca veut dire quoi, concrètement ? » « Ouais, il m'a interdit. C'est ça. » C'est ça… Quoi ? Qu'est-ce que ça veut dire, concrètement ? Je lui jette un regard, celui qui signifie "dis m'en plus".

« Ça veut dire que je peux pas, c'est assez difficile à expliquer, c'est en moi maintenant, mon loup a reconnu cet ordre, et c'est plus fort qu'une simple directive d'un patron ou d'une loi. C'est... profond, c'est comme inéluctable. Comme un serment inviolable. Et tant qu'il restera mon alpha, ça me sera difficile de ne pas lui obéir. Mais si je deviens alpha, ou si je quitte la meute... je pourrai m'en défaire. » Il a donc des solutions pour détourner cet ordre… Je sens mes doigts serrer la couverture, alors que je stresse à nouveau. Allez demander à un suicidaire de ne pas se suicider même pas 24 heures après sa tentative. C'est de la folie. Toutefois, je ne peux m'empêcher de lui demander, en chuchotant : « Tu comptes t'en défaire…? » « Je... je compte pas défier le prince, ni quitter la meute Emy. Même si ça serait ce que je veux de plus facile. » D'un côté, je suis contente et rassurée qu'il respecte déjà notre pacte à peine mis en place. De l'autre, ça me brise le cœur de le voir pleurer. Je ne l'ai jamais vu pleurer. Je tends la main pour essuyer ses larmes, avant de me ressaisir. Non, Emy. Il n'aime pas qu'on le touche. Laisse-le tranquille.

A la place, j'essaie une plaisanterie. Pour essayer de détendre l'atmosphère. « Rappelle-moi d'envoyer au prince des chocolats de remerciement. » Même Jared sourit. Ok, il n'est pas totalement imperméable à mon sens de l'humour, et ça me rassure. Mais je reprends mon sérieux, pour essayer de l'aider. Après tout, je lui devais bien ça, non ? « Je ne suis pas un loup. Je ne partage pas les mêmes croyances que toi. Il y a des liens que je ne comprends pas, même si je les respecte. Alors... Pourquoi ne pas en parler à quelqu'un qui pourrait comprendre ? Les Iceni avaient l'air super inaccessibles à ta cérémonie pour devenir Duc. Mais ils ont l'air d'être là pour toi. Et ce sont des loups, eux. » « Quelqu'un qui pourrait comprendre quoi ? Mon envie de... Je sais pas si ça dépend de la nature d'une personne, Emy t'as pas un gêne de loup en toi, mais je te reconnais comme ma soeur. Y'a personne qui puisse m'aider. Mais je veux bien cette fois essayer de vous croire. C'est tout ce que j'ai à offrir, pour le moment. » Je levais les yeux au ciel, sans même me retenir. Je pouvais comprendre ce qu'il pensait. Disons que je ne comprenais pas parce que je ne vivais pas ce qu'il vivait, mais j'avais la logique de pensée. Il était dans un tel gouffre sans fond, il avait l'impression que rien ni personne ne pouvait l'aider. Il avait eu envie de tout abandonner, de tout laisser derrière lui, y compris les personnes qui lui était cher. Bien sûr qu'on ne pouvait comprendre ce qu'il y avait dans sa tête. Et je ne pouvais pas lui en vouloir d'avoir voulu tout abandonner. D'une certaine manière, j'avais ressenti la même chose, quand je m'étais enfermée dans ma chambre pendant deux semaines pour ne voir personne. C'était trop dur. J'avais abandonné.

Donc ouais, je comprenais la logique, mais jamais je ne lui laisserai dire qu'il n'y avait rien à essayer. Parce que c'est ce qu'il sous-entendait, n'est-ce pas ? Il n'allait pas essayer pour lui. Il allait essayer pour nous, et ça n'allait pas marcher. « Si Clary ne dormait pas dans tes bras, je t'aurai donné un coup de coussin. » Le coussin, mon arme de destruction préférée. Je ne comptais plus le nombre de fois que je l'avais utilisé contre mes frères et soeurs de sang, contre mon frère de cœur. Même contre Thomas. Mais la pauvre Clary, je n'allais pas lui imposer ça. Elle était le bouclier de Jared. Et ce dernier semblait en avoir conscience, vu la manière dont il la serrait contre lui. « Tu sais très bien que t'aurai finis avec ce même coussin sur le visage, aplatie entre lui et le matelas. » Il sourit, et je lui rendis son sourire. C'est vrai que je n'avais jamais gagné aucune de nos bagarres physiques, quand il avait décidé de rétorquer. Fichus gênes de loup à la con qui l'avantageait. Mais là n'était pas le sujet. Le sujet était lui. « Essaie, avant de dire que ça ne marche pas. Va t'entraîner avec Bleddyn, laisse Louve s'occuper de toi, va prier tes dieux, frappe ton père, embrasse Clary, parle-moi... Accepte-nous. Fais nous confiance. Même si on ne comprend pas, on est là pour toi. Tu as vu tout ce monde autour de ton lit en 24 heures ? Tu as vu pour qui tu comptes le plus ? Laisse nous t'aider à trouver des solutions. » Il fallait qu'il comprenne qu'il n'était pas seul.

Jared prit le temps de réfléchir, une seconde. Avant de rétorquer : « Qui te dit que je ne l'ai pas déjà embrassé ? » Je savais très bien qu'il ne l'avait pas fait. Instinct de meilleure amie ? De sœur de cœur ? J'haussais un sourcil. « Je sais toujours tout, tu devrais le savoir avec le temps.. » « J'ai peur de lui faire plus de mal que de bien. » J'ouvre la bouche pour lancer une vacherie sur sa manière d'embrasser, mais il me coupa de suite. « Et me lance pas une vanne, je parle pas de mon baiser Evans, je dis juste que je me dis qu'elle mérite un autre gars. » Je referme la bouche, boudeuse. Depuis quand il coupait mes vannes, lui ? Mais, très bien. A défaut de vannes, autant lui dire la vérité en face. « Tu es vraiment un idiot, Parkinson. Pourquoi elle mériterait un autre gars alors que c'est clairement toi qu'elle veut ? Laissez-vous une chance. Je t'aiderai à devenir un gars bien, pour que vous m'offriez de magnifiques louveteaux roux qui m'appelleront tata Emy. » Ma voix se gagatise légèrement sur les derniers mots, mais c'est juste histoire de l'embêter. A défaut de ne plus être tactile, j'allais continuer mes vannes de merde, jusqu'à ce qu'il décide de me pousser définitivement de sa vie. Parce que je comptais bien m'accrocher à toi, Parkinson. « Un gars bien ? Faudrait déjà que tu te documentes pour toi alors avant de m'apprendre. T'es clairement la plus dérangé de nous deux. T'as vu avec qui tu sors ? » Face à ses mots, j'ouvris grand la bouche, l'air choquée, une main sur le cœur, avec la mine la plus dramatique que je pouvais avoir ; pour faire mine d'avoir été touchée par ses mots. Mais ça avait toujours été comme ça, entre nous. Un amour vache. Fraternel.

« Tu me diras si je déconne ? J'ai déconné avec Victoria, pourtant… » Ça, je ne pouvais pas lui retirer, soyons honnête. Mais au moins, il avait l'air d'en avoir conscience, et c'était un grand pas pour arrêter d'être un connard avec les filles, et d'être un gars bien pour Clary. « J'aurai pas de gosses, je suis pas sûr qu'elle en veuille, avec mes gênes... et je suis même pas sûr qu'elle me voit vraiment comme ça de toute façon. Je... je l'ai même pas encore embrassé. » Je pouvais comprendre qu'il ne voulait pas d'enfant. De toute façon, c'était son choix, pas le mien. Jamais je n'allais lui sortir les arguments débiles et moyenâgeux pour leur descendance. Mais si je voulais l'emmerder avec ça, il fallait au moins que je l'aide avec son couple avec Clary. Je posais la main sur le matelas, prête à lui faire une promesse. En temps normal, je l'aurais posé sur son bras, mais nouvelles résolutions, hein… « Je te promets de te dire si tu déconnes. Et si tu déconnes, je te promets de tout faire pour t'aider à la reconquérir. » Je lui souris, pour lui montrer à quel point j'étais sérieuse. « Donnes une chance à votre couple. »

Une nouvelle fois, Jared ne réponds pas. Je ne sais pas vraiment ce qu'il en pense. Il n'a jamais été du genre à s'épancher. Alors, je continue sur ma lancée. « De toute façon, il y a un village sorcier, pas loin, non ? Au pire, je vais le visiter demain et t'en profite pour la pécho ! Embrasse-là ! Avec la langue. Et tu me racontera tout. » En taquinant Jared, j'aimerai faire quelque chose. Retrouver notre amitié. Je ne dis pas qu'il faut que tout redevienne comme avant. De toute façon, je ne veux pas que ça redevienne comme avant. Avant, c'est ce qui a bousillé Jared. Maintenant, il faut avancer, trouver de nouvelles choses. Mais j'espère lui donner des repères en reprenant mon côté un peu chieuse, avec le plaisir de l'emmerder. « Aaaarrg Emy, t'abuses, arrête ! J'veux plus rien entendre, mes oreilles vont fondre ! Va dormir va ! » Et ça marche, je le vois retenir un rire tout en râlant. Je lui souris, même si je ne veux pas dormir. « Pourquoi dormir, alors que c'est bien plus drôle de te forcer à entendre des choses qui te dégoûtes. » Plus que pour le plaisir de l'emmerder, je ne veux pas dormir, pour veiller sur lui. Il n'y a personne ici, hormis Clary et moi. Et si on dort toutes les deux, qu'est-ce qu'il pourrait faire, hein ? Je n'ose même pas l'imaginer. « Sérieusement Emy, il faut que tu dormes. Je te promets que je serai là à ton réveil. Je ne bougerai pas. » Moi aussi, je redeviens sérieuse. Et effrayée. « Je sais qu'on a fait un pacte et tout, mais… Donne-moi une vraie bonne raison de croire que tu ne bougeras pas. » D'habitude, j'ai une confiance aveugle en lui. Je lui ai déjà confié ma santé, tellement de fois ; je pourrais lui confier ma vie, au besoin. Je le sais. Mais là, j'ai bien trop peur qu'il me mente pour m'embobiner. Jared sert Clary, chose que je remarque. « Je peux pas bouger de toute façon. Elle le sentirait, si ça peut te rassurer. Je vais dormir aussi, ce truc m’assomme encore. Je suis incapable de courir dans les couloirs ou même sortir du lit. Vraiment. Dort, je suis juste là. » Une nouvelle fois, je le regarde. Une nouvelle fois depuis qu'il est réveillé, je meurs d'envie de regarder dans son esprit, mais je me retiens.

A la place, je décide de lui faire confiance. De toute façon, mon corps ne va pas tenir demain si j'enchaîne une seconde nuit presque blanche, avec seulement une heure de sommeil. Je finis par me lever, et comme Clary dort contre Jared, je squatte son lit. J'espère qu'elle ne m'en voudra pas… Au pire, je changerai les draps demain matin. Je m'allonge, de telle sorte à être face à Jared. On se regarde, presque en chien de faïence. En temps normal, je lui aurais balancé, mais… Peut-être que ça fait beaucoup. Mais, pour une fois, c'est lui qui reprend la parole. « J'aimerai l'embrasser lors d'un truc spécial, pas ici alors que je... alors que j'ai voulu la quitter définitivement. » Qu'il me fasse une telle confidence réveille en moi plusieurs sentiments. D'abord, le soulagement, parce qu'il parle d'une chose qu'il aimerait qui arrive qui dans le futur. Ça veut dire qu'il y a encore un espoir. Mais également, ça me touche qu'il me fasse suffisamment confiance pour me parler de ses histoires de cœur. Il ne l'avait jamais fait, et au fond, moi non plus. Avec Oscar, j'étais jeune : avec Harry, nous nous cachions. Avec Thomas… Bon, difficile de parler de ça avec lui. Est-ce que c'était encore une étape de notre amitié que nous franchissions ? C'était ça que je voulais, en disant que je ne voulais pas que les choses redeviennent comme avant. Il savait que j'étais là pour lui, mais là, j'aimerai qu'il comprenne que cela le sera toujours, et dans toutes les situations. Je ne te lâche pas, Jared, comme je n'ai pas lâché Thomas quand j'ai découvert son dos. Ces deux émotions, plutôt positives, détendent mon corps, et je ne peux m'empêcher de retenir un bâillement. « C'est encore Beltaine, demain… La fête du renouveau.. Plutôt symbolique, comme premier baiser, non ? Il faudrait juste trouver un lieu… » Incapable de plus parler, à cause de la fatigue, je me contente de me me mettre en position foetale, sans le quitter des yeux. Et on se regarde, jusqu'à ce que je m'endorme.

Jeudi 2 mai 2002

Ce sont des voix, qui me tirent du sommeil. J'entends Jared et Clary parler à voix basse. Je ne comprends pas tout ce qu'ils disent, jusqu'à ce que je me réveille totalement. J'entends seulement mon meilleur ami dire : « Dis-leur que je dors, qu'elles repassent un peu plus tard. Je suis pas encore prêt. » Je me concentre encore un peu, pour entendre du bruit derrière la porte. Avec toutes ces informations, je ne peux supposer qu'une chose : les soeurs de Jared sont à l'origine du bordel, et il ne veut pas encore les voir. Pourquoi il ne veut pas les voir ? Alors que Clary se lève, moi, je me redresse pour le regarder. Jared me souris, et je lui rends, mais je reste inquiète. Pourquoi il ne veut pas voir ses soeurs ? Est-ce que avec la nuit qui est passée, il s'est rendu compte qu'il ne voulait plus respecter le pacte ? Que tous les pas en avant qu'il avait fait, ça ne servait à rien ? Retournerait-il en arrière ? Est-ce qu'un jour, surtout, je n'aurai plus à m'inquiéter pour lui, me dire qu'il va mieux ? Réellement mieux ? Je me lève du lit pour me rapprocher pour lui demander si il a bien dormi. Je meurs d'envie de jouer avec ses cheveux en bataille, comme j'avais l'habitude de faire, juste pour le plaisir de le voir lever les yeux au ciel. Là, mes mains restent sagement le long de mon dos.

Quand Clary revient dans la pièce, je lui souris, comme pour la remercier d'avoir demander aux soeurs de Jared de partir. Je me doutais bien que ça ne devait pas être très drôle à faire, mais au moins, elle a respecté sa volonté. Et même moi, je lui étais reconnaissante de cela. Pourtant, au même moment, ça toque à la porte qui s'ouvre. Une Irlandaise rentre, avec un plateau, pendant que deux autres serviteurs installent une table. Elle pose les différents mets dessus, et mes yeux s'écarquillent. Il y a tellement de trucs, tellement de choix pour nous trois… La quantité et la beauté me rappelle les banquets de Poudlard, même si il y a quelques assiettes qui ne me rappellent rien en terme de nourriture. Des plats irlandais, peut-être ? Après nous avoir souhaité bon appétit de la part de sa Majesté Louve Iceni, ils nous laissent seuls. « Je vous laisse commencer, je vais me doucher. » Je me tourne vers Jared, qui se redresse de son lit. Lentement, précautionneusement, presque douloureusement, il commença à poser ses pieds à terre pour se mettre debout. Il s'aide du matelas, et quand je le vois fermer les yeux, je comprends que c'est un effort pour lui. « Tu as besoin d'aide pour aller à la salle de bain ? » Je lui demande en me rapprochant, mais je ne le touche toujours pas. Je ne veux pas le forcer, je veux son consentement. Je ne veux pas refaire les mêmes erreurs. « C'est bon, c'est bon, ça va aller. Mon corps doit juste s'habituer à la verticalité. C'est important que j'y arrive seul. » N'importe quoi.

Je sais très bien que même si c'est important qu'il marche, qu'il se remette debout, ce n'est pas important que ce soit seul ou non pour les premiers pas. Mais c'est Jared, c'est une vraie tête de mule et jamais il ne demande de l'aide. Alors, je ne dis rien, je me contente de jeter un regard entendu à Clary. Je ne sais pas ce qu'elle en pense, mais je suis pas sûre qu'elle soit, elle aussi, très fan de l'idée. Quel idiot ! Du coup, je le regarde enlever sa perfusion, et marcher petit à petit jusqu'à la salle de bain. Il prend du temps, mais au moins, il ne tombe pas. Il a prit en muscle, et donc, en poids ; en n'étant pas une créature, je ne pourrais pas l'aider à se relever si il tombait. Jared pose sa main sur la poignée de porte, et j'ai un flash. Il va aller se laver, seul, dans une pièce où il peut fermer à clé. Il peut faire ce qu'il veut, essayer de se foutre en l'air à nouveau, sans que nous soyons dans l'incapacité de l'aider. « Jared ! » Je l'interpelle quand il est dans la pièce, sans avoir fermé la porte. « Tu peux… Tu peux ne pas verrouiller, s'il te plaît ? » Je le sens se figer, alors que mon cœur bat la chamade. Je le fixe, jusqu'à ce qu'il hoche la tête. C'est déjà mieux que rien… Il ne ferme même pas totalement la porte, et ce geste me touche. Comme si il voulait nous montrer qu'il nous faisait confiance.

Je me rassois, et je jette de temps en temps des coups d'oeil à Clary. Je sais qu'elle s'inquiète, elle aussi. On attend silencieusement, tendues, de le revoir apparaître. En fait, on a besoin de garder un oeil sur lui. De savoir qu'il est toujours là, parmi nous. Au bout d'un moment, Clary finit par aller toquer à la porte pour demander si tout allait bien. C'est vrai qu'il prenait beaucoup de temps… Je retins mon souffle, jusqu'à ce que j'entende sa voix. « Tout va bien oui. Je suis encore sous la douche. J'ai bientôt finit. » Je souris à Clary, un peu tristement. Je me rendais compte à quel point en une seconde, toute notre vie était basculée. En une seconde, j'avais trouvé Jared. En une seconde, Clary avait apprit sa tentative de suicide. Une seconde, qui changeait tout. Qu'on aurait peur pendant des semaines, des mois, voir des années. Je me tourne vers Jared quand il rentre dans la chambre. Je ne dis rien. Je ne sais pas quoi dire. Je me contente de le regarder se diriger vers le lit pour qu'il termine de s'habiller. Ça toqua à la porte, et avant même qu'on eut le temps de réagir, un homme entra dans la pièce.

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. 2d259ec39d4122fff217137e337c5cae

« Bonjour, Mesdemoiselles, Monsieur Parkinson. Je me présente, Aslinn McCarthy, je suis psychomage à la cour. » Je lève un sourcil, en le regardant. Jared était bien la dernière personne que j'imaginais quand on me parlait de psychomagie. J'avais rien contre la discipline, mais… Jared, suivi par un psychomage ? On dirait le début d'une bonne blague. « Je vous pries de nous excuser, Jared et moi avons à parler, mais dans mon bureau. Je vous l'enlève une petite heure. Jared, si vous voulez bien vous asseoir ? » Il montre le fauteuil roulant qu'il est en train de pousser. De ma place, je vois Jared déjà très dubitative. « Je n'ai pas envie, je n'ai pas besoin de parler. » « Dis celui qui vient d'avaler la potion la plus mortelle au monde et risquer la vie de quelqu'un en le faisant. » Oh, bordel de merde. Je me sens blanchir pour lui face à un tel propos. Le psychomage était pas censé être quelqu'un de doux, de sympa, à l'écoute ? Je n'ose même plus regarder Jared. J'aimerai ne pas être ici, au moins par respect pour lui. J'ai l'impression d'envahir son intimité. « Vous préférez que nous parlions ici ? Soit. » Impossible que les créatures ici n'entendent pas mon cœur, tellement il bat vite. Trop vite. Je croise furtivement le regard de Jared, et ce dernier finit par se lever pour se diriger vers le fauteuil. Aussi lentement que pour aller à la salle de bain. Le psychomage sourit. « Plus dur cet aconit là que celui que vous avez l'habitude de fumer ? Asseyiez vous, je vous en prie, inutile de vous infliger cela. » Fumer ? Comment ça, fumer ? Jared fumait de l'aconit avant ? Même moi, je sais que l'autre nom de l'aconite est la plante tue-loup. Elle ne peut pas être bonne pour Jared, n'est-ce pas ? Pourquoi il fume ça ? J'avais finalement l'impression de ne pas le connaître du tout. Est-ce qu'il était réellement mon meilleur ami ? Je savais qu'il le pensait, mais est-ce que j'étais vraiment à la hauteur, si je ne le connaissais pas ?

Jared finit par le dépasser, avant de de sortir de la pièce. « Bien. Mesdemoiselles, je vous le ramène en un seul morceau. Et n'ayez crainte pour moi. » « Trop tard. » Je ne peux m'empêcher de marmonner, mais vraiment, je commence à flipper pour lui. Pour le psy, j'entends. Pas physiquement, mais je sais que Jared peut être très désagréable. Le psy et Jared finissent par sortir de la pièce, et je me retrouve seule avec Clary. Je n'ai pas très envie de manger, et Clary non plus. « Tu veux aller te balader ? » Je me tourne vers elle. Je me dis que Jared est d'entre de bonnes mains pendant une heure, il vaudrait mieux qu'on en profite pour essayer de se détendre un peu. De prendre l'air. Il faut qu'on se repose, si on veut pouvoir s'occuper de lui. « Il paraît que le village d'à côté est très sympa… » A l'instar de Poudlard, aux alentours du palais se trouve un village entièrement sorcier, nommé Sráidbhaile na Banríona. Je serai incapable de le prononcer, mais je connais le nom.

Heureusement, Clary accepte. On s'habille, je vais dans la salle de bain pour qu'elle n'ait pas à marcher jusqu'à là-bas et qu'elle économise ses forces. Elle parvient toutefois à aller jusqu'aux espaces de transplanage. Ce palais est super grand, et on aurait pu se perdre si on n'avait pas demandé notre chemin à un serviteur qui traînait dans le coin. Je décide de transplaner et elle prend mon bras. Comme ça, elle ne fait pas trop d'effort. On arrive dans l'air de transplanage du village, et on commence à se balader. Calme, vide, les boutiques fermées, on comprend rapidement que c'est à cause de Beltaine. Tous les commerçants et habitants sont allés au palais. Mais comme ça, on profite des rues pavées, des bâtiments historiques et de tout les écriteaux irlandais. je voit bien Clary très curieuse. Ça doit être son côté historienne, ça… Mais quand elle manque de tomber, fatiguée, je prends son bras sur mes épaules pour la conduire jusqu'à un banc. Elle n'est pas aussi atteinte que Jared comme elle n'a pas les restes de poison, mais elle reste épuisée de cette épreuve. Pensive, je finis par briser le silence en lui demandant : « Est-ce que tu es amoureuse de Jared ? » Je sais, je sais, je pose la question très abruptement. On pourrait presque croire que je suis jalouse et que je me mêle de ce qui ne me regarde pas (ce qui est sûrement le cas)  quand je me dépêche de me justifier : « Je ne veux pas passer pour la meilleure amie jalouse ou celle qui surveille les fréquentations de Jared ! Disons que je suis… Curieuse. » Et puis, disons que je lui rends service. A Jared. Je me renseigne sur les sentiments de Clary pour le rassurer, c'est le rôle d'une meilleure amie, c'est-ce pas ? Ou alors, ce sont mes plaisirs adolescents qui remontent. Vivre une histoire d'amour par procuration… C'est plutôt drôle. Peut-être qu'on a besoin de légèreté.

Clary embraya sur mes propres histoires d'amour. « Thomas et moi, c'est… C'est compliqué. On s'aime, mais on a un passé compliqué. » Je me tournais vers elle. « Je ne sais pas si Jared te l'a dit, mais Thomas est notre ancien bourreau commun de Poudlard. Il nous a fait des choses… Jared ne lui a jamais pardonné. » Et je ne lui demandais pas de lui pardonner, il le savait. De toute façon, Clary avait été au chalet. Dans le laser game. Elle avait vu comment Jared avait réagi envers Thomas, comment il s'était emporté. « Il a battu physiquement Jared tellement de fois…. Il ne m'a jamais donné de détails, sauf pour la cicatrice au-dessus de son oeil. Un sortilège de magie noire. » Je ne sais pas si Jared apprécierait que je raconte tout ça à Clarissa. Mais, quelque part, je me disais qu'il fallait agir. Faire quelque chose. Elle devait savoir, pour aider. Même le strict minimum. Je lui raconte vaguement l'histoire de Thomas, mais elle semble aussi curieuse de la mienne. Ou alors, elle veut juste me prêter une oreille attentive ? « Moi, je… Il ne m'a jamais touchée. Absolument jamais. Mais bon… Il a volé ma baguette un nombre incalculable de fois, il a déchiré voir brûlé mes devoirs le jour des rendus, il a fait explosé mes potions, il a détruit les romans qu'il me piquait, sans compter les nombreuses insultes et sous-entendus dans les couloirs comme quoi je n'avais pas ma place dans le monde des sorciers… » C'était assez bizarre de parler de mon copain comme ça, au fond. Personne ne pouvait se douter que je parlais de mon petit ami en ces termes.

Et pourtant, c'était le cas. J'étais tombée amoureuse de mon bourreau. Peu de monde n'arrivait à le comprendre, et je n'étais pas sûre de comprendre exactement moi-même. Après-coup, oui. Mais je ne comprenais toujours pas qu'est-ce qui m'avait poussée à lui faire confiance au premier abord. « Ce qui a changé, c'est… Pfiou, je ne saurais même pas quoi dire, exactement. Il a… Il a montré qu'il pouvait être digne de confiance. Il a sauvé ma vie deux fois. Il apprend à voir au-delà de mon sang. » Je lâchais un rire. « Bon, soyons honnêtes, il a encore du mal avec les créatures. Mais j'y travaille. » Je n'étais pas sûre de vouloir donner plus de détails que cela sur mon couple. Déjà, parce que nous étions là pour Jared. Mais surtout, je n'étais pas encore bien sûre la relation que j'avais avec Clary. Elle semblait un peu moins jalouse qu'au chalet, mais est-ce qu'on était amie ? Vaste question à laquelle je n'avais pas de réponse. Alors, à la place, je regardais ma montre. « L'heure est bientôt écoulée. On retourne au palais ? » Un second rire m'échappa. « C'est tellement étrange de dire ça… » C'était ça, la vie de Jared, depuis qu'il était petit ? Ce sera ça, le restant de sa vie, si il continuait d'être soldat ? En attendant, je me levais du lit, et je tendis le bras à Clary. Pour lui offrir un soutien, jusqu'à la zone de transplanage.

Une nouvelle fois, on marcha en silence. Mes pensées s'étaient tournées vers Jared, et je supposais que elle aussi. Comment on allait le retrouver ? Arrivées au palais, je commençais à me sentir légèrement inquiète. Je continuais de tenir Clary jusqu'aux appartements. Et l'angoisse prit la place de l'anxiété quand on se rendit compte qu'ils étaient vides. J'aidais la rousse à s'asseoir, alors qu'une question tournait en boucle dans mon esprit : où était-il ? Et quand il revint (enfin) dans la chambre, mon rythme cardiaque ne se calmait pas. Pourquoi il était assis dans le fauteuil, lui qui refusait tout aide ? Qu'est-ce qu'il avait bien pu se passer ? « Mesdemoiselles, je vous le confis. Bonne journée. A demain Jared. » Je vis mon ami lever les yeux au ciel, et quelque part, ça me rassura. D'habitude, ce genre de regard m'était réservé. « A demain. » Le psy sourit, et sort de la pièce. Une fois la porte fermée, un silence pas très confortable s'installe. On fixe toutes les deux Jared, qui nous regarde également. Personne ne sait quoi dire. Je n'ose même pas lui demander comment il va, comment s'est passé le rendez-vous. Je ne sais pas quoi faire, pas quoi dire. « Je veux bien... » Clary se lève, et moi, je me redresse. Demande n'importe quoi, Jared. Pour qu'on puisse te montrer que nous sommes là pour toi. « Je veux bien qu'on me mette le frein à ce chariot de merde pour aller boire. » Pendant que Clary se tourne vers la table, moi, je me dépêche de me diriger vers son fauteuil pour mettre le frein. Je galère un peu avant de trouver, sans me pincer les doigts. Quand je me redresse, il a déjà terminé son verre d'eau, que Clary repose sur la table.

Jared se lève. Comme je suis juste à côté de lui, je commence à me tourner vers lui pour l'aider, comme je l'avais fais avec la jeune femme dans le village sorcier. Pour lui offrir un appui. Mais je me rappelle que Jared n'aime pas être touché. Je me rappelle ma promesse faite à moi-même, celle de ne pas le repousser dans ses retranchements. Alors je me fige, et je ne bouge plus. Je le regarde rejoindre Clary, avant de détourner les yeux. Ok, depuis hier soir, je rêve de les voir ensemble, alors, j'essaie de ne pas me montrer trop… Intrusive, dans leur relation. Mais quand j'entends le bruit du lit, je me retourne, pour voir Jared sur le matelas, pâle. Fatigué. Faible. Je déteste le voir comme ça. Quand est-ce qu'il ira mieux ? Physiquement ? Même contre Thomas, il n'a jamais eu cette tête. « Vous ne voulez pas sortir un peu ? Profiter de Beltaine ? J'ai vu le feu dehors, c'est quelque chose à voir, vraiment. » Je jette un oeil à Clary. Elle comme moi, on pense la même chose, et ça se voit. On ne veut pas le laisser seul. « On est déjà allée voir le village sorcier d'à côté. Ne me demande pas de redire le nom, j'en serai incapable. » C'était notre sortie pour prendre l'air, se changer les idées. Maintenant, on était là pour toi, pour s'occuper de toi. « Je ne vais pas... je ne vais pas recommencer là. Je vous le promets. Je peux rester seul, vous avez le droit de... de prendre soin de vous aussi. Je revois le psy demain, alors... » Je ne peux m'empêcher de hausser un sourcil. Alors quoi ? On n'avait pas besoin de prendre soin de toi ? « Enfin ce que je veux dire, c'est que vous avez le droit de me laisser pour aller manger un peu ou vous dégourdir les jambes. » Avant même que je ne réponde, Clary croise les bras pour lui dire que si elke doit manger, lui aussi. Je ne peux m'empêcher de sourire. Je l'apprécie de plus en plus, cette fille.
:copyright:️ Justayne

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One of would die for love
One of us would give it up
One of us would risk it all
One of us could say goodbye
One of us is hurting you
And baby that's the last thing that I wanna do

descriptionAlors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. EmptyRe: Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.

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Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. Avec Louve Iceni, Jared Parkinson et Clarissa McGregor « Ok, alors je viens avec vous. On essaye de pas se faire choper et on va voler des trucs sur le premier buffet qu'on croise. Emy, tu nous fais rouler ? » « Hein ? » Oui, je suis longue à la détente. Mais je comprends tout de suite quand Jared se lève pour retourner dans le fauteuil. Juste en voyant ça, je sens mon cœur se gonfler d'espoir. Il s'est installé volontairement dans le fauteuil. Il n'essaie pas de nous faire croire qu'il peut y arriver. Il requiert mon aide. Et quand il tapote ses genoux en regardant Clarissa, mon sourire s'élargit. Même si elle hésite. « Alleeeeer, Clary, on t'attend… » Je la taquine, alors que Jared la fait basculer doucement sur ses jambes. Il positionne ses bras pour ne pas la faire tomber, et je ne peux m'empêcher de les trouver adorables. A quel moment je vais pouvoir les taquiner à voix haute, hein ? « Si on croise ses Altesses, je compte sur vous pour dire que cette idée vient de vous ! » « Ne t'inquiète pas, j'en fais mon affaire ! » Je déclare, plutôt guillerette, en me plaçant derrière le fauteuil pour commencer à le pousser.

Je suis tellement incapable de me retrouver dans ce palais bien trop grand que Jared doit me guider. D'abord, quitter l'aile privée. Traverser les halls et couloirs pour se retrouver dans les jardins. Traverser tous les jardins pour se rapprocher du temple, où se déroule les festivités. Le soleil est haut en cet après-midi, et ça fait du bien de sentir ses rayons sur mon visage. La fête est gigantesque : il y a des petits feux qui brûlent partout, alors que qu'un immense bûcher se met en place. Il fait au moins deux mètres de haut, cinq de large ; des enfants s'amusent à mettre des bûches pendant que des adolescentes y jettent des photos déchirées. Jared nous explique que ce feu sera allumé le 3 mai au soir, quand la nuit sera tombée. Pendant trois jours, les Irlandais y mettent des choses qui représentent des mauvais souvenirs, pour les effacer, comme une sorte de renouveau. C'est ce feu-là que la Grande Prêtresse bénit. On y voit également des sortes de baraques en bois. Ça peut être des stands de nourriture, de boissons, pour acheter sur place ou alors des produits irlandais comme du thé en vrac, des herbes pour la cuisine ; il y a aussi des vente de bijoux artisanaux, des peluches, des livres, des poteries… Tous les commerçants du village sont réunis ici. Ça permet de faire une sorte de pub, apparemment. Enfin, sur une estrade en bois, des musiciens jouent un air joyeux. Autour de moi, ça discute, ça rit, ça danse. Des enfants courent partout en jouant. « J'ai pas de monnaie pour la nourriture. » Jared explique que les buffets gratuits sont dressés le soir, quand les baraques de nourriture ferment. Super, mais hors de question d'attendre jusqu'à ce soir pour nourrir mon futur couple préféré.

En observant la foule, tout en continuant de pousser le fauteuil roulant, je vois de loin la famille royale, dispersée partout. Le roi et la reine qui discute avec des nobles, la princesse Louve accroupie à la hauteur d'enfants en leur montrant un peu de magie, le prince Bleddyn qui rit avec de jeunes adolescents et celle que Jared m'avait montré comme étant sa tante quand il est devenu Duc, et la princesse Accalia avec a grand-mère, la Grande Prêtresse actuelle. Aucun d'entre eux ne nous ont vus. Mais celui qui nous a vu, c'est Amadeus, le père de Jared, qui tient une assiette de nourriture à la main. Et je sais que ce dernier l'a vu également. Ça se voit à la manière dont ses épaules se sont crispées. « Vous me faites confiance ? » Quand je pose cette question, Jared sait que j'ai une idée. Et ça tombe bien, j'en ai une. D'habitude, il ne les approuve jamais, parce qu'il adore râler contre moi, mais là, il n'a pas le choix. Je nous enfonce dans la foule pour que son père nous perde du regard, avant de changer de direction, et de les poser entre deux stands, un peu plus à l'abri des regards. « Je reviens tout de suite, ne roulez pas sans moi ! » Je leur souris, avant de me diriger droit vers le père de Jared. Je sais que Amadeus ne les voit pas, mais eux peuvent nous voir. Peut-être même nous entendre, avec leur super ouïe de créature. « Bonjour, monsieur Parkinson. » « Duc Parkinson. » Oh bordel, il était aussi aimable que Jared quand je le réveillais le matin sans aucune raison. Je ne me laissais pas faire, et j'offrais mon sourire le plus craquant de jeune fille bien élevée. Par exemple, celui que j'avais offert à mon père quand il a découvert que j'avais ramené Thomas chez eux pour mon anniversaire. « Duc Parkinson, je sais que vous aviez trèèès envie de voir votre fils Jared. Je l'ai garé par là… » Je montrais la direction opposée d'où ils se trouvaient réellement. « … il est en train de parler avec l'un des soldats de l'armée. Mais je pense que vous pouvez aller le voir, tous les Iceni semblent avoir le dos tourné. » Il me jeta un regard suspicieux. Tu m'étonnes, ça faisait une dizaine d'années que j'étais amie avec Jared, et je ne lui avais jamais parlé. Pour parfaire ma couverture, je lui disais que j'allais me chercher à manger et je tournais les talons. Mais quand j'entendis qu'il se dirigeait vers la direction que je lui avais indiquée, j'en profitais pour voler son assiette remplie, et je retournais voir Jared et Clary.

« Et voilà, missions accomplie, de la nourriture gratuite sans attendre les buffets gratuits ! » Je donnais une brochette à Jared, une autre à Clary, et je m'assise dans l'herbe avec l'assiette. Je ne comptais pas tout manger toute seule, mais disons que je préférais leur donner petit à petit pour que leurs mains soient occupées à se tenir, plutôt que de tenir l'assiette. T'as vu comme je t'arrange le coup, Jared ? « De toute façon, ton père te doit bien plus qu'une assiette de viande volée. Il n'a qu'à se plaindre à la reine ! » Enfin, je plaisantais, mais si il le faisait vraiment, quest-ce qui allait m'arriver ? Est-ce qu'il y avait des cachots, dans ce palais ? Au moment où je me faisais cette réflexion, je vis la princesse héritière vers nous. « Je vois que vous êtes sortis prendre l'air et profiter de la fête… » Je me levais pour ne plus être assise par terre, et je jetais un oeil à Jared et Clary. « Euh, oui, c'était mon idée. Même si Jared est un loup-garou, je suis beaucoup plus forte que lui, alors je l'ai poussé dans le fauteuil, et Clary nous a rejoint… » Elle posa un regard amusé sur le petit futur couple. Elle était loin de ressembler à quelqu'un qui venait nous engueuler. Au contraire, elle avait l'air plutôt… Fière ? « Je viens de croiser le duc Amadeus Parkinson. Il semblait plutôt furieux de voir qu'on s'était joué de lui… » Elle jeta un oeil sur l'assiette, toujours au sol. « Et je crois comprendre pourquoi. » Oh, c'était le moment où j'allais finir au cachot, c'était ça ? Ou alors, j'allais garder ma liberté ? Après tout, elle n'avait pas l'air fâchée. « J'avoue, que là c'était réellement mon idée… » « Une assiette ne suffira pas pour vous trois. Venez avec moi, miss Evans, je vais aller vous chercher quelque chose. Ne vous inquiétez pas, Jared, votre père ne s'approchera pas de vous. Je ne lui ai toujours pas donné mon autorisation. » Je me dépêchais de donner l'assiette à Clary pour qu'ils puissent continuer de manger sans moi, et je suivis la princesse. Je me tournais pour marcher à reculons, le temps de faire un clin d'oeil très suggestif à Jared. Un clin d'oeil du type "vas-y, pécho-la mec !".

Quand on se retrouva au milieu de la foule, la princesse se tourna vers moi. « Comment va-t-il ? » J'haussais les épaules, pas très sûre de la réponse. « Un psy est venu le voir. » « Oui, sur ordre de mon frère, et je ne peux que l'approuver. Je connais Aslinn, il sera très bien pour Jared. » Je ne répondis pas tout de suite, le temps de réunir mes pensées. Il avait l'air de profiter de l'air frais, mais qui nous disait que ça continuerait comme ça ? Peut-être qu'il jouait la comédie, qu'il attendait qu'on baisse notre garde. Il nous avait rien dit sur son rendez-vous, mais peut-être que ce serait efficace si il le voyait tous les jours ? Je l'espérais. En attendant, je me demandais combien de temps il resterait en Irlande. Et après l'Irlande ? Il fallait que je parle à Clary d'une garde partagée entre elle, ses soeurs et moi, pour qu'il en soit jamais seul. Je ne voulais pas le savoir seul. « Heureusement que vous êtes là. J'aimerai être plus présente pour lui, mais… » Elle soupira, et je lui souris doucement. « Vous avez beaucoup de choses à faire, Altesse. Votre Majesté. » Je n'étais pas bien sûre de savoir comment on devait appeler une princesse, mais elle semblait ne pas se soucier de ma manière de l'interpeller. « Vous êtes en étude en plus de gérer votre royaume, et Jared m'a dit que vous meniez des recherches historiques pour légitimer votre relation avec votre copain. » Elle sourit légèrement. Cela faisait quelques mois que les journaux avaient clamé qu'elle avait rompu avec son fiancé, parce qu'elle sortait avec un autre. Tant mieux pour elle, si elle était heureuse comme ça… La princesse s'arrêta devant les stands, songeuse. « J'aimerai tout de même lui offrir quelque chose. Lui donner quelque chose de physique pour lui montrer que nous serons toujours là pour lui. » J'hochais la tête. Je n'étais pas psy, mais cela me semblait être une bonne idée. On regarda quelques stands, et je devais bien avouer qu'en plus d'être fascinée des produits exposés, j'étais fascinée par l'aura qu'elle dégageait. Elle se faisait régulièrement arrêtée par des enfants pour embrasser ses mains ; par des nobles qui complimentaient sa tenue ou la fête ; par les marchands qui lui vantaient les produits.

« Que regardait-vous ? » Je me tournais vers elle, alors que j'étais immobile face à une boutique. Je lui montrais les peluches en forme de loups, en expliquant : « J'utilise souvent les expressions à base de loup, juste pour emmerder… pardon, pour embêter Jared. Les peluches me font penser à lui. » Il fallait que je retienne le nom de la boutique, pour revenir en Irlande lui offrir quand j'aurai récupéré ma bourse… Louve sourit, avant de l'acheter. « Attendez, je… Non, je comptais le faire… » « Ne vous inquiétez pas. C'est maintenant qu'il faut lui montrer qu'on pense à lui. » Elle tendit les pièces au marchand, avant d'acheter des herbes pour favoriser, apparemment, le sommeil et l'apaisement mental. « Que diriez-vous de les mettre dans la peluche ? On dort avec un doudou la nuit. » Elle sourit légèrement, avant de retourner au stand où nous avions acheté la peluche. Le vendeur découpa une couture, le temps de mettre les herbes dans le coton, avant de le refermer. « Excusez-moi… Et Clary ? On pourrait lui prendre quelque chose pour sa convalescence, non ? » Elle hocha la tête, et après plusieurs minutes de recherches, on trouva un magnifique album photo, avec une couverture en cuir, et des pages jaunies en papyrus. « Je vous jure que je vous rembourserai. » Promis-je quand elle tendit les pièces. « Ne vous inquiétez pas. Occupez-vous d'abord d'eux, mais également de vous. » On acheta également un grand saladier, pour mettre plein de nourriture qu'elle offrit également. On retourna voir les deux tourtereaux, et j'essayais de voir du coin de l'oeil si leurs lèvres étaient gonflées ou non.

« On a la nourriture ! Et la princesse vous a acheté des cadeaux… » Je tendis le premier sac à Clary, les yeux brillants. J'attendis qu'elle l'ouvre, pour lui expliquer ce que c'était : « On t'a prit un album photos ! Pour que tu mettes des photos de David, ou mieux, de l'Irlande, si tu reviens visiter… Ou de loups, si jamais tu en croises… Ou de médicomages, si jamais tu te balades dans Sainte-Mangouste… » Je jetais un regard amusé à Jared. Je savais que lui avait forcément toutes les allusions, mais elles étaient tellement évidentes que même Clary pouvait les saisir. Une façon de leur montrer qu'ils devaient se mettre ensemble, bordel ! Puis je tendis le sac à Jared. J'avais du mal à retenir mes gloussements quand il découvrit la peluche en forme de loup. « C'est ton portrait craché, non ? Je l'ai appelé Jaja ! » Cette fois, je ne parvins pas retenir l'hilarité qui me prenait en voyant sa tête -je suis sûre qu'il mourrait d'envie de me faire payer ça- et la princesse sourit, comme une mère qui veillait sur son enfant. « J'ai demandé à mettre dans le coton de la passiflore, de l'aubépine, de la valériane et de la ballote. Ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan, mais j'espère tout de même que cela aidera. » Je calmais mon rire pour tendre le saladier de nourriture à Clary, pour qu'elle se serve. « Je dois retourner prendre mon bain de foule. Je vous laisse profiter de Beltaine. Je vous demanderai juste de retourner au château avant le dîner, car les équipes médicales souhaiteraient vous examiner tous les deux, pour voir si vous êtes en bonne voie de guérison. Si vous souhaitez rejoindre la fête après, vous êtes les bienvenus ; sinon je vous ferai porter de la nourriture. » Jared et Clary la remercia, et je fis une révérence maladroite pour nous trois. Quand elle s'éloigna, les yeux brillants, je lançais : « Tu pourras emmener Jaja, si jamais les vilains docteurs te font peur ! » Je fus reprise d'un fou rire, et pour ne pas laisser tomber le saladier, je le redonnais à Clary.

On resta un moment dans notre coin, le temps de tout manger en discutant légèrement. Comme une sorte de parenthèse avant le retour à la réalité qu'était leur rendez-vous médical. Et comme nous avions encore un peu de temps, on fit le tour de la fête, pour que eux-même puissent admirer les stands que j'avais déjà regardés. Bon, ce n'était pas totalement neuf pour Jared, mais Clary découvrait tout, comme moi. De loin, je vis même le prince Bleddyn faire un signe de tête à Jared. Regarde Jared, regarde comme on t'aime tous. Avec un léger pincement au cœur, je commençais à reprendre le chemin du palais. C'était le retour à la réalité. Le retour à pourquoi nous étions réellement là. Les Médicomages attendaient Jared et Clary dans l'entrée du palais, et un serviteur me ramena pendant ce temps aux appartements, pour que je me perde pas. Sur le chemin, je ne pus m'empêcher de sourire, alors que j'avais volontairement laissé son doudou à Jared. Dans la chambre, je me demandais bien ce que j'allais faire. Je n'avais emmené aucune affaire personnelle… Je pris un livre dans la bibliothèque. Ils étaient tous en irlandais, mais tant pis, je pouvais au moins regarder les images, comme les enfants. Allongée dans le lit, j'essayais de m'occuper l'esprit, quand ça toqua à la porte. Le psy de Jared entra. « Pardon, mais Jared n'est pas là. Il est à l'infirmerie royale avec Clary. » « Pour tout dire Mademoiselle Evans, je ne venais pas voir Jared. Mais vous. Me permettez vous d'échanger un peu ? » « Moi ? » « Oui vous. » Je ne pus m'empêcher d'hausser un sourcil, avant d'hausser les épaules. Après tout, pourquoi pas, si ça pouvait aider Jared ? Parce qu'il était là pour ça, non ? « Okay... Pourquoi pas. » Je me redressais dans le lit pour être assise en tailleur, pendant que lui prenait position dans un fauteuil.

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Je me sentais un peu tendue, de le voir comme ça, face à moi. « Vous voulez parler de Jared ? » « Vous venez de vivre quelque chose de très troublant. Vous avez retrouvé votre ami, je n'imagine pas le choc que vous avez du avoir, en le pensant mort au pied de son lit. Comment vous sentez-vous aujourd'hui ? » Hein ? C'était de ça dont il voulait parler ? J'hésitais un instant, pas sûre de savoir quoi répondre. J'avais jamais dis que je voulais parler au psy, moi ! Comment ça marchait, un psy, en plus ? Je savais qu'il fallait parler, mais… Fallait être volontaire, non ? Mais bon, il avait l'air plutôt à l'écouter, alors.. J'arrêtais de le fixer. Je ne voulais pas voir son regard sur moi, c'était trop bizarre. Et ça me gênait pour répondre honnêtement. « Mal ? Soulagée ? Inquiète ? Détendue de l'avoir emmené dehors avec Clary ? C'est le bazar dans ma tête. » Le psy sourit. Pourquoi il souriait ? En fait, c'était trop chelou de voir un psy sans savoir ce qu'il pensait. « Pour quelle raison vous sentez vous mal exactement ? Le soulagement je le comprends, vous l'avez sauvé, l'inquiétude aussi, vous avez peur qu'il recommence. Mais mal pour qu'elle raison ? » C'était donc ça, de voir le moindre de ses mots être analysé ? J'avais l'impression d'être un roman qu'on dissertait, à analyser la moindre tournure, à analyser le champs lexical, le choix des mots. J'haussais les épaules. « Je crois que je culpabilise ? Mon copain et lui ne.... s'entendent pas très bien. » Pas très bien, c'était vraiment un euphémisme. « J'ai peur que ma relation a influencé, de quelque manière que ce soit, sa décision. » Jared avait beau me dire que non, c'était une idée qui ne quittait pas mon esprit. Il avait tellement de rancoeur envers Thomas… Une rancoeur légitime, que je ne remettais pas en question. Mais ça me faisait culpabiliser.

« Votre relation, avec Monsieur Scott-Rosier n'est-ce pas ? » Je reposais subitement les yeux sur lui, le cœur battant. Je bégayais légèrement, le temps de me remettre de ma surprise. « Je... Vous... Vous connaissez Thomas ? Comment vous connaissez Thomas ? » Merde alors, c'était vraiment bizarre ! Et limite flippant. En fait, il n'était pas là pour ma santé mentale. Si ça se trouve, il menait une enquête pour comprendre le geste de Jared ! Ok, pas de souci, mais je ne voulais pas qu'on fouille dans ma vie privée ! « Je connais tout ce que je dois connaître. » Il avait beau sourire, je continuais de le trouver flippant. « En réalité j'ai fait quelques recherches, dans l'intérêt de votre ami. Est-ce que vous diriez que Thomas et Jared étaient amis à Poudlard ? Ils étaient dans la même maison. » Des recherches ? Je fronçais les sourcils. J'avais maintenant l'impression d'être en plein interrogatoire. C'était comme dans les films et romans policiers, quand les policiers posaient des questions avant de montrer les preuves au suspect. « Pourquoi j'ai l'impression que vous posez des questions dont vous avez déjà les réponses ? On dirait plus un Auror qu'un psy. Si vous avez fait des recherches, vous sauriez que Jared et Thomas sont l'opposé total de la définition de l'amitié. » Je ne voulais pas en dire plus. Déjà, je ne savais ce qu'il savait exactement. Et de plus, je ne voulais trahir ni l'un ni l'autre. Je ne savais pas ce que Jared avait dit au psy, si ça se trouve, il avait donné peu de détail au psy. Ce n'était pas moi qui allait lui donner ! Et je ne voulais pas trahir Thomas. Je ne voulais pas que les gens sachent son histoire d'une autre bouche que de la sienne. « Peut-être parce que je préfère votre version Emily, vous êtes la plus proche de Jared, et c'est quelqu'un qui est peu bavard, ça je ne vous l'apprend pas. Que savez-vous exactement de leur animosité ? » Qu'est-ce qu'il voulait savoir, exactement ? Ou est-ce qu'il voulait en venir ?

Je le regardais, comme si j'essayais moi aussi de l'analyser. J'aurais vraiment dû faire psy au lieu de faire littérature. Bon, si je le voulais vraiment, je pouvais utiliser mon don sur lui… Il ne le saurait pas… Mais non. Ce n'était pas vraiment mon genre. « Je sais que Thomas était son bourreau. Je sais qu'il l'a harcelé, moralement, physiquement, au point de lui laisser des cicatrices, bien que je n'ai jamais eu les détails. Je sais que Thomas le haïssait pour sa nature de loup-garou. » C'était naze de dire ça à un Irlandais, mais tant pis, c'était la vérité. Peut-être que si je la disais, sans donner trop de détail, il me lâcherait rapidement. « Pourquoi avez-vous dit à son altesse Bleddyn Iceni que jamais Jared ne vous aurait confiée à quelqu'un d'autre que lui, encore moins à Thomas. Est-ce que vous seriez en danger avec ce Thomas, Emily ? » Pourquoi il me parle de Thomas, celui-là ? En quoi ça le concernait ? « Je croyais qu'on était là pour parler de Jared, pas de Thomas et moi. » Je croisais les bras. Il n'était pas clair dans ses objectifs, dans le but de ce rendez-vous, et ça ne me plaisait pas. « Je n'ai jamais dit que j'étais là pour parler de Jared Emily. Je suis là pour vous. Je sais combien vous tenez tous à Jared, mais j'en fais mon affaire. Il faut aussi pensez à vous. » Donc, il était vraiment là pour moi ? Si je parlais de mon passé avec Thomas, est-ce que ça mettait mon copain en danger ? Mais bon, y avait prescription, non ? Tant que Jared ou moi ne portions pas plainte… Si Jared le faisait, je ne saurais même pas comment je réagirai. Je finis par soupirer, en essayant d'être le plus honnête possible, sans trop en dire. « Je l'étais. En danger. Il était aussi mon bourreau. Il ne m'a jamais fait de mal physiquement mais il a fait de ma vie à Poudlard un enfer. » Le psy marqua un temps de pause. Ses yeux s'illuminaient, comme si il comprenait quelque chose. Comme si les choses devaient plus claires.

« Est-ce que Thomas continue toujours à faire de votre vie un enfer ? » Un léger sourire monta sur mes lèvres. J'avais enfin l'occasion de montrer comment était le Thomas d'aujourd'hui, celui que j'aimais. Pas le Thomas d'avant, celui que je craignais. « Même si notre relation est compliquée, il ne fait pas de ma vie un enfer. Plus maintenant. » Bien au contraire. Je me sentais bien avec lui. On avait partagé plein de choses, y compris dans le monde moldu. On parlait, on riait. Il m'écoutait, à chaque instant. Il s'amusait à me faire sortir de mes gonds, même si il savait qu'il risquait de se prendre un coup d'oreiller. Il me déconcentrait dans mes devoirs, juste pour le plaisir de voir mes yeux lever au ciel. « Vous semblez savoir ce que vous faites, il n'y a jamais de relation vraiment simple, n'est-ce pas ? Et donc, vous pensez que votre choix de vie, de relation, aurait influencé le geste de votre ami ? » Il est bête ou quoi ? Il avait pas compris les liens qui nous unissaient, Jared, Thomas, et moi ? « Je sors avec le bourreau qui a fait de nos vies un enfer pendant des années. Jared ne peut pas voir Thomas en peinture, et vice-versa. Il faudrait être un psychopathe pour ne pas se dire ça. » Je n'ai aucune idée de ce que Jared aurait pu se dire quand il a apprit mon couple. Est-ce qu'il a eu peur pour moi ? Ça, j'en suis sûre. Est-ce qu'il a eu peur de me perdre ? Je ne sais rien. On n'a pas parlé de ses sentiments. Que des miens. Est-ce que ça avait participé à sa tentative de suicide ? Bien sûr que toutes ces questions, toutes ces hypothèses me faisaient culpabiliser. « Je ne suis pas d'accord avec vous. Je pense surtout que vous n'assumez pas totalement vos sentiments. Je pense que vous vous sentez vous même coupable d'aimer un homme qui vous a autre fois fait du mal. Et si vous acceptiez véritablement vos choix, Jared n'aurait pas son mot à dire. Cela sera certainement dur un moment, mais s'il vous voit heureuse, je suis sûre qu'il pourra être en capacité de l'être pour vous. Jared n'a pas eu ce geste à cause de vous Emily, je ne devrai pas vous le dire, parce qu'il devrait pouvoir vous le dire lui même. Mais le mal est plus profond, si vous voulez mon avis. Il vous aime sincèrement. Il n'aurait jamais fait ce geste en vous laissant coupable. » Pendant tout son discours, mon cœur commença à battre la chamade. Merde alors, il avait mis des mots tellement précis sur ce que je ressentais… J'avais mis tellement de temps à répondre à la déclaration de Thomas. J'ai caché mon couple à tellement de monde, je ne l'ai même pas encore officialisé auprès de David et Oscar. Et… Est-ce que c'était vrai, ce qu'il disait ? Que, dans le fond, je n'étais pas la coupable de son geste ? Mes yeux s'étaient remplis de larmes, alors je me dépêchais de les essuyer.

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« Est-ce qu'il va s'en sortir ? » Et je ne parlais pas physiquement. Je voulais savoir si, un jour, ses idées suicidaires s'en iraient. « Il est trop tôt pour pouvoir le dire. Votre ami aurait nécessité mon intervention depuis bien des années. Mais je suis confiant, vous pouvez l'être, il est extrêmement bien entouré. Vous aidez beaucoup vous savez ? Il est sensible à vos paroles. » Un rire nerveux s'échappa de mes lèvres. Il ne nous avait jamais vus ensemble, pour dire ça ! Mon rire lui décrocha un sourire, pendant que j'expliquais : « Moi ? Je l'aide ? Lui, sensible à mes paroles ? Je dois être la meuf la plus chiante de son entourage. Je passe mon temps à lui faire des jeux de mots sur les loups, à sauter sur son dos, à lui donner des coups de coussin. On est deux chatons qui passons notre temps à jouer et à nous battre. » Bon, en temps normal, j'aurais dit louveteaux au lieu de chatons, mais il avait l'image. Ce n'était pas la peine de me mettre tous les Irlandais à dos avec mon choix de mots. « Alors continuez. Ne changez rien. C'est de cela qu'il a besoin. Je sais que vous pensez qu'il y a des choses à changer. Mais ce n'est pas vous qui devez le faire Emily. Je pense que vous avez été sa stabilité, et c'est peut-être pour cela qu'il a été perturbé par votre relation avec Thomas, mais si vous restez stable, il se repositionnera lui, j'en suis sûr. » Mon rire mourra dans ma gorge. Au fond, je n'étais pas vraiment amusée. Mes réactions étaient nerveuses, et mon corps avait besoin de se détendre. Je le sentais, il n'y arrivait pas, alors il riait alors que je n'en avais pas envie.

Maintenant que je ne riais plus, je pris quelques secondes pour réfléchir. Quelques secondes pour digérer ses paroles. « Je ferai tout pour lui. Pour lui donner ce dont il a besoin. » « Ne portez pas sur vous la responsabilité de sa santé mentale Emily, ça ce sera mon rôle. » Est-ce que je lui demandais son avis, à celui-là ? Surtout quand on se rappelait la manière dont il était venu le chercher ? « C'est aussi votre rôle de psy de lui rappeler ses actes devant Clary et moi ? » J'avais beau l'attaquer sur ses méthodes, ça ne l'empêcha pas de sourire. « Serait-il venu sans cela ? D'après vous ? Il a démontré que malgré son geste désespéré, il garde un intérêt à vous protégez ou vous épargnez. Ou à s'épargner lui même. » Je levais les yeux au ciel. Je savais qu'il avait raison, et ça m'énervait. Jared était super chiant, il fallait le mettre devant le fait accompli pour qu'il arrête de faire sa tête de mule. « Non, je suppose que vous avez raison. J'espère juste que ça ne lui ait pas fait plus de mal que de bien. » « Parce que vous pensez qu'on peut faire plus de mal à un garçon qui a tenté de se suicider quelques heures plus tôt ? Je pense qu'il ne m'a pas attendu pour ça Emily. Jared parait vulnérable et fragile à vos yeux, parce que vous le voyez ainsi après ce geste. Mais avant hier, comment le voyez-vous ? » En fait, il commençait carrément à me gaver. Je sentais bien que c'était pas lui qui m'énervait spécialement, mais le fait qu'il me mette face à des faits, des propos que je n'avais pas encore totalement envie de faire face. Depuis que j'avais trouvé Jared, j'étais dans un état de stress constant. De tortue façon, ça faisait des mois que j'étais presque dans un état de stress constant. Le fait qu'il me tire les vers du nez, qu'il me force à une conversation que j'avais quand même accepté m'énervait. Encore plus en sachant que je lui avais dis oui pour parler…

Je me mise à parler vite, sous le coup de cet énervement. Je n'avais aucune envie de me rappeler du moment où je l'avais trouvé, du doute qui m'avait envahie. « Vous me demandez de vous donner des impressions fausses ? Il était détendu. Il me laissait dire n'importe quoi sans râler, alors que c'est le plus grand râleur du monde. Il me laissait l'asperger avec l'eau de la vaisselle. Il était... Apaisé. Soulagé. Et je sais que c'est parce qu'il avait prit sa décision. » « Je ne parle pas du moment où vous avez senti sa prise de décision. Je vous parle bien avant cela. Vous auriez pris des pincettes ? Vous le pensiez à s'effondrer ? Vous doutez encore de vous Emily, et de votre capacité à être son amie. Vous faites correctement le job, croyez moi. Vous l'avez vu, vous l'avez senti étrange, qu'il n'avait pas un comportement normal. Parce que vous êtes une bonne amie. Et vous avez bien choisi Thomas aussi, parce qu'il vous a raconté, il a activé votre doute, et vous lui avez sauvé la vie. Thomas a certainement des connaissances pour avoir pensé au bézoard. Mais vous connaissez suffisamment votre ami pour faire demi-tour. Vous êtes, une bonne amie. Et je suis un très bon psychomage mademoiselle Evans. Je ne doute pas de mes compétences. Et même si ça sera difficile, je vais aider votre ami râleur, même si je dois le faire râler à mon tour, parce qu'il restera lui même. » Je ne répondis pas tout de suite. J'avais besoin de digérer, de comprendre, d'analyser. Comme quand j'étais chez Thomas, qu'il me disait pour la première fois qu'il m'aimait avant que ses parents ne débarquent. J'avais à peine le temps de me remettre de l'attentat que j'avais eu cette déclaration. J'avais eu besoin de temps. Là, c'était pareil. Il avait mis des mots sur mon inconscient, je le savais. Je ne voulais pas me rappeler du moment où je l'avais trouvé, en premier parce que je ne voulais pas revivre la peur qui m'avait envahie. Mais surtout, je ne voulais pas me rappeler que je n'avais rien vu avant. Au fond de moi, j'étais persuadée d'avoir été une très mauvaise meilleure amie, malgré les propos du psy.

Je me contentais de demander : « Vous me le promettez ? Que vous l'aiderez ? J'ai besoin de certitudes. » Faites-moi en la promesse, je vous en supplie. « Oui je vais l'aider Emily. Et je souhaiterai aussi vous aidez ou plutôt, continuez à discuter avec vous. Qu'en pensez-vous ? » Pourquoi il voulait parler avec moi ? Je le regardais, plutôt dubitative, en haussant les épaules. « J'ai jamais vu de psy avant. Qu'est-ce qui vous fait dire que j'en ai besoin de un maintenant ? » Et puis, un psy royal, ça doit coûter une blinde, nan ? Presque autant que mon loyer mensuel. Voir plus, comme on était trois à le payer. « Parce que vous tombez amoureuse d'un homme qui a fait souffrir l'ami pour qui vous seriez capable de tout, un homme qui visiblement vous a fait vivre un même calvaire. Et que vous doutez encore de vos choix et de vos actions. Avant c'était facile de le détester, vous n'avez peut-être pas ressenti le besoin d'en parler à quelqu'un, parce que vous n'aviez pas de doutes, il était probablement un monstre. Mais maintenant, c'est différent. Ca ne doit pas être simple pour une née-moldu ayant subit un racisme toute sa vie, se voir heureuse dans les bras d'un de ces racistes. » Attendez, attendez, attendez. Comment il pouvait savoir tout ça ? Je ne lui avais pas parlé de mon sang. Je lui avais seulement dit que Thomas avait un problème avec les créatures. Comment il pouvait avoir toutes ces infos ? Il avait fait des recherches sur Jared, mais pas sur moi. Alors. Comment ? Il n'y avait qu'une solution logique. « Ok, là, c'est carrément flippant. Je ne vous ai pas dit que j'étais née-moldue, ni que mon mec était raciste. Seulement qu'il n'aimait pas les loups-garous. Vous êtes Legilimens ? » Immédiatement, je bloquais mon esprit, pour qu'il ne puisse pas y avoir accès. Dans ta face, le psy. Et si je voulais, moi aussi je pouvais fouiller dans ton esprit. « Non mademoiselle Evans, je n'ai aucun don particulier. C'est intéressant que vous posiez aussi cette question. » Pourquoi c'était aussi intéressant ?

« Je fais seulement correctement mon travail, et il n'y a rien de très incroyable dans ce que je fais. Vous êtes ici dans un Palais royal, dans une aile qui jointe celui d'une princesse, bien que ses altesses vous aient donné l'accès à cet endroit, ils s'assurent toujours de savoir qui ils ont sous leur toit et leur responsabilité. Je ne vous connais pas, mais je sais certains éléments. De même que quand sa majesté Bleddyn m'a parlé d'un Thomas Scott Rosier, il ne m'a pas fallu beaucoup de recherche avec ce nom de famille pour savoir qu'il fait parti du "Registre des Sang-pur". J'ai malheureusement certains apriori quand à ces personnes, qui dans l'histoire, n'ont pas brillé pour leur tolérance pour les nés-moldus ou les créatures magiques, comme moi ou Jared. Je vous l'ai dit, je vais aider Jared. Et je serai ravi vraiment, de pouvoir encore répondre à toutes vos questions, tous vos doutes. Je saurai me montrer tout aussi disponible pour vous. » Ouais, en fait, c'est vrai que c'était assez logique. La famille royale ne me connaissait pas, mais ça ne les empêchait pas de me loger ici, gratuitement, de me nourrir, gratuitement, alors que clairement, ça avait l'air d'être des appartements pour les invités de marque. Il disait qu'il serait disponible pour Jared, mais également pour moi. Sauf que je ne voulais pas voler du temps à mon meilleur ami. Il reste la priorité. Et puis… « Je me suis déjà effondrée, et je me suis relevée. Seule. Pourquoi ça changerait ? Je n'ai rien contre les psys, hein. Mais j'ai jamais ressenti le besoin d'en avoir un. La seule fois où j'en ai vu un, c'était pour ne pas aller en cours pendant deux semaines. » Je me souvenais très bien de ce moment. C'était peu après ma tempête, quand j'avais vu la marque des Ténèbres sur le bras de Thomas. Ça avait beau ne pas être la première fois, il avait beau m'avoir sauvée ce soir-là, ça m'avait pas mal retournée. Le psy m'avait proposé un suivi, mais j'avais refusé. Je préférais moisir dans ma chambre, le temps que tout retombe. Puis, la période d'après avait été la recherche d'appart avec Oscar et David pour ne plus vivre seule.

« Et pourquoi n'êtes-vous pas aller en cours pendant deux semaines ? » Mon dieu, il était encore plus curieux que mes petits frères. Heureusement qu'il avait l'air bienveillant. Mais ce qui m'énervait, c'était qu'il me posait des questions sur des choses que je n'avais pas envie de parler. Et je ne savais pas comment ça marchait les psys, je ne savais pas si j'avais le droit de refuser de répondre ou non. « Parce que des racistes ont essayé de me violer, que mon copain qui n'était pas encore mon copain à l'époque a accepté de m'aider après que j'ai dû me supplier, on a du dormir ensemble à cause d'une tempête, et… » Mon débit s'était accéléré, mais je me coupais immédiatement. J'avais failli dire que voir la Marque des Ténèbres sur le bras de Thomas était ce qui m'avait fait craquer. C'était la vérité, mais je ne voulais pas balancer mon mec. « Et j'ai paniqué, parce que c'était la deuxième fois que je dormais avec lui. La première était quand il a sauvé ma vie après que d'autres racistes aient gravé les mots sang-de-bourbe sur ma poitrine en pleine rue. » J'écartais les bras, comme pour souligner mes propos. Comme pour souligner ma présence. Comme pour souligner que j'étais en vie, parce que j'avais toujours su me relever. « Et pourtant, me voilà, toujours en vie, en bonne santé, et je retourne même en cours. » « Mais à quel prix ? Vous êtes là, à me montrer un visage fort et fier. Mais je n'en crois rien. » Il fallait que je ressorte ma cravate Gryffondor pour lui faire comprendre ? Ou alors, il avait raison, et j'étais dans le déni dans ma manière d'accepter les choses ? « Vous êtes quelqu'un de résiliente, d'extrêmement tolérante. Vous avez ouvert votre cœur, et votre esprit à un homme qui autrefois vous a causé beaucoup de tort, beaucoup de mal. Mais ça se paye Emily, un jour où l'autre. Et je voudrai vous évitez de le payer, je voudrai faire ma part, et qu'aucun mot qu'ils aient pu vous dire ou graver sur votre poitrine ne reste graver dans votre esprit. Vous avez le droit d'être heureuse avec Thomas. » Ouais, sauf que tout ne pouvait pas se régler de cette façon. Pour une raison bien précise. « Mais tout reste, pourtant. Quand ond déchire un livre, même si on le scotch, il reste déchiré sous le scotch. On ne peut pas faire semblant qu'il ne lui ait rien arrivé. » Je savais très bien ce que j'avais vécu. Je ne pouvais pas l'oublier, même avec un psy. Alors, pourquoi voir un psy ? « Mais un livre peut se rééditer. On peut faire en sorte qu'on se souvienne que la page a été déchiré, qu'il y avait le scotch avant, j'imagine que c'est une sorte d'auto-collant ? » Ce commentaire me fit sourire. Aaaaah, les sorciers et leur méconnaissance du monde moldu…

« Mais que la page soit plus belle, comme d'origine. Comme avant l'arrivée de ces racistes. Vous avez accepté Thomas maintenant ? Pourquoi ? N'est-ce pas une vilaine déchirure dans votre livre ? Le scotch est donc suffisant pour lui ? Je n'y crois pas. Qu'a fait Thomas, que fait Thomas pour vous convaincre ? » La question était légitime. Qu'avait-il fait pour me convaincre de le garder avec moi, alors qu'il avait passé toutes les années de Poudlard à déchirer méticuleusement les pages du livre de ma vie ? Cette métaphore était presque amusante, quand on considérait la raison de pourquoi je le gardais dans ma vie. Alors, je lâchais un rire avant de répondre. « Pour me convaincre, il a abîmé un livre. Littéralement. Il a toujours critiqué ma passion pour la littérature moldue, mais un jour, il a emprunté de mes livres, qui datait du XIXe siècle. Cet enfoiré a corné la page pour se souvenir de son emplacement. Et après l'avoir pourri, j'ai réalisé qu'il voulait réellement le lire. Pour me convaincre de mettre du scotch, il a abîmé le livre. » Même si j'avais remis le coin de la page correctement, il restait un pli qui me rappelait toujours cette journée quand je le regardais. Ma manière de l'engueuler en voyant ça, en lui disant que je préférais qu'il me maltraite moi que ces livres. Son air peu sûre de lui quand il me demanda si il pouvait revenir le lendemain. « Et bien abîmons le ensemble. Laissez moi une chance. Vous avez laissez une chance à votre bourreau, je serai vraiment vexé de pas avoir la mienne. En tant que professionnel il va s'en dire. » Cette fois, c'est carrément un sourire amusé qui s'installa véritablement sur mes lèvres. Ce n'est que maintenant que je m'en rendais compte, mais il avait réussi à baisser la colère que je ressentais face à mes mauvais souvenirs. « Vous vous comparez à mon ancien bourreau, là ? » J'haussais les épaules. Je les sentais se détendre pour la première fois en deux jours, et c'était presque agréable. « Juste pour l'audace, j'ai predque envie de continuer cette thérapie. » Le psy me renvoya mon sourire. « J'ai besoin de certitudes. » Il reprenait exprès ma phrase, là ? L'enfoiré ! Je levais les yeux au ciel, geste caractéristique de ma personne. Mais c'était plus pour montrer mon amusement.

« Vous êtes dur en affaires. Mais j'accepte. Et puis, si je la fais en parallèle de Jared, ça va peut-être finir de le convaincre. » Parce que je ne voulais pas l'oublier. Ok, il m'avait convaincue que prendre soin de ma santé mentale était à priori important, mais je ne voulais pas oublier les circonstances dans lesquelles j'avais rencontré ce psy. « Vous êtes assez perspicace, vous liez l'utile à l'agréable. Même dans vos soins, vous pensez à votre ami. Je ne comprends pas pourquoi il râle autant sur vous. » Je sentis son ironie, clairement. Une vanne qui aurait fait lever les yeux au ciel de mon meilleur ami si il avait été là. « Il paraît que je suis la fille la plus chiante qu'il ait jamais rencontré. Il me l'a déjà dit quand je l'ai forcé à me suivre dans un jacuzzi à son réveil pour parler. » C'était même arrivé il y a deux mois environs, quand on s'était disputés à propos de Thomas. Au chalet, j'avais profité que tout le monde soit endormi pour l'emmener dans le jacuzzi au réveil, et qu'on discute. « Vous semblez vraiment très proche. Vous avez une relation assez unique. Je côtoie beaucoup de loup, donc pardonnez moi si parfois j'ai des connaissances un peu étriquées, mais je n'avais encore jamais vu un loup entretenir ce genre de relation avec disons, une sorcière sans gêne de créature. On dirait qu'il vous a reconnu que une des siennes. Je ne sais pas si je me montre clair, si vous avez quelque notion sur les relations lupines, les meutes... Mais on est là pour s'apprendre des choses. » Je ne répondis pas. Je ne voulais pas répondre, mais un sourire flottait sur mes lèvres. Les paroles du psy me rappelaient ce qu'on avait échangé, avec Jared. Comme quoi j'étais sa sœur. Je ressentais la même chose. Si même le psy le remarquait… Je pouvais croire en ce lien. Mais je ne voulais pas lui confier ça. C'était notre secret, à Jared. Bon, c'était évident, et il en avait sûrement parlé à Clary, mis je voulais quand même garder ce jardin secret.

« Vous aimez les livres Emily ? Je vous ai vu lire tout à l'heure ? » Je jetais un oeil au livre en irlandais à côté de moi. Je n'avais rien compris, et j'aurais clairement gagné mon temps en écrivant à Thomas si j'avais eu du parchemin à disposition. « J'adore lire, depuis que je suis petite. Mon stage est dans une bibliothèque, et je suis en troisième année de littérature. » « Je comprends les références. J'y ferai attention. Vous écrivez aussi ? » C'est vrai que toutes mes métaphores étaient à propos des livres… J'avais fais la même chose à Jared. Je secouais la tête face à cette question. « Non, pas du tout. Un ami à moi écrit. Je préfère analyser les productions d'écrits. Les comparer. Les comprendre. » « Parce que vous avez le temps pour d'autre ami que Monsieur Parkinson ? » Je retins un rire face à ça. C'était dur à croire, mis ouais. « Apparemment. Harry est mon premier ex, et on s'est retrouvé sur le même lieu de stage. On passe tous nos vendredis ensemble. » D'ailleurs, il allait peut-être falloir que je lui envoie un hibou pour le prévenir que je risquais de ne pas venir travailler cette semaine, si j'étais encore en Irlande… Et comment j'allais justifier mes absences en cours ? « Est-ce que Jared a de bonnes relations avec celui ci ? » « Je crois... Il est obligé, de toute façon. C'est le colocataire et meilleur ami de Clary. » Retiens bien ça, Jared. Pour avoir la belle, mets-toi ses amis dans sa poche. Clary n'avait pas besoin de ça, comme tu n'avais pas d'amis à part moi. Et le prince, mais dur de se mettre un prince dans la poche. « Alors Clary, c'est la jeune femme liée à votre ami, qu'on a aussi hospitalisé aussi ? Il vous a déjà parlé de ce lien ? » « Oui, c'est elle. Et non, il ne m'a jamais parlé de ce lien. Il ne m'a jamais parlé de ses histoires d'amour. » Sauf que maintenant que j'étais au courant pour Clary, je ne comptais pas le lâcher pour connaître tout de leur avancée. Surtout si il me considérait comme sa sœur. Il allait voir ce que c'était, d'avoir une sœur qui avait déjà trois frères !

« Et donc vous avez votre ex dans votre entourage. Qui est colocataire et meilleur ami de Clary. Où se place exactement Thomas dans votre vie ? Si je comprends bien, Jared ne le voit pas d'un bon oeil, j'imagine que vous ne sortez donc pas au café tous ensemble. Mais vos autres amis ? » Je lui jetais un regard un peu perdu face à cette question. Ouah, il avait beaucoup d'espoir sur mon couple. « Vous me demandez avec qui je peux sortir au café avec Thomas ? Mais avec personne. Mon collègue est mon ex, mon colocataire est mon autre ex, mon meilleur ami est la victime de Thomas, et mes autres amis ne le connaissent que par sa réputation. Et ses propres amis sont des racistes. Quand on se voit, c'est chez moi ou dans le monde moldu, loin de ce qui freine notre couple. » Finalement, quelque part, j'avais l'impression de vivre une double vie. Ma vie normale, et celle avec Thomas. Sauf que les deux étaient liées, parce que les racistes faisaient partis de ma première vie. Et que Thomas en faisait parti avant. Je vis deux vies, mais qui sont liées. C'est vrai que c'est épuisant. En disant que je ne pouvais aller nul part avec Thomas, je sentais ma tension remonter. Je me rendais compte à quel point j'étais déjà fatiguée de ça, alors que ça commençait à peine. Mais je ne voulais pas perdre mon petit ami. Je ne savais pas quoi faire. « Est-ce que c'est Thomas ou est-ce que c'est vous qui en avait décidé comme ça ? De vivre caché ? Thomas ne serait pas prêt à tolérer vos ex compagnon ? Leur a-t-il fait du mal à eux aussi ? » « Thomas est du genre jaloux, mais il sait qu'il n'a rien à me dire, que je gère ma propre vie. Par contre, nous avons décidé que c'était mieux pour ma sécurité que nous  restions cachés. On ne veut pas que son entourage me tombe dessus, sous prétexte qu'on sort ensemble. » Mon ton redevenait un peu brusque. A cause de cette tension qui remontait, de réaliser à quel point ce n'était pas facile. Mais je ne voulais pas m'en rendre compte. Si j'étais fatiguée de ça, comment j'allais pouvoir continuer avec Thomas ? Et aussi, j'étais brusque parce que je continuais de le protéger. Je ne pouvais pas dire au psy que je sortais avec un ex Mangemort, avec un membre des Blue Dragon. Je ne pouvais pas lui donner tous les détails de ma vie, pour protéger mon petit ami.

« C'est assez incroyable la capacité des gens. On dit souvent que la haine n'est que la jumelle de l'amour. Que on ne peut pas haïr quelqu'un qu'on a pas aimé. Si on aime pas, le mieux c'est d'ignorer. Thomas est jaloux maintenant. C'est une avancée intéressante. » Ah bon ? « Néanmoins, cela m'interpelle que son entourage pourrait vous tomber dessus. Pour quelle raison ? Est-ce que son entourage vous veut du mal ? Comme il le faisait avant ? » Je n'aimais toujours pas cette question, et je ne voulais pas y répondre. Mais est-ce que j'avais le droit de refuser de répondre ? Comment jallais bien pouvoir répondre à ça, sans parler du passé douteux de mon mec ? « Avant... Il m'insultait. Quotidiennement. Il faisait exploser mes potions, m'enfermait dans les toilettes, prenait ma baguette. Mais ses amis... ils ont essayé de me violer, ils ont mutilé ma peau. Thomas n'a jamais essayé de me toucher, contrairement à eux. Et ses parents... Disons qu'ils sont assez déçus que Vous-Savez-Qui soient morts, alors je doute qu'ils se soucient de me laisser en vie ou non. » « Emily, est-ce que vous pensez, j'ai bien dit pensé, que les parents de Thomas aient pu être des Mangemorts. C'est comme cela qu'on appelle les fidèles de Vous-Savez-Qui n'est-ce pas ? » Je ne pouvais pas répondre à ça. Je ne pouvais vraiment pas répondre à ça. Est-ce qu'il allait faire le lien avec Thomas ? Mais je ne pouvais pas rester comme ça, n'est-ce pas ? Je me mordis la lèvre inférieure, en acquiesçant silencieusement. Je ne voulais pas mettre de mots dessus. « Très bien, je comprends un peu mieux. Ce ne doit pas être évident pour vous deux, cette relation secrète. Vous êtes dans une position délicate et n'y voyez déjà pas clair pour vous et Thomas, si en plus ce genre de contrainte s'ajoutent. » Je me sentis soulagé qu'il n'aille pas jusqu'à Thomas. Mieux, je me sentais soulagée qu'il comprenne enfin la complexité de la situation sans avoir toutes les clés en main.

« Vous comprenez mieux pourquoi on ne sort pas prendre un café entre amis, ou pourquoi je le traîne dans le monde moldu. » « Et comment se débrouille-t-il dans votre monde ? Comment va-t-il lui ? » J'eus une pensée à sa première visite chez mes parents, ses réactions, et celles de mes parents ; et un rire jaune s'échappa à nouveau. De nouveau, mon corps était tendu. « C'est... Compliqué. Il ne comprend pas grand-chose, mais il essaie. Et ça me touche de le voir découvrir avec plaisir. Ma mère l'a beaucoup apprécié, mais ça coince encore avec mon père. » « Ca coince toujours avec les pères. Votre famille est au courant pour votre harcèlement à Poudlard ? » Je le regardais, en me demandant si il avait une copine et une relation compliqué avec son beau-père. Il semblait trop jeune pour avoir une fille ado. « A votre avis, pourquoi ça coince avec mon père alors qu'il adore Jared ? » « Demandez à Thomas d'abîmé son livre. » J'haussais un sourcil. « Littéralement ou métaphoriquement ? » « Qu'est-ce qui fonctionnement chez votre père ? Je suis sûr que si vous avez réussi à donner une seconde chance à Thomas, votre père et votre meilleur amis feront le boulot aussi de leur côté. Je ne dis pas que ça sera rapide ou qu'ils iront à un match de Quidditch ensemble. Mais si ça doit durer avec Thomas, ils feront ce boulot pour vous. Si votre père n'accepte pas Thomas, c'est qu'il vous aime, tout comme Jared. » Je comprenais ce qu'il voulait dire, bien que je ne sache pas quoi faire exactement. Enfin, si je savais. Mais je n'étais pas sûre que la réponse me plaise. Je haussais les épaules. « Ouais, il faut que je sois patiente, je sais. C'est juste... Compliqué d'être sur tous les fronts à la fois. » « Je vous aiderai à livrer bataille. En attendant, je vous libère. Je vous contacterai pour avoir vos disponibilités et organiser nos rencontres. » Merde alors, c'était officiel, j'avais un psy ? Il fallait que je demande son prix. Et surtout, si cette séance-là était gratuite. Parce que je ne l'avais pas réclamée !

Il se leva, et je lui fis un mouvement de tête. « Merci, monsieur. » Au moment où il ouvrit la porte, Jared et Clary revenaient de leur visite médicale. Jared jeta un regard interloqué au psy, puis à moi. Le psy nous fit un mouvement de tête, et il sortit de la pièce. Je me levais pour aider Clary à traverser la pièce et se poser sur le lit médicalisé. Je voulais enlever une charge à Jared, et je savais qu'il ne voudrait pas que je le touche. Alors, il se dirigea lentement vers son lit pour rejoindre Clary, en me demandant ce que le psy foutait là. « Simplement discuter avec moi. Alors, vous, comment ça va ? Les résultats donnent quoi ? » Maintenant que les deux étaient confortablement installés, je me remis sur le lit de Clary, que je m'étais approprié, comme elle avait dormi avec Jared la nuit dernière. Je constatais avec un certain plaisir que Jared avait ramené son doudou, et qu'il l'avait posé sur le lit. « Pour le dîner, vous voulez descendre à la fête ou manger ici ? Et oui, Jared, si on mange, tu manges aussi. »                            
:copyright:️ Justayne

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One of would die for love
One of us would give it up
One of us would risk it all
One of us could say goodbye
One of us is hurting you
And baby that's the last thing that I wanna do

descriptionAlors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. EmptyRe: Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.

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Clarissa McGregor
Contexte
Nous sommes le jeudi 2 mai 2002. Clarissa Constance McGregor est la fille de deux professeurs de Poudlard : Victoire Prewett, professeur de Métamorphose, et Seamus McGregor, professeur de Magie sans baguette et vampire. Elève studieuse, Clary a choisi de poursuivre ses études à l'Université de Magie Supérieure dans le Cursus d'Histoire et Géographie Sorcière. Depuis un mois maintenant, elle a rompu tout contact avec Jared Parkinson en apprenant qu'alors ils flirtaient ensemble, il sortait déjà avec une autre fille, Vicky Prewett, la cousine de Clary. Mais à présent, entre la vie et la mort, Clary comprend qu'un puissant lien magique la lie à Jared et ce garçon qu'elle ne parvenait à oublier va à présent bouleverser toute son existence.

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.
« Dis-leur que je dors, qu'elles repassent un peu plus tard. Je suis pas encore prêt. » dit-il dans un souffle.

Je hochais doucement la tête pour lui signifier que je comprenais. Même si clairement, je ne savais pas ce qui se passait dans son cerveau.

Un million de questions me hantait en tournant les talons. Ses sœurs et lui avaient toujours eu une connexion évidente. Ils étaient liés encore plus que Jared et moi. Ils se complétaient naturellement. Pourtant, un fossé les avait toujours séparés. Leurs caractères n’étaient déjà pas les mêmes. Si j’avais rapidement scellé une amitié avec Alana et Eireann, car elles étaient des filles sociables, énergiques et passionnées, il m’avait été plus difficile d’apprécier le caractère taciturne de Jared. Il rejetait tout le monde, se conduisait en parfait connard et préférait la solitude à la chaleur d’une meute. Or, s’il y avait bien des personnes qu’il tolérait, c’était ses sœurs.

Cette relation m’avait toujours intrigué, cherchant à savoir comment était constitué leur lien pour comprendre comment il les supportait. C’était sans doute un truc lié à la grossesse. Durant des mois, ils avaient été dans le ventre de leur mère, créant une connexion que nulle ne pourrait jamais égaler. Cependant, aujourd’hui, Jared remettait cette connexion à plus tard. Cela signifiait-il qu’il jouait un rôle aussi avec ses sœurs ? Portait-il un masque en leur présence ? Ou bien était-ce tout autre chose que je n’étais pas encore en mesure de comprendre ?

Egoïstement, je me sentais chanceuse qu’il ne me rejette pas. Moi, il me tolérait. Tout comme il tolérait la présence d’Emily. Après tout, il aurait tout aussi bien pu demander à ce qu’on sorte, qu’on le laisse tranquille, en paix. Mais il nous gardait à ses côtés. Nous, pas ses sœurs.

Je poussais la porte et la refermais immédiatement derrière moi, prête à affronter les réactions d’Alana et Eireann.

« Où est-il ? Il faut qu’on le voit ! » s’écrièrent-elles toutes les deux d’une seule voix.

Je croisais leurs regards. Alana avait de lourds cernes sous les yeux et les cheveux d’Eireann étaient ébouriffés sur son crâne. Mais en dehors de ça, elles étaient toutes deux des copies conformes. Leurs yeux bruns scrutaient mon visage comme espérant y lire un indice de l’état de santé de leur frère tandis que leurs cheveux châtains clairs flottaient autour d’elles. J’entendais nettement leur sang qui bouillonnait à l’intérieur de leur être alors que leurs cœurs peinaient à trouver un rythme calme et serein.

« Je suis désolée, ce n’est pas possible. » dis-je d’une voix un peu cassée.

Alana fronça les sourcils.

« Comment ça ‘pas possible’ ?! »
« C’est notre frère, notre jumeau, il a besoin de nous ! » surenchérit Eireann.

Elle fit un pas supplémentaire vers la porte mais je lui barrais aussitôt la route. La jeune femme leva les yeux vers moi, étonnée.

« Clarissa, c’est notre frère. » répéta-t-elle, la voix étranglée.

De son côté, Alana s’était figée, détaillant chaque centimètre de mon visage.

« Tu as le droit de rentrer, tu as le droit de le sentir, de le toucher … et pas nous ? » dit-elle d’une voix qui trahissait la souffrance.

Je déglutis. C’était encore plus difficile que ce que j’avais imaginé au départ. Elles avaient raison, de quel droit les empêchais-je de voir Jared ? Je n’étais … rien pour lui. Je n’étais même pas sa petite-amie. Et pourtant, j’étais là à ordonner à ses sœurs de faire demi-tour. Profitant de cet instant de faiblesse, je vis du coin de l’œil Alana avancer à son tour. Aussitôt je plaquais une main sur son épaule. Ses yeux croisèrent les miens. J’y lisais toute la colère, la frustration, la blessure.

« Lâche … moi. » asséna-t-elle.

Ses poings étaient serrés et tous ses membres tremblaient. Je savais qu’à cet instant, sa louve parlait plus pour elle. Sa louve qui réclamait de réunir sa meute. C’était une caractéristique fascinante des lycanthropes, un trait que je ne connaissais pas. Même si ma famille comptait plus que tout, je ne pouvais le comparer à l’attachement que livraient les meutes de loups-garous entre elles.

« Revenez plus tard. » dis-je, sur un ton que j’imaginais semblable aux siens. « Il n’est pas encore en état de vous voir. Laissez-lui du temps. »

Mes yeux brillaient, pas de larmes, mais d’une lueur suppliante. Je vis Alana réagir aussitôt à mon humeur et ma prise sur elle se relâcha alors qu’Eireann arrivait à ses côtés pour entourer ses épaules de ses bras.

« On n’aurait pas fait de bruit … » souffla Alana. « On aurait attendu qu’il se réveille … on aurait … »
« Je sais. » la coupais-je, désolée. « Mais ce n’est pas encore le bon moment. Bientôt, je vous le promets. »

Je sentais leurs battements de cœur ralentir. Etrangement, la crise semblait être passée. C’était comme si elles avaient toutes deux reçu un coup de marteau sur le crâne qui les laissait déboussolées, perdues. Eireann avait enfoui son visage dans le cou de sa sœur tandis qu’Alana regardait, hébétée, le sol autour d’elle.

J’avais relâché ma prise sur son épaule mais barrais toujours le passage de mon corps. Je le faisais pour Jared. C’était ce que je me disais. J’étais prête à tout pour lui, pour son bonheur, pour son rétablissement. Même à blesser les personnes les plus proches de lui.

Alana releva soudain le regard vers moi. Son souffle s’était accéléré et je crus pendant un instant qu’elle allait en venir aux mains. Son regard était si déterminé, ses lèvres si pincées, qu’elle n’aurait pas hésité à me sauter dessus pour me dégager du passage. Eireann desserra alors ses bras autour d’elle, et soudain, sans que je ne le vois venir, Alana tourna les talons. Sa sœur trottina derrière elle, me lançant un dernier regard avant de tourner à l’angle du mur où elles disparurent toutes les deux. J’ignorais ce qui s’était passé dans la tête d’Alana mais quelque chose l’avait frappé. J’entourais un instant mes bras autour de moi et fermais les yeux, prenant le temps de me calmer avant de revenir dans la chambre avec Jared et Emily. Il ne fallait pas qu’il me voit bouleverser. Je devais me montrer forte pour lui et lui faciliter au mieux la vie. Je pris une inspiration, puis une deuxième, puis une troisième. Et je rouvris les yeux avant d’actionner la poignée de la chambre.

Emily était réveillée. Elle s’était redressée sur le lit, m’adressant un sourire, tandis que Jared me regardait, me demandant silencieusement ce qui s’était dit.

« C’était difficile. » admis-je. « Elles n’ont pas arrêté de dire que je n’avais pas le droit de les empêcher de passer, sachant que moi, je le pouvais. Elles ont insisté sur le fait que tu étais leur frère, leur jumeau … Mais … je leur ai promis que quand tu serais prêt, elles pourraient te voir. »

Je risquais un sourire réconfortant à l’intention de Jared quand soudain quelqu’un toqua à la porte. Je me tendis, m’attendant à ce qu’Alana ou Eireann soient finalement revenues sur leurs pas. Mais ce ne fut pas elles. Une femme d’une trentaine d’années entra, un plateau lévitant au-dessus de sa paume ouverte, tandis que deux hommes s’approchaient pour installer une table. Le petit-déjeuner.

« Merci. » remerciais-je alors qu’ils s’en allaient aussitôt.

En jetant un coup d’œil sur le plateau, je devinais sans mal les tranches de bacon fumants, les œufs au plat, les salades, les pancakes et autres réjouissances que permettaient un endroit comme le palais royal. Cette douce odeur de nourriture me rappela un instant la maison des grands-parents qui nous réservaient toujours des déjeuners gargantuesques pour nourrir tous les estomacs des enfants et petits-enfants.

« Je vous laisse commencer, je vais me doucher. »

Je tournais la tête vers Jared qui s’était efforcé à se mettre assis, seul. Son visage trahissait la souffrance que cela engendrait même s’il faisait tout pour qu’Emily ou moi ne le voyons pas. Têtu jusqu’au bout … Je me concentrais sur ma propre respiration en le regardant agiter les jambes devant lui, se préparant mentalement à se mettre en position debout. Son cœur tambourinait fort dans sa poitrine à tel point que j’avais l’impression qu’il allait exploser. Pourquoi s’infligeait-il ça ? Il se balança enfin, posant ses deux pieds sur le sol et resta un instant debout à côté de son lit. J’imaginais sans mal que sa tête devait lui tourner, de la même façon que ce que j’avais vécu durant un mois. Je me mordis la lèvre, chassant ces souvenirs de ma tête.

« Tu as besoin d'aide pour aller à la salle de bain ? » demanda Emily.
« C'est bon, c'est bon, ça va aller. Mon corps doit juste s'habituer à la verticalité. C'est important que j'y arrive seul. »

Qu’est-ce que je vous disais ? Têtu … Je sentis le regard d’Emily vers moi et je poussais un soupir. Sans nous parler, nous nous comprenions. Jared détacha alors sa perfusion et commença à avancer de quelques pas. Je le regardais, incapable de détacher mon regard de lui. J’étais prête à le rattraper s’il trébuchait. J’étais prête à arriver à ses côtés s’il changeait finalement d’avis. Mais il ne fit rien de tout cela. Il avança, seul, jusqu’à la salle de bain.

J’avais envie de lui dire de perdre cette mauvaise manie de tout vouloir faire seul. Il n’était pas seul. Jamais. Mais ça il n’en avait pas encore conscience. Alors oui, il était convaincu qu’il ne pouvait compter que sur lui et lui seul. Il connaissait ses capacités et c’était ce qui le rendait si sûr de lui. C’était une force d’être aussi confiant en sa personne. Mais c’était aussi une faiblesse de ne faire confiance à personne d’autre.

« Jared ! » l’interpella Emily. « Tu peux… Tu peux ne pas verrouiller, s'il te plaît ? »

Je sentis mes épaules se tendre à cette requête. Jared avait lui aussi marqué un temps d’arrêt dans la salle de bain, avant de hocher la tête. Il laissa un entrebâillement de quelques centimètres et je fermais les yeux.

J’avais besoin de m’asseoir. J’étais debout depuis plusieurs minutes maintenant avec rien dans le ventre. Je me laissais tomber sur l’une des chaises que les hommes de service avaient amenées, posant ma tête entre mes mains. Je sentais la tension accumulée retomber alors que l’eau de la douche s’était allumée. Jared ne pouvait pas me voir mais j’avais juste besoin d’un moment pour récupérer.

Je sentis Emily s’asseoir elle aussi et je commençais à jeter un coup d’œil à la pile de pancakes pour me mettre quelque chose dans l’estomac. En faites, j’avais surtout besoin d’occuper mon esprit pendant que Jared avait disparu de mon champ de vision. Je sentais comme un hameçon dans mon ventre qui me tirait de plus en plus alors que Jared était loin de moi. Alors qu’au final, il n’était qu’à quelques mètres. Serait-ce toujours ainsi désormais ? Serons-nous liés de cette façon à jamais ? La souffrance qu’engendrait notre séparation me semblait insurmontable. Or, les moments que nous passions entre nous, les caresses et les frôlements, étaient le plus beau cadeau de l’univers. Jamais je ne pourrais me lasser d’une telle sensation. J’avais conscience que ce lien qui nous unissait était comme une drogue mais je ne parvenais pas à être parfaitement lucide dans ces moments-là.

Le temps s’étirait et mon regard croisa plusieurs fois celui d’Emily qui s’était mise à se ronger les ongles. Je doutais qu’il restait encore quelque chose au bout de ses doigts tellement je l’avais vu exécuter ce geste ces dernières heures.

Je me levais et me dirigeais vers la salle de bain. Prudemment, je commençais à toquer.

« Jared ? Est-ce que … tout va bien ? C’est juste que … ça fait déjà 15 minutes que tu es là-dedans. »

Je me mordis la lèvre aussitôt ma phrase terminée et déglutis difficilement. Était-il dupe ou notre inquiétude était si évidente que ça ?

« Tout va bien oui. Je suis encore sous la douche. J'ai bientôt fini. »

Je hochais la tête avant de me souvenir qu’il ne pouvait pas me voir.

« Ok. » répondis-je seulement avant de revenir vers la table où le regard d’Emily alternait entre la porte de la salle de bain et moi.

Je regardais les bouteilles posées et remarquais que l’une d’elles était du sirop de sang, parfaitement ce qu’il me fallait. J’aurai très bien pu me servir d’un pancake et y faire couler un peu de sirop dessus. Pourtant, je n’arrivais pas à ressentir la faim telle que j’aurai du la ressentir. Je pense que si j’avais croqué dedans, la faim serait venue petit à petit mais à cet instant, je me sentais incapable d’avaler quoi que ce soit. J’eus alors une pensée pour David. Il passait son temps à manger. Rien ne pouvait lui couper l’appétit, pas même une tentative de suicide de sa petite-a…

Penser à ma famille me serra le cœur. Même si mes parents étaient passés me voir la veille, je ressentais le vide de mes frères et sœurs. On ne se voyait pas tous les jours mais avec ces dernières heures totalement irréelles, je sentais que j’avais besoin de me reconnecter à mes racines. Mes cousins me manquaient eux aussi. Edmund que je croisais à l’UMS, Billy avec ses envies terribles de devenir acteur, ou Vicky … Oh Merlin, Vicky. Comment allait-elle réagir à propos de tout ça ? Se blâmerait-elle ? Me blâmerait-elle ?

Je secouais la tête, chassant ces idées de ma tête alors que je passais en revue d’autres visages qui me manquaient. Mióróis, je me doutais qu’elle devait être dans le coin pour la fête. Harry, à qui j’avais toujours tout confié ce que j’avais sur le cœur. Alex et John, mes deux amis d’enfance. Jordan, mon ancienne colocataire qui avait toujours un mot sympa.

Je fronçais les sourcils alors qu’un souvenir désagréable me revenait en tête. Le Médicomage avait mentionné qu’un docteur m’avait trouvé et avait averti mes colocataires. Qui était-il ? Comment me connaissait-il ? Il faudrait que je pense à le remercier. Il s’agissait du docteur … mince comment s’appelait-il déjà ? Bak ? Blake ? Je fermais les yeux, essayant de me souvenir de ce que c’était quand la porte de la salle de bain s’ouvrit.

Je me tournais immédiatement vers lui. Il portait un bas de jogging et sa serviette avait été jetée en travers de son torse alors que ses cheveux étaient encore mouillés. Je déglutis et détournais le regard. Était-ce normal de ressentir du désir pour ce garçon qui avait pourtant été proche de la mort quelques heures auparavant ? Je ne devais pas être normale …

Quelqu’un toqua à nouveau à la porte. Je tournais la tête vers Jared qui s’était assis sur le lit, enfilant un tee-shirt. Lui aussi était intrigué. La poignée s’actionna avant qu’aucun de nous ne puisse réagir et un homme pénétra à l’intérieur. Son visage ne m’était pas familier mais son odeur l’identifia sans appel à un loup. Ses cheveux châtains tombaient comme des boucles autour de son visage. Son nez était légèrement aplati et il était habillé comme un homme important du palais. Il faisait avancer devant lui un fauteuil roulant.

« Bonjour, Mesdemoiselles, Monsieur Parkinson. Je me présente, Aslinn McCarthy, je suis Psychomage à la cour. »

Ah. Oui, évidemment. Je jetais un coup d’œil vers Jared pour guetter sa réaction qui était bien sûr tout de suite hostile. Je ne savais pas pourquoi, mais je m’en serai doutée.

« Je vous prie de nous excuser, Jared et moi avons à parler, mais dans mon bureau. Je vous l'enlève une petite heure. Jared, si vous voulez bien vous asseoir ? »

Je déglutis en jetant un coup d’œil vers Emily. Vu comment Jared avait insisté quelques minutes auparavant pour se lever seul, je n’étais pas certaine qu’il voudrait se faire transporter dans un fauteuil.

« Je n'ai pas envie, je n'ai pas besoin de parler. »

Qu’est-ce que je vous disais …

« Dis celui qui vient d'avaler la potion la plus mortelle au monde et risquer la vie de quelqu'un en le faisant. »

Mon cœur rata un battement et je levais aussitôt les yeux vers l’homme dont le visage était resté impassible en disant cela. Si j’étais entièrement humaine, j’aurai pu frissonner mais je me contentais de baisser la tête. Je ne voulais pas que ce Psychomage en rajoute à la culpabilité de Jared. C’était assez violent comme propos et assez surprenant de la part d’un Médicomage seulement quelques heures après la tentative de suicide d’un de ses patients. A quoi pensait-il en disant cela ?

« Vous préférez que nous parlions ici ? Soit. » continua le docteur McCarthy.

Je jetais un coup d’œil vers Jared qui croisa mon regard avant de le détourner. Ses poings étaient serrés et sa mâchoire semblait sur le point de se briser à force de la serrer. J’aurais voulu me lever pour lui serrer la main et le rassurer mais face au regard scrutateur du Psychomage, je ne m’en sentais pas capable. Serais-je bien accueilli par Jared également ? Il semblait détester la façon dont McCarthy le traitait et si je m’approchais de lui à ce moment-là, ne l’interpréterait-il pas comme de la faiblesse ?

Jared se leva finalement du lit et fit un pas vers le Psychomage.

« Plus dur cet aconit là que celui que vous avez l'habitude de fumer ? » sourit-il.

Fumer … Oui, Jared fumait, je le savais. Mais de l’aconit ? Comme de l’aconit tue-loup ? Cette fois-ci, je tournais un regard différent vers Jared, comme si j’attendais qu’il me livre les réponses ici et maintenant de ce que le docteur McCarthy avait voulu insinuer.

« Asseyiez-vous, je vous en prie, inutile de vous infliger cela. »

Mais Jared ne répondit rien. Il ne s’assit pas non plus et dépassa le fauteuil pour arriver jusqu’à la porte où il semblait attendre à présent le Psychomage. Oh, Jared, pourquoi fallait-il que tu pousses jusqu’à ta dernière limite ?

« Bien. » déclara le Psychomage, plutôt satisfait au vu de son sourire. « Mesdemoiselles, je vous le ramène en un seul morceau. Et n'ayez crainte pour moi. »

Tout juste s’il ne nous lançait pas un clin d’œil charmeur. Alors, tous deux sortirent de la chambre, laissant le silence se réinstaller. Je sentis comme un frisson me parcourir l’échine à l’idée que chaque pas que faisait Jared l’éloigner de moi. Cette absence commençait à faire naître un sentiment de malaise en moi, jusqu’à ce qu’Emily ne murmure une phrase à mon intention :

« Tu veux aller te balader ? »

Mon regard parcourut un instant la table où le petit-déjeuner était toujours intact. Etions-nous supposer déjeuner ? Comme si de rien n’était ? Je déglutis alors qu’Emily haussait les épaules.

« Il paraît que le village d'à côté est très sympa… »

J’ignorais si elle essayait juste d’être sympa avec moi, ou si au contraire, elle avait besoin de se changer les idées elle aussi. Après tout, nous étions dans cette chambre depuis près de 24h maintenant et nous avions sans doute besoin toutes deux de penser à autre chose, de voir d’autres paysages que les quatre murs de cette chambre.

« Pourquoi pas ! » répondis-je sur un ton tout aussi aimable que le sien.

Je la laissais prendre la salle de bain pour se changer. Le palais nous avait fait déposer de nouveaux vêtements. Je touchais le fin tissu avec un mélange de respect et de gratitude, ne me sentant pas digne de porter un tel vêtement issu de quelqu’un du palais. Pourtant, j’allais bien devoir le porter car mes vieux vêtements avaient été remplacés par ma tenue d’hôpital. Peu idéal pour sortir.

Je retirai précautionneusement ma blouse avant d’attraper la jupe longue rouge et noire. Le corsage était également noir avec des lacets marrons. Je chancelais un peu, mais je constatais que plus le temps passait, plus je me sentais recouvrer mes forces. Ce ne serait qu’une question de temps avant de retrouver ma totale vitalité. Je frissonnais en m’imaginant près de Jared les prochains jours. Voudrait-il encore de moi quand lui aussi serait remis sur pied ? Ou serait-il prêt à recommencer son geste aussitôt que j’aurai le dos tourné ?

Emily sortit de la salle de bain, m’obligeant à chasser ces pensées négatives de ma tête. J’attrapais volontiers son bras alors que nous quittions la chambre. Le palais était immense et ni elle, ni moi n’avions jamais mis les pieds ici. On demanda par deux fois notre chemin avant de trouver l’aire de transplanage. Emily se chargea de nous faire transplaner et après un tourbillon qui aurait pu me faire tomber si je ne tenais pas solidement le bras d’Emily, nous arrivâmes à Sráidbhaile na Banríona, comme un panneau l’indiquait.

Le soleil brillait au-dessus de nous. Il ne devait pas être loin de 12h. J’ignorais combien de temps nous avions dormi, mais visiblement nous avions fait la grasse matinée sans problème.

Les rues étaient désertes des habitants mais cela n’enlevait en rien la beauté des lieux. Je les imaginais profiter de la fête que la famille royale avait mentionné au palais alors que mon regard parcourait les rues pavées. J’avais la sensation de me retrouver en Ecosse. L’Irlande y ressemblait par bien des aspects. Je laissais le vent frais soulever mes cheveux et respirer l’air de dehors. J’avais l’impression que cela faisait une éternité que je n’avais pas pris une goulée d’air aussi pure.

Nous marchions lentement, Emily près de moi comme si elle craignait que je m’effondre. Elle avait surement raison car déjà au bout de quelques minutes ma vision se brouilla et je manquais de tomber. Emily arriva aussitôt et pris mon bras sur ses épaules. Je lui souris, un peu absente, alors qu’elle nous conduisit à un banc. Là, je repris mon souffle.

Je devais y aller doucement et ne pas forcer les choses. Je rejetais la tête en arrière, profitant des rayons du soleil sur ma peau pâle, fermant les yeux et revoyant mentalement les noms irlandais sur les écriteaux. Le village devait receler une histoire merveilleuse. Combien de Iceni avaient parcouru ces rues ? Quels secrets ces bâtiments gardaient-ils ?

Je sursautais lorsqu’Emily brisa le silence :

« Est-ce que tu es amoureuse de Jared ? »

Je baissais la tête et rouvris les yeux pour regarder Emily.

« Je ne veux pas passer pour la meilleure amie jalouse ou celle qui surveille les fréquentations de Jared ! » se dépêcha-t-elle de préciser. « Disons que je suis… Curieuse. »

Je continuais de la scruter un instant. Contrairement aux préjugés que j’avais eus sur elle lors du week-end au chalet, je ne doutais pas de ses intentions. Elle était la meilleure amie de Jared et ce qu’elle avait vu ces derniers jours la hanteraient jusqu’à la fin de sa vie. Le lien qu’ils avaient n’était pas celui que je partageais avec Jared. Et, au lieu de craindre sa proximité avec lui, je me sentais étrangement chanceuse de l’avoir dans un moment pareil.

« Je ne saurais pas trop définir ce que je ressens pour lui. » avouais-je, décidant d’être sincère.

Je me mordis la lèvre inférieure avant de river mon regard vers un écriteau qui s’agitait au vent.

« Ce que je sais en revanche, c’est que lorsqu’il disparait de la pièce, j’ai l’impression de manquer d’air. Quand ses doigts se connectent aux miens, je me sens prête à n’importe quelle folie. Quand ses yeux se posent sur moi, j’ai l’impression de fondre. Il me déstabilise, m’agace et … et je suis heureuse quand je vis un moment avec lui. »

Un sourire s’était doucement formé sur mes lèvres en repensant à notre moment sur le lac gelé, ou la nuit au chalet. Tout mon corps s’embrasait à son contact.

« Mais les médicomages disent qu’il faut se montrer prudent, étant donné le lien magique que nous avons. » repris-je d’un ton plus mesuré, alors que quelques instants auparavant mon cœur s’était emballé rien que de penser à lui. « Je ne peux m’empêcher quand même de me sentir attirée par lui. »

Même avant qu’on ne joue à Maléfice & Sortilèges tous les deux, je n’avais pu m’empêcher de le comparer maladroitement à Mattéo, ma seule référence en matière d’amour. Jared lui ressemblait tout autant qu’il différait de lui. Ses comparaisons m’avaient attiré à lui, m’avaient poussé à vouloir le connaître.

Je tournais la tête vers Emily, curieuse à mon tour.

« Au chalet, tu étais venue avec Thomas Scott-Rosier. Jared m’en a un peu parlé. Vous … êtes ensemble ? »

Thomas Scott-Rosier n’était pas le sorcier que Jared portait le plus dans son cœur. Il le haïssait, du plus profond de son être. Il n’y avait qu’à voir comment la partie de laser games s’était terminée.

« Thomas et moi, c'est… C'est compliqué. » admit-elle. « On s'aime, mais on a un passé compliqué. Je ne sais pas si Jared te l'a dit, mais Thomas est notre ancien bourreau commun de Poudlard. Il nous a fait des choses… Jared ne lui a jamais pardonné. »

Je hochais doucement la tête. Oui, Jared n’était pas entré dans les détails, mais le peu qu’il m’en avait parlé et … montré, était assez clair pour moi. Je n’avais jamais été confrontée à lui, même s’il terrorisait bon nombre de mes camarades. Et de ce que je comprenais, Emily aussi …

« Il a battu physiquement Jared tellement de fois…. Il ne m'a jamais donné de détails, sauf pour la cicatrice au-dessus de son œil. Un sortilège de magie noire. »

Je déglutis à ce souvenir, me souvenant très bien de la scène au chalet où Jared et moi nous étions isolés dans la salle de bain.

*** FLASH-BACK ***

« Tu m'avais demandé un jour, qui m'avait fait ça ? » lança-t-il, venimeux, en pointant la cicatrice au-dessus de son œil.

Puis, sans attendre, il retira son tee-shirt. Je ne reculais pas, voulant jouer la fière. Mais je sentis ma gorge déglutir en le découvrant, à moitié nu, dans cet espace étroit. Et puis, cela me frappa. Les cicatrices s’étalaient sur son corps. Il y en avait de toute sortes. Des petites, des grandes, des longues, des profondes, des blanches, des … Je déglutis une nouvelle fois, resserrant davantage mes bras contre moi, comme essayant de ne pas perdre la face alors que j’étais clairement déstabilisée par ce déballage.

« Je t'avais dit que c'était un lâche de Serpentard qui m'avait fait ça. » poursuivit-il en tournant sur lui-même, son tee-shirt serré dans sa main comme s’il allait l’écraser. « Et bien tu as partagé l'apéritif avec lui ce soir. »

Thomas. C’était Thomas Scott-Rosier qui lui avait fait ça. Ma mâchoire trembla cette fois-ci alors que je croisais son regard.

« Qu'il ait bu un peu de sang n'est rien comparé à ce qu'il a pu faire lui. Je ne te raconte pas le nombre de fois où j'ai ramassé Emily à la petite cuillère à Poudlard car elle est née-moldue. Et aujourd'hui, elle le ramène ici ? Croyant qu'il a changé ? »

*** FLASH-BACK ***

« Et toi ? » soufflais-je, me forçant à revenir à la réalité. « Est-ce qu’il … est-ce que tu as aussi des cicatrices de ce qu’il t’a fait ? »

J’ignorais pourquoi prononcer ces mots me faisaient autant d’effet. Était-ce parce que je peinais encore à croire cette soudaine rédemption de la part de Thomas ? Était-ce encore la fatigue qui se manifestait par ma voix rauque désormais ? Ou bien cela me rappelait-il des souvenirs oubliés ?

« Moi, je… Il ne m'a jamais touchée. Absolument jamais. » répondit Emily. « Mais bon… Il a volé ma baguette un nombre incalculable de fois, il a déchiré voir brûlé mes devoirs le jour des rendus, il a fait explosé mes potions, il a détruit les romans qu'il me piquait, sans compter les nombreuses insultes et sous-entendus dans les couloirs comme quoi je n'avais pas ma place dans le monde des sorciers… »

Ce qu’avaient vécu Emily et Jared était indéfinissable. Je savais que tout le monde avait souffert au cours de cette période terrible. Je n’avais pas été en reste non plus. Mais ça me faisait toujours de la peine quand des personnes auxquelles je commençais à me lier avaient souffert de la sorte.

« Et … qu’est-ce qui a changé ? »

La dernière fois que j’avais parlé à Jared de Thomas, il était fermement convaincu qu’il ne changerait jamais et qu’il n’avait rien à faire avec nous. Pourtant, les dernières actions de Thomas me surprenaient car elles ne correspondaient plus en rien au bourreau qu’il avait été autrefois : sa façon de couver Emily du regard au chalet, sa décontraction dès lors qu’il était avec elle, ou encore ce qu’elle nous avait raconté quand il avait donné un bézoard à Jared. Il avait été celui qui l’avait détruit à Poudlard, mais aussi celui qui venait de lui sauver la vie.

Peut-être était-ce parce que je ne l’avais pas connu ainsi, peut-être était-ce parce que je n’avais pas été l’une de ses victimes du temps de Poudlard, mais j’arrivais plus facilement que Jared à imaginer une rédemption pour Thomas. Le temps changeait les gens. La guerre changeait les gens. J’ignorais ce qu’avait été la vie de Thomas mais quelque chose l’avait poussé à voir au-delà de ses préjugés et aujourd’hui, il était cet homme.

J’avais tendance à croire – naïvement peut-être – que tout le monde pouvait avoir droit à une seconde chance. Pourquoi pas Thomas ?

« Ce qui a changé, c'est… Pfiou, je ne saurais même pas quoi dire, exactement. Il a… Il a montré qu'il pouvait être digne de confiance. Il a sauvé ma vie deux fois. Il apprend à voir au-delà de mon sang. »

Elle lâcha un rire.

« Bon, soyons honnêtes, il a encore du mal avec les créatures. Mais j'y travaille. »

Je baissais la tête, un demi-sourire au coin des lèvres.

« J’ai l’impression que tu l’aides à devenir meilleur. Sincèrement. Je ne connais pas votre histoire dans les moindres détails mais de ce que j’ai vu au chalet, et de ce que j’ai entendu sur vous, j’ai l’impression que tu as une aura plus que positive sur lui. Il a de la chance de t’avoir. Et je suis persuadée que Jared s’en rendra bientôt compte, lui aussi. »

Je levais les yeux vers elle. Un échange silencieux se passa. Cette discussion était assez étrange. Nous voilà, en train de parler des hommes qui apportaient de la joie et du bonheur dans nos vies, comme si nous étions deux anciennes amies rattrapant le temps perdu. Mais après tout, n’était-ce pas ce que nous étions ? Je n’avais pas noué une grande amitié avec Emily au temps où elle fréquentait Harry – j’avais appris il y a peu qu’ils sortaient secrètement ensemble à l’époque – mais nous nous parlions et nous traînions ensemble. Et voilà que nos chemins se recroisaient avec un nouveau garçon au milieu : Jared.

Peut-être qu’il était temps de laisser une chance à une amitié ? Après tout, elle n’était pas prête à lâcher son meilleur ami, et je n’étais pas non plus disposée à une telle chose. Aussi, nous serions obligés de nous fréquenter. Autant commencer à bien nous entendre.

« L'heure est bientôt écoulée. » dit-elle en jetant un coup d’œil à sa montre. « On retourne au palais ? »

Un second rire s’échappa de sa gorge.

« C'est tellement étrange de dire ça… »

Je ris à mon tour.

« C’est vrai. Mais il va peut-être falloir s’y habituer. J’ai l’impression que ni la princesse, ni le prince ne sont prêts à lâcher notre petit louveteau. »

J’utilisais volontairement ce surnom, espérant déclencher une nouvelle hilarité de la part d’Emily, ce qui ne manqua pas. Une nouvelle complicité était née.

J’attrapais sans hésiter son bras alors que nous nous rendions en silence jusqu’à la zone de transplanage. A chaque pas que je faisais, je m’efforçais de garder ma bonne humeur. Pourtant, l’angoisse montait au fur et à mesure. Comment cette séance avec le Psychomage se sera-t-elle passée ? Comment allions-nous retrouver Jared ?

On revint au palais puis progressivement dans la chambre. Mais Jared n’y était pas. Je me laissais tomber sur la chaise, reprenant ma respiration, alors que mon angoisse l’avait accéléré autant que ma fatigue. Soudain, la porte s’ouvrit et je vis Jared entrer. Il était assis cette fois-ci dans le fauteuil roulant et je me forçais à maîtriser les battements de mon cœur. Je savais qu’il pouvait les entendre. Pourtant, c’était un choc de le voir assis là. Je scrutais ses yeux, comme cherchant à voir s’il avait pleuré. Il n’y avait rien qui me l’indiquait. Or, ses yeux paraissaient davantage enfoncés et je voyais ses mains trembler légèrement. La séance avait du être éprouvante et je me forçais à refouler l’envie de le prendre dans mes bras immédiatement.

Le Psychomage suivait derrière lui, parfaitement détendu. Je savais qu’il ne faisait que son travail pourtant je ne pouvais m’empêcher de le détester à cet instant. J’espérais qu’il savait ce qu’il faisait.

« Mesdemoiselles, je vous le confie. Bonne journée. A demain Jared. »
« A demain. » répondit Jared.

Emily lui dit également à demain mais je ne dis rien de mon côté. Mon regard restait rivé sur Jared. Il paraissait encore plus épuisé que moi et soudain j’eus une immense angoisse. Et si c’était ça notre vie ? Et si tous deux nous ne pourrions jamais récupérés ? Si nous étions condamnés à passer notre vie au palais car notre vitalité ne reviendrait jamais ? Et si nous étions incapables de connaître le bonheur ? Si tout ceci n’était qu’illusion et l’amour une vaste arnaque.

Je détournais vivement les yeux. Je ne voulais pas qu’il y lise cette peur incontrôlable qui venait de me prendre. Cela ne l’aiderait surement pas s’il m’entendait penser ainsi. Soudain, sa voix rauque se fit entendre et mes yeux revinrent immédiatement sur lui :

« Je veux bien... Je veux bien qu'on me mette le frein à ce chariot de merde pour aller boire. »

Je déglutis, soudain revigorée en l’entendant prononcer ses jurons habituels, témoignage que le Jared bougon était toujours là. Je me levais et attrapais un verre sur la table.

« Aguamenti ! » lançais-je avant de m’approcher de Jared.

Sa main se posa sur la mienne et je sentis un frisson me parcourir le bras en entier. Je fermais les yeux, poussant un soupir de satisfaction. C’était si enivrant ce lien. Si revigorant aussi.

« Mer... merci. »

Il avala son verre d’eau d’une traite et je lui repris aussitôt le verre pour le poser à sa place sur la tablette près du lit. Maintenant que j’avais regoûté à la sensation de sa peau sur la mienne, j’en voulais un maximum. Mes angoisses, mes pensées négatives et mes peurs incontrôlées disparaissaient, s’éloignaient progressivement dès lors que ses doigts frôlaient les miens et dès que ses yeux se posaient sur mon visage. J’en voulais plus. Comme une drogue. Je le voulais davantage. Je le voulais, lui, pour m’aider à faire partir les nuages. A deux, nous pouvions y arriver.

Je le regardais prendre appui sur ses bras pour se soulever. Je ne l’interrompis pas. Je voulais le voir debout comme il avait insisté plus tôt pour le faire. J’en avais besoin. Je voulais le voir ainsi. Je voulais le voir, son visage légèrement au-dessus du mien, ses yeux scrutant mon visage comme s’il cherchait mon accord. Il fit quelques pas vers moi et je ne bougeais pas alors qu’il attrapait ma main. A nouveau, ce fut comme une décharge électrique de sentir son contact sur ma peau. Je me laissais faire alors qu’il m’attirait vers lui, fermant doucement les yeux et oubliant qu’Emily était dans la pièce avec nous. De toute manière, dès lors que nous avions un échange comme celui-ci, l’environnement autour de nous disparaissait entièrement. Il n’y avait plus que nous deux et le monde extérieur pouvait bien exploser, rien ne comptait plus que sa main dans la mienne.

Ses lèvres vinrent se poser sur mon front dans un tendre baiser et j’en profitais pour respirer son odeur. J’entendais le sang pulser dans ses veines, son cœur battre frénétiquement, comme luttant contre la fatigue qui engourdissait chacun de ses membres. J’humais son parfum et luttais pour déposer à mon tour un baiser dans son cou. Affaiblie comme je l’étais, j’avais une soudaine envie de goûter à son sang. Je savais que cela avait été un pur délice, l’autre soir, au bal. Ce n’était que quelques gouttes mais j’avais été soudain gagnée par une fièvre comme jamais je n’avais connu auparavant. Je n’étais qu’une demi-vampire mais ce soir-là, l’appel du sang m’avait fait perdre tout discernement. Si à cet instant, j’approchais mes lèvres près de sa peau, je savais que cela me reprendrait.

Alors je ne bougeais pas, me contentant d’apprécier cette proximité déjà plus que bénéfique, avant qu’il ne se laisse retomber sur le lit, à bout de fatigue.

« Vous ne voulez pas sortir un peu ? Profiter de Beltaine ? J'ai vu le feu dehors, c'est quelque chose à voir, vraiment. » dit-il.

Je croisais le regard d’Emily. Elle avait détourné le regard pour nous laisser ce moment d’intimité et je lui en étais reconnaissante. Mais elle comme moi n’avions aucune intention de laisser Jared seul.

« On est déjà allée voir le village sorcier d'à côté. » répondit Emily. « Ne me demande pas de redire le nom, j'en serai incapable. »

Je souris.

« Sráidbhaile na Banríona » précisais-je en tournant le regard vers Jared. « Les rues étaient désertes. Les habitants avaient sans doute dû se rendre aux festivités de Beltaine. »

Mon côté historienne se disait que cela devait être quelque chose. La famille royale ne devait pas faire les choses à moitié pour une telle fête et j’osais à peine imaginer ce qui pouvait s’y dérouler. Pourtant, hors de question de s’y rendre sans Jared.

« Je ne vais pas... je ne vais pas recommencer là. » dit-il. « Je vous le promets. Je peux rester seul, vous avez le droit de... de prendre soin de vous aussi. Je revois le psy demain, alors... »

Je baissais les yeux. Il revoyait le Psychomage demain alors ? J’ignorais si je devais me sentir rassurée ou non par cette nouvelle. Un suivi quotidien était plutôt une bonne chose, non ?

« Enfin ce que je veux dire, c'est que vous avez le droit de me laisser pour aller manger un peu ou vous dégourdir les jambes. »

Alors c’était ça ? Il voulait rester dans cette chambre, enfermé, seul ? Pendant que nous, nous étions censées profiter de la vie et aller faire la fête ? Mais dans quel monde vivait-il ? Je croisais les bras sur ma poitrine, levant les yeux au ciel devant son entêtement.

« Jared Parkinson, si tu veux que j’avale quoi que ce soit dans cette fête, il va falloir que toi aussi tu y mettes du sien. Alors je mangerai, quand tu mangeras toi aussi. »

Je le vis hausser un sourcil et son visage se transformait quelques instants. Le chantage ne lui plaisait pas de toute évidence mais je n’allais pas céder. A la différence des autres fois pourtant, il ne mit pas longtemps à rendre les armes. Son manque de combativité me vexa presque, si ce n’était pas pour une bonne raison. Il acceptait de se nourrir.

« Ok, alors je viens avec vous. On essaye de pas se faire choper et on va voler des trucs sur le premier buffet qu'on croise. »

Je souris en l’entendant parler ainsi.

« Emy, tu nous fais rouler ? »
« Hein ? » s’exclama Emily, peu certaine d’avoir bien suivi les derniers événements.

Pourtant, Jared se leva et se laissa retomber immédiatement dans le fauteuil. Il ne cherchait pas à faire le loup fort, il était vaincu. A moitié, puisqu’il acceptait de sortir et de se nourrir. Emily se leva et vint attraper les poignets du fauteuil, prête à remplir avec joie cette mission. Jared tapota alors ses jambes, son regard posé sur moi.

« Jared … Non … » dis-je, souriant en coin.
« Alleeeeez, Clary, on t'attend… » se mit à taquiner Emily.

Je croisais son regard impatient avant de baisser les yeux vers Jared qui, joueur à son tour, me tira par l’avant-bras pour me faire basculer sur ses jambes. Je poussais une exclamation de surprise alors qu’Emily démarrait en trombe le fauteuil, trop heureuse de rendre ce service. Jared m’aida à m’installer comme il faut, mes jambes sur l’un des accoudoirs, les bras de Jared autour de moi, l’un dans mon dos, me maintenant contre lui, l’autre posé sur mes cuisses. Une douce chaleur se dégageait et je me laissais envahir par cette sensation, riant devant la vitesse qu’utilisait Emily. Nous avions besoin de rire, chacun de nous, et c’était assez facile de croire, pendant un instant, que tout allait bien.

« Si on croise ses Altesses, je compte sur vous pour dire que cette idée vient de vous ! » lança Jared.
« Ne t'inquiète pas, j'en fais mon affaire ! » souffla Emily.

On commença à traverser les différents couloirs. Cette fois-ci, Jared avec nous, nous arrivions à nous repérer. Il indiquait à Emily quand tourner, quand changer d’aile, les politesses à respecter dès qu’on croisait une personne. Je me laissais entrainer, profitant de ne penser à rien de vital. Les bras de Jared m’entouraient et c’était à cet instant tout ce dont j’avais besoin. J’étais bien et j’avais la sensation que rien ne pouvait m’atteindre. J’étais en sécurité et nous allions nous en sortir, tous les deux. Ces mauvais jours seraient bientôt des souvenirs, loin derrière nous.

@ Victoire


Dernière édition par Clary C. McGregor le Dim 14 Avr - 19:37, édité 1 fois

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Clarissa McGregor

descriptionAlors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. EmptyRe: Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.

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Clarissa McGregor
Contexte
Nous sommes le jeudi 2 mai 2002. Clarissa Constance McGregor est la fille de deux professeurs de Poudlard : Victoire Prewett, professeur de Métamorphose, et Seamus McGregor, professeur de Magie sans baguette et vampire. Elève studieuse, Clary a choisi de poursuivre ses études à l'Université de Magie Supérieure dans le Cursus d'Histoire et Géographie Sorcière. Depuis un mois maintenant, elle a rompu tout contact avec Jared Parkinson en apprenant qu'alors ils flirtaient ensemble, il sortait déjà avec une autre fille, Vicky Prewett, la cousine de Clary. Mais à présent, entre la vie et la mort, Clary comprend qu'un puissant lien magique la lie à Jared et ce garçon qu'elle ne parvenait à oublier va à présent bouleverser toute son existence.

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.
Nous arrivions dans les jardins, la fête se faisant de plus en plus compacte au fur et à mesure qu’on approchait du temple. Des petits feux brûlaient de partout déjà, les personnes s’occupant de l’entretenir tandis qu’un plus grand bucher était en train de se constituer plus loin. J’écoutais les explications de Jared sur la signification de ses feux. Le 3 mai au soir, le feu serait allumé sur le grand bûcher où tous les Irlandais avaient pu y mettre de vieux souvenirs, des mauvais en général, pour les effacer. C’était comme une libération, un renouveau qui commençait. Je serrai un peu plus l’épaule de Jared contre laquelle je m’étais appuyée, pensive, à l’idée de ce que je pourrais mettre dans ce feu.

Il n’y avait pas que des feux pour cette fête. Plusieurs baraques en bois s’étalaient un peu partout dans les jardins : stands de nourriture, boissons, décorations irlandaises, thé, livres, etc. C’était une véritable célébration et la foule était compacte. Des rires se faisaient entendre un peu partout en même temps que résonnaient des discussions animées entre des groupes d’amis. Il y avait des personnes de tout âgé, du vieillard qui agitait sa cane aux enfants qui couraient et se bousculaient. Un groupe de musiciens était installé sur une estrade, enchaînant divers morceaux qui incitaient à la danse.

Je fermais les yeux, humant les différentes odeurs et me laissant bercer par ces bruits si insouciants, à des kilomètres de ce que nous avions vécus ces dernières heures. Est-ce que Jared ressentait ce même bonheur, cette même légèreté ? Je voulais y croire.

« J'ai pas de monnaie pour la nourriture. » soupira Emily.

Les odeurs de nourriture se faisaient de plus en plus sentir, c’était vrai et je sentis mon estomac grogner. Jared indiqua alors que les buffets gratuits ne seraient installés que ce soir. Je grimaçais quand soudain Emily arrêta le fauteuil. J’entendis un grognement incontrôlable monté dans la poitrine de Jared et je suivis aussitôt son regard. Un homme d’une haute stature nous fixait. Ses cheveux légèrement bouclés sur le crâne n’étaient pas sans rappeler ceux de Jared et je compris d’instinct qu’il s’agissait de son père, le Duc Amadeus, celui-là même que la princesse Iceni avait chassé la veille. Je déglutis.

« Vous me faites confiance ? » souffla Emily.

Je croisais son regard avant qu’elle ne reprenne le contrôle du chariot pour nous perdre parmi la foule. Elle nous arrêta quelques stands plus loin. La foule était moins importante ici mais nous entendions toujours bien les rires et les musiques.

« Je reviens tout de suite, ne roulez pas sans moi ! » dit-elle avant de s’éclipser.
« Tu as compris ce qu’était son idée ? » demandais-je avec un sourire.

Jared haussa les épaules.

« Avec Emily on peut s'attendre à tout, elle est tout aussi prévisible pour moi qu'énigmatique. Je pense qu'elle va faire chier mon père. »

Je tournais la tête vers les stands qui nous entouraient. L’un était un stand de pierres où un sorcier avait gravé des citations. L’autre attirait les enfants avec des barbes à papa. Je sentis à nouveau mon estomac grogner et je tournais la tête vers Jared.

« Comment tu te sens ? Sincèrement. »

J’étais curieuse de le savoir. Est-ce que le fait d’assister à cette fête le faisait regretter d’être assis dans un fauteuil ? Ou est-ce qu’au contraire il regrettait de ne pas être parti pour échapper à toute cette agitation ?

Il se crispa presque immédiatement après ma question avant de prendre le temps de réfléchir. J'ignorais pourquoi, mais le fait de le voir ainsi me rassurait. Il prenait la mesure des choses et voulait être le plus honnête possible avec moi.

« Je me sens sincèrement bien qu'à tes côtés. »

Il vint toucher ma joue, comme pour signifier que le contact physique y était pour quelque chose et je posais à mon tour ma main sur la sienne, revigorée par ce reflux d’énergie.

« Et toi comment est-ce que tu te sens ? »

A mon tour, je pris le temps d’y réfléchir avec soin.

« Mieux depuis que nous sommes sortis ... et que je t’ai près de moi. »

Je nouais mes doigts aux siens sur ma joue avant qu’il ne les repose sur mes jambes. J’étais toujours assise sur lui et c’était comme sentir que mon corps était à sa place. Je ne ressentais pas de gène, pas de malaise. Juste un sentiment de plénitude en étant près de lui.

Emily revint à ce moment-là vers nous, une assiette remplie à ras-bord de nourriture. J’écarquillais les yeux.

« Et voilà, mission accomplie, de la nourriture gratuite sans attendre les buffets gratuits ! » se réjouit-elle.
« Comment tu as fait ? » soufflais-je.

J’attrapais la brochette de viande qu’elle nous tendit et ne me fit pas prier pour y croquer dedans, jetant tout de même des coups d’œil vers Jared pour voir s’il faisait de même. La nourriture avait une drôle de texture en descendant dans ma gorge. Depuis quand n’avais-je pas mangé ? Je me souvenais que le palais m’avait amené un plateau la veille mais y avoir à peine touché tellement l’angoisse me serrait la gorge. Ce matin, c’en était de même. Mais maintenant que je sentais la nourriture descendre dans mon gosier, je sentais l’appétit venir réellement.

J’hésitais à descendre des jambes de Jared. Ce ne devait pas forcément être très agréable pour lui de m’avoir tout le temps sur lui. Pourtant, je n’arrivais pas à me résoudre à m’éloigner de lui. Je voulais le toucher, je voulais être près de lui. Alors, tant qu’il ne me chassait pas, je restais.

« De toute façon, ton père te doit bien plus qu'une assiette de viande volée. Il n'a qu'à se plaindre à la reine ! »

Je souris, me moquant, avant d’attraper joyeusement les feuilletés que me tendait Emily. J’en mis un dans la bouche de Jared et souris davantage en voyant sa réaction. Allez, Jared, bientôt tu seras en mesure de te lever pour vraiment me défier. Bientôt …

« Je vois que vous êtes sortis prendre l'air et profiter de la fête… »

Je levais la tête pour voir que la princesse héritière venait d’arriver devant nous. Un frisson me parcourut l’échine, comme si je craignais que ce qu’avait dit Emily ne soit vrai. Il fallait vraiment que j’arrête d’écouter ce qu’elle disait.

« Euh, oui, c'était mon idée. » répondit Emily en se redressant aussitôt, comme une enfant pris en faute. « Même si Jared est un loup-garou, je suis beaucoup plus forte que lui, alors je l'ai poussé dans le fauteuil, et Clary nous a rejoint… »

Louve Iceni nous regarda d’un air amusé.

« Je viens de croiser le duc Amadeus Parkinson. Il semblait plutôt furieux de voir qu'on s'était joué de lui … Et je crois comprendre pourquoi. »

Je jetais un coup d’œil à Emily, plus amusée que coupable, avant de tourner la tête vers Jared. Elle était vraiment tout le temps comme ça ? Je comprenais de mieux en mieux pourquoi il l’appréciait.

« J'avoue, que là c'était réellement mon idée… » se confessa Emily.
« Une assiette ne suffira pas pour vous trois. Venez avec moi, miss Evans, je vais aller vous chercher quelque chose. Ne vous inquiétez pas, Jared, votre père ne s'approchera pas de vous. Je ne lui ai toujours pas donné mon autorisation. »

Emily hocha la tête avant de me tendre l’assiette pour suivre la princesse. Je la récupérais et jetais un regard perplexe à Jared qui regardait encore derrière moi. Lorsque je me retournai, Emily lançait un clin d’œil vers Jared avant de se retourner d’un bond pour ne pas perdre Louve.

« Ça voulait dire quoi, ça ? » demandais-je.

Je fronçais les sourcils. Il n’y avait aucune colère dans ma voix, plus de l’amusement qu’autre chose. Je voulais discuter de manière légère avec lui. Je voulais lui montrer qu’on pouvait avoir une vie normale. Que cette vie-là existait. S’il voulait au moins essayer avec moi.

Jared leva les yeux au ciel.

« Certainement une de ses dernières lubies, elle doit s'attendre à ... enfin peu importe, Emy est très ... enfin elle est pas comme moi. Je sais pas comment elle me supporte depuis toutes ses années, d'autres diront qu'ils savent pas comment moi je la supporte. »

Je ne cachais pas mon amusement. Etrangement, le sentiment de jalousie que j’avais ressenti lors du week-end au chalet semblait disparaître progressivement. Je fus soudain happée par son regard tendre dans ma direction.

« J'aimerais être quelqu'un d'autre pour toi. Que tu puisses être heureuse avec moi. »

Je lui souris avant de poser ma main sur sa joue, naturellement.

« Et moi, je n'aimerais être heureuse avec nul autre que toi. » confiais-je en plongeant mes yeux dans les siens.

Je voulais qu’il comprenne qu’il était unique pour moi. Il était le seul qui comptait, le seul que je désirais, le seul qui me faisait sentir vivante. A cette pensée, je me mordis les lèvres, déstabilisée par mes sentiments qui prenaient une tournure toujours grandiose.

De son côté, il semblait sincèrement surpris par mes aveux. Y croyait-il ? Ne me pensait-il pas sincère ? N’arrivait-il pas à imaginer que quelqu’un puisse le vouloir autant que je le voulais ? Son regard s’attarda alors un instant sur mes lèvres et je sentis l’air me manquer. Allait-il m’embrasser ? Est-ce que je voulais qu’il m’embrasse ? Oui, je le voulais depuis longtemps déjà. Mais était-ce le bon moment ? Mes doigts commencèrent à jouer avec l’une des mèches de cheveux qui tombait sur son front.

« Bientôt, lorsqu'on quittera ce palais sur nos deux jambes, je compte bien que tu m'invites à notre premier vrai rendez-vous. » dis-je avec un sourire en coin, légèrement provocateur.

Il sourit et se contenta de me fixer un instant, comme si son cerveau cherchait une répartie à me donner. Mon sourire finit de s’élargir. Pourtant, je fus bien surprise de sa réponse.

« Tu seras à jamais le battement le plus fort de mon cœur Clarissa. »

La façon dont il prononçait mon prénom fit trembler légèrement ma lèvre et à mon tour mon regard s’attarda un instant sur sa bouche qui semblait m’appeler.

« Je n'avais pas réalisé ce dont tu avais besoin. » poursuivit-il. « Je n'aurai pas parié que ce soit moi. Alors oui, je te dois un vrai premier rendez-vous. Je ne serai peut-être pas à la hauteur, parce que ces trucs-là, je m'y connais pas, mais tu l'auras. Je te le promets. »

Doucement, je vins nouer mes doigts aux siens, dissimulant mon sourire et mes joues rosies derrière mes cheveux roux.

« Je crois qu'il est temps que tu apprennes à parier sur toi, Jared Parkinson. »

Je relevais lentement les yeux vers lui.

« J'ai une question... Mais tu n'es pas obligé de répondre si tu ne le sens pas, ok ? Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu as ressenti après que tu aies avalé le poison ? Est-ce que... C'était comme tu le pensais ? Est-ce que c'était moins ... Douloureux ? »

Son regard quitta le mien, comme s’il lui était difficile de soutenir mon regard tout en étant sincère sur la question que je lui posais.

« Je n'avais plus peur. » dit-il dans un souffle d’abord. « C'est ce dont je me souviens. Je n'avais plus besoin de me battre. C'était un soulagement, j'étais sûr de réussir cette fois. J'ai toujours mené une lutte intérieure, une lutte contre mon esprit qui connaissait la vérité, et mon cœur qui refusait de l'accepter. Rester c'est me battre encore contre moi-même. J'ai ressenti la paix en avalant la potion, je savais que je ne serai plus un fardeau, ni pour les autres, ni pour moi-même. Mais c'était aussi douloureux, parce que mon loup refusait de laisser tomber, il a lutté de toutes ses forces, mais j'ai gagné le combat, et j'ai été heureux je crois... d'avoir gagné contre moi-même. »

Je déglutis en entendant ces mots, essayant de garder une respiration apaisée bien que penser à la mort lente et douloureuse de Jared suffisait à me paniquer.

« Tu vas réessayer ? » demandais-je, tout à trac. « Quand Emily et moi aurons baissé notre garde, quand le prince n'aura plus d'emprise sur toi, quand ... notre lien sera brisé ... tu réessaieras ? »

Je le comprenais maintenant. Il ne ferait rien tant que ses conditions n’auraient pas été réunies. J’avais vu son regard, j’avais ressenti sa terreur quand il avait compris qu’il aurait pu m’entraîner avec lui. Était-ce un sujet qu’il avait abordé aussi avec le Psychomage ? Je le craignais et je savais qu’il ne retenterait jamais le coup tant que je risquais ma vie avec la sienne.

Il vint prendre mon visage en coupe entre ses mains. Nos regards s’accrochèrent alors, s’unissant, afin qu’aucun de nous deux ne baisse les yeux.

« Emily m'a posé la même question. » avoua-t-il. « Et je ne veux pas vous faire entrer dans une psychose où vous devez chaque instant être sur vos gardes pour moi. Ce n'est pas de votre responsabilité. Je refuse que vous portiez ce fardeau et vivez dans la peur. Je ne vais pas chercher à vous tromper. Si je dois me battre encore, pour toi je le ferai, parce que tu en vaux la peine, et comme il peut y avoir un nous à présent, j'imagine que je peux me montrer plus fort. Pour toi. »

Je sentis mes muscles se détendre au fur et à mesure de ses paroles. Il n'y avait rien de faux, rien de plus sincère que les paroles qu'il prononçait en cet instant. Il ne cherchait pas à me ménager, mais il ne voulait pas m'effrayer non plus. C'était vrai. Et je sentais l'espoir dans ses dernières paroles.

Je posais mes mains sur les siennes et rivais mes yeux dans son regard avant de venir coller mon front contre le sien. Je ne répondis rien mais je savais que je n'avais rien besoin d'ajouter. Il croyait en nous comme j'y croyais aussi. Nous avions un avenir. Nous aurions un avenir. Il suffisait simplement d'y croire.

Ce fut à peine quelques secondes après qu’Emily et la princesse revinrent. Elles portaient deux sacs avec elles ainsi qu’un saladier rempli de nourriture. Elles ne plaisantaient pas quand elles partaient faire les courses !

« On a la nourriture ! » se réjouit Emily. « Et la princesse vous a acheté des cadeaux… »

Elle me tendit le premier sac. Je déglutis, mal à l’aise de me voir offrir un cadeau par un membre de la famille royale. J’ouvris le paquet et découvris un album photo. La couverture avait été jaunie comme les vieux albums photos que j’aimais tant parcourir. Ma main passa dessus, appréciant la texture du livre qui m’avait tant manqué ces derniers temps.

« On t'a pris un album photos ! » précisa Emily. « Pour que tu mettes des photos de David, ou mieux, de l'Irlande, si tu reviens visiter… Ou de loups, si jamais tu en croises… Ou de médicomages, si jamais tu te balades dans Sainte-Mangouste… »

Je souris, amusée par les allusions d’Emily. L’Irlande, les loups, la Médicomagie, tout était relié à Jared. Je croisais son regard et je sentis mon cœur s’emballer. La façon dont il me regardait … Par Rowena Serdaigle … Personne ne m’avait jamais regardé ainsi. Un frisson me parcourut quand ses doigts caressèrent doucement mon dos et j’ouvris la bouche, légèrement déstabilisée par cette façon nouvelle qu’il avait de me couver. Était-ce possible de ressentir de manière encore plus forte ce que je ressentais déjà pour lui ?

Emily interrompit ce moment en tendant l’autre sac à Jared. Je ne pouvais lui en vouloir car j’aurai été capable de l’embrasser ici et maintenant. Alors que … notre premier baiser devait être spécial non ? Je détournais les yeux, voulant cacher mon embarras alors que je pensais à l’embrasser. Mon esprit fut vite détourné quand je vis la peluche en forme de loup que sortit Jared du sac.

« Qu’est-ce que … »
« C'est ton portrait craché, non ? » s’écria Emily, ne pouvant plus se contenir. « Je l'ai appelé Jaja ! »

Je levais les yeux vers Jared puis vers Emily qui ne pouvait s’empêcher de rire. Je me joignis à son hilarité, essayant pourtant de me contenir. Je savais que Jared brûlait à coup sûr de se venger d’Emily à cet instant. Pourtant la plaisanterie était bonne. Notre petit louveteau avait désormais sa figurine …

« J'ai demandé à mettre dans le coton de la passiflore, de l'aubépine, de la valériane et de la ballote. » précisa la princesse qui se faisait toujours très discrète, comme nous laissant nous amuser avant de revenir à des sujets plus sérieux. « Ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan, mais j'espère tout de même que cela aidera. »

Je stoppais mon hilarité en prenant le saladier que me tendait Emily. J’étais touchée une nouvelle fois par la gentillesse de Louve Iceni. La façon dont elle m’avait traité depuis le départ, la façon dont elle prenait soin de Jared. Et il avait voulu quitter tout ça ? Jared, quand comprendrais-tu que tu méritais tout cet amour ? Je posais une main sur sa joue, l’intimidant à se détendre. Louve avait raison. Cela aiderait, même un petit peu.

« Je dois retourner prendre mon bain de foule. » indiqua alors la princesse tandis qu’Emily avait repris le saladier pour manger un peu. « Je vous laisse profiter de Beltaine. Je vous demanderai juste de retourner au château avant le dîner, car les équipes médicales souhaiteraient vous examiner tous les deux, pour voir si vous êtes en bonne voie de guérison. Si vous souhaitez rejoindre la fête après, vous êtes les bienvenus ; sinon je vous ferai porter de la nourriture. »

Je tournais à nouveau la tête vers la princesse, les yeux brillants de reconnaissance.

« Merci beaucoup. Nous ne serons pas en retard. » promis-je.

Emily s’occupa de la révérence de bienséance et la princesse s’éloigna.

« Tu pourras emmener Jaja, si jamais les vilains docteurs te font peur ! »

Emily fut reprise d’un fou rire et je récupérais le saladier avant qu’elle ne le fasse tomber. Cette fois-ci, je ne me joignais pas à son hilarité. Le rappel des examens médicaux m’angoissait à nouveau un peu. Qu’allaient-ils découvrir maintenant ? Pouvaient-ils en savoir plus sur notre lien ? Et si nous étions sérieusement malades ? S’il n’y avait aucun moyen de nous guérir ? Si le lien était pire qu’une drogue et nous consumait tous les deux lentement ?

Cette fois-ci, ce fut au tour de Jared de poser une main sur mon visage et je relevais les yeux vers lui, tentant un frêle sourire à son adresse. Je blottis mon visage contre son cou et me laissais bercer par les discussions entre Emily et Jared. Mon oreille collée contre le corps de Jared, j’entendais de façon différente sa voix. C’était tellement réconfortant. Sa peau était si chaude aussi que j’avais l’impression de ne plus jamais avoir froid de ma vie.

On finit sans problème le saladier de nourriture et Emily nous emmena à nouveau, parcourant la fête et les différents stands que nous n’avions pas encore eu l’occasion de voir. Le soleil commençait à descendre, signe que la soirée allait commencer. Lentement, Emily reprit le chemin en direction du palais et je m’efforçais de ne pas paraître angoissée par ce qui m’attendait à présent.

Les Médicomages étaient là, nous attendant. Alors Emily lâcha le fauteuil et nous adressa un dernier signe de main avant d’être emmené par un serviteur vers nos appartements sans doute. Un autre fauteuil m’attendait, signe que je devais lâcher le corps de Jared. Je posais doucement mes pieds au sol, un peu engourdie d’être restée si longtemps dans la même position, avant de m’aider des Médicomages pour prendre place dans l’autre fauteuil. Je sentis aussitôt la main de Jared prendre la mienne, comme démontrant aux Médicomages qu’ils ne devaient pas éloigner nos fauteuils l’un de l’autre. Il était là, toujours là. Même s’il avait voulu partir quelques heures auparavant, nous quitter, nous tous, aujourd’hui, à cet instant, il me tenait la main, refusant de me lâcher. J’exerçais une légère pression sur sa main alors que les Médicomages nous conduisaient dans les couloirs vers une nouvelle pièce qui ressemblait à une salle d’examens avec beaucoup, beaucoup plus d’équipements médicales que j’avais pu en voir de toute ma vie.

Je déglutis alors que les Médicomages venaient d’arrêter mon fauteuil face à une table d’examens. Je lâchais la main de Jared et m’aidais une nouvelle fois des hommes en blouse blanche pour monter sur la table. Immédiatement, je cherchais du regard Jared qui n’était pas si éloigné de moi que ça. Si nous tendions chacun notre main, nous pourrions peut-être nous effleurer les doigts.

Jared posa immédiatement les questions qui se bousculaient dans ma tête, toutefois avec un jargon plus médical que celui que j’aurai choisi d’employer. Après tout, il était étudiant dans cette branche de la magie et était sans doute l’un des plus brillants de sa génération. Je n’y connaissais pas grand-chose mais le peu que j’avais vu de ses capacités, ou entendu parler sur lui, je comprenais qu’il n’était pas un banal étudiant en Médicomagie. Jared Parkinson serait certainement l’un des plus brillants Médicomages qui soit au Royaume-Uni dans quelques années.

Légèrement rassurée en pensant à un avenir où Jared serait toujours en vie, je regardais l’un des Médicomage s’approcher de lui.

« Il nous faut vous faire une prise de sang. Ainsi nous pourrons déterminer si le poison est désormais évacué de votre système et si vous êtes tout à fait hors de danger. »

Jared secoua la tête. De toute évidence, il était hors de question que quelqu’un le touche. Il tenait à faire sa prise de sang lui-même. Je me retins de lever les yeux au ciel devant un tel entêtement. A moins que ce ne soit son aversion d’être touché par quelqu’un. Jared ne supportait que peu le contact physique. Je l’avais constaté à plusieurs reprises bien qu’avec moi cette règle ne semblait pas s’appliquer. Une nouvelle fois, je mettais ça sur le compte de notre lien magique.

L’aiguille s’enfonça dans sa peau d’un geste net et précis. Je me retins de respirer trop fort, bien que je tressaillis. Ce que ressentait Jared, je le ressentais. De plus en plus, notre lien se renforçait et je sentais à présent tout ce qui pouvait lui faire du mal. C’était un geste imperceptible à l’œil humain que j’avais eu, pourtant, une créature comme Jared l’avait senti. Son regard s’était dirigé vers moi et j’avais immédiatement détourné les yeux. Je ne voulais pas qu’il arrête les examens médicaux pour moi. Ce n’était qu’une piqûre après tout.

Quelques fioles remplies, Jared retira l’aiguille et je rivais mon regard sur les Médicomages qui examinaient déjà le contenu à l’aide de leurs baguettes et autres instruments. Je les écoutais s’interroger à voix haute comme si ni Jared, ni moi étions dans la pièce avec eux.

« … capacité incroyable de régénérescence … le cœur a été touché ? … lien qui les unit doit y être pour quelque chose … »

Un troisième Médicomage s’approcha alors de moi.

« Miss, puis-je avoir votre bras s’il vous plait ? »

Je blêmis aussitôt. Je n’étais pas du genre à avoir peur des aiguilles, ni du sang. J’étais une demi-vampire après tout. J’avais connu des examens médicaux tout aussi lourds peu après mon séjour à l’hôpital quelques années plus tôt. Pourtant, je ne pus m’empêcher de tressaillir à nouveau, comme si cette main froide qui se posait sur mon bras me rappelait de mauvais souvenirs. Mais lesquels ? Je ne parvenais pas à y mettre le doigt dessus. Tout ce que je savais, c’était que la sensation de mal-être que j’avais ressenti quelques heures auparavant était soudainement revenue, aussi vivace qu’avant, sinon plus. J’avais peur. Peur de ce que cette aiguille pourrait m’infliger d’autres. Peur de ce qui serait découvert. Peur d’une vérité que je refusais d’imaginer : et si notre situation était permanente ? Et si je n’échapperais plus jamais aux examens médicaux, aux rechutes de Jared, à notre lien si puissant que nous ne pourrions bientôt plus vivre à quelques mètres l’un de l’autre ?

Mon vertige s’intensifia quand je le vis approcher l’aiguille de moi. Ma bouche était trop sèche pour parler et je sentis mes lèvres trembler. Soudain, la voix de Jared résonna derrière moi, comme à des kilomètres de l’endroit où je me trouvais. Il exigeait de savoir ce que le Médicomage voulait faire avec moi. L’homme releva la tête vers lui, légèrement agacé de voir un patient se mêler de son travail.

« Nous avons aussi besoin de son sang afin d’analyser les répercussions de votre lien. Nous serons ainsi plus à même de comprendre son origine et de savoir comment tout ceci évoluera dans l’avenir. » répondit-il d’une voix égale, comme si tout ça l’importait peu, comme si nous n’étions que des cobayes.

Jared l’interrompit une nouvelle fois. Il rappela mon sang de demi-vampire et tenta de lui indiquer le bon endroit pour prendre mon sang avant qu’il ne se fige. Je tournais la tête vers lui. Nos regards se croisèrent. J’ignorais ce qu’il vit dans le mien (terreur ? détresse ?) mais il décida de se lever aussitôt après avoir donné ses indications.

L’homme se recula aussitôt lorsque Jared lui ordonna de retirer sa main de mon bras. J’oubliais à quel point son aura de loup-garou pouvait parfois être impressionnant pour des humains lambdas. Le palais recelait beaucoup de loups-garous et d’autres créatures. Mais les simples sorciers étaient aussi présents. Et lorsqu’un loup-garou faisait usage de sa force de créature, c’était toujours impressionnant. Son instinct dictait immédiatement de stopper le geste qu’on faisait et de se reculer.

Je clignais des yeux. Il … il allait le faire ? Mon esprit voulut lui dire qu’il n’était pas obligé de faire tout ça. Qu’il pouvait lui aussi y aller doucement et rester sur son lit. Qu’il pouvait laisser quelqu’un d’autre s’occuper de moi. Mais tout mon instinct et mon cœur m’encourageait à le laisser faire, à le laisser apaiser mon angoisse, à me remettre à ses bons soins.

Il s’approcha de moi et contourna mon lit pour venir prendre la place du Médicomage qui lui remit l’aiguille. Mes yeux ne quittaient pas son visage et je sentis mon pouls se calmer lorsque sa main se posa sur mon bras. Sa paume était chaude. Ses doigts ne tremblaient pas. Il était parfaitement serein et mesuré dans ce qu’il s’apprêtait à faire. Mais ses yeux guettaient mon approbation. Il ne ferait rien tant que je ne lui en donnerai pas l’autorisation. Cette liberté de choix finit de me rassurer et je hochais la tête. L’aiguille s’enfonça dans mon bras à l’endroit précis qu’il avait indiqué. J’essayais de saisir le tressaillement qui m’avait saisi quand il avait lui-même fait sa prise de sang.

Pour finir de me calmer, je m’obligeais à calquer mes battements de cœur sur le sien. Son cœur qui battait, toujours, de manière si sereine. Ses yeux se relevèrent vers moi, comme ayant saisi ce que je faisais et son autre main vint caresser mon visage. Je pris une inspiration comme profitant de cette proximité pour refaire le plein d’énergie et de bons sentiments. C’était indéniable. Je me sentais incroyablement mieux dès qu’il était près de moi, dès qu’il posait les mains sur moi.

Je n’entendais plus les Médicomages derrière nous qui utilisaient leur jargon médical pour analyser les résultats du sang de Jared, ni leurs théories sur ce qui nous liait. Jared relâcha mon visage avant de retirer précautionneusement l’aiguille de mon bras. J’essayais de ne pas rire quand il tendit les « tubes de merde » aux Médicomages. Je me sentais tellement soulagée que j’aurai pu rire de n’importe quoi à cet instant.

Jared n’avait pas lâché ma main en se tournant vers les trois hommes. Lui aussi était curieux de savoir ce qui nous liait, précisant que cela venait du jeu Maléfices et Sortilèges. Il souhaitait analyser au niveau cellulaire ce que ce lien impliquait. Je resserrai ma main dans la sienne, comme souhaitant lui faire comprendre que lorsqu’il aurait déchiffré tout ça, je voudrais aussi connaître ce que tout ceci impliquait. Je lui faisais confiance pour comprendre ce qui nous arrivait et pour découvrir ce que l’avenir nous réserverait. Y aurait-il moyen de s’en défaire ? Voudrions-nous seulement nous en débarrasser ?

Les Médicomages nous laissèrent quelques instants de plus sur nos tables. L’un d’eux avait rapproché la table d’examen de Jared vers moi pour lui permettre de se reposer tout en étant près de moi. Je ne comprenais pas grand-chose de ce qu’ils faisaient mais les examens s’enchaînaient sur Jared pour découvrir si son cœur en avait été affecté ou bien si ses autres organes fonctionnaient à nouveau normalement. Lorsque des examens avaient lieu avec moi, Jared mettait un point d’honneur pour les réaliser et personne ne s’y opposait.

Entre ses mains, je me sentais en sécurité et je n’avais jamais été aussi sereine pour un examen médical.

« Nous avons tout ce qu’il nous faut, à présent. » dit l’un des Médicomages.
« Nous allons vous conduire auprès de vos familles qui vous attendent. »

Je sentis mon cœur s’agiter dans ma poitrine. Mes parents étaient revenus ? Evidemment, quelle question ! J’étais heureuse qu’ils se déplacent même si je n’aurai jamais du en douter. Pourtant, durant un instant, je sentis une déchirure se faire. Je tournais la tête vers Jared. Je savais ce que cela signifiait. Durant quelques instants, nous serons séparés. Lui aurait sa famille, moi la mienne. Un frisson me parcourut le dos alors que je serrai à nouveau sa main dans la mienne.

Dans nos fauteuils, le Médicomage qui avait voulu prendre mon sang nous laissa une dernière fois nous serrer la main avant de m’emmener dans une pièce en face de la salle d’examen. Je lâchais Jared du regard alors que les portes se refermaient derrière moi et tentais de refouler le froid qui s’engouffrait dans chaque pore de mon être. Je n’aurai de toute façon pas eu l’occasion de plus m’y attarder qu’une grande tête blonde m’arracha à mon fauteuil.

« Nom d’une gargouille, Clarissa ! » souffla David dans mon cou.

Je sentis le Médicomage se raidir, comme peu enclin à une telle démonstration d’affection après ce que je venais de subir. Mais je levais la main pour lui intimer que tout allait bien. David avait sans problème la force pour me soulever. Mes pieds avaient quitté le sol dans son étreinte et je me laissais enveloppée par l’odeur de mon frère. L’odeur de la maison.

« Tout va bien. » murmurais-je.

Il recula, gardant toutefois un bras en travers de mon dos pour que je m’appuie sur lui. Mes pieds retrouvèrent le sol et je découvrais alors un peu mieux son visage. Ses grands yeux bleus me contemplaient, comme à la recherche d’un signe d’épuisement, de fatigue ou de souffrance.

« Tout va bien. » répétais-je.

A ce moment-là, deux nouvelles personnes approchèrent. Ron et Sam se bousculaient déjà pour savoir lequel aurait le droit à la première étreinte.

« Je t’avais bien dit qu’elle irait bien ! » argua Sam en tirant la langue à David.

Ron lui donna un coup de coude avant de déposer un baiser sur ma joue, rapidement imité par Sam. Les jumeaux ne manifestaient pas la même inquiétude que David, bien trop occupés par leurs chamailleries. C’était leur manière à eux de se protéger de ce qui était trop sujet à la tristesse et l’angoisse. Je souris, ragaillardie par leurs façons de faire qui me rappelait la douceur de mon foyer d’enfance.

« Salut ! » poussa une petite voix que j'associais aussitôt à Chelly.

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. Spi-alyona-shvets-vipustila-novii-uyutnii-singl-3c591e27-32cd-391e-a605-519950888bde
Chelly McGregor - 6ème année à Poudlard

Elle poussa doucement Ron pour se frayer un chemin jusqu’à moi et j’embrassais son front alors qu’elle me donnait une étreinte. Chelly et moi n’étions pas les meilleures sœurs du monde mais j’étais touchée qu’elle soit venue. Derrière elle, papa et maman se tenaient la main, leurs yeux scrutant mon visage.

« Je vais bien. » me dépêchais-je de rassurer toute la troupe. « Les Médicomages ont fait tous les examens qu’ils avaient à faire et tout parait normal. »

Je tournais la tête vers le Médicomage qui hocha la tête, lèvres pincées toutefois.

« Est-ce que je peux vous parler, Mr et Mrs McGregor ? » demanda-t-il en les entraînant dans une autre pièce.

Je grimaçais. Je n’aimais pas voir un Médicomage parler « de mon cas » loin de mes oreilles aiguisées. Qu’allait-il dire ? Allait-il inquiéter mes parents sur le lien qui m’unissait à Jared ? Je savais qu’ils avaient fait une drôle de tête en apprenant qu’il était le fils d’Amadeus. Allaient-ils ordonner aux Médicomages de briser le lien immédiatement ? Condamneraient-ils Jared avant même de le connaître ? Ces pensées me déplaisaient mais j’en fus vite détournée à nouveau par les chamailleries de ma fratrie. David m’avait conduite jusqu’à un canapé tandis que Ron et Sam y avaient déjà mis leurs pieds, narguant Chelly avec les petits gâteaux secs qui avaient été déposés sur la table basse.

« Alors Clary, t’as eu droit aux petits-déjeuners royaux ? » se moqua Ron.
« Je parie que tu vas avoir tes places réservées aux prochains événements de la famille royale. » s’amusa Sam à son tour.
« Miss Clarissa, si vous voulez bien vous donner la peine … »
« Je dirai même mieux : Miss Clarissa Constance McGregor … comment il s’appelle déjà ? Parkinson ? »

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. Ron-x-Sam-2
Ron et Sam McGregor - 1ère année à l'UMS

Sam plissa les yeux, faisant semblant de ne pas être certain du nom. Je lui balançais le premier oreiller qui me vint sous la main avant qu’il ne l’écarte d’un coup de baguette, hilare.

« Comment va-t-il ? » demanda David.
« Mieux. » répondis-je en tournant la tête vers lui. « Il y a encore du chemin à faire. Mais il est en bonne voie. »

Je souris. Je ne voulais pas entrer davantage dans les détails avec mes frères. Je pouvais sentir toute la tension dès lors que David avait posé la question. Depuis Mattéo, ils étaient tous les trois sur leurs gardes quant à mon prochain petit-ami. Je ne pouvais leur en vouloir. Pour la deuxième fois, je finissais à l’hôpital à cause d’un garçon.

« Comment va Vicky ? » demandais-je à mon tour à Chelly.

La jeune femme leva les yeux vers moi, avant de repousser violemment la main de Sam qui essayait de désordonner sa coiffure.

« Bien, j’imagine. » répondit-elle en haussant les épaules, détachée.

J’imaginais que je n’obtiendrai rien de mieux d’elle. Elle était là, c’était le principal. Elle s’inquiétait pour moi mais elle n’était pas prête à communiquer davantage. Je vins frotter mes mains entre elles. Elles étaient si froides loin de Jared. J’étais une demi-vampire, j’avais l’habitude du froid même si je ne l’avais jamais ressenti comme une morsure violente. Soudain un flash me fit sursauter et je tournais la tête vers David qui tenait un appareil photo entre ses mains.

« Tes amis m’ont harcelé pour que je lui rapporte une preuve que tu allais bien ! » se justifia-t-il en récupérant la photo.

Il l’agita dans les airs pour la faire sécher et je me penchais pour l’attraper.

« Donne-moi ça ! Je dois être affreuse dessus ! » répliquais-je en me penchant pour l’attraper.

Comme un jeu souvent répété, il se mit à lever le bras plus haut pour m’empêcher de la prendre. Au moment où je pensais la saisir, Ron l’attrapa et l’observa.

« Oh bon sang la tête de sorcière que tu as ! » commenta-t-il avec une mine choquée à mon intention.
« C’est vrai que je n’oserai plus sortir si j’étais toi. » ajouta Sam en contemplant à son tour la photo.
« Peut-être faut-il rappeler le Médicomage pour prescrire de la chirurgie esthétique. »

Cette fois-ci, Ron ne put échapper au coussin que je lui balançais. Cela n’empêcha pas les trois frères de rire pour de bon, et moi un sourire en coin d’apparaître malgré mon air faussement boudeur.

« Si tu veux vraiment ramener une preuve, laisse-moi faire ! » répliquais-je en tendant la main vers l’appareil photo.

J'imaginais sans mal Harry, Mióróis, Alec, Jordan et John harceler mes frères pour s'enquérir de mon état. Il faudrait que je pense à leur envoyer un hibou.

David haussa un sourcil intrigué mais me tendit l’appareil. Je vins le prendre à l’envers, prête à me prendre en selfie. Immédiatement, David se pencha pour tirer la langue près de mon visage. Ron s’était redressé pour venir derrière le dossier du canapé. Quant à Sam il avait tiré Chelly par la main pour l’obliger à venir. Tous deux se laissèrent tomber sur les genoux de David qui poussa un cri.

« Noooon ! » se plaignit Chelly tandis que Sam la tirait pour la maintenir dans le cadre.

J’appuyais alors sur le bouton, riant, et une nouvelle photo en sortit. On se pencha tous pour la regarder et je découvris, amusée, nos visages ridiculement serrés pour rentrer dans le cadre. Sam étouffait presque Chelly avec son bras passé en travers de son corps. David grimaçait devant la lourdeur de Sam et Ron était le seul à avoir un sourire aussi grand que son visage !

« Tu devrais la garder. » dit David. « Et te dépêcher de guérir pour qu’on en refasse avec un cadre plus beau. »

Je levais les yeux vers lui, un doux sourire aux lèvres.

« Revenez là qu’on en fasse une comme il faut. »

Cette fois-ci, Ron passa sur le devant du canapé et je me retrouvais coincée entre lui et David. Sam s’était accroupi devant nos genoux et embrassais Chelly sur la joue qui riait malgré elle.

Les parents revinrent dans la pièce sans le Médicomage. Leurs mines soucieuses ne m’échappèrent pas même s’ils se dépêchèrent de sourire en voyant mon regard sur eux.

« Je t’ai rapporté du O négatif. » lança mon père en me balançant une poche de sang. « Tes préférés. »

Il me lança un clin d’œil et je lui souris aussitôt, touchée par son attention.

« Le Médicomage nous a dit que tu rentrerais dans quelques jours à la maison. » ajouta ma mère. « Le temps que tu vois un Psychomage et que Jared soit définitivement tiré d’affaires. »

J’essayais de ne pas grimacer en entendant le mot Psychomage. Ainsi donc je devrais aussi m’y conformer ? Je déglutis, guère à l’aise à l’idée de devoir passer par cette épreuve et espérant secrètement qu’il ne s’agirait pas du même qui avait eu Jared en consultation.

Mon père vint s’asseoir sur le canapé à son tour et Ron s’éloigna aussitôt pour lui laisser la place.

« On va préparer ta chambre. Comme ça, tu seras avec nous. »
« Je pensais rentrer chez moi, en faites. » dis-je en me mordant la lèvre. « Il y aura Harry et Mióróis. Je ne serai pas seule. »

Mon père qui avait passé un bras autour de mes épaules se crispa. Ma mère s’assit sur l’un des fauteuils en face, Chelly près d’elle.

« Clarissa, chérie, on s’est déjà arrangé avec la directrice à Poudlard pour rentrer chez nous. Tout est déjà prêt. Ca nous ferait vraiment plaisir de t’avoir avec nous, ne serait-ce que quelques jours. »

Sa main se posa sur mon genou et je compris en croisant son regard sa supplication discrète. Elle savait que je voulais être seule. Mais elle me demandait de rester au moins pour rassurer mon père. Ma mère et lui avaient un lien que j’avais toujours envoyé. Sans se parler, ils se comprenaient. Sans formuler à voix haute leur amour, ils s’aimaient par ce genre de petites attentions.

Je tournais la tête vers mon père. Ses yeux bleus, les mêmes que ceux de David, croisèrent les miens et je rendis les armes.

« Très bien alors. » dis-je.

Je sentis mon père se détendre et appréciais son baiser sur le front. Ce serait l’affaire de quelques jours. Et après tout, ce serait aussi l’occasion d’être chouchoutée par ma famille encore quelques jours. Mais je commençais déjà à appréhender la distance qui me séparerait de Jared, avec moi en Ecosse, et lui en Angleterre. Mais nous trouverions un moyen. Je ne pourrais rester loin de lui aussi longtemps.

On continua de parler, de tout et de rien. Maman évoqua ses cours à Poudlard et l’arrivée d’un nouveau professeur, un certain Scott, au poste de Runes. Papa s’était crispé lui aussi. Après tout, le nom des Scott évoquait le règne des Mangemorts et avec le sort de Magie Noire que ma mère avait reçu à l’époque, je comprenais que cela leur rappelle de mauvais souvenirs. David de son côté avait eu l’occasion de passer voir Clémence Castellane, une amie récemment libérée d’Azkaban. Je vis ma mère froncer le nez à cette mention bien qu’elle s’abstint de tout commentaire. Les jumeaux quant à eux parlaient de leurs examens de fin d’année qui approchaient et qui allaient valider leur 1ère année à l’UMS. Chelly garda le silence, commentant partiellement quand on lui demandait son avis.

J’aimais ce moment en famille, le bras de mon père sur mon épaule, le genou de David près du mien, les jumeaux se chamaillant, la présence de Chelly, les bavardages incessants de ma mère. Mais je devais avouer que la fatigue commençait à me gagner. La journée avait été longue et le jour avait commencé à diminuer par la fenêtre.

« Ça va Clary ? » demanda Sam en me voyant cligner des yeux.
« Je suis juste un peu fatiguée. » avouais-je en retenant un bâillement.
« On devrait y aller. » déclara ma mère.

Mon père se leva pour aller chercher un Médicomage. Ils tombèrent presque nez à nez et j’entendis leur discussion. Le Médicomage revenait de toute manière me chercher. Jared aussi avait eu un gros coup de fatigue et c’était le signal que nous devions revenir dans nos chambres. Autrement dit, nous reconnecter l’un à l’autre.

J’embrassais à nouveau tour à tour mes frères, ma sœur et mes parents avant de me laisser reconduire dans la chambre sur le fauteuil par le Médicomage. Dans le couloir, je sentis Jared avant de le voir. Le fourmillement dans ma nuque devenu familier me fit sourire et je tendis la main vers lui naturellement. La chaleur s’insinua à nouveau dans mes veines et son regard profond suffit à me redonner l’énergie qu’il me fallait pour ce soir.

« Tu m’as manqué. » soufflais-je.

Les Médicomages poussèrent nos fauteuils jusqu’à la chambre.

« Je peux marcher. » dis-je aux Médicomages qui hésitaient à nous faire entrer avec les fauteuils.

Jared avait ordonné la même chose et je m’appuyais sur sa main pour me lever. La porte s’ouvrit avec même qu’on ait actionné la poignée et je sentis mon cœur rater un battement. C’était le Psychomage de Jared. Derrière lui, Emily était pâle. Alors … il allait vraiment discuter avec moi aussi ? Cet après-midi ça avait été le tour d’Emily. Et moi ? Demain ? Je resserrai les doigts de Jared dans les miens alors qu’il le regardait partir.

Emily s’approcha aussitôt de moi et j’accueillis son bras avec soulagement. Je m’assis avec son aide sur le lit médicalisé tandis que Jared demandait déjà à Emily pourquoi le psy était là.

« Simplement discuter avec moi. » répondit-elle, évasive. « Alors, vous, comment ça va ? Les résultats donnent quoi ? »

Je m’accrochais naturellement au bras de Jared. C’était vital désormais. Je le voulais près de moi, ne jamais le lâcher. Et cela finissait de me réconforter de savoir que ce geste devenait naturel pour nous deux alors qu’il posait une main sur ma jambe.

« Je n’ai pas tout compris au jargon médical. » avouais-je en jetant un œil vers Jared. « Mais je crois que dans l’ensemble ça va. Le Médicomage a dit à mes parents que dès que tu te sentirais mieux, il nous libérerait. »

Je lui lançais un regard amusé mais aussi plein d’espoir à la perspective d’aller ailleurs, n’importe où, avec Jared. J’ignorais si lui ressentait autant d’excitation que moi à l’idée de notre avenir.

« Pour le dîner, vous voulez descendre à la fête ou manger ici ? » demanda Emily. « Et oui, Jared, si on mange, tu manges aussi. »

Je souris, amusée, mais n’ajoutais rien. Je laissais à Jared le soin de décider. Il nous regarda tour à tour, Emily puis moi, avant de déclarer qu’il voulait bien profiter d’une soirée tranquille. Ce ne serait pas de refus après la journée que nous venions de vivre.

Emily s’occupa de tout, allant chercher un serviteur pour nous faire amener la nourriture. Elle revint même victorieuse avec un dessin-animé à la main : Balto. Je souris et laissais Emily et Jared se chamailler au sujet du doudou et de la référence encore une fois au loup.

« J’imagine que tu t’identifies à l’oie, Emy ? » coupais-je à un moment.

Jared et Emily se tournèrent, étonnés, vers moi.

« L’oie, le meilleur ami de Balto, qui lui donne des conseils et tout. » expliquais-je.

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. Balto-ha-haAlors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. 0c5e49fef08d2321290c85902f44d017

Il n’en fallut pas plus pour Emily pour se vanter et mettre le DVD en route. On parla encore un moment de nos examens médicaux puis de nos visites à nos familles. J’expliquais les photos que David avait prises de notre fratrie et des inquiétudes de mes parents, insistants pour que je vienne passer quelques jours chez eux. Puis Emily et moi cherchâmes à interroger Jared sur ce qui s’était passé de son côté.

« Ça a été avec ton père ? » demandais-je, posant la question qui nous brûlait les lèvres à toutes les deux.

Je n’avais aucun souci pour ses sœurs, même pour sa mère. Mais je me demandais comment s’était passée la confrontation avec son père.

Les discussions se tarirent lorsque Balto entama son voyage pour retrouver les médicaments et qu’Emily nous incita à manger. J’avalais la nourriture qu’elle nous avait ramené, tâtant toutefois à plusieurs reprises dans ma poche le sachet que mon père m’avait donné. Je finis par le sortir. J’avais besoin de sang. Je savais que cela m’aiderait à recouvrir plus rapidement de l’énergie. Je croisais le regard de Jared qui m’encouragea à satisfaire ce besoin. Je me souvenais de sa réaction quand il avait saigné et que j’avais goûté à son sang quelques mois plus tôt, après un bal masqué.

Je perçais le haut et portais l’embout à ma bouche avant d’en avaler une gorgée. Les yeux de Jared ne me quittèrent pas et je sentis son être frissonner à mes côtés. Se pouvait-il vraiment qu’il ne soit pas dégoûté par ma nature ? Un loup-garou comme lui pouvait-il sincèrement aimer me voir boire du sang ? Je sentis mes joues rosir à l’afflux de pareille nourriture. Emily, à côté, était trop obnubilée par le dessin-animé pour me regarder, ou bien était-ce juste ce qu’elle voulait faire croire pour ne pas me gêner.

Je finis entièrement la poche de sang, ayant l’impression d’avoir regoûté enfin à une nourriture qui me nourrissait vraiment. Je voulus passer la langue sur mes lèvres mais à ce moment-là, Jared vint essuyer de son pouce une goutte de sang. Je le regardais puis regardais son pouce. Je pouvais tout oublier à cet instant. Le dessin-animé où Balto et Jenna venaient de se retrouver. Emily qui croquait bruyamment dans des chips, ne perdant pas une minute de son visionnage. Les sujets à l’extérieur qui profitaient des stands de nuit.

Il n’y avait plus que Jared et moi. Et la goutte de sang sur son doigt. Je m’approchais lentement, appréciant ce moment. Puis du bout de ma lèvre, je vins lécher le sang sur son doigt. Je savais qu’il ne me quittait pas du regard. Je savais que tout son être frissonnait à mon contact. Et je m’en délectais.

Soudain, Emily poussa un grand rire à côté de nous et le moment s’interrompit. Je me reculais, rendant son doigt à Jared avant de tourner la tête vers la jeune femme à côté de nous qui s’esclaffait du ridicule des deux ours polaires.

Le sommeil ne tarda pas à me gagner. Le dessin-animé terminé, Jared et Emily continuèrent de parler. Pour ma part, lentement, je vins à me blottir dans les bras de Jared et je ne tardais pas à tomber dans l’inconscience.

@ Victoire

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Clarissa McGregor

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Clarissa McGregor
Contexte
Nous sommes le vendredi 3 mai 2002. Clarissa Constance McGregor est la fille de deux professeurs de Poudlard : Victoire Prewett, professeur de Métamorphose, et Seamus McGregor, professeur de Magie sans baguette et vampire. Elève studieuse, Clary a choisi de poursuivre ses études à l'Université de Magie Supérieure dans le Cursus d'Histoire et Géographie Sorcière. Depuis un mois maintenant, elle a rompu tout contact avec Jared Parkinson en apprenant qu'alors ils flirtaient ensemble, il sortait déjà avec une autre fille, Vicky Prewett, la cousine de Clary. Mais à présent, entre la vie et la mort, Clary comprend qu'un puissant lien magique la lie à Jared et ce garçon qu'elle ne parvenait à oublier va à présent bouleverser toute son existence.

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.
Je me réveillais une nouvelle fois dans les bras de Jared. Il ne dormait pas cette fois-ci mais son regard était sur moi.

« Tu me regardais dormir ? » murmurais-je.

Ses yeux noirs me scrutaient et sa main vint alors repousser une mèche de mes cheveux. C’était quelque chose de se réveiller dans les bras de Jared Parkinson. Il n’y avait pas meilleur sentiment de sécurité au monde. Et surtout, je me sentais revigorée d’une énergie toute nouvelle. Je sentais que je pourrais être capable de courir un marathon. Était-ce une bonne nuit de sommeil qui était responsable de cela ? La poche de sang donnée par mon père ? Ou la proximité entre Jared et moi ces dernières heures ? Nous nous étions si souvent connectés l’un à l’autre hier que j’avais l’impression que ma batterie était rechargée à bloc.

La porte s’ouvrit soudain et je clignais des yeux pour chasser les dernières notes de sommeil. Un serviteur nous amena comme hier notre petit-déjeuner. J’entendis Emily grogner dans le lit d’à côté, ne voulant manifestement pas se réveiller encore. Jared lui lança avec amusement son loup en peluche à la figure et je souris en le voyant aussi détendu ce matin. Le serviteur repartit et je vins embrasser la joue de Jared. Sa peau était si chaude.

Je me levais et chacun notre tour nous prîmes place autour de la table pour prendre le petit-déjeuner. Chacun notre tour aussi, nous nous isolâmes dans la salle de bain. Je n’étais pas mécontente de faire un brin de toilette, laissant l’eau couler sur ma peau. Je ne voulais pas que l’odeur de Jared disparaisse, juste que l’odeur d’hôpital et les médicaments ingérés s’éloignent. Je brossais ma chevelure rousse, reprenant plaisir par ce matin ensoleillé de voir mon reflet dans le miroir.

Oui, aujourd’hui serait une bonne journée.

J’en aurai presque oublié mon appréhension de voir le Psychomage aujourd’hui. Le moment arriva vite : Louve vint frapper à notre porte ce matin, impatiente de prendre des nouvelles de chacun d’entre nous. Elle annonça alors qu’une personne était venue ce matin-même pour nous rencontrer. Je vis Jared tressaillir quand Louve lui parla d’une certaine Elisabeth. A ce moment-là, une femme entra. Ses boucles brunes encadraient un visage poupin. Ses grands yeux se rivèrent aussitôt sur Jared. Malgré un air innocent sur le visage, je devinais tout de suite qu’elle était une force de la nature.

Ils furent les premiers à partir. Jared me lança un dernier regard avant de suivre sa marraine dans les couloirs du palais. Emily se leva aussi à son tour quand Louve lui précisa qu’un garçon était impatient de la voir. Je croisais son regard, comprenant qu’il s’agissait certainement de Thomas. Je comprenais aussi que Louve avait attendu que Jared soit parti pour en parler sinon, Merlin savait qu’elle aurait été sa réaction. Même après que celui-ci l’ait sauvé, je doutais que leurs rapports seraient encore compliqués.

Emily partie, Louve tourna un regard maternel vers moi. Elle me fit un signe de tête pour m’inviter à la suivre. Je quittais ma chaise et lissais la jupe marron que j’avais enfilée un peu plus tôt. Louve referma la porte et je commençais à la suivre dans les couloirs. J’étais curieuse de savoir ce qu’elle me voulait. Allait-elle me dire que je serai finalement dispensée de rencontrer un Psychomage ? Ou allait-elle m’annoncer quelque chose de terrible ? Les examens médicaux de Jared n’étaient peut-être pas aussi bons que je le pensais ?

« Comment vous sentez-vous ces derniers jours ? Avez-vous besoin de quelque chose en particulier ? »

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. Cheryl-blossom-madelaine-petsch

Je levais les yeux vers elle alors que nous continuions notre marche dans les couloirs.

« Bien. Ce matin, en tout cas, je me sens bien mieux. » reconnus-je. « Merci pour tout ce que vous faites pour nous. Pour Jared. Il a vraiment besoin de savoir qu’il compte pour les gens. »

Je repensais à notre discussion de la veille quand il avait paru surpris que je lui avais que je ne voulais aucune autre personne que lui.

« C'est bien normal. Je tiens moi aussi à lui. Pas comme vous, bien sûr, mais d'une manière qui m'est propre. »

La princesse eut un sourire, et je baissais la tête. Soudain, elle s’arrêta dans le couloir désert, face à une fenêtre qui donnait sur les jardins.

« Je sais que Jared tient à vous. Et en tant que princesse de ce palais, je me dois d'être sûre que vous alliez bien. »

Mon cœur rata un battement.

« Aussi bien physiquement que mentalement. » continua-t-elle. « Aslinn, notre psychomage, aimerait vous rencontrer. Qu'en pensez-vous ? »

Je suivis son regard par la fenêtre où je ne fus guère surprise de voir le Psychomage de la veille. Il griffonnait quelques choses à l’aide d’une plume à papotte. Je déglutis difficilement.

« Et … si je ne vais pas bien … qu’est-ce qui se passera ? » demandais-je d’une voix dont transparaissait mon angoisse.

Louve posa doucement une main sur mon épaule, pour essayer d'attirer mon regard.

« Si vous n'allez pas bien, il restera à votre disposition. » dit-elle d’une voix douce. « C'est son travail de vous aider à aller mieux. »

Je tremblais légèrement avant de retourner la tête vers elle.

« Je connais Aslinn depuis des années. Il est très doué dans son domaine, et réellement à l'écoute. Vous serez entre d'excellentes mains. »

Elle marqua une pause et son sourire devint légèrement coupable.

« Moi la première, il m'arrive de me confier à lui. Et puis, lui parler n'est pas signe de faiblesse. Tous nos soldats, avec leurs muscles virils et leur attitude masculine ont pour obligation d'aller le voir régulièrement. »

Je hochais doucement la tête. Ses paroles avaient un ton si maternel et si empathique que je sentais mes angoisses se reculer au second plan. Je déglutis à nouveau et vins frotter mes mains entre elles pour les réchauffer.

« Je comprends qu’il faut que j’aille bien … pour aider Jared. » dis-je. « Je veux bien rencontrer ce Psychomage. »

Je levais les yeux vers elle, tentant de montrer mon courage. Après tout, si une future reine osait m’avouer qu’elle avait elle aussi besoin de se confier, je pouvais en faire autant ?

« Avant de vouloir aller mieux pour aider Jared, allez mieux pour vous-même. »

Je baissais la tête, coupable, tandis qu’elle souriait.

« On y va ? » dit-elle avec un nouveau signe de tête. « Je vous accompagne, pour que vous ne vous perdiez pas. »

Je hochais la tête et nous reprîmes notre route. Le chemin jusqu’à dehors n’était guère plus long et très vite les rayons du soleil arrivèrent sur nous. Le Psychomage, Aslinn, s’approcha de nous aussitôt qu’il nous vit et s’inclina légèrement en voyant la princesse héritière.

« Je vous la confie. » dit-elle.

Elle me lança un dernier regard d’encouragement avant de faire demi-tour et de me laisser seule avec le Psychomage.

« La princesse a dit que vous vouliez me rencontrer ? » dis-je en essayant de paraître à l’aise.

Un sourire charmant apparut sur son visage.

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. Bb366ec54564bf2b07b9fff3b980f960

« Bonjour Clarissa, est-ce que cela vous dérange ? »
« Quoi donc ? »
« Que je vous rencontre et que nous parlions un peu ? »

Je le regardais, essayant de le comprendre et de savoir ce qu’il voulait savoir. J’optais pour l’honnêteté.

« Je suis plutôt étonnée que nous parlions. Mais la princesse a dit que c’était pour vérifier que j’allais aussi bien physiquement que mentalement. Pour Jared. Pour moi. »

Il hocha la tête et sourit à nouveau, comme s’il avait déjà compris quelque chose que j’ignorais encore.

« Pour Jared. Mmhh. Moi je suis assez étonné que vous le placiez avant vous. Ce garçon est précieux, à sa manière, pour chacun d'entre vous. Mais je suis là pour vous Clarissa. »

Je me dandinais d’un pied sur l’autre en le regardant alors qu’il m’invitait à marcher à ses côtés. Ma main se porta à mon poignet, tirant sur mon gilet.

« Et effectivement, son altesse a raison, j'aimerais savoir comment vous alliez ? Déjà physiquement, est-ce que cela vous coûte de devoir marcher ? Nous pouvons aussi nous asseoir, si votre corps ne vous le permet pas. »
« Je peux marcher. » dis-je presque aussitôt avant de reprendre d’un ton plus doux. « Enfin, disons que je préfère marcher. Hier je fatiguais vite. Aujourd’hui, j’aimerais voir ce que ça donne. »

Je souris à mon tour, essayant de me détendre. Il sourit à nouveau et croisa les bras dans son dos en avançant à ses côtés.

« Je n'en attendais pas moins de vous. Vous semblez être quelqu'un de courageux. Je suis ravi et rassuré de savoir que vous vous remettez de la situation. Êtes-vous en colère contre Jared ? »
« En colère ? » dis-je en fronçant les sourcils. « Non … je suis inquiète. Soucieuse. Anxieuse. Mais pas en colère. Pourquoi le serais-je ? »
« Parce qu'il vous a mise en danger, et que vous auriez pu mourir. Jared a attenté à votre vie, vous pourriez lui en vouloir, cela serait normal. »

Je fronçais les sourcils et regardais devant moi, laissant la brise soulever mes cheveux.

« Il ne savait pas. Pour notre lien. Comme moi, il se doutait que nous étions connectés. Mais il ne pensait pas que c’était à ce point-là. Moi non plus. » expliquais-je doucement. « Je ne peux pas lui en vouloir. Je comprends ce qui peut pousser une personne à en finir et je ne lui en veux pas d’avoir essayé. »

Il tourna légèrement la tête vers moi.

« Vous comprenez, parce que vous l'avez vécu, n'est-ce pas ? »

Je blêmis aussitôt.

« Depuis qu'on a commencé à marcher, j'ai vu que vous étiez gênée, je ne savais pas vraiment pourquoi, mais je vous ai vu toucher votre poignet plusieurs fois. Et mes yeux de loup me laissent percevoir une cicatrice. »

Automatiquement, je portais ma main à mon poignet et je fermais les yeux.

« Je ne veux pas en parler. » déclarais-je abruptement. « C’était il y a longtemps. J’ai vu des Psychomages depuis. »

Je tournais la tête vers lui, comme le défiant. A nouveau, ce sourire. Ça commençait sérieusement à m’irriter. Quoi ? Il se pensait plus intelligent ? Je n’aimais pas ça. Il me quitta alors des yeux.

« Longtemps... Je ne suis pas aussi doué que Jared en Médicomagie, mais par expérience, cette cicatrice n'a pas plus de deux ans. Mais je respecte votre désir de ne pas encore m'en parler. »

Pas encore …  

« Donc vous disiez que vous étiez soucieuse pour Jared. Le connaissez-vous depuis longtemps ? »

J’essayais de me détendre à nouveau. Parler de Jared me paraissait mieux même si je connaissais assez les Psychomages pour savoir que le sujet reviendrait vite sur moi, comme le supposait sa question.

« Pas vraiment, non. » admis-je. « On s’est rencontré en février, même si je le connaissais de nom à Poudlard. Nous n’étions pas de la même année, ni de la même maison. Et là, on s’est connu à une soirée. »

Je haussais les épaules.

« Je crois que c’est juste un coup de foudre mutuel. »

J’ignorais pourquoi mais j’essayais de minimiser notre lien. En vérité, je ne voulais pas parler de ce que je ressentais pour Jared avec lui. En faites, je ne voulais pas parler de grand-chose avec lui et je savais qu’il le comprendrait vite.

« Bien que je sois très ouvert sur la question, tout comme la couronne Irlandaise, il me semble qu'en Angleterre, le coup de foudre entre un loup et un vampire, bien que demi, soit peu commun. »

Malgré moi, je lâchais un rire. Je ne m’attendais définitivement pas que ce Psychomage relève cette particularité.

« Vous en parlez comme si cela était normal et anodin. » continua-t-il. « Je ne le pense pas. »

Je recouvrais mon sérieux et le regardait. Son sourire, toujours sur ses lèvres, apparaissait bienveillant, presque doux. On aurait dit qu’il était fasciné par ce que je décrivais ?

« Parlez-moi de ce lien. Comment s'est-il fait ? Était-ce à cette soirée ? »

Je secouais doucement la tête, peu certaine de savoir pourquoi il voulait en savoir autant sur ma rencontre avec Jared. Ou de ce lien magique.

« Non. C’était quelques jours plus tard. A une soirée dans un club. »
« Il me semble avoir entendu qu'il s'agissait d'un Jeu potentiellement mortel ? »
« Oui. Maléfices et Sortilèges. » précisais-je avec amertume.
« Avec Jared, vous avez souvent ce genre de conduite ordalique ? »

Je fronçais les sourcils.

« Non ! » m’écriais-je.

Je m’arrêtais.

« Que cherchez-vous ? Que voulez-vous que je vous dise ? Vous voulez savoir si Jared et moi avons des comportements suicidaires ? Si c’est notre trip ? Désolé de vous décevoir, mais non. Jared et moi, on aimerait beaucoup vivre, au contraire. »
« C'est tout à fait ce que je cherche à savoir effectivement. » répondit-il tranquillement. « Je ne cherche pas à vous tromper Clary. Je suis en droit de me poser des questions, et je ne suis certainement pas un des nombreux Psychomages traditionnels que vous avez rencontré et qui vous ont aidé jusqu'à présent. Je vais généralement droit au but. »

Il me regarda à nouveau et s'arrêta juste un instant, comme pour cristalliser le moment.

« Jared a essayé de se tuer … »

Je frissonnais à ces mots.

« … vous l'avez fait aussi par le passé. Maintenant, vous me dites que vous avez joué à un jeu dangereux, potentiellement mortel. Vous me semblez, vous et lui des personnes intelligentes, raisonnés, alors je me questionne sur le choix d'un tel jeu. Je suis en droit de me demander, si via ce lien, cette tentative n'était pas aussi un moyen attrayant pour vous de ... jouer à nouveau. »

Je déglutis, n’aimant pas la suite logique de ses pensées.

« Est-ce que Jared a déjà essayé de vous faire du mal ? »
« Non ! »
« Est-ce que vous vous sentez libre à ses côtés ? »
« Oui ! »
« Vous pousse-t-il à faire des choses dangereuses ? »
« NON ! »

Je me sentis prise de vertiges et je posais une main sur mon cœur, une autre sur ma gorge. Je fermais les yeux, essayant de me reconnecter. La crise d’angoisse était montée d’un seul coup, m’envahissant. J’étais désormais en colère. Et triste. Et apeurée. Aslinn s’était arrêté, prêt à intervenir si je tombais.

« Jared … n’est pas comme ça. » crachais-je.

Je rouvris les yeux et le fixais, dure. Son visage à lui était doux et semblait attendre ma sentence.

« Vous ne le connaissez pas. Jared ne me ferait jamais de mal. Et je … je ne veux pas lui faire de mal. Ce jeu était une erreur. Un défi stupide. Mais ni lui ni moi n’aimons flirter avec le danger. »
« Je vous crois Clarissa. Je voulais être sûr que Jared n'avait pas abusé de vous. » répondit-il doucement. « Mais je suis allé un peu trop loin. J'ai été un peu trop direct. Jared n'est pas comme ça, comment est-il avec vous alors ? Racontez-moi. »

Je laissais les battements de mon cœur se calmer. Mon regard se perdait sur son visage puis sur le paysage derrière. L’herbe était verte, signe qu’il avait bien plu ces dernières semaines. Les fleurs poussaient naturellement et les arbres s’étaient parés de feuillages verts. Ce paysage m’apaisait et je m’y concentrais dessus.

« Jared … c’est comme les tourments d’une mer. » dis-je d’un ton doux. « La plupart du temps, il est agité, comme s’il ne trouvait pas le repos. Il déchaîne ses vagues et ne laisse personne naviguer sur ses eaux. Ceux qui résistent sont très chanceux car alors, il leur permet de voir une partie de lui qui cache bien souvent. Avec moi … ça s’est fait naturellement. Il n’y a eu aucun passage forcé entre ses eaux. Il m’a juste ouvert les bras et j’y suis allée. Je me suis heurtée parfois à des récifs, mais au final il revenait toujours me ramener dans ses eaux. Il est doux, il ne juge pas, il est prévenant. »

Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. 1a31148655285f1ed7bafaf647e0c2bd

Je souris, comme attendrie par un souvenir.

« Il possède d’innombrables qualités que lui-même ne voit pas et que je découvre encore tout juste. A tort j’ai pensé qu’il était … »
« Qu'il était... ? N'ayez crainte, ici vous êtes en sécurité et libre de penser ce que vous voulez. »

Je me mordis la lèvre et pris une inspiration avant de poursuivre.

« … Je l’ai souvent comparé à mon ex petit-ami. Mais Jared est différent. Je l’ai comparé parce que Jared n’a rien avoir avec Mattéo. »

Je déglutis en prononçant ce nom. Je fermais les yeux et sentis une larme rouler sur ma joue.

« Si Jared n'a aucune mauvaise intention à votre égard, s'il vous ramène dans son courant et vous guide à lui malgré les tempêtes, cela veut-il dire que ce Matteo vous a seulement heurté contre ses rochers ? Matteo vous a-t-il fait du mal Clarissa ? Intentionnellement ? »

Je me figeais comme si mes souvenirs apparaissaient soudain devant mes yeux. Je voyais très nettement le visage de Matteo au-dessus de moi, son souffle sur ma joue, ses doigts sur ma peau. Je frissonnais.

« Je... ne m'en souviens pas. »

Je levais les yeux vers lui. Aslinn avait perdu son sourire, comme apparaissant soudain bien plus soucieux qu’au début de notre conversation.

« Cela ne fait rien. » m’assura-t-il toutefois. « C'est normal ne vous paniquez pas à cette idée. »

Je regardais son visage avant de me perdre à nouveau dans la contemplation du paysage.

« Etes-vous en sécurité avec Jared ? Si oui, raccrochez-vous à cela pour le moment. Vous êtes vous aussi en convalescence, et ce que vous venez de vivre risque de vous bouleverser un peu, de mélanger vos traumatismes, et il ne faut pas vous en inquiéter, c'est un processus normal. »

De … mélanger mes traumatismes ? Je déglutis. Quels étaient mes traumatismes au juste avec Mattéo ? D’avoir vécu une relation toxique ? Une grimace tordue apparut sur mon visage si pensif à l’origine.

« Mais si le besoin de vous confier, peu importe le moment de la journée, même si c'est la nuit, je me porte volontaire pour vous écouter et vous aider. Ne restez pas seule avec vos démons. »

Je tournais à nouveau la tête vers lui, perplexe.

« Je croyais qu’un Psychomage ne pouvait pas recevoir les personnes d’une même histoire. Tout comme un Psychomage ne peut pas avoir en patient une mère et sa fille. Je croyais que cela pouvait créer un conflit d’intérêt. Or, vous avez reçu Jared, Emily et maintenant moi. »

Aslinn retrouva aussitôt son sourire doux et intéressé.

« Cela peut soulever quelques questions de déontologies pour des membres d'une même famille. En effet, c'est peu courant, mais cela se voit et se fait, il faut là de bonnes bases bien solides en Psychomagie. Cela pourrait poser des conflits d'intérêt si le Psychomage ne sait pas cliver la relation avec ses différents patients et les voir comme des individus avec leur histoire personnelle et leurs ressentis qui peuvent être très différents face à une même situation. »

Je l’écoutais, fascinée. Je n’avais jamais eu d’intérêt particulier pour la Psychomagie mais l’entendre en parler me captivait. Il semblait totalement maître de son sujet et sûr de lui. Bien plus que ne l’avaient été mes précédents Psychomages. Il reprit sa marche, les mains derrière le dos, et je lui emboîtais le pas pour marcher à ses côtés.

« Mais croyez-moi, j'ai fait mes armes dans une meute, où j'ai dû rapidement faire la part des choses, car nous sommes une grande et même famille en Irlande. J'ai toujours su distinguer tous les individus venant dans mon bureau, qu'ils soient du même sang, de la même meute ou la même histoire comme vous dites. »

Il tourna sa tête de manière amusé vers moi.

« Et jusqu'à preuve du contraire, vous n'êtes ni la sœur, ni la mère de Jared. »

J’eus à mon tour un sourire en coin.

« Si cela peut vous rassurer, je respecte entièrement le secret médical. Et je demande toujours à mes patients s'ils sont d'accord pour que j'aborde certains sujets qu'ils m'auraient confié, si cela peut leur être profitable. »
« Cela me rassure, oui. » dis-je après une hésitation.
« Bien, ce que vous me dites reste confidentiel. Sachez-le. »
« Je sais que je devrais aborder un jour ou l’autre certains sujets avec Jared. Mais pas maintenant. Et … je veux également m’accorder du temps avant de remuer certaines choses du passé. »
« Rien ne presse Clarissa, vous n'êtes obligés en rien, personne ne vous demande de rendre des comptes. Chacun va à son rythme, et le vôtre sera le mien, si nous sommes amenés à nous revoir. Et Jared devra respecter cela, personne d'autre que vous peut estimer le bon moment. »

Je jetais un coup d’œil dans sa direction. « Si nous sommes amenés à nous revoir ». J’ignorais pourquoi, mais cette liberté me rassura.

« Ma discussion avec vous m’amène à réfléchir sur … mes relations du passé. Mais … je ne me sens pas encore prête à ouvrir totalement ce pan de ma vie. Ni à vous, ni à Jared. »

Je déglutis, repoussant l’image de Mattéo. Des flashs me revenaient, bien qu’ils semblaient flous. Ils relevaient du passé et je les avais tellement enfouis que je n’arrivais pas à me souvenir parfaitement des scènes avec lui. Il ne restait que le chagrin et la souffrance.

« J’ai besoin de temps pour me remettre de ces derniers jours. Jared aussi. Je veux rentrer chez moi. Je veux … avoir mon premier vrai rendez-vous avec Jared. »

Je souris à cette pensée et je le vis esquisser lui aussi un sourire.

« Et vous le méritez, tous les deux. Mais sachez que vous serez toujours la bienvenue en Irlande, ces terres sont accueillantes et ont un grand cœur, elle pourrait recevoir votre amour et votre couple. Après tout Jared est un Duc ici. »

Un Duc. Je savais à peine quelles étaient réellement ses responsabilités ici. Mais j’aurai tout le temps de le découvrir dans un futur proche.

« Je veux qu’on essaie de se donner une chance. Et les choses viendront naturellement, non ? »

A nouveau, je levais les yeux vers le Psychomage pour qu’il me le confirme. Avait-il déjà noté que Jared n’attendrait pas aussi longtemps ? Craignait-il que mes traumatismes viennent entacher le bel avenir que j’envisageais ? Face à Aslinn, j’avais la sensation de perdre confiance en moi.

« Je le crois. » me dit-il alors. « Je suis porteur de foi, et je suis sûr que rien n’est laissé au hasard, je pense que vos eaux tourmentés ont croisé celles de Jared pour une raison bien précise. Vous pouvez vous faire confiance, et vous avez le droit d'être heureuse, ne vous en privez pas. N'ayez crainte pour Jared, je m'occupe de lui, profitez de votre jeunesse, de votre premier rendez-vous. Il est plus solide que vous ne le pensez, et sans briser de secret médical, cela se voit qu'il tient à vous. Je l'ai observé rapidement. Je vous ai entendu un matin dans le couloir, parler à ses sœurs. A ses jumelles. Il vous a placé dans un cercle plus serré qu'un lien fraternel, car je n'ignore pas l'amour qu'il doit avoir pour ces soeurs, pourtant, c'est vous qu'il a souhaité à ses côtés. Ne l'oubliez jamais, c'est précieux et il ne le dira peut-être jamais. »

Je repensais à hier, quand Alana et Eireann étaient venues à sa porte et que j’avais dû les arrêter. Je repensais à ce que j’avais ressenti à cette idée. Aslinn aussi s’était fait la réflexion. Lui dans un but purement médical. Moi, me questionnant sur la nature de notre relation.

Ces derniers jours avaient été très remuants. Jared avait tenté de mettre fin à sa vie. Pourtant, au cours des heures qui avaient suivi, j’avais petit à petit consolidé et pris conscience du vrai lien qui m’unissait à lui. Il ne m’avait pas fallu plusieurs rencards, ni de rendez-vous romantiques, ni de baisers enflammés ou de mots crus pour le comprendre.

J’étais amoureuse de Jared.

Même si je le connaissais à peine, même si de nombreux pans de sa vie et de la mienne n'avaient pas été révélés, j’étais bien attachée à lui. J’étais amoureuse de lui et je n’avais pas besoin d’autre preuve.

« Pouvons-nous rentrer à présent ? J’aimerais aller le retrouver. »

Je ne pouvais m’empêcher de sourire désormais. Maintenant que j’avais compris ça, je brûlais d’aller le rejoindre et de tout lui dire. Pourvu qu’il n’en perde pas la tête. Pourvu qu’il ne soit pas effrayé. Pourvu qu’il … Oh arrête Clarissa. Tu ne te posais pas tant de questions autrement !

« Bien sûr ! Puis-je vous poser une dernière question ? »
« Oui, bien sûr. »

Son regard intrigué se riva sur moi.

« Est-ce... douloureux d'être loin de lui ? Physiquement je veux dire ? Votre faciès a changé depuis tout à l'heure, comme si vous étiez inconfortable, je me posais cette question par rapport à ce lien dont on ne sait pas grand-chose. »

Je pris une inspiration, prenant la mesure de la chose. Je n’avais pas pris d’analyser ce que cette distance provoquait, mais à présent qu’il me posait la question, je m’interrogeais réellement.

« Je … c’est plus inconfortable que douloureux. » dis-je. « Il me manque. Pas comme une personne quand elle part en voyage. Il me manque vraiment. Comme si quand il était hors de ma vie, il emportait un membre vital à mon organisme. Comme un membre fantôme, j’attends qu’il revienne. Et … depuis qu’on est ici, en Irlande, je ne sais pas si c’est le temps qu’on se remette, avec la fatigue et tout, mais je m’épuise rapidement. Alors oui, hier soir, c’était douloureux mais je savais que j’allais le revoir en fin de journée, quoi qu’il arrivait. »

Je déglutis.

« J’appréhende un peu de partir en Irlande. J’ai hâte et en même temps … j’ai peur de ne pas pouvoir passer une journée sans être près de lui. »

Je n’osais pas le regarder, un peu gênée d’admettre tout ça à voix haute.

« Ce lien est toxique, je le sais. J’ai l’impression que plus on le nourrit, plus il devient fort. Plus on passe de temps ensemble, moins on peut se détacher. Je sais aussi qu’il va falloir qu’on trouve un moyen de s’en débarrasser. Mais j’envie ce moment autant que je le redoute. Car j’ai peur de perdre tout ce que je ressens pour Jared dans le même temps. »
« C'est fascinant … » dit-il. « Pardon si vous avez l'impression d'être un sujet d'étude, mais je n'ai encore jamais rencontré ce genre de lien dans mes revues scientifiques. Il y a des choses qui s'y apparentent, plus des fables pour enfant. Si cela vient bien d'un Jeu, de ce Maléfices et Sortilèges, vous pouvez peut-être en parler au Maitre du Jeu quand on l'arrêtera, et j'espère qu'il le sera bientôt. »

Oui, j’espérais aussi. Ce jeu avait fait plus de mal que de bien.

« Quel que soit votre lien physique, je suis sûr qu'il n'enlèvera pas vos sentiments Clarissa, ni ceux de Jared. Il y a très peu de magie qui peut à ce point ensorceler un esprit humain, de cette manière-là. Ce que vous ressentez est réel, il le sera toujours après. »

Je souris doucement alors qu’il initiait un retour vers le palais. J’aurai aimé être aussi certaine que lui. Mais après tout, le temps nous le dirait, non ?

« Quand … nous aurons défait ce lien, je reviendrais peut-être vous voir. Je pense que j’aurai besoin de quelqu’un pour parler de tout ça. »

Et contre toute-attente, Aslinn se révélait être une personne avec qui il était facile de parler. Même s’il m’avait brusqué et même si un certain nombre de choses qui avait été dite me chamboulerait encore quelques jours, j’aimais ses façons de raisonner.

« La porte de mon bureau n'est jamais fermé, j'y reçois les visites et les hiboux sans problème. Je suis votre rythme, c'est quand vous le souhaitez, si vous le souhaitez. »

Sur le chemin du retour, on croisa quelques soldats de la cour irlandaise. A chacun d’eux, Aslinn faisait un salut militaire, m’amenant à m’interroger sur son véritable rôle à la cour.

« Passez le bonjour à Jared et Emily de ma part, si vous leur faites part qu'on s'est vu. Sinon ne dites rien. Prenez soin de vous Clarissa. »

Il me salua à mon tour en s'inclinant. Je sentis mes joues rosir et je m’inclinais à mon tour, plus maladroitement, avant de le regarder s’éloigner. Il dégageait une prestance assez peu ordinaire, même pour un loup. Je me retournais en entendant une voix m’appeler. C’était Emily. J’ignorais d’où elle venait mais j’étais bien heureuse de la voir.

« Tu sais de quel côté il faut repartir pour regagner la chambre ? » demandais-je, amusée.

Visiblement, elle était aussi peu douée que moi en orientation. On s’engagea dans quelques couloirs, perdue. Je lui dis aussitôt que j’avais eu à mon tour un rendez-vous avec le Psychomage de Jared et confiais qu’il avait un certain charisme, malgré mes aprioris de départ avec lui. Emily, elle, avait pu revoir son copain Thomas et semblait regonflée à bloc après cette visite. On finit par tomber par hasard sur Jared.

« On était perdu ! » avouais-je en pouffant de rire, mes mains accrochées au bras d’Emily.

C’était autant pour me soutenir que comme si je tenais le bras d’une bonne copine. On échangea un regard complice, me surprenant moi-même à avoir créé cette relation avec la jeune femme alors que Jared nous raccompagnait vers la chambre. L’estomac d’Emily grognait déjà, signe qu’il était certainement l’heure de manger.

« Veux-tu qu’on se rende aux festivités après ? » demandais-je à Jared en croisant son regard.

Comment s’était passé son entretien avec la femme ? Était-il heureux ? Soulagé ? Ereinté ? Mon cœur battait la chamade, me demandant quel serait le bon moment pour lui parler de mes sentiments désormais clairs à son sujet.

@ Victoire


Dernière édition par Clary C. McGregor le Dim 12 Mai - 12:52, édité 2 fois

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Clarissa McGregor

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Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.Avec Emily, Clary et les IceniJeudi 2 Mai 2002 – Beltaine

Dans le fauteuil roulant, Clary sur mes genoux, je guide Emy dans les couloirs, j'ai l'impression d'être ailleurs, que la voix qui sort de mon corps n'est pas la mienne, qu'elle guide seulement les filles. J'ai l'impression d'avoir des flashs, de me rappeler ma chambre à Druid'Oak, le goût de la potion du Mort Vivant sur ma langue, amère, infâme, brûlante. J'ai l'impression de sentir le sol de ma chambre, le médaillon de Bleddyn qui pesait lourd contre ma poitrine. J'ai l'impression de sentir encore les crocs et les griffes de mon loup dans ma poitrine, sous mes côtes, qui a lutté de toutes ses forces pour survivre, pour prendre le dessus, pour se transformer, et je me souviens que les dernières forces dont j'ai usé, c'est pour l'en empêcher. Je me souviens que la mort n'est pas douloureuse, qu'elle est libératrice.

Je sursaute légèrement quand je sens Clarissa serrer l'épaule contre laquelle elle s'était appuyée. Le voile devant mes yeux se dissipe et je reviens dans le présent, au milieu de la foule, au milieu du bruit, au milieu de la vie. Mes pupilles se dilatent sous la lumière, sous les Feux que je vois briller partout autour de nous. Beltaine est comme dans mes souvenirs, depuis petit je n'ai du louper qu'une poignée de fois cette fête. Et m'y voilà, une fois de plus. En Irlande.

 « Pendant trois jours des Feux brûlent, mais le plus beau est le brasier du dernier jour. Si grand qu'il en est envoûtant. La tradition veut qu'on y jette des mauvais souvenirs, des erreurs passées, des regrets, des choses qui nous empêchent d'avancer. C'est porteur de renouveau, d'une nouvelle page ou d'un nouveau chapitre à notre histoire. »

Je ne regarde personne, je ne veux croiser le regard de personne dans la foule. Je me sens déjà tellement ridicule dans ce fauteuil de merde. J'avais commencé les entraînements, beaucoup de soldats me connaissent, en dehors d'eux, des Ducs, des gens que j'ai déjà croisé plusieurs années. Il y a sans doute mes parents, mes sœurs. Il y a Louve et Bleddyn, Accalia. Le Reine et le Roi. Les seules choses qui me retiennent ici sont la fille sur mes genoux et celle qui pousse ce fameux chariot de merde. De toute façon, assis comme ça, je ne vois pas grand monde, ils me dépassent tous de plusieurs têtes.

« J'ai pas de monnaie pour la nourriture. »

Je tourne la tête vers Emily qui soupire. Je n'en ai pas non plus, je n'avais pas prévu de me payer un sandwich en Irlande en étant mort dans ma chambre à Londres.

 « Les buffets sont gratuits que le soir, je n'avais pas pensé à ça. »

En plus, je crois que j'ai la dalle. Cet aconit antagoniste de la goutte du Mort Vivant me tabasse l'estomac, j'ai des remontées acides qu'il me faut calmer. Mais si je mange pas, je vais vomir mes tripes sur Clarissa, et vraiment, c'est la dernière chose que j'aimerai faire pour finir de lui plaire. J'entends d'ailleurs son ventre gronder. Putain, elle a faim aussi, il faut trouver une solution, je peux aisément demander à une connaissance, je rembourserai. Je lève alors ma tête à la recherche de quelqu'un qui pourrait...

Mon père. Il me regarde. Mon visage se fige, mon ventre se tord, je jure que je vais vomir sur elle. Tout mon être se crispe pour retenir la bille dans mon estomac. Rapidement Emily intervient.

« Vous me faites confiance ? »

Je hoche la tête. Je sais qu'elle a vu mon père, je le sais. Je le sais. Elle va faire quelque chose.

« Je reviens tout de suite, ne roulez pas sans moi ! »
« Tu as compris ce qu’était son idée ? » me demande Clary avec un sourire.

Je hausse les épaules. J'espère qu'elle fera le nécessaire pour détourner mon père, pour qu'il me fiche la paix. Je n'ai vraiment pas l'énergie pour le confronter, surtout que je suis en fauteuil roulant, que dirait-il ? Il me trouverait pathétique.

« Avec Emily on peut s'attendre à tout, elle est tout aussi prévisible pour moi qu'énigmatique. Je pense qu'elle va faire chier mon père. »

Y'a pas à dire, si j'avais pensé une seule seconde que je me trouverai ici, sur un fauteuil, cette magnifique rousse sur mes genoux au milieu de Beltaine, je n'aurai pas essayé de me suicider. Non je déconne, mais en attendant j'ai l'impression que c'est beaucoup pour quelqu'un qui vient d'échapper à la mort. Je veux dire... est-ce que je le mérite ? Est-ce que je mérite cette belle fille ? Est-ce que je mérite toutes ces effusions, toutes ces attentions, alors que je leur ai fait terriblement mal, alors que j'ai voulu les abandonner ? Je trouve que tout le monde me pardonne trop facilement, bon peut-être pas Bleddyn, mais les autres... je sais pas, moi j'aurai envie de défoncer la gueule à Emily si elle faisait un truc pareil, je voudrai la secouer, lui sortir des horreurs, juste pour lui faire ressentir ma colère, ma rancœur, lui faire mal, juste parce que j'aurai mal qu'elle veuille m'abandonner. Je pourrai...

« Comment tu te sens ? Sincèrement. »

Une nouvelle fois, je reviens dans le présent. Sa question me crispe. C'est exactement ce dont je parlais. Elle veut savoir comment je vais, alors que d'une certaine manière, sans le vouloir évidemment, je l'ai entraîné avec moi, elle aussi à failli mourir par ma faute. C'est plutôt à moi de poser cette question. Mais je me suis promis à moi même d'être un peu plus honnête, un peu plus communicatif pour les rassurer.

« Je me sens sincèrement bien qu'à tes côtés. »

Parce que je ne me sens pas bien. Les moments où je le suis, et c'est sincère, c'est des moments comme ceux-là, où je la sens, où je la touche, où je la respire. Ceux là sont doux, sont revigorant. Je viens caresser sa joue et souris quand elle pose sa main contre la mienne, sans me la retirer. Je me trouve tellement chanceux de pouvoir le faire si librement à présent. Je sens une décharge d'énergie dans tout mon être. Oui c'est bon. Oui là je vais bien. Quand je pense à elle, à nous, mais pas quand je suis seul dans ma tête, pas quand je pense à moi.

« Et toi comment est-ce que tu te sens ? »

Je la regarde, plus je la regarde, plus je me dis que je n'avais jamais fait attention aux filles avant. Elle est putain de belle, c'est incroyable, il y a tout qui m'attire chez elle. Je déglutis en attendant sa réponse.

« Mieux depuis que nous sommes sortis ... et que je t’ai près de moi. »

Elle noue ses doigts aux miens, et je jure que mon loup jubile autant que moi. Comme je ne veux pas qu'elle les dénoue, je viens les poser et les garder contre ses jambes. J'aime que mes doigts jouent avec les siens. Est-ce que sans le lien ça sera toujours pareil ? Est-ce que sans le lien je ne supporterai plus qu'elle me touche ? Comment quelque chose qui me soit vital maintenant pourrait m'être insupportable ou intolérable dans un futur ? Je n'ai jamais connu ça, avec personne. Jamais un autre être m'avait fait autant de bien en me touchant de la sorte. Hey mec, elle est assise sur moi, mes doigts pris en otage et j'adore ça. Habituellement chaque contact m'horripile, c'est parfois même douloureux physiquement d'aussi loin que je m'en souvienne. Si je tolère mes sœurs ou Emily, c'est par mon mental, parce que je l'ai décidé, j'ai décidé d'accepter, pour elles. Certainement pas pour un quelconque plaisir pour moi. Mon seul plaisir serait à la limite de les savoir heureuse de me tripoter. Et pour autant, paradoxalement, qu'Emily n'est pas eu un seul geste envers moi depuis ma tentative me manque. Mais je me garderai bien de lui dire. Ce qui me manque, c'est qu'elle n'est plus elle même avec moi, et est-ce que je peux lui en vouloir ?

Et en pensant à la meilleure amie relou, la voilà qui débarque avec une énorme assiette. Elle ne me parait plus aussi relou que ça quand je vois la montagne de nourriture qu'elle apporte. J'ai envie de rire, mais ma gorge me brûle encore. Mon père va être furieux !

« Et voilà, mission accomplie, de la nourriture gratuite sans attendre les buffets gratuits ! »
« Comment tu as fait ? »
« Je pense que mon père n'a plus rien à manger. »

Je murmure un merci du bout de mes lèvres en regardant Emy. Relou, mais je l'aime trop. De la viande ! En fait, il était parfait son plan. Je viens avaler plusieurs bouts, je fais genre, mais en fait je finis la brochette plus vite que prévu. Y'en a un qui préfère manger de la viande que boire de la goutte du Mort Vivant, est-ce que je peux en vouloir à mon loup ? La viande c'est bien meilleur.

Je sens Clary gigoter un peu sur moi. Est-ce qu'elle en a marre d'être sur moi ? Est-ce qu'elle a besoin d'un peu de distance ? Je n'ose pas le lui dire, car j'ai peur qu'elle se lève. Elle me le dirait si elle était inconfortable ? Je serai le premier à comprendre qu'elle veuille mettre de la distance physique, vu ce que je tolère du contact... Mais finalement, elle ne dit rien et ne se lève pas, ce qui me rassure. J'aime l'avoir contre moi.

« De toute façon, ton père te doit bien plus qu'une assiette de viande volée. Il n'a qu'à se plaindre à la reine ! »
« Il le fera pas, il veut trop se faire bien voir. Il payera un peu plus.»

Alors que j'allais sourire, Clary enfourne dans ma bouche un truc absolument dégueulasse. Je sais pas ce que s'est, un truc au champignon non ? Mais le feuilleté est bien beurré alors je l'avale. Putain j'ai soif maintenant. L'angoisse.

« Je vois que vous êtes sortis prendre l'air et profiter de la fête… »

Rectification, ça c'est l'angoisse. Louve !

« Votre Majesté.»

Je baisse ma tête pour la saluer. Je suis censé faire comment sur ce chariot de merde pour saluer une princesse ? Quelle honte putain. Je me sens ridicule. Je n'ose pas regarder Louve dans les yeux.

« Euh, oui, c'était mon idée. Même si Jared est un loup-garou, je suis beaucoup plus forte que lui, alors je l'ai poussé dans le fauteuil, et Clary nous a rejoint… »

Emily... putain. Elle est pas sortable, pourtant je regarde finalement Louve qui parait amusée.

« Je viens de croiser le duc Amadeus Parkinson. Il semblait plutôt furieux de voir qu'on s'était joué de lui … Et je crois comprendre pourquoi. »

Je regarde Clary qui a tourné son regard vers moi. Elle semble aussi très amusée. Super, elles font la paire toutes les deux, toutes les trois...

« J'avoue, que là c'était réellement mon idée… »
« Une assiette ne suffira pas pour vous trois. Venez avec moi, miss Evans, je vais aller vous chercher quelque chose. Ne vous inquiétez pas, Jared, votre père ne s'approchera pas de vous. Je ne lui ai toujours pas donné mon autorisation. »
« Votre Altesse.»

Je hoche la tête, reconnaissant une nouvelle fois par ses attentions. Alors qu'Emily s'éloigne avec la princesse – pourvu qu'elle lui sorte pas des trucs sur moi – elle se retourne pour me faire un clin d’œil. Emy putain sérieux ?! Elle veut quoi ? Que je me la joue à « Handicapé trouve l'amour »?  Jamais de la vie j'embrasse Clary sur cette merde. Elle vaut mieux que ça. Je fais pas des baisers low cost.

« Ça voulait dire quoi, ça ? »

Super elle l'a vu. Je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel. Là où je devrai me trouver, hein, rappelons-le. J'aurai pas à subir ça, je vous jure.

« Certainement une de ses dernières lubies, elle doit s'attendre à ... »

Ce que je t'embrasse. Ou que je « te pécho », je suis sûr qu'Emy aurait dit « je te pécho ». Je la connais trop bien. Sous mes airs agacés, j'ai toujours apprécié toute la personne qu'elle était. Parce que Thomas n'a jamais su l'éteindre. Elle a toujours brillé, ce que je n'ai jamais fait. Elle a toujours continué de rire, ce que je ne fais jamais. Elle est toujours allée de l'avant, alors que je ne pense qu'au passé. J'ai toujours été l’obscurité dans son Yin, sans jamais qu'elle ne me le reproche. Elle n'a jamais critiqué mon côté taciturne, ouais j'ai eu le droit à des vannes, mais Emy n'a jamais voulu me changer. Elle a compté pour moi, dans le fait que je sois encore là, pas seulement parce qu'elle m'a trouvé a demi-mort dans ma chambre. Mais parce que je me souviens que son départ à Poudlard - pour se mettre en sécurité - avait précipité mon désir de mourir à l'époque. Je la savais en sécurité, alors je pouvais partir. Cette fois ci était différente, je la laissais avec Thomas, mais je la savais plus forte, du moins plus forte que moi. Toutes ces années en plus, c'est parce qu'elle était là à me faire chier, à me bousculer, à me sortir de mes retranchements, elle m'a aidé à aller en Médicomagie, à ne pas écouter mon père, à faire ce que j'aimais. Elle est la première à avoir cru en moi, même si mes sœurs l'étaient, mes sœurs avaient pour alpha mon père, c'était différent. Emy est son propre maître, c'est un électron libre. C'était inimaginable pour moi, mais j'ai senti cette liberté quand mon loup à choisi Bleddyn, mais c'était pas suffisant putain. C'était pas suffisant.

«... enfin peu importe, Emy est très ... enfin elle est pas comme moi. Je sais pas comment elle me supporte depuis toutes ses années, d'autres diront qu'ils savent pas comment moi je la supporte. »

Je la regarde tendrement. Merde, j'aime trop cette fille, je parle trop avec elle. Et elle m'écoute en plus comme si ça l'intéressé vraiment toutes mes conneries.

« J'aimerais être quelqu'un d'autre pour toi. Que tu puisses être heureuse avec moi. »

Elle pose à nouveau sa main sur ma joue, comme si c'était naturel.

« Et moi, je n'aimerais être heureuse avec nul autre que toi. »

Ok, waouh. Je l'avais pas vu venir celle-là. Je sais pas quoi dire. J'ai jamais été confronté à ce genre de déclaration. J'ai jamais eu ce genre d'échange, j'ai jamais exprimé mes sentiments et entendu les sentiments des autres à mon égard. Quand je couchais avec les gens, c'était pas pour une romance, ou pour que ça dure, c'est un peu ridicule dit comme ça, ou très cliché, mais c'était surtout pour satisfaire des besoins, comme boire ou manger. Je suis un loup, mais je suis un homme avant tout. Et même là, quand elle mordille sa lèvre, j'y pense, j'ai aussi envie de la mordiller sa lèvre, mais ce qui change, c'est que cette fois, je veux que ça dure, je veux de la romance. Putain ce qu'elle se foutrait de ma gueule si elle m'entendait penser comme ça Emy. Je veux l'embrasser oui, je veux ses lèvres, je veux bien plus, mais pas ici putain, pas comme ça. Heureusement, elle détourne mon attention en jouant avec une mèche de mes cheveux qui tombe sur mon front.

« Bientôt, lorsqu'on quittera ce palais sur nos deux jambes, je compte bien que tu m'invites à notre premier vrai rendez-vous. »

Génial, je n'ai pas la pression. J'ai jamais fait ça. J'ai vraiment jamais fait ça... A moins que se pointer en bas de l'immeuble d'une fille avec une bouteille de whisky et l'intention de la baiser soit considéré comme un rendez-vous charmant. Je pense pas. Je me rappelle que Emy m'avait traité d'incapable, mais cette fille, je l'aimais pas, en plus c'était un mauvais coup, mais j'ai rien dit à Emy. Pourtant, je jure que je veux bien faire avec cette rousse sur mes genoux. Je veux faire des efforts, parce qu'elle le mérite. Et que penser à nous, me fais oublier le je. Et je ne veux pas être seul dans ma tête, je veux qu'elle en prenne tout l'espace.

Emily m'a dit, « va t’entraîner avec Bleddyn, va prier, laisse Louve te couver, frappe ton père, embrasse Clary. Ça peut être aussi, prépare un rendez-vous galant. » Alors si je dois me triturer l'esprit pour penser à notre futur premier rendez-vous, alors c'est ce que je vais faire, plutôt que penser à ma mort. Son cœur bat pour le mien. Je peux lui dire, sans crainte, je peux exprimer une partie de ce que je ressens, c'est ce qu'elle aimerait. On m'a toujours reproché que j'étais quelqu'un d'insensible.

« Tu seras à jamais le battement le plus fort de mon cœur Clarissa. »

Et cela prend tout son sens, quand on a un lien comme le notre.

« Je n'avais pas réalisé ce dont tu avais besoin. »

Quand j'ai décidé de mourir, je pensais qu'elle me détestait à cause de Victoria. Je pensais qu'elle ne voudrait plus jamais de moi, d'un gars qui trompe sa copine. Elle me l'a jamais dit, mais je suis sûr qu'elle a morflé avec les mecs, elle est beaucoup trop belle pour ne pas avoir morflé avec un sale connard. Toutes les belles filles souffrent. Et je voulais pas en être un de plus. Mais elle me voulait moi, sincèrement. Elle avait besoin de moi. Je ne dis pas que ça aurait changé quelque chose, mais peut-être que je ne l'aurai pas fait tout de suite.

« Je n'aurai pas parié que ce soit moi. Alors oui, je te dois un vrai premier rendez-vous. Je ne serai peut-être pas à la hauteur, parce que ces trucs-là, je m'y connais pas, mais tu l'auras. Je te le promets. »

Une nouvelle fois elle vient nouer ses doigts aux miens, et je jure que je trouverai une sorte de colle pour qu'elle ne les retire plus. Quand elle rougit comme ça, j'ai envie de la bouffer, littéralement. Il paraît que c'est normal, ma mère me disait souvent qu'elle avait envie de manger nos cuisses quand on était bébé sur la table à langer. Du coup j'étais allé voir. D'après les scientifiques, il s'agirait d'une réaction tout à fait normale, c'est nommé « l'agressivité mignonne ». Elle traduit des émotions considérées comme dimorphes, c'est-à-dire qui reviennent à exprimer physiquement l'émotion inverse de celle que l'on ressent intérieurement.

« Je crois qu'il est temps que tu apprennes à parier sur toi, Jared Parkinson. »

J'irai pas jusque là, enfin ça dépend pour quoi. Mais même si je pariais sur ma mort... elle n'est pas venue. Pourtant ma potion était parfaite.

« J'ai une question... Mais tu n'es pas obligé de répondre si tu ne le sens pas, ok ? Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu as ressenti après que tu aies avalé le poison ? Est-ce que... C'était comme tu le pensais ? Est-ce que c'était moins ... Douloureux ? »

Je n'ose pas lui dire que c'est un peu trop comme question. Mais en fait je me rends compte que parler comme on le fait, je ne le fais jamais, alors je ne sais pas vraiment si c'est trop ? J'ai jamais été très bavard, la communication c'est pas mon fort. J'ai toujours été entouré des gens qui parlaient pour deux comme on dit. Mettez moi avec Emy ou mes sœurs, je peux sortir seulement trois phrases dans une soirée que ça ne leur pose pas de problème. Combien de fois je les ai entendu parler de truc de fille parce que je suis si discret qu'on peut m'oublier. Bon pas quand je râle, mais c'est autre chose.

Cependant, je réalise que cela ne m'agace pas de parler avec Clary, je trouve juste l'exercice difficile pour moi, pas désagréable, bien au contraire. Et si je veux que ça marche, il faut que je fasse des efforts. Je sais qu'elle pourrait tolérer mon silence, elle m'a dit que je n'étais pas obligé de répondre, et juste pour cela, je lui dois une réponse. Le plus difficile, c'est pas de repartir là bas, dans mes pensées suicidaires, le plus dur, c'est de revenir ici après, avec elle.

« Je n'avais plus peur. »

Parce que c'était fini, parce que j'avais enfin réussi.

« C'est ce dont je me souviens. Je n'avais plus besoin de me battre. C'était un soulagement, j'étais sûr de réussir cette fois. J'ai toujours mené une lutte intérieure, une lutte contre mon esprit qui connaissait la vérité, et mon cœur qui refusait de l'accepter. Rester c'est me battre encore contre moi-même. J'ai ressenti la paix en avalant la potion, je savais que je ne serai plus un fardeau, ni pour les autres, ni pour moi-même. Mais c'était aussi douloureux, parce que mon loup refusait de laisser tomber, il a lutté de toutes ses forces, mais j'ai gagné le combat, et j'ai été heureux je crois... d'avoir gagné contre moi-même. »

Je pars loin, je pars très loin, sur le sol de ma chambre, cette sensation de vide, de fin. Mon cœur qui bat lentement, sauf que je ne le sens pas, ici et maintenant il bat plutôt vite, et ce n'est pas le mien, c'est celui de Clarissa. Je la regarde et reviens une nouvelle fois dans son présent. Pourquoi son cœur s'emballe ?

« Tu vas réessayer ? Quand Emily et moi aurons baissé notre garde, quand le prince n'aura plus d'emprise sur toi, quand ... notre lien sera brisé ... tu réessaieras ? »

Oh M'aingeal [1] je voudrai tellement te rassurer, je voudrai tellement te promettre. Mais je ne veux pas te mentir. Peut-être. Peut-être pas. Aujourd'hui, si tout était réuni, oui, peut-être que je recommencerai. Mais demain, je ne sais pas, peut-être pas. Peut-être jamais plus. Peut-être même que, sans que les conditions soient réunies, je ne voudrai plus. Emily a dit que je devais les accepter, leur faire confiance, les laisser m'aider à trouver des solutions, tout comme ce connard d'Aslinn. Alors je vais essayer. Là tout de suite, j'ai encore envie de profiter d'elle, de son visage si doux, si tendre. Je viens d'ailleurs le saisir entre mes deux mains, en coupe. J'accroche mon regard au sien.

« Emily m'a posé la même question. Et je ne veux pas vous faire entrer dans une psychose où vous devez chaque instant être sur vos gardes pour moi. Ce n'est pas de votre responsabilité. Je refuse que vous portiez ce fardeau et vivez dans la peur. Je ne vais pas chercher à vous tromper. Si je dois me battre encore, pour toi je le ferai, parce que tu en vaux la peine, et comme il peut y avoir un nous à présent, j'imagine que je peux me montrer plus fort. Pour toi. »

J'ai envie de l'embrasser, pour sceller ce moment, cette promesse, d'autant plus qu'elle vient poser son front contre le mien. Je hume l'espace qu'il y a entre nous. J'ai tellement besoin de cette fille, est-ce que c'est juste pour elle ? De sortir avec un suicidaire ? Est-ce que ce n'est pas une forme de relation toxique? De lui faire endurer la peur de ma perte ? Car elle s'inquiète pour moi. Et je ne peux rien y faire. Mais la quitter, la repousser serait pire pour nous deux. Alors je vais essayer juste d'être honnête et de l'aimer purement comme elle le mérite.

« On a la nourriture ! Et la princesse vous a acheté des cadeaux… »

Je lâche doucement Clary et regarde vers Emily. Des cadeaux ? Louve est revenue avec Emily. Qu'elle prenne autant de temps pour mes amies, pour moi me gêne, elle a tellement à faire avec cette fête, j'ai l'impression d'abusé, ce n'était pas le but de mon suicide, au contraire. J'en culpabilise. Clary ouvre son paquet, et y trouve un album photo. Ça lui ressemble bien, jusqu'à ce que j'entende les explications d'Emy.

« On t'a pris un album photos ! Pour que tu mettes des photos de David, ou mieux, de l'Irlande, si tu reviens visiter… Ou de loups, si jamais tu en croises… Ou de médicomages, si jamais tu te balades dans Sainte-Mangouste… »

Je lui offre mon regard le plus fatigué qui soit. Ses vannes elle ne s'en lassera jamais. Du coup, je préfère regarder Clary, qui elle sourit et s'amuse de la bêtise de ma meilleure amie. Et tant mieux. Finalement tant mieux, j'aime la voir détendue et heureuse, elle en est que plus chaleureuse. Sourire lui va bien et me fait du bien. Mes doigts jouent dans son dos et je la vois réagir, je la sens réagir, ce qui fait battre plus vite mon cœur. Ses lèvres s’entrouvrent, elle va m'embrasser ? Je n'avais jamais imaginé que ce soit elle qui le fasse en premier. Mais j'arrête un instant quand je vois le sac que me tend Emily.

« Un cadeau pour moi ? »

Je la hais, elle sait très bien que je déteste les cadeaux, sauf si c'est un truc pour les potions ou un livre de potion. Et c'est bien trop léger pour que ce soit l'un ou l'autre. Mais des odeurs d'herbes s'échappent tout de même du paquet. C'est quoi ce délire ?

« Qu’est-ce que … »

Je sors une peluche du sac. Un peluche en forme de... je relève un regard noir sur Emily. C'est une blague ?! Une putain de blague ?! UN LOUP. Elle m'a acheté une peluche loup, je vais la buter !

« C'est ton portrait craché, non ? Je l'ai appelé Jaja ! »

Ja... Jaja ? C'est pire que ce que je croyais. J'ai très bien compris putain. Jaja pour Jared. Elle se met à glousser de rire, comme une sale petite traître. J'arrive pas à le croire, elle est heureuse et rigole de sa connerie. J'ouvre la bouche pour sortir une remarque acerbe mais je me souviens que Louve est à nos côtés, et la dernière fois, avec Sirius, ça s'est transformé en groupe de parole. Aussi rien ne sort de mes lèvres, d'autant plus que je vois Louve sourire presque tendrement. Même Clarissa se met à rire, pas elle. Pitié la honte.

« J'ai demandé à mettre dans le coton de la passiflore, de l'aubépine, de la valériane et de la ballote. Ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan, mais j'espère tout de même que cela aidera. »

Je relève mes yeux sur Louve, quelque peu déstabilisé. Toutes ces herbes sont réputées pour apaiser l'anxiété, la nervosité et pour améliorer la qualité du sommeil. Je le sais. De savoir que Louve a participé à cet achat, aux choix des plantes m'enlève un filet de ridicule et de colère. Assez pour ne pas avoir envie d'insulter Emy à nouveau. Mais elle va me le payer quand même. Clary doit sentir mon agacement, car elle vient le chasser en caressant ma joue. Putain que j'adore quand elle fait ça, ça devrait m'énerver qu'elle me perce autant à jour et cherche à me consoler, mais j'adore et j'en redemande.

Je viens regarder la peluche sous tous les angles et me laisse même humer le poitrail. Oui elles ont bien mis ces quatre herbes dedans, je peux même les différencier, ce qui me soulage, je retrouve des facultés et des forces. Je viens alors chatouiller le nez de Clary avec la peluche. Elle s'est bien moquée de moi y'a deux minutes non ?

« Je dois retourner prendre mon bain de foule. Je vous laisse profiter de Beltaine.»
« Je vous remercie votre Majesté. Pour tout.»

Sauf pour la peluche. Quelle idée de merde.

« Je vous demanderai juste de retourner au château avant le dîner, car les équipes médicales souhaiteraient vous examiner tous les deux, pour voir si vous êtes en bonne voie de guérison. Si vous souhaitez rejoindre la fête après, vous êtes les bienvenus ; sinon je vous ferai porter de la nourriture. »
« Merci beaucoup. Nous ne serons pas en retard. »

Avant qu'elle ne parte parte trop loin, je l’interpelle.

« Votre Altesse.» Elle se retourne vers moi. Dans son regard, j'y vois la volonté de m'aider, bien avant que je ne pose la moindre question. « Je suis d'accord pour le recevoir. Je veux le voir.»

Mon père. Je sais qu'elle le comprend. Elle hoche la tête et retourne dans son bain de foule, me laissant seul avec ma fourbe meilleure amie et sa plus grande fan rousse. Pitié.

« Tu pourras emmener Jaja, si jamais les vilains docteurs te font peur ! »
« Je te jure Emy, laisse moi retrouver des forces et je te fais bouffer la mousse de la peluche.»

Elle rigole de plus belle, et contre toute attente, j'ai un rictus sur mes lèvres qui pourrait s'apparenter à un sourire. La voir rire, c'est cela qui me fait sourire, pas ses idées à la con et ses vannes. C'est voir de nouveau la vie, la joie en elle. Je lui ai fais tellement de mal et je n'ai pas réussi à l'éteindre non plus.

Je commence à piocher dans le saladier et mange à peu près tout ce qui s'y trouve. J'ai grave faim en vrai. Maintenant que le goût âpre du poison s'estompe. Tout ce qui me gonfle, c'est ces examens médicaux. Je n'ai pas envie d'y aller, mais je le ferai pour Clarissa, je veux savoir si tout va bien, si je ne l'ai pas blessé. Je m'en voudrai toujours, si j'avais su, jamais... jamais je ne...

Je regarde Clary, ce que je ressens, cette peur, c'est aussi la sienne, je le sais, je ne saurai dire pourquoi, mais je sais qu'elle s'angoisse et que ça participe à ce que je ressens. Alors je viens caresser son visage, je regrette tellement de l'avoir mis dans cette situation. Et comme pour répondre à mon contact, elle vient blottir son visage contre mon cou. Mon cœur rate un battement, c'est beaucoup trop mignon. Putain... depuis quand je trouve les trucs comme ça mignons ?

Mais ce geste, cette attention, ce contact me transcende, je me sens mieux, fort, je me sens protecteur. Cette fille me fait ressentir des trucs de dingue, des trucs si intenses et doux que je n'aurai jamais cru les vivre un jour. La fraîcheur de sa peau me plaît, m'apaise, c'est tellement appréciable. Elle se mari parfaitement avec mon côté chauffage central. Je continue de piocher dans le pot de nourriture, je crois que je pourrai manger des jours sans m'arrêter. Mon loup a besoin de tellement de force pour remonter la pente. C'est bien là le problème, c'est une pente qui m'attend, est-ce que j'arriverai un jour au sommet ?

« Je vous vois pas manger les filles, c'est le deal non ? Je mange et vous mangez aussi !»

Emily nous pousse au Palais, dans l'aile des Médicomages, si ce n'était pas pour Clary, je lui aurai indiqué le mauvais chemin, car je n'ai absolument pas envie d'être trituré par des médecins. Je l'ai été assez. Aslinn se ferait un plaisir de dire que ma naissance est un traumatisme et qu'il faut que j'y travaille dessus, mais comme je l'emmerde ce psychomage de mes deux, je n'en ferai rien. Faut pas être diplômé de psychomagie pour savoir que ma naissance était affreuse, que j'étais entre la vie et la mort pendant des mois, branché à des machines, souffrant pour ma survie, avec tout l'acharnement qu'il y a eu autour de moi, plutôt que de me laisser partir. Mes parents avaient déjà deux filles, pourquoi voulaient-ils de moi ? Deux jumelles ça ne leur suffisait pas ?

[1] M'aingeal = Mon ange en Irlandais.
:copyright:️ Justayne

ϟ ϟ ϟ


Jared Parkinson


«But I want to live and not just survive
That's why I can't love you in the dark »

KoalaVolant

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Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.Avec Emily, Clary et les IceniJeudi 2 Mai 2002 – Beltaine

On arrive devant l'infirmerie royale et je soupire. J'en ai déjà marre. Je lance un regard à Emy, puis à Clarissa, pour qui ils ont apporté un autre fauteuil. Sérieux ? Faut autant de truc cérémonieux ? Mais je sais que c'est un protocole, comme quand on sort d'une hospitalisation, même dans les films d'Emily, les patients sortent sur un fauteuil devant l'hôpital, car beaucoup ont porté plainte car ils ont eu un accident avant d'en sortir. Alors qu'un médecin se place derrière nos dossiers pour nous pousser, je viens saisir au vol la main de Clary, hors de question d'être trop loin d'elle.

Le premier truc que je remarque, c'est tout l'équipement de la pièce. Je n'étais jamais venu ici, je n'en ai jamais eu besoin. L'examen médical pour Diabhal ne s'est pas fait ici. Je suis curieux de tout observer, y'a des choses vraiment cool, c'est encore mieux qu'à l'UMS. Je vois un petit chariot, avec plusieurs ustensile dessus.

« Qu'est-ce que vous allez nous faire exactement ?»
« Des examens de routine, pour voir l'impact du poison dans votre organisme. »
« L'examen clinique ne devrait pas débuter par une anamnèse ? Informations sur l'état civil du patient, le sexe, l'âge, la profession du patient, à ne pas négliger car les professions médicales sont à risque d'intoxications par curare, potassium, insuline, barbituriques rapides dont le risque est majoré par l'utilisation de produits de formes injectables dont la cinétique est défavorable. Pharmaciens, chimistes, maître des potions, apothicaire sont à risque d'intoxications par cyanure et arsenic et les vétomages par les euthanasiants. »

Les médicomages présents tournent tous la tête vers moi pour m'inspecter une seconde. Parler ainsi, faire le dérouler du soin me permet de garder le contrôle, pas pour eux, pour moi, pour ne pas paniquer avec ces blouses blanches tout autour de nous. Je déteste être un patient. Tout citer à haute voix me permet de visualiser les soins, ce qu'il faut faire, ce qu'il faut savoir, et si ça peut leur apprendre des trucs, tant mieux, je voudrai pas qu'ils fassent de la merde et se trompent ou fassent un mauvais diagnostic. Je dis pas que c'est des incapables, mais j'ai confiance en personne, en dehors de ma marraine quand il s'agit des soins médicaux.

« Vous connaissez mes antécédents ? Parce qu'ils sont capitaux à plusieurs titres. D'une part, connaître les traitements en cours. L'expérience montre que le plus souvent les patients s'intoxiquent avec leur propre traitement. D'autre part, les antécédents peuvent constituer des éléments pronostiques ou décisionnels dans certaines intoxications. Par exemple, si le patient est alcoolique, toxicomanes, dénutrie. Ce sont des facteurs aggravants de certaines intoxications. Est-ce que le patient est insuffisant cardiaque, diabétique, ce genre de délire. Quel type d'intoxication ? La nature du toxique, la voie de pénétration, injecté, fumé, avalé ? Est-ce que vous avez un échantillon de La Goutte du Mort Vivant que j'ai fabriqué ?»

Ils ne savent pas trop s'ils doivent répondre ou continuer à écouter mon laïus plus longtemps. Deux médicomages se regardent puis l'un de se met à me répondre.

« Oui, nous avons un échantillon, votre ami Thomas a pensé à garder la fiole et a rassemblé certains ingrédients.»

Mon sang ne fait qu'un tour. Mon ami ? MON AMI !? Est-ce que cet enfoiré est allé fouiller dans ma chambre ? Est-ce que cet enflure s'est permis ?!

« C'est vos sœurs qui sont venues tout nous apporter, ainsi que votre dossier médical récupérer par votre marraine. Nous avons aussi récupéré le dossier de Miss McGregor qu'elle avait à Sainte Mangouste, pour vos antécédents.»

Clarissa avait un dossier à Sainte Mangouste ? J'occulte tout le reste. Pourquoi Clarissa avait-elle un dossier là bas ?

« Est-ce que vous buvez ou prenez des toxiques régulièrement ? En dehors de l’aconit tue loup pour les transformation ?» me demande un médecin
« Ouais. Je bois régulièrement, moins depuis quelques temps. Mais si je commence une bouteille, je la termine. Et je fume des joints d'aconit, je fabrique l'herbe moi même. J'ai pas d'échantillon, ça fait un moment que je n'ai pas fumé. Plusieurs semaines en fait.»
« C'était régulier pour les joints d'aconit ? Combien par semaine ?»
« Deux ou trois, mais par jour, pas par semaine. Parfois ça pouvait être plus.»
« Plus ? Par jour, mais comment est-ce possible ?»

Je hausse les épaules, un air dédaigneux sur mon visage. C'est possible parce que je m'appelle Jared Parkinson mec.

« C'est vous les médecins les gars, je sais pas, dites-moi. J'en consomme depuis des années. J'ai commencé tôt, quand on me donnait l'herbe petit, j'en gardais toujours un peu pour me faire des réserves, je prenais jamais la dose totale pour les transformations. Et petit à petit, j'ai commencé à le fumer plutôt que le boire. Faites pas cette gueule là, vous êtes pas des loups, vous pouvez même pas comprendre le délire de la transformation.»
« Ce qui explique la dose énorme que l'on a du vous injecter pour vous sauver la vie.»
« Ouais merci, vous avez fait du super travail.»

Aucun d'eux peuvent savoir si je suis ironique ou non. Peut-être que Clarissa a compris que je me foutais de leur gueule et que je n'étais pas vraiment ravi d'avoir été sauvé.

« Bon, maintenant que vous avez identifié le poison avec certitude, j'imagine que tous les effets de ce toxique doivent être retrouvés chez le patient et tous les symptômes du patient doivent être expliqués par le toxique. La réciprocité doit être parfaite. Dans le cas contraire, le diagnostic d'intoxication doit être remis en cause. Il peut ne pas s'agir d'une simplement intoxication, ou il peut s'agir d'une complication ou d'un toxique « caché ». Ou dans notre cas, du Jeu Maléfices et Sortilèges, notre lien.»
« C'est cela, vous avez tout dit, vous êtes doué Monsieur Parkinson, en quelle année de Médicomagie être-vous ?»

Doué ? Pas assez visiblement.

« 2ème année.»

Il hoche la tête surpris. L'un deux s'approche de moi avec une aiguille. Je retire mon bras. Même pas en rêve.

« Il nous faut vous faire une prise de sang. Ainsi nous pourrons déterminer si le poison est désormais évacué de votre système et si vous êtes tout à fait hors de danger. »

Je secoue la tête.

« C'est bon, je m'en occupe tout seul.»

Je viens placer le garrot autour du biceps et le serre à l'aide de mes dents autour de mon bras. Je viens défaire le kit pour connecter le trocart avec le corps de pompe et place les tubes à côté de moi pour les saisir plus facilement d'une main. Je me pique sans difficulté dans la veine et je perçois un soubresaut de la part de Clary, discret, presque imperceptible, mais je l'ai senti. Je relève mes yeux vers elle. Est-ce à cause de la vue du sang ? Du fait que je me pique moi-même ? Je viens rapidement prélever tous les tubes qu'ils ont préparé. La prise de sang me prend trente secondes. Je retire le garrot puis l'aiguille de mon bras, et je pose tout sur leur plateau en l'état. Je viens ensuite appuyer quelques secondes le point d'injection avec un coton, le temps que mes cellules coagulent rapidement, sans avoir à mettre un pansement.

Les Médicomages prennent les tubes, étalent du sang sur des lames pour les passer sous microscope et sous baguette magique. Ils s'interrogent et je les écoute.

« Pas d'anémie hémolytique, pas de méthémoglobine, ni d'agranulocytose, aucune aplasie médullaire, pas l'ombre d'acidose métabolique, ni de porphyrie… des capacités incroyables de régénérescence … le cœur a été touché ?»
« Non, pas de signe de souffrance cardiaque. Pas d'hyperglycémie non plus, ni d'hypo, ni même d'hyper ou d'hypokaliémie. »
« Mais il y a des cellules étranges, je n'ai jamais vu cela.…le lien qui les unit doit y être pour quelque chose … car le toxique n'explique pas cela. Il faut analyser son sang.» Finit-il par dire en parlant de Clarissa.

Un médicomage s'approche alors d'elle avec le même kit que moi.

« Miss, puis-je avoir votre bras s’il vous plaît ? »

Petit à petit, je me sens envahi par une sensation désagréable, une sensation d'angoisse, de vertige. Je sais que c'est lié à Clarissa, maintenant je n'en ai plus aucun doute. Je ne supporte pas ce sentiment et si je suis du genre à dire que c'est une grande fille et qu'elle peut s'en sortir sans moi, je ne peux pas m'empêcher d'intervenir. Je ne veux pas passer pour le copain qui se mêle de tout, qui fait son chevalier servant, mais clairement là je ne peux pas la laisser subir. Son rythme cardiaque s'accélère avec son souffle, les abrutis de médecin ne peuvent pas s'en apercevoir ?

« Stop arrêtez, vous avez besoin de lui faire quoi au juste ?»

Cette fois ci, le gars est agacé par mon intervention. Spoiler, j'en ai rien à foutre.

« Nous avons aussi besoin de son sang afin d’analyser les répercussions de votre lien. Nous serons ainsi plus à même de comprendre son origine et de savoir comment tout ceci évoluera dans l’avenir. »
« C'est une demi-vampire, la prise de sang ce fait pas sur le site habituel, vous le savez non ?»

Putain, ils le savent pas. Tout l'intérêt de mon carnet. Et à cette idée, je me souviens qu'à l'heure qu'il est, c'est entre les mains de la princesse qu'il doit se trouver. Je lui avais envoyé, après... ma supposée mort. Mon regarde croise celui de Clarissa, dont la panique se lit jusque dans ses pupilles, alors je me redresse et me lève du fauteuil. Étrangement là je n'ai aucun soucis pour arriver jusqu'à elle s'en me tenir au mobilier. Le fait d'être debout me rend tout de suite plus imposant qu'ils le pensaient en étant assis dans un fauteuil, et je dois dire que je ne calme pas mon loup qui a pris le dessus pour me porter plus de forces. Les médicomages buguent et se reculent pour me laisser passer. Je récupère tout le kit de leur main pour le poser sur le lit à côté de Clary.

« Je m'en occupe.»

Je contourne le lit pour bien me positionner. Clarissa ne fait que me regarder et j'ai envie de lui tirer la langue et de lui demander si j'étais assez beau pour elle, pour qu'elle m'admire de la sorte ? Mais je ne le fais pas, parce qu'elle est bien trop inquiète pour le moment. Je touche doucement son bras et tout mon corps s'embrase, c'est fou comme il me faut la toucher pour me sentir de nouveau complet. Elle était pourtant là, juste à côté de moi, mais la toucher décuple tout, mes forces, mon énergie, je la regarde en insistant un peu. Est-ce elle d'accord ? Est-elle prête ? Elle me fait comprendre que oui. Alors je fais vite, j'enfonce l'aiguille et rempli rapidement les tubes à l'endroit parfait pour les demi-vampire, plus proche du cœur. Les prises de sang sont encore différentes pour les vampires qui n'ont pas le cœur qui battent.

Au moment où je l'ai piqué, je jurerai l'avoir ressenti aussi, c'était subtil, fugace, mais j'ai senti un pic. J'écoute son cœur, je le fais toujours, et je remarque qu'il ralenti, pour être aussi régulier que le bien. Bordel que j'adore ça. Cette fille me fascinera toujours. Je viens doucement caresser son visage, son beau visage pour finir de l'apaiser.

« Pour une fois que c'est moi qui te pique du sang.»

Je ne peux m'empêcher de faire cette blague. Je souris même. Je me souviens parfaitement de la dernière fois, au bal, là où j'ai failli vraiment craquer, là où j'ai vraiment failli l'embrasser. J’oublie tout pendant quelques secondes, où nous sommes, ce que nous faisons, ce que j'ai fait pour que nous en soyons là. Mais je n'oublie pas qu'il est hors de question de l'embrasser ici et maintenant. Et puis les Médicomages s'agitent, parlent des résultats et cela m'intéresse. Alors je me défais de cette bulle où seule Clary sait m’entraîner pour les écouter.

« Voilà vos tubes de merde.»

Disé-je en leur donnant les fioles du sang de Clary. Ils font le même processus que pour moi pour commencer à les analyser. Pour elle aussi tout va bien au niveau hématologique. Rien de grave, rien de biologiquement visible. Et c'est rassurant.

« Est-ce que je pourrai venir au laboratoire, pour chercher avec vous ?»
« Je ne sais pas si c'est très déontologique de travailler sur son propre cas.»
« A qui faut-il demander ? Qui est le médicomage en chef ?»

J'en ai rien à foutre en fait, je vais directement passer par Bleddyn ou Louve. Je VEUX être sur ce cas. Je veux savoir comment et pourquoi on est lié. J'ai failli tuer Clary à cause de cela, je veux pouvoir chercher moi aussi. En plus je ne sais combien de temps je vais rester au Palais, je suis sur place, j'irai en fauteuil même s'il le faut. Mais j'ai besoin de bosser dessus. J'ai besoin d'occuper mon esprit, mes pensées. J'ai besoin d'avoir un objectif.

Les examens continuent, nous avons tous les deux un électrocardiogramme et encéphalogramme à faire. Pour ma part, je place moi même les pastilles sur mon corps, avant qu'ils ne lancent la machine pour faire les tracés, puis je réalise l'examen de Clary moi même. Je soulève son t-shirt délicatement, en lui demandant la permission avant, en expliquant le déroulé de l'examen. Mon cœur bat un peu trop vite quand je découvre son soutien-gorge, mais je ne m'attarde pas, je joue au docteur modèle, pour placer les électrodes sur le haut de sa poitrine, autour de son cœur, sur le côté sous les aisselles, ses chevilles, ses poignets sans la toucher de trop, même si c'est foutrement tentant. C'est un exercice difficile quand il s'agit de quelqu'un qui nous plait et dont on a pas encore découvert le corps, avec qui on a encore jamais été intime. Elle me regarde, elle regarde mes réactions, ses joues ont rosi, sans doute gênée de se trouver dans cette position devant moi. Je voudrai lui dire qu'elle est magnifique, que je la trouve vraiment parfaite, mais c'est déplacé de le faire ici, devant toutes ces blouses blanches. Alors pour rendre les choses plus facile entre nous, j'explique l'examen, ce qui met une certaine distance avec le geste, pour qu'on soit tous les deux plus à l'aise. Et je ne perds pas de temps, pour qu'elle ne croit pas que j'en profite.

Tout est normal au niveau des examens, et je suis vraiment soulagé. Mon estomac est encore fragile et a besoin de repos. Il faut maintenant que j'élimine les doses d'aconit, mais le poison n'est plus là, l'antagoniste a fait son travail et c'est cela qui m’affaiblit et par répercussion Clarissa. Mes gênes de loup et ceux de vampire de Clary ont permis une régénérescence rapide, sans séquelles pour nous deux. Une chance qu'elle soit elle aussi une créature magique.

« Nous avons tout ce qu’il nous faut, à présent. »

Ils pensent nous laisser rentrer quand je n'aurai plus les effets de l'aconit et que j'aurai vu tous les jours le psychomage. J'apprends que pour revenir en Angleterre, Aslinn doit donner son feu vert. Ce qui me tend un peu. Il pourrait me garder indéfiniment ici s'il le notait dans son dossier, pas que je sois peureux à l'idée de rester en Irlande, mais je sais que Clary ne rentrera jamais si je ne rentre pas aussi. Et rien que pour elle, je vais tout faire pour aller mieux, pour qu'elle retrouve ses repères, ses études. Si j'arrête la médecine, moi j'ai Diabhal, la garde royale, mais Clarissa a toute sa vie là bas.

« Nous allons vous conduire auprès de vos familles qui vous attendent. »

Rectification, ce qui me tend le plus, c'est ça, ce moment. Si Louve a bien compris ce que je lui ai dit, mon père est dans une pièce juste à côté. Le pire est d'être séparé de Clarissa. Quand nos chemins et nos mains se séparent pour des pièces différentes, j'ai un vortex qui m'aspire de l'intérieur. Je ne connais plus la joie de sa présence, la douceur de ses doigts, je ne connais plus la chaleur de son sourire, la fraîcheur de sa peau ou la douceur de ses yeux. Je me retrouve seul, seul avec mes pensées, seul avec mes démons. Seul avec les conséquences de mon passage à l'acte.

On pousse mon chariot devant la porte et je me relève, je ne veux pas rentrer assis dans la pièce, je ne veux pas que mon père me voit à nouveau comme cela. Derrière cette porte, il y a mes sœurs, et mes parents. Je peux littéralement les sentir et les entendre. Alana se demande si je vais venir, et ma mère la rassure. Eireann dit à mon père que tout va aller bien, qu'elle le sent que je vais bien, que c'est notre lien de jumeau. Et à peine finit-elle sa phrase qu'elle prononce mon prénom.

« Jared ! »

La porte s'ouvre à la volée et mon regard croise celui de mes sœurs, devant l'embrasure. Je me fais littéralement aspirer dans leur bras. Elles me serrent, elles me pressent, elles me respirent. Alana craque la première et je sens ses larmes chaudes sur ma peau. Mon menton tremble, mes yeux se brouillent, quand Eireann éclate en sanglot je m'effondre au sol avec elles.

Genoux à terre, les filles m'entourent comme une coquille impénétrable, et je pleure, j'éclate d'émotion, de souffrance. Je ressens leur peine, leur soulagement, je ressens leur colère, leur amour. Leurs doigts s'enfoncent dans ma peau, elles me serrent comme si elles vérifiaient que j'existe. « Je suis désolé, je suis désolé, je vous demande pardon.» Je ne sais pas si elles comprennent avec mes pleurs, alors je me répète. « Pardon ». « Désolé ». « Pardonnez-moi ». Mes larmes n'arrêtent pas de couler, mon nez s'encombre, ma gorge se noue, je me noie dans leur chagrin ou peut-être qu'il est le mien ?

« On allait retrouver ton corps Jared, on allait te retrouver, comment tu as pu nous faire ça ? Comment ? Comment tu as cru qu'on aurait pu s'en remettre, tu es une partie de nous même, on aurait jamais été complète après ton départ, jamais.»

Pardon, pardon. Pardonnez-moi répété-je inlassablement entre deux sanglots. Je pleure, encore et encore et je les serre à mon tour, je les agrippe, je fusionne avec elles, dans cette coquille protectrice, comme si on se retrouvait tous les trois dans le ventre de notre mère, là où il n'y avait aucune souffrance, là où on était bien. Là où on ne risquait rien. On devient un seul souffle, un seul sanglot, on devient la même face d'une pièce, indissoluble, inséparable.

Je me rappelle notre petite enfance, notre langage bien à nous, notre lien. Elles ont été mes premiers moments, mes premiers souvenirs. A la maternité, j'ai commencé à m'en sortir quand Élisabeth a choisi de nous mettre dans le même berceau, ils avaient peur qu'elles m'arrachent les tuyaux ou ne m'étouffent, mais elles ne l'ont jamais fait, comme si elles savaient d’instinct qu'il ne fallait pas le faire. Et dès l'instant où le "trois" est devenu "un", toutes mes constantes se sont stabilisés et j'ai pu sortir de la couveuse. Aujourd'hui, à cet instant, je ressens cette synergie entre nous. Personne ne peut comprendre le lien qui nous unis tous les trois. C'est pour cela que je ne voulais pas les voir, je savais que je craquerai, je savais que je deviendrais vulnérable, et je ne le voulais pas, pas devant Clary ni Emy. Je n'avais pas la force de leur demander pardon, de pleurer.

Nous restons là encore quelques minutes, avant qu'elles ne me lâchent une par une. Emily m'avait expliqué que les Princesses Disney dans les parcs d'attraction avaient pour protocole de ne jamais rompre un câlin, c'était dans leur contrat. C'est toujours les visiteurs qui décident quand le câlin est terminé. Et c'est sur cette base que je tempère ce qui est supportable pour moi en terme de contact physique. Quand on se relève, je vois ma mère, qui est resté là, à pleurer en silence, ses joues sont humides, ses yeux sont tristes et elle vient à son tour me prendre dans ses bras. Je la sens soupirer d'aisance, de soulagement. Elle n'avait pas pu me serrer comme ça depuis que je sais marcher. Elle savoure de m'avoir dans ses bras, de caresser mes cheveux. Je la laisse faire. Je ne sais pas comment font les actrices Disney dans les parcs, je ne pourrai pas signer ce genre de contrat sur le long terme. Mais je laisse ma mère en profiter.

« Mon petit, mon tout petit. Jared je ne me doutais pas une seule seconde que tu pouvais éprouver autant de souffrances pour vouloir partir ainsi. Mon bébé, mon garçon, j'ai eu tellement peur. Je t'aime tellement, nous t'aimons tellement. »

Je réponds à l'embrassade de ma mère, sans être capable de lui dire je t'aime. Ce sont des mots difficiles à prononcer. Je l'aime, c'est sûr, mais je n'arrive pas à le lui dire.

« Dis-nous ce qu'on peut faire pour t'aider. Jared, il ne faut plus recommencer. Il y a forcément d'autres solutions, que s'est-il passé ? C'est à cause de la demi-vampire avec qui tu aurais un lien ? Personne ne veut rien nous dire. »

La voix de mon père dans mon dos m'irrite en une fraction de seconde. Mon loup réagit au quart de tour alors que sa voix ripe sur le mot « demi-vampire » comme de manière grossière et injurieuse. Tant pis pour ma carrière au parc Disney mais je lâche les bras de ma mère pour me retourner vivement vers mon père et lui coller mon poing dans la gueule, sur sa pommette droite. Il recule sous le choc mais ne tombe pas, et je recommence alors en visant son nez puis sa bouche.

Mes sœurs et ma mère s'affolent, veulent intervenir, mais la voix grave de mon père leur ordonne de ne rien faire, de me laisser faire... Alors je cogne, encore et encore, dans la mâchoire, dans son flanc, dans son ventre, dans son bras, parfois je frappe juste l'air parce qu'il m'évite, mais à aucun moment il ne riposte. Il supporte mes coups comme s'il les méritait. Je frappe jusqu'à ce je sois à bout de souffle, épuisé par l'effort, drogué par l'aconit. Si seulement je ne l'avais pas dans le sang, si seulement mon loup était plus fort.

Avant de m'écrouler je me retrouve finalement tombant dans ses bras. Il me retient d'abord par les épaules, comme s'assurant que je ne vais pas encore le frapper, puis je sens qu'il me tire vers lui, mon torse repose contre le sien et ses bras m'entourent pour me serrer fort. Très fort. Je ne saurai dire si c'est un câlin ou une prise pour me contenir. Quoi qu'il en soit, il serre tellement fort que cela m'apaise. Mes muscles sont douloureux mais cela me fait du bien. Je respire fort, comme si je venais de faire des heures de sport, ma poitrine monte et descend contre la sienne aussi agitée.

« Je te déteste !»
« Je sais. »
« Je te déteste tellement.»
«  Je sais mon fils, moi je t'aime. »
« Tais toi, ta gueule, je te déteste ! »
« Je t'aime Jared. »

Je sanglote à nouveau, mes larmes se mêlent à l'odeur du sang de mon géniteur, il saigne mais ne dit rien. Il n'y a que des cœurs affolés dans la pièce. Les filles sont en panique, mais devant la scène, devant le retour de mon calme, elles aussi s'apaisent. Elles sont dans les bras de ma mère, qui les a sans doute retenu pendant que je frappais mon père. Je ne sais pas dire si je me sens mieux ou pire après l'avoir fait. Mais je l'ai fait.

Je rompt rapidement le contact en le repoussant, je bascule en arrière et tombe sur le cul. Je me recule alors en glissant sur mes fesses sur le sol, à au moins deux mètres de mon père. Je retrouve ma respiration, j'essaye d'étouffer ma colère, la tête entre mes genoux.

« Ne parle pas d'elle, elle n'a rien à voir avec tout ça. Ce n'est pas sa faute, on est lié par ce jeu à la con, Maléfices et Sortilèges.»
« On ne nous a rien dit, la princesse a expliqué que tu devais le faire, si tu le voulais, mais que cela devait venir de toi. » Je ne relève pas la tête, c'est ma mère qui vient de parler. J'apprécie la position de Louve, je suis majeur de toute façon, je n'ai pas à tout dire à mes parents.
« Qui est-elle ? » demande mon père d'une voix mesurée.
« Clarissa McGregor, c'est notre amie. Elle est Bodicae Pateare avec Alana. »
« McGregor tu dis ? La fille de Seamus et Victoria ? »
« Je connais pas ses parents.»
« C'est la cousine de Victoire Prewett, l'ex copine de Jared. » Je relève ma tête pour fusiller Alana du regard.
« L'ex ? Tu n'es plus avec Victoria ? C'est... elle t'a quitté ? C'est pour ça que... que...»
« Non maman, j'ai pas essayé de me suicider parce que j'ai quitté Victoria.  J'ai pas de raison de me suicider pour une fille putain. Je n'ai pas envie de parler de Vic, ni de Clary. Ni de ses parents.»
« Mais il faut qu'on comprenne Jared, par exemple ce lien, qu'est-ce qu'il implique ? »

Je relève mes yeux vers ma mère.

« J'en sais rien maman. On a été ensorcelé avec ce jeu à une soirée. On l'a pas su de suite, au début ça ne faisait rien, on ne le remarquait pas. Ce lien implique qu'on soit connecté. Elle a failli mourir elle aussi. C'est plutôt moi le problème dans l'histoire, j'ai failli la tuer.»
« Oh Merlin, mais est-ce qu'elle va bien ? Amadeus, on devrait contacter Seamus et Victoire. »
« Oui elle va très bien. Elle est... revenue avec moi. Elle n'a aucune séquelle.»

Ma mère vient s'accroupir devant moi, sans me toucher.

« Je suis désolé Jared. Je suis désolé mon bébé. »
« Elle va très bien maman.»
« Je ne parlais pas d'elle. »

Je relève mes yeux vers elle une nouvelle fois.

« Est-ce que c'est ta copine ? Cette Clarissa ? »

Mes yeux basculent sur mon père, qui attend ma réponse avec attention, puis je regarde à nouveau entre mes genoux.

« J'ai plus envie de parler d'elle, je suis fatigué.»

Le dire me fait réaliser combien je me sens mal, physiquement. Je ressens un vide, un manque si profond qu'il me donne des vertiges. Et maintenant je sais qu'il s'agit de Clary. Je la veux, je veux la sentir, je veux la toucher, je veux l'embrasser, je veux la serrer dans mes bras, je veux sa peau fraîche contre la mienne, ses doigts chassant les mèches rebelles de mon front. Je veux que ses magnifiques cheveux chatouillent mon cou. Je veux respirer sa beauté, sa grâce. Je la veux, tout simplement. Et je ne veux surtout pas que des jugements ou des commentaires de mon père viennent tout gâcher.

« Il est fatigué, vient t’asseoir Jared. »

Mes sœurs viennent toutes les deux passer un bras sous chacune de mes aisselles pour me soulever. Elles viennent m'installer sur un canapé, où chacune d'elles se positionnent de chaque côté de moi. Alana vient jouer avec mes cheveux alors qu'Eireann semble triturer mon t-shirt.

« Tu vois un psychomage ? »
« J'en vois un maman.»
« Il est bien ? »
« C'est un connard. Mais j'ai pas le choix que de le voir, il a été mis à disposition par la couronne. »
« Tu es toujours dans la garde royale ? »

Je sens la pression monter de nouveau et la colère. Dès qu'il ouvre sa bouche, j'ai l'impression que c'est pour m'enfoncer.

« J'ai pas été viré si c'est ce que tu espères. En fait j'en ai rien à foutre de ce que t'espère pour moi, depuis bien longtemps.»
« Jared calme toi, tu interprètes tout mal, je suis ton père, je ne te veux pas de mal ! »

Je ne me lève pas pour le frapper à nouveau, juste parce que je n'ai plus aucune force, et que mes sœurs font, à leur manière, rempart. Je le sais, je les connais par cœur. A côté de moi, on dirait des garde du corps. Mes gardes fou.

« Ah ouais ? J'ai l'impression que quoi que je fasse, rien ne va. La médicomagie c'était pas assez bien. Les potions c'était pas assez... toi. Un truc ridicule, une lubie, tout juste un passe temps que t'espérais que je perde. L'Irlande c'était pas assez bien pour ton faible de fils, alors t'as choisi l'Angleterre, pour qu'il se sociabilise ou pour le tenir loin de l'Irlande pour qu'il ne te fasse pas honte à la cour des Iceni. Mais toute ma putain de vie était ici, en Irlande, et t'as choisi pour moi. Tu m'as fait rencontrer mes pires cauchemars là bas, j'étais largué de toutes leur coutume, de tout leur racisme. »

Tout le monde me regarde, je ne me suis jamais autant livré, surtout pas devant eux. C'est peut-être injuste ce que je dis pour Thomas. Mon père pouvait pas savoir ce qui m'attendait dans cette école, surtout que je n'ai jamais rien dit, je n'ai jamais alerté personne, j'aurai pu les dénoncer, demander à rentrer, car je n'ai jamais demandé à quitter Poudlard, pour ne pas le décevoir. Et puis j'ai connu Emy, et je pouvais plus partir et la laisser. J'étais aussi trop têtu, je suis resté, parce qu'il était mon alpha. Comme je ne peux pas le frapper avec mes poings, je continue de le frapper par mes mots acerbes et culpabilisants.

«J'ai été l'un des meilleurs élèves de Poudlard de ma promo et j'ai pas eu un seul « bravo » de ta part. Juste, ce que tu voulais c'est que je devienne Duc. Mais me transformer sans lune, je sais le faire depuis des années. J'avais pas besoin d'un titre, y'avait aucun sens à tout ça. Et quand j'ai trouvé le sens de l'être, pour être soldat, t'a ri, car tu penses encore que je suis qu'un gamin. Y'a jamais rien qui va avec toi. Quand ils ont estimé que j'avais les capacités de sauter ma 7ème année, parce que j'étais putain de doué, t'as même pas souri, ça t'a gonflé que j'aille un an plus tôt en Médicomagie. T'espérai que j'embrasse ta carrière, que je marche sur tes traces. T'as jamais compris qui j'étais. Et je t'ai vu tout à l'heure, la peur dans tes yeux que je réponde que Clarissa est ma copine. Tu veux pas d'une vampire dans la famille. Ben faudra t'y faire, parce que c'est cette vampire que je veux tout particulièrement. Je suis sûre qu'Alana et Eireann se feront un plaisir de t'offrir des purs loups de naissance.»
« Jared t'es injuste, t'es méchant juste pour blesser papa. »
« Je suis pas méchant Alana, tout ce que je dis est vrai. Dites moi le contraire ? Combien de fois vous l'avez déçu toutes les deux ? JAMAIS ! Je dis pas ça pour vous les filles. Mais papa peut bien me ficher la paix, il a deux autres enfants.»
« C'est parce que tu as pas eu les mêmes chances que tes sœurs au départ ! Je m'en veux chaque seconde de pas avoir su être un loup assez fort pour que mes enfants naissent solides. Tu n'as jamais rien dit pour ton harcèlement à Poudlard, on a fait les choses qui fallait quand on a su non ? »

La colère comprime mon cœur, déforme mon visage. Je trouve le courage de me relever devant le canapé.

« Mais j'ai jamais demandé à être fort ! Qu'est-ce que j'en avais à foutre d'être comme toi ?! Et alors quoi, tu as honte de moi ? T'as jamais supporté mes faiblesses.»
« Ce n'est pas ce que j'ai dit Jared. »
« Si, j'ai très bien compris que j'étais pas le bébé loup le plus robuste de la portée, ça a du te faire bien chier que ce soit ton gars, t'aurai préféré que ce soit une de tes filles, parce que ça va bien aux filles d'être faible. C'était plus acceptable à la cour. Mais tu sais ce que je crois ? Je crois que déjà dans le ventre de maman, je faisais tout pour tout laisser à Alana et Eireann, »
« Jared arrête... s'il te plaît arrête. » Me supplie Eireann en me montrant notre sœur.

Alana est en train de pleurer à nouveau et ma mère vient la prendre dans ses bras. Je suis allé trop loin, je réalise que je suis en train de culpabiliser mes sœurs à tort. Ce n'est pas du tout ce que je veux. Je veux faire souffrir mon père, mais certainement pas elles, pas mes moitiés.

« Alana, je suis désolée, c'est pas ce que je voulais dire. Ce n'est pas votre faute si je suis né prématurément. Je ne vous le reproche pas, je donnerai tout pour vous, vous le savez. »
« Mais pas ta vie, donne pas ta vie Jared, pas pour nous. N'essaye plus de partir, si tu donnerai tout pour nous, c'est ça que je veux, je veux que tu restes en vie.»

Mes yeux se remplissent de larmes et je n'arrive plus à regarder personne. Je viens m'asseoir à nouveau sur le canapé, car je n'arrive plus à tenir debout. Je suis de plus en plus faible et tout le monde le réalise.

« Je vais appeler pour qu'on te raccompagne, tu dois te reposer. On revient te voir dès que tu veux, on reste en Irlande avec tes sœurs. Il faut qu'on parle aux McGregor s'ils sont là. Tes sœurs ont demandé une dispense pour elles à l'UMS. Tu en as déjà une aussi m'a dit la Princesse. Prend le temps qu'il te faut pour te remettre. Et si tu veux rentrer à la maison, tu le pourras, si tu veux rester en Irlande plutôt que revenir en Angleterre.»

Je hoche la tête et ma mère va chercher un Médicomage qui revient avec un chariot. Je monte dessus, avec une seule envie, retrouver Clary et ses yeux noisettes. Quand on arrive à la fin d'un couloir, je sens les fourmillements dans ma nuque et je soupire de savoir ce que cela veut dire. Elle est près de moi. Encore un virage et je la vois. J'ai envie de dire au Médicomage de bouger son cul plus vite. Voir sa main qui se tend vers moi me fait un bien fou, je sais ce qu'il y a au bout. A peine le contact fait avec elle, je ressens une vague de bien être, j'oublie la fatigue de toute à l'heure. Et surtout, je me sens beaucoup moins en colère, je me suis toujours senti apaisé à ses côtés.

« Tu m’as manqué. »
« T'as pas non plus idée combien tu m'as manqué M'aingeal [1].»

Ça dépasse l'entendement. Je serre sa main jusqu'à la porte de notre chambre. Je me demande où est Emily et qu'est-ce qu'elle a fait tout ce temps ? J'espère qu'elle a pas fait des conneries dans le Palais.

« Je peux marcher. » annonce Clary à son porteur.
« Moi aussi.» je souris

Et je me lève immédiatement et donne mon bras à Clary. Le contact avec elle m'a donné un coup de fouet, et je me sens capable de marcher sans problème.

« Attendez !»

Je vais vers le chariot avant qu'il le reprenne pour récupérer la peluche de merde que m'a offert Emy et Louve. Pas que j'en ai quelque chose à foutre, mais si je la perds, Emy va m'en parler pendant 10 ans.

Alors qu'on va entrer dans la chambre, la porte s'ouvre sur le psy. Qu'est-ce qu'il fout là lui ? Clary serre ma main, est-ce qu'elle craint de devoir le voir ? Il ferait pas ça si ? On se regarde tous les deux, il me salut poliment et je ne réponds pas, quand il est assez loin, je démarre.

« Qu'est-ce qu'il foutait là lui ?»
« Simplement discuter avec moi. »

Mouais, j'aime pas ça. Je regarde derrière moi, comme s'il allait revenir me voir, mais je ne le vois déjà plus dans le couloir.

[1] M'aingeal = Mon ange en Irlandais.
:copyright:️ Justayne

ϟ ϟ ϟ


Jared Parkinson


«But I want to live and not just survive
That's why I can't love you in the dark »

KoalaVolant

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Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.Avec Emily, Clary et les IceniJeudi 2 Mai 2002 – Beltaine

« Alors, vous, comment ça va ? Les résultats donnent quoi ? »

Je reste aux côtés de Clary, ayant besoin de cela, sentant qu'elle avait aussi besoin de cela aussi. Ma main vient se poser machinalement sur sa cuisse. Je pense que ni elle ni moi n'aimons les examens médicaux.

« Je n’ai pas tout compris au jargon médical. Mais je crois que dans l’ensemble ça va. Le Médicomage a dit à mes parents que dès que tu te sentirais mieux, il nous libérerait. »
« Oui tout va bien, plus aucune trace du poison. Ce qui agit encore, c'est les doses d'aconit tue loup qu'il y a encore dans mon organisme. C'était dans l'antidote du poison. Ce sont vraiment de très très fortes doses qu'il va falloir que j'élimine. Ce n'est qu'une question de jour pour qu'il n'y ait plus aucune trace dans mon organisme, pour que je retrouve toutes mes facultés et que ça te fiche aussi la paix. Je suis vraiment désolé.» disé-je en caressant doucement la cuisse de Clary.

Je m'en veux de lui imposer cela à cause de cette connexion chelou. J'ai peur qu'un jour elle réalise que j'ai failli la tuer, que l'amour lui passe, pour se rendre compte que je suis la pire ordure. Elle ne semble pas m'en vouloir alors qu'elle aussi subit tout cela, elle a rien demandé et je l'embarque dans des examens, loin de chez elle, elle n'a eu aucun choix et je n'ai entendu aucun reproche, mais jusqu'à quand ? Un jour elle ouvrira les yeux.

« Pour le dîner, vous voulez descendre à la fête ou manger ici ? » demande Emily. « Et oui, Jared, si on mange, tu manges aussi. » Je lève les yeux au ciel, mais en fait j'ai la dalle, donc ça ne devrait pas poser problème.
« Je préfère resté ici avec vous tranquille. J'ai trop la dalle pour vandaliser tous les buffets en bas.»

Surtout qu'il y aura toute ma famille, et que j'ai eu ma dose pour aujourd'hui. Je me demande si je n'aurai pas du inviter mes sœurs à venir ici, passer la soirée avec nous ? Mais j'ai une pensée égoïste de me dire que je veux pouvoir être dans les bras de Clary, non des leurs toute la soirée. Elles ne pourraient pas s'en empêcher, je les connais, et j'ai besoin de Clary, plus que jamais. Surtout qu'elles ne m'ont pas vu encore me comporter « comme ça » avec Clarissa. Je pense que c'est nouveau pour tout le monde. Même pour moi, alors j'imagine pas le regards de mes jumelles ou leur questionnement. J'ai envie de garder Clary encore que pour moi, dans cette bulle.

Emy s'occupe de tout, en fait c'est cool qu'elle tienne la chandelle. J'aimerai le lui dire, pour plaisanter comme avant, mais j'ai peur de faire de l'humour, j'ai peur de la brusquer, j'ai peur qu'elle ne réagisse pas comme avant à ma vanne. J'ai peur d'avoir cassé Emy, putain, j'ai abimé ma meilleure amie, ma sœur. J'ai abimé toutes mes sœurs. Je ne voulais pas voir ça, je voulais mourir, je veux toujours mourir...

Dès que la nourriture arrive, je « saute » dessus pour chasser mes pensées violentes. Je ne veux pas que Clary ressente ma détresse, alors j'avale rapidement ma côtelette de porc. Emy a l'habitude et Clary n'a pas l'air de s'en formaliser bien que je la trouve soucieuse ou soupçonneuse. La bouffe me change les idées, je ressens le goût, j’apprécie le goût, je me focalise sur ces émotions positives. Tout est vraiment extra, je mange autant que je peux, et c'est beaucoup, la viande est parfaite, elle l'est toujours au Palais, où majorité de loup y vivent. Je fais profiter mon loup maintenant que j'ai retrouvé le goût et l’appétit. Je n'ai plus cette sensation bizarre sur ma langue et dans ma gorge, je sais qu'à présent je dois « seulement » éliminer l'aconit tue loup, et mon corps sait comment faire, pour en avoir pris quasiment tous les jours à certaines périodes de ma vie.

Emy nous montre le dessin-animé. Balto, est-ce que c'est une blague ? Elle avait le choix de tout, et elle ramène celui là ? D'ailleurs, ça me fait penser à un truc. Je lève la peluche de merde qu'elle m'a offert. Je la fais bouger dans les airs d'un mouvement de poignet.

« T'as osé !? Et avec ma future Reine ? Sérieusement, où tes délires s'arrêtent Emy ? Si tu crois que je vais garder ce truc, c'est que t'es encore plus folle que je le pensais ! »

En fait, je me sens incapable de le balancer, je suis sûr qu'il me porterait 4 ans de malheurs si je le faisais. Je dirai pas que je suis superstitieux, mais je suis croyant. Je suis sûr il y a un truc dedans, un sort ou une connerie du genre pour que je le garde. Emy serait capable. Et puis, si elle y tient... alors j'y tiens... Je peux pas dire ça pour Scott Rosier, mais j'peux bien tolérer son cadeau.

« J’imagine que tu t’identifies à l’oie, Emy ? »

Je tourne ma tête vers Clary et regarde le DVD avec l'image des deux bestioles dessus. Qu'est-ce qu'elle dit ? J'ai envie de rire quand Clary traite Emy d'oie, mais quand je comprends que le chien, c'est moi, j'en perds mon envie. Elles vont donc s'y mettre à deux maintenant ? Je pince l'arète de mon nez, heureusement que je les aime, parce que franchement...

« L’oie, le meilleur ami de Balto, qui lui donne des conseils et tout. »
« Ne l'encourage pas Clary... pas toi.»

Sauf que Emy est toute fière et enclenche le visionnage, je roule mes yeux en l'air. Sans déconner... Clary est la première à parler à nouveau de nos examens. Et surtout de la visite de nos familles. Je l'écoute très attentivement, me rendant compte que tout ce qu'elle dit à de l'importance pour moi. Habituellement j'en ai plutôt rien à foutre quand une fille essaye de me faire la conversation, je n'écoute pas vraiment, je ne pose jamais de question et ne m'intéresse pas sincèrement. Mais là, j'en apprends plus sur elle, sur sa famille, ses relations avec ses proches, leur fonctionnement. J'en apprends plus sur elle et j'aime ça.

Mon cœur se serre quand elle explique qu'il faut qu'elle rentre avec eux quelques jours, cela me tord les boyaux, je sens déjà l'empreinte d'un manque en moi, alors qu'elle est là à mes côtés, que je peux la toucher sans limite et sans durée. C'est comme si le lien était une entité vivante, qu'il pouvait ressentir, imaginer. Et là, il s'inquiète de notre future séparation. Anxiété anticipatoire. J'écoute et me montre discret et pudique lorsque j'entends LA question à laquelle je n'avais pas forcément envie de répondre.

« Ça a été avec ton père ? »

Je relève ma tête et croise le regard des deux filles qui disent la même chose : parle nous. Putain c'est chiant les filles. J'inspire lentement et réfléchir quelques secondes avant d'expirer une réponse. Comment dire les choses ? Je sais pas faire dans la dentelle, et je crois qu'il y a pas des milliers de manière de faire.

« Je l'ai défoncé.»

Leurs yeux s'ouvrent comme des citrouilles et je me sens obligé d'argumenter un peu plus.

« J'ai dérapé quand il a commencé à insinuer des choses par rapport à toi...»

Mes doigts viennent glisser sur son bras comme une caresse, je vois sa peau réagir et frissonner. Ce truc me rend dingue, quelle réagisse comme ça me rend dingue, j'ai envie de la rendre dingue. Comment mes mains aussi douces avec elle peuvent se montrer aussi violente avec d'autres ?

« ... alors on s'est battu, enfin... je l'ai battu, il ne s'est pas défendu. Mais les choses sont claires, il va s'en remettre. J'ai peut-être été injustement dur avec mes sœurs aussi, ça va me coûter des soirées télé à leur côté pour me racheter. En fait... j'ai pas vraiment bien gérer la situation.»

Je me surprends à avoir honte pour la première fois de qui je suis devant Clary et Emy. D'habitude j'en ai un peu rien à foutre de me monter insolent ou violent, mais là, devant elles, c'est différent. Je hausse les épaules et n'en dirais pas plus pour le moment. Je pense qu'elles le comprennent et changent de sujet subtilement. Même si je sais que Clary doit se poser des questions sur ma dynamique familiale, et qu'est-ce que mon père a bien pu dire pour que je le frappe pour elle ? Est-ce qu'elle me juge ? Est-ce qu'elle va changer d'avis sur moi ? Sur l'envie d'être avec moi ? Est-ce que je lui fais peur ? Comme quand j'ai frappé Scott Rosier au Chalet ? Est-ce qu'elle va se rendre compte que je n'en vaux pas le coup finalement ?

« Je vous vois pas beaucoup mangé, je vais rien vous laisser si vous mangez pas !»

Emy confirme et nous invite à manger, ce que je fais à nouveau, comme si je n'avais pas déjà défoncer la moitié de la viande. Clary semble un peu nerveuse, ce n'est pas vraiment le mot, mais elle ne touche pas trop la nourriture, je n'ai pas envie de passer pour le copain chiant, mais je deviens parano jusqu'à ce que je la vois sortir une poche de sang de sa poche. Poche qu'elle faisait que toucher depuis quelques minutes dans sa veste, c'est donc pour ça ! Je suis soulagé que ça n'est pas de lien avec ce que j'ai fait ou dit.

Je sens son regard sur moi et je souris, il n'y a que de l'encouragement dans mes yeux. Mon cœur commence à accélérer sans que je ne le contrôle, j'en suis incapable. Je la regarde faire chaque étape, percer la poche, boire sans détourner les yeux, bien au contraire, je trouve cela fascinant, attirant, j'imagine bien que le lien y est pour quelque chose, mais quand elle boit, j'y trouve un certain réconfort, est-ce cela qu'elle ressent ? Je n'ai jamais eu envie de boire du sang, j'ai déjà goûté des boissons à base d'hémoglobine, mais plus pour me mettre une race que pour le goût, c'était toujours dans un mélange jamais pur. La voir boire m'attire bien plus que je ne peux l'avouer. Je souris alors que je vois ses joues rosirent, bordel qu'elle est belle. Elle est vraiment trop belle.

Je regarde ses lèvres aspirer les dernières gouttes avec satisfaction. Quand elle sort la poche d'entre ses lèvres, une perle de sang se trouve sur sa bouche et avant qu'elle ne passe sa langue dessus, ma main s'avance rapidement pour venir la cueillir avec mon pouce. C'est ce genre de geste stupide que je critiquais chez les autres couples, ce genre de tendresse ou d'affection que j'abhorrai habituellement, et me voilà le faire avec elle, sans réfléchir. Clarissa fixe mon pouce, peut-être avec surprise, mon cœur s'emballe, mon sang bouillonne, tout disparaît autour de nous, même ma meilleure amie bruyante avec ses chips.

Clary s'avance vers moi, elle attrape mon poignet et du bout de sa lèvre vient lécher mon pouce, je ne la quitte pas des yeux, je peux vriller en quelques secondes, et j'ignore pourquoi je ne le fais pas, je pourrai lui sauter dessus tant mon désir est à son comble. Peut-être que l'aconit tue loup m’abrutis encore, peut-être que c'est l'environnement, peut-être que mon cerveau connecte ses deux neurones encore raisonnables pour ne pas faire ça devant Emy.

A cet instant, je me fais la réflexion que ce n'est pas que le lien, cela ne peut pas être que le lien. Je me souviens à la soirée du 14 février, j'avais déjà craqué pour elle, avant le jeu, avec le maléfice et tout ce délire autour de notre connexion. Je me rappelle avoir craqué sur son rire, je me rappelle avoir craqué pour son audace et son énergie. Je me rappelle avoir écouté son cœur s'emballer à mes côtés. Je me souviens très bien avoir déjà admiré ses lèvres épouser le goulot de sa Bièreubeurre. Je me souviens l'avoir trouvé si belle et drôle, elle était comme une gosse devant ce jeu à boire. Je m'étais laissé entraîner à l'époque, juste pour passer du temps avec elle, juste pour l'entendre rire. Tout ce que je voulais à l'époque, c'était boire et la regarder. Elle était si fière de me mettre une raclé, alors que je jouais pas vraiment, je perdais pour rester plus longtemps avec elle. J'avais aimé ça, bien avant qu'on soit lié.

Et ce soir là j'ai compris qu'elle me plaisait et je l'ai planté comme un gros connard, pensant qu'elle ne m'apporterait que des problèmes ou inversement. Mais c'est de l'avoir éloigné de moi qui nous a desservie. Si je ne l'avais pas jeté comme une merde ce 14 février, on aurait jamais joué à ce jeu plus tard, je ne l'aurai jamais mise en danger en me tuant. On en est là, car j'ai eu peur de mes sentiments. J'ai toujours peur aujourd'hui, mais cette attirance est trop forte, j'ai trop envie d'elle pour la repousser à nouveau.

Je sursaute quand Emily éclate de rire. Démoniaque. Cette fille est démoniaque. Je sais très bien qu'elle le fait exprès. Clarissa se retire comme une poupée qui rentre dans sa boite surprise. Mon regard se pose mi agacé mi blasé sur Emily. J'hésite entre un doigt d'honneur ou lui tirer la langue. A la place je lui balance la peluche, qu'elle me renvoi aussitôt et que je rattrape avant qu'il tombe sur Clary. Celle-ci commence à avoir les paupières lourdes et se blottir contre moi naturellement. C'est tellement nouveau mais tellement agréable. Je ne sens aucune gène, aucune aversion qu'elle soit dans mes bras, bien au contraire, c'est là où est sa place, là où est la mienne, mon loup semble tellement satisfait, je sais que c'est rare qu'un loup ne soit pas tactile, alors j'imagine qu'il est enfin comblé de pouvoir sentir et vivre cette proximité avec quelqu'un, une demi-vampire. Je sens sa respiration se baisser jusqu'à ce qu'elle s'endorme.

« T'as parlé à Thomas ?» Je fais un effort surhumain pour l'appeler par son prénom et non par une insulte. « Les médecins m'ont dit qu'il avait rassemblé les ingrédients pour déterminer le poison. Il n'en a pas oublié un seul.» Évidemment ce connard s'y connaît un potion, on pourra pas lui enlever ça. « J'imagine qu'il ne veut pas te rejoindre ici ?» En terre hostile, au milieu des loups et des vampires qu'il déteste. Mais j'essaye de ne pas aller trop loin. Cela me tendrait si Emy n'aimait pas Clarissa. « Tu peux rentrer tu sais. Je vais bientôt rentrer à Londres, c'est juste une question de jour. J'imagine qu'il te manque, et je comprends. Je comprends maintenant.» Disé-je en embrassant le haut de la tête de Clary. Je peux pas reprocher Emy d'aimer notre bourreau, c'est aussi son choix à elle, c'est aussi son bourreau. Je ne peux pas pardonner comme elle, mais je peux essayer de comprendre pourquoi elle lui pardonne. J'imagine qu'il a du gagner des points en me sauvant la vie en plus... Je soupire.

« Mon père n'a pas essayé de se défendre, il s'est laissé faire Emy. Il m'a regardé tout du long. Ça m'a foutu encore plus la rage. J'aurai voulu qu'il réponde, qu'il se batte. Mais il... il a commencé à parler de la nature vampire de Clary. Je savais que ça allait arriver, s'il l’apprenait. Pourtant l'Irlande est ouverte, tolérante à ce sujet. Il veut juste la pure race, y'a quoi de différent avec les Mangemorts dans ce cas là ? Je crois que c'est ça qui me met le plus en colère. Et puis... il m'a dit je t'aime...»

:copyright:️ Justayne

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Jared Parkinson


«But I want to live and not just survive
That's why I can't love you in the dark »

KoalaVolant

descriptionAlors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. EmptyRe: Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.

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Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.Avec Emily, Clary et les IceniLe vendredi 3 mai 2002

On a passé un début de nuit à parler avec Emily, jusqu'à ce que nos yeux se ferment aussi tout seul. Je me suis endormi en serrant un peu plus Clary dans mes bras. Quand je me réveille, les deux filles dorment. Je souris, parce que je sens que quelque chose est différent. Je me sens plus fort, plus « solide ». J'ai l'impression que l'aconit n'agit plus. Je me demande si je vais pouvoir refumer un jour avec les doses que j'ai eu ? Je regarde Clarissa dormir, c'est putain d'agréable, j'ai envie de me réveiller tous les jours à ses côtés. Mais ça sonne un peu possessif sur les bords non ? J'imagine qu'elle doit aimer sa tranquillité, plutôt qu'un radiateur toutes les nuits dans son lit. Pourtant je sais qu'avoir dormi avec elle, collé à elle a participé à ce que je me sente aussi en forme aujourd'hui. C'est comme si on avait rechargé nos batteries à fond, que notre lien s'était alimenté sans pause. Je suis sûr que je pourrai aller à un entraînement à Diabhal cet après midi si ce n'était pas la fête.

« Tu me regardais dormir ? » l'entendé-je murmurer.

Je la dévore des yeux, ses mèches rousses me font tellement craquer, ses cheveux sont magnifiques, il ont des reflets d'ambre, celle de la couleur des yeux des loups. Je viens décaler des mèches pour voir son visage en entier. Il est parfait, sa peau est douce, fraîche, avec des tâches de rousseurs, j'ai envie de toutes les embrasser. J'ai envie d'étouffer ses lèvres sous les miennes. Mais je viens juste déposer un baiser chaste sur le haut de son nez. Pour la première fois j'ai envie de faire les choses bien avec une fille, de la respecter, de prendre le temps, pas de la baiser en vitesse et ne plus la croiser le lendemain. Avant je ne voulais m'attacher à personne, je n'ai jamais eu de sentiment comme cela pour personne.

« C'est quelque chose que je n'ai jamais fais. Et que j'adore faire avec toi m'aingeal [1]»

Je ne me suis jamais réveillé avec une fille dans mon lit, autre que mes sœurs dont Emily. Mais je suis jamais resté au lit pour les regarder dormir. La porte s'ouvre et je grogne qu'on soit interrompu dans ce moment. Je lâche le visage de Clary pour voir le serviteur apporter le petit déjeuner. Quoi ? Déjà ? Mais quelle heure il est ? Je n'ai jamais autant dormi. Je ne suis pas un lève tard d'habitude, j'aime me lever tôt pour lire ou réviser ou finir un devoir. Les week end, c'est différent selon si j'ai bien avancé dans les études, je peux dormir. Depuis peu, tout était chronométré dans ma vie. Les études, mes stages, mon implication dans le traitement d'Enola, Diabhal, la garde Irlandaise. J'avoue que pour le moment, mes études sont loin de mes préoccupations, ce qui me fait peur.

Entendre Emy grogner comme un loup à côté me donne envie de rire, ça me rappelle les fois justement où je me réveille à ses côtés. Je prends alors Jaja et lui balance dessus. Mes muscles se contractent de surprise et de plaisir quand Clary vient poser ses lèvres sur ma joue. Je ne suis pas habitué, mais je sais que je vais l'être très rapidement. Elle se lève et j'en fais autant, venant secouer d'abord les pieds de ma meilleure amie.

« Viens manger Boris.» disé-je en référence à l'oie dans le dessin animé d'hier soir.

Je dévore une nouvelle fois en me servant dans tous les plats, voyant les filles amusée par mon appétit. Amusées ou rassurées. Je vérifie quand même qu'elles mangent elle aussi. Chacun notre tour on va dans la salle de bain. Clairement ce n'est plus comme hier ou avant hier. Je n'ai pas besoin de me tenir au mur. J'ai retrouvé des forces, peut-être pas toutes, pas pour un combat finalement, mais assez pour affronter cette journée sans fauteuil roulant.

On vient frapper à la porte. Son altesse Louve est là, pour avoir de nos nouvelles. Je me penche pour la saluer selon le protocole. « Je me sens beaucoup mieux. Merci pour votre hospitalité, pour tout ça.»

Rapidement Louve m'informe que quelqu'un est venu nous voir, quand elle me dit son nom, je frissonne et déglutit. Ma marraine est ici ? Au Palais ? S'il y a bien quelqu'un dont je crains particulièrement le jugement, c'est elle. Mais je hoche la tête, je suis bien plus prêt à la voir elle plutôt que mon père à nouveau. Élisabeth passe la porte de la chambre et me regarde immédiatement, mon estomac tombe dans mes chaussettes, j'aurai pas du manger tout ça. J'ai du tellement la décevoir. J'avale de nouveau ma salive. Avant de la suivre, je regarde une dernière fois Clary et Emily.

Les premiers mètres se font dans le silence, je vois qu'elle a un dossier dans ses mains mais je ne dis rien. Je la suis comme un gosse de 5 ans qui a fait une grosse bêtise, la tête baissée. J'ai assez peur de cet échange.

« Je suis contente de te voir marcher. Tes parents m'ont dit que tu étais encore en fauteuil roulant hier. »
« Ouais, j'avais encore de grosses doses d'aconit dans mes veines, mais j'évacue rapidement.»
« C'est bien. Cela ne m'étonne pas, tu as toujours été solide. »

Je relève ma tête vers elle pour la regarder me dire ça. Solide ? Ce n'est pas ce que j'aurai dit mais bon, je ne vais pas la contredire.

« Pourquoi tu es venue Eli ? »
« Tu me demandes vraiment ça ? Mon filleul veut se donner la mort et je ne devrai pas venir voir comment il se remet ? »
« Je m'étonne que tu sois venue au palais et pas à Londres ou chez les parents. Pourquoi tu es là aujourd'hui ? »

Elle me sourit alors que je la regarde à nouveau.

« Quelqu'un m'a contacté. Ton psy. »

Je me redresse d'un coup, n'ayant plus l'air d'un gosse en faute mais plutôt d'un soldat prêt à partir au front.

« Quoi ? Pourquoi, qu'est-ce qu'il t'a dit ? Je croyais que c'était confidentiel. »
« Calme-toi Jared, ça l'est, il ne m'a rien dit de votre entretien, il m'a juste demandé ton dossier de naissance. Il l'a lu et m'a dit que je devais te le donner. »
« Pourquoi ?! Pourquoi il veut que tu me le donnes ?  »
« Je ne sais pas vraiment, il a lu quelque chose qu'il estime que tu devrais lire.»

Je suis putain d'intrigué maintenant. Je me retiens de lui arracher le dossier des mains. Elle doit s'en apercevoir car elle me le tend aussitôt.

« Tu veux qu'on le lise ensemble ? »
« Non ! Enfin... je préfère le lire seul tout à l'heure. »
« Pas de soucis. Il y tout inscrit depuis ta naissance, tous les soins que tu as eu, tes constantes, les produits, les examens, jusqu'à ta sortie des soins intensifs.»

Ma gorge se noue. Je serre le dossier dans les mains et m'empêche de le lire. Y'a quoi là dedans qui a intéressé ce con ?

« Jared, est-ce que tu veux me parler de ce qui t'a poussé à vouloir te tuer ? »

Je secoue ma tête.

«J'en ai pas envie, je suis désolé de tous vous décevoir. »
« Je me doute bien que tu ne veuilles pas en parler, mais ne dit pas que tu nous as déçu. »
« Papa l'est. »
« Amadeus a été bouleversé par ton geste. Je ne suis pas là pour le défendre, mais crois-le. Il t'aime. »
« Si tu le dis.»

Je hausse mes épaules.

« Ton mal être, tu en parles à ton psy ? Il est vraiment bien tu sais. J'ai échangé un peu avec lui, tu peux lui faire confiance. »
« J'ai pas le choix de toute façon, si je veux reprendre une vie normale.»
« C'est déjà bien d'avoir envie de reprendre une vie normale.»

Elle sourit. Mais elle ne sait pas le fond de mes pensées, si noires qu'elle en aurait le vertige et me ferait interner à Sainte Mangouste. Du coup, je change de sujet, un sujet positif qui chasse mes idées suicidaires.

« J'ai une copine, c'est une demi-vampire. »
« Ce n'était pas Victoria, la louve ? »
« Non j'ai rompu. Clarissa est sa cousine. Longue histoire.»
« D'a..d'accord.» Elle rigole mais ne fait aucun commentaire. «Et elle est belle ? J'imagine qu'elle doit l'être. »

Je souris pour la première fois à ma marraine.

« Elle est magnifique. »
« Intelligente aussi j'imagine, pour te plaire. »
« Elle est brillante oui. »
« Je suis contente pour toi Jared. »
« Papa ne l'aime pas. »
« Il ne l'a jamais rencontré. »
« C'est une demi-vampire, tu le connais. »
« Il l'aimera si elle te rend heureux, il sera bien obligé de l'accepter. »

Je hausse de nouveau mes épaules et me retiens de dire "si tu le dis".

« Si je devais faire un choix, c'est elle que je choisirai. Alors qu'il ne me demande jamais. »
« Je ne pense pas qu'il le fasse. Mais je le lui dirai. »

J'y compte bien. Je ne veux pas une éternelle conversation, et je sais que mon père écoute ma marraine. Leur histoire est assez bizarre. Liam, le mari d’Élisabeth est l'ex de ma mère, ils sont restés en très bons termes. Mon père s’entend bien avec Liam, il n'y a presque pas de rivalité, mais il y en a eu au début. Ma marraine a pour meilleurs amis deux vampires, Ludwig et Tobias. Je ne les croise presque jamais, mais je sais que Tobias a eu une fille, une demi-vampire avant de transformer la mère de sa fille. Je sais donc qu'Eli ne critiquera jamais ma relation avec Clarissa. Elle sera même une allier j'en suis sûr, c'est pour cela que j'ai tenu à le lui dire.

« Si tu as besoin de moi, je me montre disponible, je vais dormir chez tes parents et profiter des fêtes, pour découvrir un peu vos traditions une nouvelle fois. Je te laisse lire le dossier tranquillement. Jared, ne fait pas de bêtises, j'ai ordre de rester à tes côtés et de ne pas te perdre de vue une seule seconde, mais je te fais confiance et je sais que tu ne vas pas recommencer alors que tu es sous ma responsabilité, n'est-ce pas ? »

Je relève mes yeux vers elle. Putain, c'est sérieux ? Genre j'ai un garde du corps chaque minute qui passe ? Une chance que je puisse aller pisser seul en fait.

« Ouais je ferai pas de conneries. Merci marraine. »

Elle me sourit avant de me laisser seul. Je viens m’asseoir sur un banc improvisé avec une grosse pierre et ouvre le dossier. Mes mains tremblent, et si je ne vois rien ? Et si je ne comprends pas ce que l'autre intello a lu ?

Mais après quelques minutes, je repère tout ce qui j'imagine « a retenu » l'attention du psychomage. Contrairement à ce que j'avais pensé depuis toutes ces années, il n'y a pas eu tellement d'acharnement thérapeutique sur moi bébé. Oui j'ai été entre la vie et la mort, mais je n'ai pas eu plus de produits ou besoin de machine pour m'assister. En fait, j'ai plutôt lutté seul, à mon rythme, mais je n'ai guerre eu besoin de trop fortes doses ou de matériel de réanimation. Je me suis battu. Je me suis battu seul.

Le dossier fait état d'une santé plutôt de fer, de base solide, de gênes forts pour survivre. Ce n'était pas moi qui était faible à la naissance, c'était mes sœurs. Dans le ventre de ma mère, elles avaient besoin de plus que moi, ce qui a fait que j'ai moins eu pour naître en bonne santé. Mais si une de mes sœurs avait été à ma place, elle serait probablement morte à la naissance. La nature a voulu que ce soit moi, parce que j'étais finalement le plus fort, assez fort pour supporter une naissance aussi prématuré. Je referme le dossier les mains toujours tremblantes. Ma respiration s'accélère d'un coup, j'ai l'impression que ma poitrine se serre, que je m’étourdis. Je me sens envahir par l'angoisse, le souffle court. Mais ce n'est pas moi, ce que je ressens ne m'appartient pas. Ce sentiment n'est pas le mien.

Clary !

Je me relève brusquement, il faut que je la retrouve. Je roule en vitesse le dossier d’Élisabeth et le fourre dans la poche de mon manteau. Elle ne va pas bien, je le sens. Quelque chose l'angoisse, lui a fait monter la tension. Sa gorge se serre, je ressens de la colère, de la tristesse même. Est-ce que quelqu'un l'emmerde ? Je fais demi tour et vais dans la chambre. Mais je ne vois personne. Ni Clarissa, ni Emily. Où sont-elles putain ? Est-ce que Emy a aussu des ennuis ? Je fais donc le chemin inverse et me met à chercher Clary dans tous les couloirs, jusqu'à ce que j'entende sa voix et ce frisson familier sur ma nuque. Son intonation n'est pas inquiète, plutôt amusée. Ce qui me rassure immédiatement, je ralentis mon pas pour qu'elles ne me voient pas affolé et j'arrive à leur hauteur plus calme.

« Tu sais de quel côté il faut repartir pour regagner la chambre ? »
« Salut ! » annoncé-je en leur barrant la route. Mon regard est attiré par le fait que Clary tienne le bras d'Emy, comme de bonnes copines. Je ne sais pas encore si j'aime ou si je déteste. Si je dois m'inquiéter ou non de leur soudaine complicité. Est-ce que c'est bon pour moi ?

« On était perdu ! » dit-elle en se mettant à rire, tenant toujours le bras d'Emily. Et maintenant elles se regardent de manière complice. Ouais, je sais vraiment pas si c'est bon pour moi cette histoire.

« Je vois ça, je vous raccompagne. »

Je laisse Clary tenir le bras d'Emy, mais quand je vois qu'une de ses mains se libère pour ne la tenir que d'un bras, mes doigts viennent se glisser dans sa main libre pour s'entrelacer aux siens. Et comme toujours, immédiatement je ressens un bien être profond, puissant. Je fais pression légèrement, peut-être de manière un peu trop possessive, mais c'est vital en cet instant. Elle va mieux, ce vertige et ce mal être que j'ai ressenti tout à l'heure a disparu. Elle va mieux quand elle est avec moi, elle va mieux. C'est ce que j'essaye de me dire, de me persuader. Est-ce que j'ai le droit de lui demander ce qui l'a tourmenté tout à l'heure ? Je ne le fais pas, au cas où elle ne veuille pas en parler devant Emy.

Je reste plutôt silencieux dans les couloirs alors que les filles rigolent entre elles, j'ignore si elles se foutent de moi ou non, mais je les laisse faire. Je suis préoccupé par le feu de ce soir. Quand on arrive dans la chambre, c'est déjà l'heure du déjeuner, ce qui m'arrange, car j'ai super faim, et le ventre d'Emily se manifestement aussi.

« Veux-tu qu’on se rende aux festivités après ? »

Je croise le regard de Clary, toujours aussi belle. Y'a des moments où elle ne l'est pas en fait ?

« Ouais, il faut que vous voyez Beltaine. Il faut que vous le viviez.»

Quand un des serviteurs arrivent pour le déjeuner, je lui demande de quoi écrire, parchemin et plume. Et puis j'explique aux filles.

« Comme vous n'avez pas pris quelque chose de matériel avec vous, vous pouvez écrire sur un parchemin, et le jeter au feu. Ce que vous voulez. Un souvenir, un regret, un rêve, un cauchemars, quelque chose dont vous voulez vous débarrasser. Peu importe.»

Le serviteur revient avec tout ce qu'il faut et je le donne aux filles. Moi je commence à manger, ne voulant pas les déranger. Elles picorent aussi en réfléchissant à quoi écrire. Je ne m'en mêle pas, Beltaine est toujours très personnel et je n'ai pas à savoir ce qu'elles vont jeter au feu. Alors qu'elles planchent dessus, on frappe à la porte. Je vais ouvrir avec une cuisse de poulet dans la bouche. J'ouvre sur Aslinn. Je croque un gros morceau et le mâche en le regardant. Le fusillant du regard.

« Bonjour Jared, je venais voir comment vous vous portiez. On peut discuter deux minutes ? »

Je me tourne vers les filles qui me sourient, et je sors en refermant la porte derrière moi.

« Je ne vous retiens pas longtemps, les séances quotidiennes commenceront dès demain. Mais je voulais m'assurer de votre état aujourd'hui. »
« Je sais pas quoi vous dire, ça va.»
« C'est Beltaine ce soir. »
« C'est Beltaine depuis trois jours.»
« Mais ce soir c'est le grand feu. »
« Qu'est-ce que ça change ? Vous avez peur que je saute dedans ?»

Il ne répond pas et me regarde calmement. Non sans déconner, il a vraiment peur que je saute dedans ? C'est sérieux ?

« Putain vous êtes vraiment là pour savoir si je vais sauter dans les flammes ce soir ? Non. Putain non, je suis pas un putain de martyr, je ferai jamais ça devant la cour. La dernière fois c'était derrière la serre de Poudlard, et il devait y avoir personne, mais y'avait ce petit fanatique des plantes, je pouvais pas me douter.»

Merde. Fait chier, ce con arrive toujours à m'en faire dire trop. J'ai pas envie de lui parler.

« D'accord. Si vous avez besoin de parler après le feu, vous pouvez venir. »
« Et c'est tout ?»
« Oui c'est tout, je vouss laisse profiter de cette journée, on se voit demain Jared. Bonne soirée. »

Il se casse, avec un sourire, il me laisse tranquille, sans rien dire de plus. Il a vraiment cru que je pouvais faire ça ? Me suicider devant tout le monde ? Je reste une minute devant une grande fenêtre, regardant toutes les festivités dehors, ma cuisse de poulet encore entre mes doigts, pendant le long de ma jambe. Je viens mordre dedans. Est-ce que tout le monde à peur de ça ? Je sais qu'Emy a fait ce lien, de Beltaine et de mon suicide. Est-ce que j'ai gâché définitivement cette fête pour tous mes proches ? Non, non je veux leur montrer que c'est une fête majestueuse et importante. Je veux pas qu'elles en gardent un mauvais souvenir, ce n'est pas censé être cela, au contraire. Je regagne la chambre pour retrouver les filles et la table.

« Il voulait savoir comment j'allais, et ça va.»

Je n'argumente pas plus et me sert une nouvelle assiette. On décide de regarder un nouveau film pour passer l'après midi et sortir pour la soirée. On fait le choix d'un film long, il dure 3h, c'est « Le Seigneur des Anneaux », mais je m'endors au bout de quelques minutes seulement, sur les cuisses de Clarissa qui caresse mes cheveux. C'est la première fois que cela m'arrive, je ne fais jamais de sieste, et je ne m'endors jamais sur les gens. Mais là j'en ressens le besoin, je ne peux pas luter contre mon corps et mes besoins, il y a deux jours j'ai failli mourir, mon corps à besoin de récupérer, et c'est une manière très agréable que de le faire sur les genoux de la fille qui nous plaît le plus au monde, en toute confiance. Je m'abandonne totalement dans ses bras, sans avoir l'impression de me sentir faible, au contraire, je me sens fort à ses côtés.

Je me réveille parce que je sens qu'elle me chatouille le visage. Je grogne pour la forme et me retourne pour que mon visage soit sous le sien. J'ouvre mes yeux et la regarde. Mon cœur rate un battement, j'aime trop cette fille pour que ce soit réel. Peut-être que je suis vraiment mort, et qu'elle est dans mon paradis ? Mais quand je reçois Jaja dans la figure, lancé par Emy, je jure que ce n'est pas le paradis, je n'aurai jamais imaginé cette peluche de la mort làbas. Je me relève de ses genoux et je viens fusiller Emily du regard.

« C'est MON arme.»

Je viens lui balancer un coussin dans la gueule.

« Ça c'est la tienne, rien ne doit changer Evans !»

Jamais autant ma phrase n'avait été vrai. Rien ne doit changer entre nous. J'espère qu'elle comprendra le message. Je ne pourrai pas faire mieux pour le moment.

« Alors ils ont détruit l'Anneau ? Dans le film.»

Emily me speech un peu avant qu'on se prépare à sortir. J'ai encore faim et j'ai hâte des buffets gratuits ! Je viens prendre la main de Clary pour marcher jusqu'aux festivités. Je sens l'effervescence et la puissance de cette fête. Je me sens tout petit dans cette grande foule. Toute le monde transpire la joie de vivre, tout le monde vit Beltaine. Est-ce que ma place est ici ? Parmi eux ? Est-ce que j'aurai été plus en paix dans l'autre monde ? Je suis encore incapable de le dire. J'imagine qu'on arrête pas d'être suicidaire du jour au lendemain.

Je suis un peu ailleurs alors que tout bouge et vit autour de moi, même les filles. Elles découvrent plein de chose. Je mange tout ce qu'elles me mettent entre les mains, ce qui les amusent, car elles me font manger vraiment n'importe quoi, prenant pari sur ce que je suis capable d'avaler encore. Je me surprend à sourire quand je les entends faire des remarques en douce. Elles savent que je peux tout entendre ? Ce que j'apprécie, c'est qu'elles ne me forcent pas à rire ou à « me lâcher », elles ne font pas de commentaire sur mon air pensif et parfois absent de leur conversation.

Je me noie entre le bonheur que je ressens à leur côté et mes pensées suicidaires. Des pensées si noires que par moment je doute d'être vraiment heureux et de vraiment vivre le moment. Mais quand je suis dans ces eaux sombres, Clary vient toujours me prendre la main, m'effleurer un bras, me toucher les cotes. Elle est ma bouée de sauvetage. Je reviens alors à elle, et je la regarde vivre au milieu de tous, on dirait qu'elle est chez elle, qu'elle est faite pour vivre ce genre de moment. Alors je me raccroche à cela, me disant que j'ai envie de lui faire découvrir tellement de chose, et pour ça, il faut que je reste vivant.

La foule se fait moins dense au milieu des stands et des buffets, la nuit est déjà là, et les gens se rendent vers le feu, pour jeter leur mauvais souvenirs. Mon cœur s'accélère, l'angoisse me saisie, j'ignore pourquoi, je me sens saisi par l'ambiance croyante de ce moment. Clarissa vient me prendre la main et celle d'Emy et nous entraîne vers le feu pour faire la queue. Elles ont toutes les deux leur bout de parchemin. Moi je n'ai rien préparé, je n'ai rien écrit. Je reste à nouveau silencieux, soucieux au fur et à mesure qu'on avance. Nous regardons la Prêtresse et Accalia bénir le feu. Mes yeux sont brillants et je défoncerai la gueule de quiconque s'il me dit que ce sont des larmes.

Quand vient notre tour, je laisse les filles s'avancer. Je les regarde faire à tour de rôle. Le regard et la joie de Clary me transperce. Je ressens sa joie, je ressens son soulagement. J'ignore ce qu'elle a jeté dedans, tout comme Emy, mais je suis sincèrement heureux pour elles. Elles reviennent vers moi et sans vraiment réfléchir je m'avance vers le feu. Elles veulent me suivre. Mais je ne le veux pas.

« J'aimerai le faire seul, si ça vous dérange pas ?»

Peut-être qu'elles s'inquiètent, peut-être qu'elles sont vexées que je ne partage pas ce moment avec elles, ou au contraire, elles comprennent et ne me jugent pas. Dans la foule un peu sur le côté, je vois Aslinn avec Louve et Bleddyn, mon cœur bat un peu plus vite, je vois qu'Aslinn regarde les filles, comme pour les rassurer de me laisser faire. Je suis bien trop perturbé pour être en colère ou ressentir le besoin de l'envoyer chier. Le regard de Bleddyn est impénétrable, presque dur. Celui de Louve est plus doux, plus avenant. Je m'avance vers le feu en inspirant, ayant un peu la pression de tous ces regards. Je sens la chaleur du Feu, je sens sa foi. Si j'étais aussi sentimental que certains, je pourrai pleurer devant ce brasier, certains le font.

J'inspire les odeurs en écoutant le crépitement puissant de cet élément dangereux. Je suis un de ceux qui s'approche le plus des flammes, j'imagine que j'ai plusieurs paires d'yeux qui me surveillent encore plus derrière, mais je ne pense pas à eux. Je viens ouvrir mon manteau et sortir le dossier médical d’Élisabeth. Je le roule à nouveau entre mes mains, stressé. Et à l'instar du dossier de mon ancien psy qu'Aslinn a jeté, je le balance dans ce feu. Il brûle en quelques secondes et je me sens putain de soulagé. J'ai comme un poids qui disparaît dans ma poitrine. Le poids de toutes ces années où j'ai cru que j'étais faible, ou j'ai cru que Dana n'aurai pas voulu tout cet acharnement pour me permettre de vivre. Toutes ses années où j'ai cru que j'aurai du mourir. Je fais un premier pas nouveau ce soir pour Beltaine, celui de me convaincre que je mérite de vivre. Je sais que cela ne sera pas suffisant pour m'en persuader, pour avoir envie de rester, mais ce soir je fais un effort, je me donne une chance de changer les choses, de leur faire confiance à tous.

Avec tout ce que les gens jettent dans le feu, et d'être aussi près, je reçois une braise sur la main, et je me recule aussitôt et me tourne alors vers Clarissa, elle frotte le dos de sa main, l'endroit même où je ressens la brûlure. Ses yeux viennent se visser aux miens. Ma douleur est la sienne, on le sait maintenant, mais c'est toujours étrange. Je ne veux pas la faire souffrir, mes yeux deviennent tristes un instant. Il va vraiment falloir qu'on trouve une solution, surtout si je veux reprendre les entraînements, elle va clairement pas aimer mes combats à Diabhal.

En attendant, je me recule encore et je vois qu'elle avance vers moi d'un pas déterminé, le mien le devient aussi en me dirigeant vers elle, et alors qu'on se rejoint, mes mains viennent attraper son visage en coupe pour le rapprocher du mien. Nos lèvres se touchent pour la première fois, je l'embrasse pour la première fois, et j'ai l'impression que le brasier de Beltaine envahi mon corps. Je m'embrase littéralement, ce que je ressens est plus fort que n'importe quelle émotion. J'ai l'impression d'avoir attendu toute ma vie cet instant. C'est une sensation unique, qui me transperce de plaisir. Ses lèvres sont douces et je sens Clarissa s’agripper à mes avants bras, voulant prolonger ce moment. Je me sens totalement étourdi et à la merci de cette femme.

Je ressens son plaisir et elle ressent le mien, c'est comme une boucle infini d'allégresse et de plénitude que l'on se renvoi l'un et l'autre. Tous les contacts physiques qu'on a pu avoir jusqu'à maintenant étaient en deçà de ce moment là. Dans mon baiser, j'essaye de lui faire ressentir tout ce que je ne sais pas dire, tout ce que je ressens. Mon âme est défaillante, mais mon cœur est fort, mes sentiments sont puissants, je me sens sur une ligne que je peux franchir pour atteindre la limite du bonheur. Le goût de ses lèvres ressemble à une esquisse de ce qui pourrait me redonner le goût à la vie. Cette fille me fait me sentir putain de vivant. Ce baiser est la plus divine sensation qu'il m'est été donné de vivre, il n'y a rien de douloureux, rien de violent, c'est doux, tendre et paisible, et je n'ai plus le mal de vivre en cet instant. Nos cœurs battent à l'unisson, comme nos deux âmes, et j'en suis certain qu'elle aime autant cet échange que moi.

Je sens alors une présence à nos côtés, me ramenant dans le présent, dans le réel, car tout avec elle semble comme une illusion, comme un mirage tant c'est parfait. Ma meilleure amie est là, à côté de moi. Je l'entends susurrer « Je dérange ? » avec un sourire béat que je lui connais bien. Je souris contre les lèvres de Clarissa avant de les lâcher pour me retourner vers Emy la relou. Je dépose un baiser rapide sur les lèvres de Clary avant d'attraper ma meilleure et de la jeter sur mon épaule. Elle est surprise et je me mets à marcher rapidement vers le feu. Elle gesticule me demandant de la poser, mais elle est morte de rire.

« T'es grave ! Tu le sais que t'es grave ! C'est toi que je devrai balancer dans le Feu, toi et tes blagues de merdes ! Et Thomas supporte ça ? Ça lui rendrait peut-être service si je brûlais ta connerie.»

Alors qu'on est plus qu'à deux mètres du brasier, je la repose au sol à côté de moi et regarde à nouveau les flammes. En cet instant j'ai envie de croire que je peux m'en sortir, que je peux me sauver, qu'on peut me sauver. Je sais que c'est parce que je me sens heureux, parce que je viens d'embrasser Clary et que notre lien s'est gorgé de quelque chose de nouveau, de fort et d'intense. C'est comme si la « recharge » s'est faite plus vite, plus solide. Ce baiser nous a encore plus rapproché, et je sais que ce bonheur, cette joie que je ressens, c'est comme après un bon joint, ça va redescendre, et je redeviendrai ce putain de suicidaire qui s'est raté deux fois.

Aujourd'hui c'est mon jour de la marmotte. Selon le folklore, l'observation d'une marmotte hors de son terrier permet d'établir une prévision météorologique pour les semaines à venir. Ainsi, si la journée est ensoleillée et que la marmotte voit son ombre, elle retourne dormir et l'hiver se poursuit encore six semaines. Et si elle émerge et ne voit pas son ombre parce que le temps est nuageux, l'hiver laissera bientôt place au printemps. Aujourd'hui ma journée est lumineuse et je devine bien mes ombres. Je vais replonger dans ma grotte comme la marmotte quoi que je fasse, c'est le principe de la dépression. Mais ce soir, ce soir je vais préserver ce sentiment positif, je vais profiter de la vie.

Je viens ébouriffer les cheveux d'Emily alors qu'elle me demande à quoi je pense. « A un dessert ! On est pas encore aller voir ces buffets là. Viens Evans, faudrait pas que ton mec pense que je t'ai laissé crever de faim. Pas que j'en ai quelque chose à foutre de son avis, mais tu devrai goûter leur gâteau au chocolat, café et whiskey
»


On revient vers Clarissa et je viens l'attraper par la taille pour la rapprocher contre ma hanche et l'embrasser sur la tempe. Je respire son odeur et me délecte encore et toujours de son contact. Je viens entrelacer mes doigts aux siens et les amène vers un stand de desserts. Je leur montre ce fameux gâteau au chocolat.

« Vous savez que l'Irlande et l’Écosse sont les deux principales nations productrices de whisky ? C’est d’ailleurs un terme gaélique qui a donné son nom actuel au whisky : uisge en gaélique écossais, uisce en gaélique irlandais, ce qui signifie « eau ». Ouais mesdames on peut dire que ce gâteau est à l'eau, à consommer sans modération donc... D'ailleurs depuis, une différence linguistique persiste. On utilise le terme « whisky » quand la provenance est écossaise, et « whiskey » lorsqu’elle est irlandaise.
»


Je nous sers une part à tous les trois, évidemment la mienne est immense. Clarissa nous trouve des gobelets qu'on vient se remplir d'Irish coffee, elle prend soin de mettre plus de crème dans le mien. Mais c'est elle qui se retrouve avec un peu de crème sur le coin des lèvres, que je viens embrasser. Baiser très sucré et très agréable, je pourrai passer ma vie contre sa bouche, mais ça serait ennuyant pour notre avenir.

Avec nos desserts et nos boissons on s'approche de groupes qui font de la musique Irlandaise. Je passe un bon moment, un très bon moment mais je ressens à nouveau une boule dans ma gorge et dans mon ventre. Je ressens à nouveau l'ombre de mes idées noires, elles sont assassines et injustes alors que je suis bien avec les filles ce soir.

J'ai déjà finis mon gâteau et me suis débarrassé de l'assiette, ce qui me permet de venir dans le dos de Clarissa et de coller son dos contre mon torse, de l'entourer de mon bras libre pour la maintenir contre moi. Je viens embrasser son cou et murmure à son oreille alors qu'elle regarde le groupe et les danseurs.

« Is ceol mo chroí thú »[2] Elle tourne sa tête vers moi, fronçant légèrement ses sourcils. Je souris et lui fais la traduction. « Ça signifie : tu es la musique de mon cœur.»

Elle se retourne alors et me demande de venir danser avec elle. Sous la surprise, je m'écarte un peu d'elle en la maintenant moins fermement contre moi. « Oh waouh non je crois pas !» Elle insiste et me supplie de ses putains de yeux sublimes. Pourquoi elle fait ça ? Pourquoi elle est si adorable quand elle me regarde comme ça ? C'est quoi ce délire ? Et évidemment, j'entends la voix d'Emy dans mon dos, qui trouve que c'est « une excellente idée bien au contraire ». Elle vient récupérer l'assiette de Clary et pose nos deux gobelets dedans comme un plateau pour nous débarrasser. Je secoue ma tête. « Non sérieusement je sais pas danser ce truc.»

Mais je suis déjà au milieu de la « piste » à tourner avec le reste des Irlandais et Clarissa. Je suis sûr qu'Emy se fout bien de ma gueule, et quand en tournant je croise ses yeux hilares, je murmure distinctement « Traîtresse !» à son attention. Je me laisse totalement guider par cette belle rousse, je déteste danser mais j'adore la regarder faire. Elle est gracieuse, même sur ce genre de danse.

Je me rends compte qu'elle pourrait me faire faire à peu près n'importe quoi. Depuis le début c'est elle qui mène littéralement la danse, elle m'a poussé à faire un jeu à boire dans une soirée de Saint Valentin, elle m'a forcé a joué à ce jeu maudit, elle m'a déjà fait danser une fois dans un bal masqué, elle m'a fait faire du patin à glace, grimper à la fenêtre de sa chambre. Avant elle, j'avais jamais eu autant envie de passer du temps avec une fille. J'aurai envoyé chier n'importe qui, mais pas elle, jamais. Alors même si je suis ridicule en cet instant, je ferai tout pour la rendre heureuse, et si c'est la faire tourner aux milieu de ma meute, alors ça me va.

Mes yeux finissent par croiser ceux de mes parents. Mon père me regarde, se demandant certainement ce que je fous à danser, je ne l'ai jamais fait pendant 19 ans, à aucune des fêtes. J'étais toujours le gosse sous les tables pour éviter tout contact. D'un coup, ça me dérange fortement qu'il assiste à ça. Tout d'un coup je me sens très possessif et je ne veux pas qu'il me voit avec Clarissa. Je ne suis pas encore prêt à leur présenter, alors je viens soulever Clary dans mes bras pour qu'elle enroule ses jambes autour de ma taille et arrête de danser. Elle rigole et son rire me transperce en deux, dès les premiers instant son rire m'a fait du bien.

Je nous extirpe de la « piste » pour revenir plus sur le côté et retrouver Emy. Je repose Clary au sol et embrasse son front. Emily regarde dans la direction de mes parents, je sais qu'elle les a aussi remarqué. Et pour une fois, elle ne fait aucun commentaire. Mon père a un œil au beurre noir et la lèvre encore fendu. Mon père abuse, il aurait pu trouver un sort de soin... Je ne sais pas ce qu'en pense Emy, elle n'a jamais aimé la violence. Et je me souviens de ces mots quand j'ai frappé Scott-Rosier au Chalet...

« Je vais nous chercher un truc à boire.»

Je reviens avec une bouteille de jus de citrouille bien fraîche. Je remplis nos gobelets. La fatigue se lit sur le visage de tout le monde. La journée a été longue pour tout le monde et l'aube est bientôt là. Je n'avais même pas réalisé de l'heure qui était passée, cette fête nous a fait rentrer dans une sorte de bulle hors du temps.

« On rentre ?»

Même si elles ne veulent pas, elles ne le laissent pas remarquer, mais je sens bien que la danse a fatigué Clarissa, alors je viens à nouveau la soulever dans mes bras. La calant contre ma hanche pour ne pas qu'elle marche. Un bras sous ses fesses et l'autre retenant une de ses jambes. Elle s'inquiète pour moi. « T'inquiète pas pour ça, t'es plus légère que les vannes d'Emily.» Je viens bousculer ma meilleure amie de mon épaule accessible et lui sourit.

On retourne tranquillement au Palais, sans se presser, les filles commentent tout ce qu'elles ont vu et la beauté de Beltaine. Une nouvelle fois, alors que je les écoute, mon esprit divague, les idées noires menacent de m'envahir, et je lutte pour rester au dessus des eaux sombres. Le jour de la marmotte, un pas après l'autre. Je soulève un peu Clary pour lui redonner de la hauteur dans mes bras, mais surtout pour m'ancrer dans le présent, avec elle. Je ne sais pas encore comment sortir de ce cercle vicieux, mais cela ne veut pas dire que je ne trouverai pas le moyen ? En attendant, je peux peut-être leur promettre du temps, elles en ont besoin.

« Le 1er août c'est Lugnasad. Je vous y amènerai. C'est une fête qui symbolise la royauté. La famille royale distribue les richesses de la nourriture à son peuple. En général, la famille royale fait un cortège, puis un immense banquet est donné au village à côté du palais, celui où vous êtes allée toutes les deux. C'est aussi pendant cette fête que se déroulent le plus de mariage. La famille royale donne la possibilité aux sorciers irlandais non nobles de les voir de plus près que pendant des entrevues demandées ou les grandes fêtes. Lugnasad permet de briser temporairement les barrières, la Grande Prêtresse peut donc marier les couples qui décident de célébrer des noces sur un coup de tête. C'est un peu Las Vegas quoi.»

Est-ce que je peux réellement me projeter pour 4 mois ? Je les regarde toutes les deux, pour elles, pour tous ceux qui croient en moi, je peux essayer oui. Un pas après l'autre. Nous arrivons à notre chambre, Emy nous ouvre la porte et je dépose Clary sur le bord du matelas, mes lèvres viennent rencontrer les siennes, la faisant se pencher en arrière sur le matelas, je dois mettre mes bras en avant de chaque côté d'elle pour me retenir de l'écraser en suivant le mouvement de son corps.

Évidemment Emy fait une remarque créant la gêne. Pourquoi est-ce que je n'ai jamais eu de petite amie avant Clary ? On se le demande. Il faut être sacrément armé pour supporter la meilleure amie de son mec. Mais Clarissa s'en sort bien, elle ne se laisse pas faire. Je lâche ses lèvres et me relève, cette fois ci je fais un doigt d'honneur à ma meilleur amie, c'est elle qui m'a appris, et je vais m'enfermer dans la salle de bain. Je préfère y être le premier, elles foutent toujours des heures les gonzesses. Et au moment ou je fais tomber ma dernière chaussette au sol, je reviens sur mes pas et viens entre-ouvrir la porte en soupirant. Je ne perds pas une seconde sous la douche, j'ai vraiment envie de me pieuter, la journée a été longue, même pour moi.

Quand j'ai finis, je sors avec seulement un nouveau caleçon propre sur moi et viens m'enfoncer dans les draps. Pendant que les filles vont à tour de rôle se changer, je reste là à fixer le plafond, les bras derrière la tête. Je sens un truc dans mon dos qui me gêne, je viens tâter le matelas et ressors la peluche loup d'entre mes omoplates. Je le regarde en le tenant en l'air devant moi, puis j'approche son museau de mon nez pour venir sentir les herbes à l'intérieur. Les odeurs sont très agréables, je pose la bestiole sur mon torse et ferme mes yeux. Clary finit par arriver et je me décale dans le lit pour lui signifier que je lui fais une place. Je sens sa main froide glisser sur mes abdo, me creusant le ventre de surprise et de plaisir. Elle vient poser sa tête sur ma poitrine en décalant la peluche pour se faire une place. Mes bras se rabattent sur elle pour la serrer contre moi et je sombre dans un profond sommeil en espérant que l'envie de mourir disparaisse à mon réveil.

[1] M'aingeal = Mon ange en Irlandais.
[2] Is ceol mo chroí thú = Tu es la musique de mon cœur.
:copyright:️ Justayne

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Jared Parkinson


«But I want to live and not just survive
That's why I can't love you in the dark »

KoalaVolant

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Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.Avec Emily, Clary et les IceniSamedi 4 Mai 2022

Je suis le premier à me réveiller, il est encore tôt, je le sens bien à la lumière très faible dehors, les filles vont encore dormir un peu j'imagine. J'ai l'impression que mon corps a retrouvé son rythme circadien. Je bouillonne d'énergie. Je regarde le dos de Clary, dans la nuit, elle a changé de position et son dos était collé contre mon torse. Un de mes bras est encore posé sur elle, et je le lève délicatement pour ne pas le réveiller. Je fais le moins de mouvement possible pour ne pas bouger le matelas. Quand mes pieds touchent le sol, je repense à l'expression que Emy me sort souvent « à pas de loup » pour me diriger dans la salle de bain et récupérer un t-shirt, des chaussettes et un jogging. Je reviens ensuite doucement dans la chambre et me baisse pour récupérer mes chaussures au sol, puis je quitte la chambre. Je referme doucement la porte derrière moi et marche dans le couloir quelques mètres avant d'enfiler les fringues et trottiner plus vite vers Cogadh. C'est la première fois que je cours depuis mon dernier entraînement. J'ai besoin de me défouler, et j'ai besoin de savoir que je suis toujours dans la garde royale et le bienvenue à Diabhal. J'ai vraiment besoin de m'en assurer en personne.

Je pensais que ça serait simple, que j'arriverai devant un garde, qu'il me laisserait passer, que je pourrai faire mon entraînement rapidement avant que les filles se réveillent, sans qu'on me pose des questions. Je pensais que Bleddyn serait encore occupé à terminer Beltaine ou un délire de ce genre. Mais à la place d'un soldat devant Cogadh je trouve mon alpha discutant avec mon psy. Mon sang ne fait qu'un tour. Qu'est-ce qu'il fout là ce connard ? De si bon matin ? Il a pas des cerveaux à disséquer ? Quand je les regarde, j'ai l'impression qu'ils sont couvert de sueur. D'ailleurs Aslinn n'a pas son costume habituel, il est en tenue de détente, en tenue de sport. Pffff. Est-ce que cet abruti s’entraîne avec Bleddyn ? Je ne l'avais pas remarqué avant, je ne l'avais pas vu aux autres entraînements.

Bleddyn tourne la tête vers moi « Mais qu'est ce que tu fous là ?» dit-il en irlandais. Je lui réponds aussi dans notre langue.  « Bonjour Monsieur, je suis venu pointer présent à l’entraînement. Comme tous les samedis. » Depuis quelques semaines, c'est ce que je fais toujours. Le ton dur qu'il emploi me fait peur, est-ce qu'il me dit ça parce que je ne suis plus le bienvenue ? Ou est-ce qu'il dit cela parce que c'est trop tôt ? Mon meilleur ami hausse un sourcil. « Et les médecins t'ont donné l'autorisation ? Parce que à moi, ils ne m'ont rien dit. »

Putain ! Il peut pas me faire ça ! Aslinn croise ses bras sur sa poitrine et me regarde, il semble évaluer mon état juste en comptant les boucles tombant sur mon front. Fait chier. Je sais déjà ce qu'il va dire, hier il a cru que je pouvais sauter dans le feu. Il va me rendre mentalement inapte. Je jure que je lui saute dessus, que je lui fous la raclé de sa vie, juste pour lui prouver que je suis en état de me battre.

« Pour ma part, je n'ai pas donné l'autorisation. » dit Aslinn de manière prévisible. Je roule mes yeux de manière excessive.
 « Mais vous n'êtes pas mon médecin.»
« Et pourtant si. » Est-ce qu'il a pris un air suffisant là ou je rêve ? "Et pourtant si", gnagnagna, j'ai envie de lui faire ravaler ses mots mais je me contiens.
 « Vous soignez l'esprit, pas le corps. Mon corps fonctionne, je peux m’entraîner. Monsieur, je peux m’entraîner, dites lui.»

Je me tourne vers Bleddyn, mon seul espoir. Il me connaît, il sait que je peux, que j'en suis capable. N'est-ce pas qu'il sait ? Bleddyn me regarde un peu de haut en bas, légèrement dubitatif. « Très bien, on va tester ça alors. On va aller chercher le punching-ball pour voir combien de temps tu tiens. » Mais ça me va, ce n'est pas un « non », c'est un doute. Et je peux lever un doute de mon alpha, pas un ordre.

 « Parfait ! Oui très bien. Combien de temps vous faut-il Monsieur pour voir ?»
« Autant de temps qu'il faudra. » Bleddyn a un sourire en coin qui veut en dire long. Est-ce que c'est une provocation ? Une sorte de défis ? Il m'en veut... Le punching-ball arrive et il le met devant moi, le faisant léviter à la parfaite distance et l'immobilisant à l'aide d'un sort. OK. Je peux le faire, je vais le faire, je vais leur prouver. « Vas-y. Essaie de le faire tomber. »

Je réalise un petit échauffement, clairement toutes mes articulations sont endormies, alors je les échauffes en faisant plusieurs étirements et mouvements. Je sens que mes muscles ont morflé avec ce poison. Je vois Aslinn nous regarder, Bleddyn et moi, presque nous étudier. Ce mec fait-il autre chose qu'analyser les gens ou leur comportement ? Il va sortir quoi ? Que je suis masochiste ? Et qu'est-ce qu'il fout là putain ? Je comprends pas sa présence. C'est un psy, pas un soldat. Putain, il se pourrait qu'il soit soldat aussi ? Non. Si ? Il m'a dit qu'il connaissais la vie de soldat, Diabhal, mais il m'a pas dit qu'il était lui même soldat ou qu'il s’entraînait avec Diabhal. Putain il me gave !

Une fois que j'ai l'impression d'être prêt à frapper, je lance mon poing dans le sac, sans grande conviction car je suis suspicieux, les questions que je me pose sont trop parasitantes pour que je me concentre. Je veux des réponses. Ma frappe est de ce fait molle et je me retourne vers Aslinn.

«En fait, j'ai une question. Pourquoi vous êtes là ? Pourquoi vous restez là ? C'est pas trop près de votre bureau ici. Ici c'est pour les soldats.»

Aslinn sourit et lance un regard amusé à Bleddyn. Il met ses deux mains dans le dos.

« Si vous faites tomber le sac, je vous dirai ce que je fais ici. Si sa Majesté accepte. »

Bleddyn renvoie le regard amusé à Aslinn. Lui croise les bras et ses tatouages sont ainsi mis en avant. Je fronce mes sourcils, pourquoi autant de mystères ? « J'accepte. Si ça peut te motiver. Je trouve tes gestes un peu... Mous. Tu m'as habitué à mieux, durant l'attentat. »

Mous ? Cette petite pique me provoque assez pour me motiver à nouveau. Je commence à frapper le sac, à évaluer son poids, sa densité, ses faiblesses. Plus je frappe plus je sens comment le faire céder. Mes articulations chauffent, mes poumons brûlent, j'essaye de trouver un rythme, une intensité supportable pour que mon cœur suive. Bien sûr que l'aconit n'est pas entièrement dissipé, mais est-ce que cela doit m'arrêter ? Non ! Plus je vois l'air qu'affiche Aslinn sur son visage, plus je frappe fort. J'ai bientôt le corps en feu et je viens enlever mon t-shirt et le jette par terre, ma peau frissonne au contact de ma sueur et du vent frais matinal. Je cogne, encore et encore jusqu'à trouver l'angle parfait pour mettre un coup de pied puissant au sac et le faire tomber. Tout le trajet par où passe l'air m'est douloureux, mais je n'en dit rien, je n'en montre rien. La douleur n'est qu'une information. Essoufflé je regarde Bleddyn puis Aslinn, levant à mon tour un sourcil. Voilà, j'ai réussi ai-je l'air de dire silencieusement.

Bleddyn regarde le sac, puis me regarde, puis regarde de nouveau le sac, puis Aslinn, puis encore moi. Qu'est-ce que j'ai fait ? C'était ce qu'il voulait non ? Que je fasse tomber le sac ? Pourquoi il a l'air surpris que je le fasse ? « Je suis... Impressionné. Rares sont les jeunes recrues qui parviennent à trouver la faille dès la première fois.» Ah bon ? Ça ne m'a pas paru l'exercice le plus difficile. Donc, si je comprends bien, il espérait que je rate, pour ne pas m'entrainer ? Il va faire en sorte que le prochain exercice soit plus difficile, j'ai bien compris, mais je ne lâcherai rien... Puis il regarde Aslinn « Je crois qu'on a une promesse à tenir, non ?»

Aslinn hoche la tête et j'attends, presque patiemment qu'il assouvisse ma curiosité.

« Tu as raison. Je suis ici, car je suis venu m'entrainer avec mon cousin comme je le fais souvent depuis des années. Je ne suis pas à tous les entrainements, mais j'aime venir régulièrement. Je suis aussi un soldat, il est vrai que je ne l'avais pas précisé lors de notre entrevue.»

Putain j'en étais sûr ! Enfin non... mais c'était évident. Par contre, qu'est-ce que j'en ai à foutre qu'il s'entraine avec son cousin, c'est qui d'ailleurs ? Là il parlait avec Bleddyn... de moi peut-être ?

« Votre cousin ? Qui est votre cousin ?»

Bleddyn aborde un sourire amusé. Pourquoi j'ai l'impression que je ne vais pas aimer la suite ?

« Aslinn est mon cousin. Et le cousin de Louve. Et celui d'Accalia. C'est le fils secret et adoptif de ma tante Melody. C'est donc mon cousin. C'est un secret de cour, seuls les soldats de Diahbal le savent. Aslinn fait aussi partie de Diahbal. »

Son cousin ? De Diabhal ? Je regarde Aslinn puis Bleddyn. Le sentiment de trahison me traverse. Mon psy est le cousin de mon Alpha, de mon Prince, de mon meilleur ami ?! Je recule d'un peu, comme si j'avais reçu un coup dans le ventre. Putain de merde. Depuis cet attentat, depuis que Bleddyn a vu un certain potentiel en moi, qu'il m'a enrôlé à Diabhal j'en apprends tous les jours sur la famille Royale. Et là je découvre que Mélody, celle qui ne sait soit disant pas se transformer, qui n'a jamais eu d'enfant, rien de tout ça n'est vrai. Aslinn est le fils de Mélody, j'en reviens pas.

« D'ailleurs ... » Bleddyn pousse le punching-ball dans un coin, pour libérer la place autour de nous. « Je te propose de mettre le cousin de ton prince à terre. Bon, physiquement, Aslinn craint un peu, mais ses tactiques sont indétectables. Il est très... Compliqué à vaincre, à cause de son intelligence. »

Aslinn parait offusqué un instant quand il fait un commentaire sur son physique, mais il finit par sourire et relever la tête quand Bleddyn l'encense sur ses tactiques et son intelligence. Pfff pathétique. Ça va redescend mec hein... Si je le fous à terre, il sera plus aussi fier avec son brushing parfait. Je n'ai toujours rien dit, je ne sais pas quoi dire d'ailleurs, c'est beaucoup d'information, de secret à garder encore. Ouais, je sais vraiment pas quoi leur répondre, alors je me contente de hocher la tête. Putain j'peux lui niquer la tête à ce petit con.

« J'ai... j'ai vraiment le droit de défoncer mon psy ?»

Aslinn sourit. Il a l'ai tellement sûr de lui que ça fait bouillir le sang dans mes veines. Il est aussi sûr dans son bureau que sur le terrain alors ? Le fils prodige de Mélody, bon en même temps... il a été entrainé par la meilleure.

« Tu ne me toucheras pas Jared. Tu permets que dans ce cadre ci, on se tutoie ?»

Ok, là j'ai trouvé vraiment plus relou qu'Emy.

« Ce n'est pas à toi que je pose la question. C'est à mon alpha.»

Je regarde Bleddyn, il me sourit, les bras toujours croisés.

« Vas-y. Donne tout ce que tu peux.»

Aslinn retire aussi son t-shirt, il n'a rien à voir avec la musculature de Bleddyn, mais ses muscles sont là, dessinés, montrant qu'effectivement il s’entraîne régulièrement. Il semble très amusé par la situation, alors que moi j'ai la rage au ventre. Je fonce sur lui et il m'esquive, je frappe et il m'évite à nouveau. Ce qui m'agace fortement. Il est rapide, très agile, je le reconnais, il est très à l'aise sur ses appuis, chose que je ne suis pas encore. Je regarde un peu le sens de ses pieds, gauche droite, gauche droite, droite gauche. Je pense voir une ouverture, mais quand je frappe, il évite encore et se retrouve derrière moi, me donnant une claque en haut du crâne. Une claque ! Ce connard ne frappe même pas, il me gifle seulement. De la pure provocation.

« Tu es en colère Jared, il ne faut pas se battre avec la colère. »

Ta gueule j'ai envie de lui dire. Mais je grogne à la place. Je lance un crochet du gauche qu'il retient de son avant bras, et de son gauche il frappe dans ma cuisse, celle de la jambe qui a mis le punching-ball à terre. Je tombe un genou à terre, cette jambe était clairement fragilisée, du fait de l'impact et de la force que j'avais usé avec. Mais je balaye devant moi avec mon autre jambe, mais Aslinn fait un bond pour l'éviter et viens me frapper dans la région épigastrique, pile sur mon estomac. J'en ai le souffle coupé et une douleur m’irradie immédiatement. La bile remonte dans ma gorge, et je crache presque du vomi. Mon estomac est fragile du fait du poison et du lavage qu'il a du subir. Il est inflammé depuis trois jours et cet enfoiré le savait. Aslinn arrive à me faire une clef de bras et serre sa prise.

« Celui qui n’est pas fort doit se montrer intelligent. » me susurre-t-il à l'oreille en Irlandais.

Je lui donne un coup de coude dans les cotes quand j'entends une voix qui surgie de nulle part. Elle nous stoppe net tous les trois. Aslinn me relâche immédiatement et je peux respirer à nouveau facilement, les deux genoux à terre en regardant qui arrive vers nous.

« Par tous les dieux irlandais, mais dites-moi que je rêve ! » Bleddyn sursaute légèrement, avant de se tourner vers Louve, qui se dirigeait vers nous, la démarche sûre et le regard droit et noir. Putain d'aura. On sent tous qu'on va prendre cher. « Qu'est-ce que vous n'avez pas compris dans les conseils des médecins ? C'est à tous les trois que je parle. » Je regarde le sol une seconde. Moi j'avais bien compris, mais j'ai pas voulu les écouter... mais j'irai pas lui dire. « Louve, je… » Commença Bleddyn. « Non, tais-toi en fait. Tu es Grand Général, tu es censé prendre soin de tes soldats, c'est toi qui a fait la plus grosse connerie ici ! Je m'occuperai de ton cas plus tard. » Bleddyn se tait pendant que Louve se tourne vers Aslinn et moi, on est mort. « Aslinn, Jared ? Qui se dévoue pour m'expliquer pourquoi Jared est ici à se battre, au lieu de prendre soin de sa santé ? »

Mes yeux sont ronds comme des mugs de Bieuraubeurre. Je n'avais jamais vu Louve dans un tel état de... d'autorité. Putain mais j'ai la trouille. Mon loup en frissonne, et je ne suis pas le seul. Je ne vois personne avec un air de fierté ou d'assurance ici. Ni Bleddyn, ni Aslinn. Pour une fois, le psychomage a perdu son sourire à la con. Et pour une fois, il a perdu de sa verbe, lui qui a toujours un truc à dire du tac au tac. Ses yeux sont un peu fous et il finit par les poser sur ma future reine avant d'essayer d'articuler sans que sa peur se fasse ressentir.

« Louve ce n'est pas ce que tu crois c'était encadré, Jared est... »
« C'est moi qui est demandé, Votre Majesté, je... je voulais reprendre les entraînements.» le coupé-je, j'ai pas envie que ce soit lui qui prenne ma défense.
« Et le fait que ce soit encadré vous donne cette excuse ridicule ? Alors qu’il est encore en convalescence ? » Elle lève les yeux au ciel un instant, comme excédée devant tant de mauvaise foi. Elle a pas tort. « Je t’ai vu le frapper à l’estomac alors qu’il est encore fragile ! Par les dieux Aslinn, il a failli vomir ! »

Je ne perds pas une miette de ce spectacle, où je vois mon psy baisser la tête et ne rien répondre. Il ne cherche même pas à contredire Louve. J'ai envie de sourire, mais j'ai bien trop peur pour moi en cet instant pour provoquer la colère de Louve. Aslinn regarde Bleddyn en biais. Ils savent, ils ont du déjà vivre ce genre de situation où cela ne sert à rien de discuter avec Louve quand elle est dans cet état. Putain je suis sûr que gosse, c'était pas eux qui avaient le lead. Louve les a tétanisé sur place, et je devrai pas trop me moquer, parce qu'au final, je n'ai pas bougé mon cul du sol, bien trop effrayé pour me faire remarquer. Et justement, elle se tourne et s'avance vers moi avant de me tendre une main, je met bien deux secondes à comprendre que c'était pour m'aider à me lever et pas pour me gifler. N'osant pas faire autrement, je me saisi de sa main et me relève.

« Rentrons, pour aller soigner cet estomac. Tu ne t’entraîneras que quand les médecins auront donné leur feu vert. Tu risques des blessures beaucoup plus importantes, sinon.»

Je hoche la tête. Louve me sourit doucement quand j'attrape sa main. Elle jette un dernier regard noir à son frère et son cousin. Personne en cet instant n'est capable de lui dire non de toute façon, même si c'est Bleddyn mon alpha. « Quant à vous deux, je ne vous oublie pas. » dit-elle à leur attention.

Alors que Louve m'entraine vers le Palais, je me retourne vers Bleddyn, j'ai toujours besoin d'une réponse. « Est-ce que je pourrai toujours venir à Diabhal... quand... quand les médecins donneront leur feu vert ?» balbutié-je avant d'énerver encore plus Louve. « Bien sûr. Tu es un excellent élément, Jared. Alors… Prends soin de toi, et guéris vite. » Lance Bleddyn sur un ton plus doux et moins moqueur qu’au début. Je suis putain de soulagé de l'entendre le dire. J'avais tellement peur qu'il me... renie.

Louve reprend sèchement « Il pourrait guérir plus vite si son Alpha n’avait pas fait n’importe quoi ! » Bleddyn offre à sa sœur un sourire désolé, ce qui me tord le ventre, c'est encore de ma faute tout ça... Louve reprend donc sa marche, et quand je commence à la suivre à nouveau, on peut entendre distinctement Bleddyn souffler à Aslinn un « Tu vois ce que c’est, d’avoir une sœur ? Estime-toi heureux d’avoir été adopté par quelqu’un qui ne voulait pas d’enfant.» Adopté ? C'est vrai qu'il l'avait précisé, mais je n'avais pas vraiment percuté sur le moment. Alors Aslinn n'est pas vraiment l'enfant biologique de Melody, mais qu'elle est son histoire alors ? Où sont ses parents biologiques ? « Je t’entends Bleddyn !» Lance Louve en levant les yeux au ciel, sans ralentir son pas.

Quand on est suffisamment éloignés d'eux, Louve jette un œil dans ma direction. Est-ce que je vais passer à mon tour un sale quart d'heure ?

« Comment te sens-tu ? Ils ne t’ont pas trop fait vivre un enfer ?»
« Non, enfin... est-ce que si je dis oui, je peux arrêter de voir Aslinn ?»

Mes yeux sont plein d'espoir, elle pourrait faire en sorte que je ne le vois plus. Elle a tous les droits ici, elle pourrait faire en sorte que je sois libéré de sa prise en charge, alors mon regard se fait presque suppliant. Louve lâche un petit rire amusé et je me renfrogne, évidemment...

« Malheureusement, non. Mais je comprends ta colère. Et, entre nous, je trouve que c’est une idée totalement stupide de t’avoir fait combattre ton psychologue.»
« En fait j'ai été plus surpris de combattre votre cousin que mon psychomage.» Disé-je en la regardant vraiment pour la première fois. Elle soupire légèrement, avant de reprendre.

« Attends-toi à voir Miss Clarissa et Miss Emily paniquées à ton retour… Quand je suis venue dans vos appartements pour voir comment tu allais, elles te cherchaient partout.»

Je me raidis et deviens blême. PUTAIN LES FILLES ! Je n'avais pas réalisé que j'étais parti aussi longtemps... elles doivent être folle, putain de merde. Et Clary ! Est-ce que Clary a ressenti ma douleur, quand l'autre débile m'a frappé l'estomac ? J'avais pas vraiment réfléchi à ça avant d'y aller...

« Elles ont peur que je recommence. Elles ne veulent pas me quitter une seconde.»

Elle me jette un regard en coin.

« Pourquoi es-tu allé sur le terrain ? Je ne suis pas en colère, plutôt… Inquiète. J’aimerai comprendre. »

Qu'elle ne soit pas en colère me rassure. J'ai tellement peur de la décevoir... mais qu'elle s'inquiète n'est pas vraiment mieux, si ?

« Je... j'ai perdu tous mes repères, et... je sais pas... je....»

Une boule se coince dans ma gorge. C'est très dur de parler ainsi, à cœur ouvert à sa princesse. Mais elle est si bienveillante, si généreuse, que je ne me vois pas me fermer comme j'ai pu le faire avant. Nous avons déjà eu ce genre de discussion, notamment quand elle m'a surpris en train de fumer de l'aconit tue loup dans ses jardins. Elle a mis tellement de chose à ma disposition, je dors dans une aile royale, avec deux femmes qui n'ont rien à voir avec la cour. Je lui dois au moins d'être honnête, j'ai envie d'être honnête avec elle.

«... je voulais... je sais pas. Je voulais savoir par moi même. Aslinn m'avait dit que je n'étais pas viré, mais je n'en étais pas sûr. J'avais besoin de me prouver que je le pouvais encore.»
« Tu le pourras encore, j’en suis sûre. Mais laisse-toi du temps, le temps de la guérison. Si tu te précipites trop, ça pourrait compliquer tes capacités physiques. »

Elle lève la main pour la passer doucement dans mes cheveux. Elle remet quelques mèches en place, son geste est bouleversant, très maternel.

« Nous ne te lâcherons pas, crois-moi. »

Une nouvelle fois je me sens gêné, mais touché, mes yeux en brillent, humides. Elle s’arrête, pour me regarder en face, je baisse mes yeux pour qu'elle ne les voit pas briller. Elle profite qu’il n’y ait personne pour me parler aussi franchement, sans l’étiquette j'imagine.

« Jared… Pourquoi crois-tu que l’on veut te renvoyer ? » Elle me regarde, légèrement inquiète.
« Je me dis que je vous ai tous déçu, tous trahi, et que vous n'avez plus aucune confiance en moi, pour m'accorder le droit de veiller sur la meute, en temps que soldat par exemple. Alors que je jure que je ne veux que le bien et la sécurité de tous.»
« Si Bleddyn est aussi dur, c’est parce qu’il est en colère. Et si il est aussi en colère, c’est parce qu’il est inquiet. Et si il est aussi inquiet, c’est parce qu’il tient à toi. Énormément. Tout comme moi. »

Elle m'offre un sourire désolé, inquiet même. Je baisse la tête et ne répond rien, je suis bien trop gêné par ce genre de déclaration. Je ne suis pas habitué à ce qu'on exprime que l'on tient à moi, tout ça est nouveau, déstabilisant.

« J'ai besoin de m'occuper, d'occuper mon esprit...  Il est si sombre quand il n'est pas occupé et ça me fait peur. Ne... ne le dit pas à Aslinn... s'il te plait...»

Je renifle et chasse une larme qui menace de couler de mes yeux. Le regard de Louve devient désolé. Elle est inquiète pour moi et vient caresser ma joue, toujours de manière très maternelle, avant de céder, et de me serrer dans ses bras. Je suis surpris par ce geste. Presque immédiatement je viens me raidir, mais je ne fais aucun mouvement pour la repousser, j'accepte volontiers, quelque peu perturbé par cet élan bienveillant. Après tout, je tiens une véritable Princesse dans mes bras, je ne peux pas rompre un câlin.

« Je ne dirai rien, je te le promets. Mais c’est à toi de lui en parler. » Et je la crois. Quand elle me relâche, je tente ma chance...
« Si je ne peux pas m'entrainer, est-ce que je peux trainer dans le laboratoire, avec les médicomages qui travaillent sur le lien ? Ils n'ont pas voulu.»
« Bien sûr. Je leur dirai de te faire une place. » Elle me sourit. « Et même si tu ne peux pas travailler sur le lien, tu as un carnet de recherches à récupérer et à remplir, non ? »

Mon regard s'illumine, mon visage change totalement d'expression. Que vient-elle de dire ? Je peux utiliser le labo pour mes propres recherches ? Elle va me rendre le carnet ?! J'ai un poids qui m’assomme une instant, quand je repense à pourquoi elle l'a en sa possession, je lui avais légué. Je ne devais pas être là, je ne devais pas avoir le droit de bosser ça ici, au Palais. C'est inespéré.

« Est-ce que je peux... je peux faire des recherches ici ? Dans le laboratoire du Palais ?»

Mon cœur s'accélère d'excitation, cela me donne un élan, une étincelle de vie. Si je peux continuer mes recherches... j'en ai envie. Et si j'en ai envie, c'est plutôt bon signe non ? Louve sourit beaucoup plus franchement, est-elle rassurée ? Heureuse de me voir excité ?

« Tu as beau être un soldat et un Duc, maintenant, tu as aussi des talents scientifiques qu’il ne faut pas gâcher. Tu auras ta place dans ton laboratoire. Laisse-moi un peu de temps pour réunir de l’argent et des architectes, et tu auras ton propre laboratoire. »

Mes yeux s'écarquillent. PARDON ? Mon laboratoire ? Putain de merde, mon propre laboratoire ? Ici ? Au palais ? Je me sens tout de suite très gêné, pourquoi fait-elle tout cela ? Pour que je ne me suicide plus ?

« Non, non c'est beaucoup trop... c'est... ne fait pas ça parce que je viens d'essayer de me... c'est beaucoup trop !»

Louve me stoppe dans mes propos en posant sa main sur mon épaule.

« Jared. Ça fait des mois que j’ai commencé à monter le dossier. Depuis que tu as accepté d’être Duc, en fait. Je voulais t’en faire la surprise. »

Une surprise, pour moi ? Depuis des mois ? Elle avait déjà l'idée avant mon suicide alors ? Elle croit vraiment en moi ?

« Je ne sais pas quoi dire ! Je ne sais pas comment te remercier...»

Elle m'offre un petit sourire contrit cette fois.

« Reste avec nous, et prends soin de toi. C’est tout ce que je demande. » Un rire s’échappe de ses lèvres. « Et va prendre ton petit-déjeuner. Tes amies me disent que tu te soucies plus de leur nourriture que de la tienne. »
« Merci infiniment ! Merci pour tout ce que tu fais pour moi, tout ce que fait ta famille pour nous, avec Clary.»

Je voudrai lui dire que je ferai tout pour ne plus jamais les décevoir, mais j'ai peur de ne pas pouvoir tenir ma promesse, et je ne veux pas mentir à ma princesse. Alors je ne dis rien, mais je le pense. On se sourit et je retourne à l'aile de ma chambre en courant pour rejoindre les filles. Je dois avouer que j'appréhende de les voir morte d'inquiétude, je culpabilise déjà de leur avoir infligé ça, mais il va falloir trouver un moyen pour qu'elle soit rassurée, elles ne peuvent pas me garder à tour de rôle. Je vais bien finir par être seul quand je vais rentrer à Londres. Je sais pas comment elles imaginent les choses, et j'ai peur... Je pousse la porte de la chambre un peu essoufflé, torse nu et couvert de transpiration.

« Je suis là, je vais bien. J'ai croisé Louve. Je suis désolé, je pensais pas durer aussi longtemps, vous étiez en train de dormir et...»

Clarissa vient se pendre à mon cou et m'embrasser. Je sens toute sa détresse et toute sa joie dans ce baiser. Je m'abandonne contre sa bouche, me sentant immédiatement à ma place. Je referme mes bras contre elle et la serre contre moi, ne faisant pas cas de ma sueurs. Je lâche doucement ses lèvres et la regarde dans les yeux.

« Je suis là, tout va bien. J'étais sorti m'entrainer un peu, voir si j'avais retrouvé un peu ma condition physique et je me suis fait renvoyer au repos. Pardon de vous avoir fait peur...»

Je me tourne vers Emily.

« Je pensais revenir avant votre réveil... J'ai pas voulu vous faire peur.»

:copyright:️ Justayne

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Jared Parkinson


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That's why I can't love you in the dark »

KoalaVolant

descriptionAlors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière. EmptyRe: Alors réveille-toi et reste avec moi. Tu n'es pas dans le noir, mais loin de la lumière.

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