Wizard Party Hard

J’avais eu l’idée du siècle ! Le jeu « Maléfices et Sortilèges » continuait de sévir un peu partout à Poudlard et jetait parfois un voile sombre sur les discussions. De plus, depuis deux mois, je n’avais pas eu l’occasion de mettre le grappin sur aucun garçon et cela commençait fortement à m’agacer. Avais-je perdu le coup de main ? Shanna disait que c’était peut-être l’histoire avec mes parents qui me perturbaient. Naomi, de son côté, pensait que j’avais flashé sur le professeur de Duels, le prince Bleddyn Iceni. Elles avaient toutes les deux tort et je comptais bien leur prouver ce soir. Car, ce soir, c’était Halloween, et on devait forcément organiser quelque chose !

J’avais donc envoyé une lettre à mon parrain et ma marraine pour savoir comment bien organiser une fête. J’avais conservé leurs réponses dans ma poche et les avais relu précieusement depuis.

« Une fête ? Mais ton père est d’accord ? Enfin, je veux dire, bien sur que ton père est d’accord si tu me dis que tu as demandé l’autorisation pour organiser quelque chose dans la salle commune. Bref, en général, j’invitais que les personnes de plus de 16 ans quand j’organisais quelque chose, parce que les plus jeunes finissaient toujours par tout gâcher. Bon, comme tu as 15 ans, j’imagine que tu peux redescendre l’âge minimum à ce niveau-là. Mais pas plus ! N’oublie pas de demander aux elfes de maison un coup de main pour la nourriture et les boissons (sans alcool évidemment !). Et ensuite, amuse-toi ! Ce sont les meilleures soirées celles-ci. »


« Une fête ?! Et tu ne m’invites même pas ?! Je plaisante. En tout cas, ça a l’air fantastique ! Je me souviens que quand un ami en avait organisé une à Poudlard, il avait mis des affiches un peu partout dans Poudlard et à Pré-au-Lard (ensorcelées bien sûr, parce que c’était une fête clandestine, mais toi, tu n’as pas eu cette idée j’espère …). C’est là aussi que mon amie Jillian avait appris qu’elle était fiancée à son futur mari. Quelle histoire ça avait fait ! Je me souviens que j’avais même bien mis tout le monde dans la panade car j’avais dragué le petit-ami de Jillian à l’époque sans le savoir. Le soir, on s’était fait un débriefing entre copines pour tout remettre à plat. Quelle histoire ! Bref, je m’égare même si j’imagine que ça doit te parler. Tu passeras bien le bonjour à tes amies ! A bientôt. »


Ils étaient juste géniaux comme parrain et marraine. Bon, je ne dirai jamais ça devant Alec ou Joey, vu les relations tendues qu’ils avaient avec leur père. James était quelqu’un de très bien en tant que parrain, mais en tant que père il craignait. Quant à Prudine, je l’adorais. C’était mon exemple. Même si elle était la mère d’un véritable con (alias Ian Wen), elle était une marraine exceptionnelle.

C’était donc avec tous ces conseils que je m’étais attelée à la tâche de mener à bien une soirée exceptionnelle pour Halloween. J’avais demandé à Alice Bennett, ma cousine, de coller les affiches partout où elle pouvait : Sara avait fait un travail de dingue pour ses affiches qui révélaient la localisation et la date de la fête seulement quand on prononçait la formule « Revelio Wizard Party ». Peut-être un peu trop basique pour un professeur, mais Sara avait tenté de renforcer ce sortilège avec deux mots supplémentaires à prononcer pour l’incantation. L’enchantement ne résisterait peut-être pas trop longtemps à des recherches poussées mais il découragerait la majorité des personnes.

Dans tous les cas, la fête se déroulerait donc mercredi soir. Un soir en semaine, certes, mais le 31 octobre ! Costumes obligatoires et heure de début d’arrivée 21h. Chacun s’était fait passer le mot pour pouvoir accéder aux passages secrets et se rendre en toute discrétion à la Cabane Hurlante.

Pour plus de fun, j’avais aussi contacté Dae-Hyun Gyeon, mon meilleur ami. Très emballé par l’idée, il avait tout de suite voulu s’occuper de la musique et d’inviter quelques étudiants histoire de rajouter du piment à cette soirée. A nous deux, nous avions donc agrandi la maison à l’aide de quelques sortilèges. Nous avions aussi consolidé quelques passages pour que ceux-ci puissent résister à une marée d’élèves. J’avais insisté pour ajouter quelques décorations d’Halloween destinées à effrayer les plus trouillards.

Et puis, j’avais mangé rapidement le dîner d’Halloween avant de partir aussitôt dans ma salle commune, prendre mes affaires dans un sac magique que ma tante m’avait offert à Noël dernier et j’avais foncé à la Cabane Hurlante. J’étais vêtue d’une longue robe blanche au-dessus de laquelle je portais un grand manteau orange aux manches bouffantes. Dae-Hyun avait insisté pour me maquiller le visage. « Tu crois que tes groupies vont être présentes ce soir ? » me moquais-je alors qu’il s’appliquait à me faire le contour des lèvres.



Il venait d’y apposer la touche finale quand des premiers rires se firent entendre. Les invités arrivaient et la fête allait pouvoir commencer !

L’invitation lui était venue de la part de Dae-Hyun. Une étrange relation était née entre eux et Sirius ne parvenait pas encore à dire si elle était positive ou négative. Sûrement un peu des deux. En tout cas, Sirius n’était pas spécialement désireux de revenir à Poudlard, même le temps d’une soirée d’Halloween. Il avait su petit à petit trouver ses marques à l’UMS et, en vérité, Poudlard lui manquait peu. Le château en lui-même lui aurait même donné le cafard. Cependant, sa salle commune dans les cachots, ou même Shanna lui manquait. Et ça avait été sa principale source de motivation. Ça et le harcèlement auquel s’était livré Dae pour que le jeune homme vienne. Apparemment, il y aurait pas mal d’étudiants aussi et la Cabane Hurlante avait été magiquement agrandie pour accueillir tout ce beau monde.

Sirius avait donc revêtu un costume de squelettes qui brillait dans la nuit. Aucun effort sur la coiffure ni sur le maquillage. Il avait déjà fait l’effort de se costumer et c’était vraiment énorme. Il arriva du côté de Pré-au-Lard, avec quelques membres des Pendragon qui avaient fait le déplacement en Magicobus. Bleddyn Iceni notamment. Sirius avait plusieurs fois eu l’occasion de discuter avec ce prince d’Irlande. S’il n’avait pas apprécié cette fois-là où le jeune homme avait essayé de lui parler de son sang de loup, il restait pourtant un garçon très sympathique, avec qui il était facile de s’entendre. Sa soeur aussi était là. Louve Iceni, la princesse héritière. Elle en imposait et sa chevelure rousse rappelait une déesse qui pouvait s'enflammer à tout moment. Elle était incroyable.



L’entrée n’était pas évidente de ce côté-ci de la Cabane Hurlante, mais une porte qui tenait à moitié sur ses gonds permettait d’entrer dans la maison. Sirius était donc entré, la musique battant son plein sitôt passé la porte. Divers sortilèges avaient été mis en place pour cacher les lumières et atténuer la musique de l’extérieur. C’était remarquable.

L’ex-Serpentard reconnut sans mal plusieurs têtes de ses précédentes années et adressa quelques « salut » à certains. Est-ce que Ian Wen était dans le coin ? Son comparse le plus fidèle de Serpentard. Et Shanna, était-elle par ici ? Il aperçut alors Victoria Prewett et Joséphine Davis discutant près de lampions de lumière. « Bonsoir les filles. » dit-il. Il observa rapidement leurs costumes mais ne fit aucun commentaire dessus. « Où est Shanna ? » demanda-t-il plus à Vicky qu’à Joey. Victoria était la meilleure amie de sa sœur, elles faisaient toujours tout ensemble. Quant à Joey, elle était une Serpentard et Sirius se souvenait avoir passé quelques soirées à discuter avec elle. S’il se souvenait bien, elle était la meilleure amie de … « Billy n’est pas avec toi ? » dit-il, fronçant les sourcils.

« Par la barbe de Merlin ! » s’exclama soudain Vicky en attrapant le bras de Sirius qui la regarda, espérant l’inciter à le lâcher. « Tu es venu avec le prince ?!! » La Poufsouffle commença à sautiller sur place, tenant toujours le bras de Sirius qui leva les yeux au ciel. « Bleddyn ? Oui pourquoi ? » La jeune femme commença à hurler (de joie surement ?) quand soudain Shanna apparut près d’eux. A ce moment-là, Vicky lâcha (enfin) son bras et se jeta dans les bras de sa meilleure amie. « Il est là ! Bleddyn Iceni ! Ton frère est venu avec lui … »

Puis, soudain, comme étant la personne la plus lunatique de l’univers, la Poufsouffle se calma et déclara posément : « Je vais te montrer qu’il me laisse parfaitement indifférente. » Sirius haussa un sourcil : « Parce que sautiller et hurler c’est être indifférent ?! » Le demi-loup leva les yeux au ciel avant de reporter son regard sur sa sœur. « Tu vas bien ? » Ils avaient échangé quelques lettres depuis la rentrée de septembre mais rien de plus qui ne lui permettait de savoir si tout se passait vraiment bien pour sa petite sœur.

Dae-Hyun soupira : « Parle pas de malheur ! » dit-il en rangeant le rouge à lèvres dans sa trousse. On tourna la tête en même temps vers les premières personnes qui arrivaient. La musique se lança automatiquement et je serrai instinctivement Dae dans mes bras. « Cette fête va être démente ! » J’étais tellement impatiente. Plusieurs minutes passèrent avant que Dae ne s’éloigne lorsqu’il aperçut l’un de ses amis. Je lui adressais un sourire alors qu’il partait à grandes enjambées dans sa direction. Il était sans doute mon meilleur ami en ce monde, si je ne comptais pas déjà Billy comme tel. D’ailleurs, où était …

« Fête réussie à ce que je vois ! » Je tournais la tête vers une chevelure bicolore qui venait de s’approcher de moi. Joséphine Davis, mais on l’appelait tous Joey. « T’as vu un peu ?! » chantonnais-je. « Sympa ton costume ! Tu as tout fait toute seule ? » Je haussais les épaules, laissant aller le suspens avant d’ajouter : « Noooon, j’ai eu de l’aide. » Je souris avant de me reculer pour observer son costume. « Ouah, Cruella c’est ça ? » Je lui donnais une tape sur l’épaule. « Pas trop mal … mais, dis-moi, Billy m’avait dit que vous aviez des costumes accordés … qu’est-ce que … » Je fronçais les sourcils avant que Joey ne pointe son doigt sur Billy qui s’éloignait vers le bal.

« Mais noooon ! » me moquais-je en voyant sa petite queue de dalmatien dépassait de la foule. « Bonsoir les filles. » dit soudain une voix grave. Je tournais la tête. Sirius Green venait d’arriver vers nous. Que faisait-il là ? Ah mais oui ! Dae avait invité les étudiants aussi. Mais j’étais assez étonnée que Sirius ait choisi de venir à une fête de Poudlard. Il avait même joué le jeu en se costumant ! « Salut Sirius ! » chantonnais-je. « Où est Shanna ? » Je haussais les épaules alors qu’il se tournait déjà vers Joey. « Billy n’est pas avec toi ? »

Je jetais un coup d’œil à la foule, espérant repérer ma meilleure amie qui ne devait pas être bien loin, quand soudain … « Par la barbe de Merlin ! » m’exclamais-je. J’attrapais instinctivement le premier bras qui fut à ma portée, comme s’il me fallait ça pour me soutenir. « Tu es venu avec le prince ?!! » Bleddyn Iceni. Il était là. Ses cheveux roux, son visage si charismatique, sa posture fière et dominante. Je ne pouvais retenir mon excitation et commençais à sautiller sur place. Bleddyn Iceni était venu à ma fête. Le Prince Iceni. A ma fête. A moi.

« Bleddyn ? Oui pourquoi ? » Par Merlin, il l’appelait par son prénom ! Cela signifiait qu’ils étaient amis. Cela signifiait surement que j’aurai une nouvelle chance ! Je sautais dans les bras de Shanna qui venait d’arriver vers nous.  « Il est là ! Bleddyn Iceni ! Ton frère est venu avec lui … » « Et après, il te fait rien du tout ... Tu t'es vue ?! Une vraie groupie. » pouffa de rire Shanna.

Elle avait raison. Il m’avait rejeté la dernière fois. J’avais été assez humiliée. Même Alice Parkinson avait profité du spectacle. Je ne pouvais décidément pas me tourner en ridicule à ma propre fête. Je m’efforçais de retrouver un visage neutre et de calmer mes ardeurs avant de déclarer : « Je vais te montrer qu’il me laisse parfaitement indifférente. » Après tout, le prince Iceni était à l’une de mes fêtes. Et c’était juste un étudiant comme un autre. Un étudiant qui me faisait horriblement craquer … « L'indifférence même, c'est évident. » Shanna me fit un grand sourire innocent.

« Parce que sautiller et hurler c’est être indifférent ?! » Je fusillais Sirius du regard. De quoi se mêlait-il ? « Tu vas bien ? » demanda-t-il en se tournant vers Shanna. Ce fut à mon tour de lever les yeux au ciel comme il venait de le faire pour moi. Mais je n’eus pas le temps de plus réagir qu’un bras m’extirpa du petit groupe.

« Vicky ? Hey ! » Je reconnus le visage d’Alice Bennett quand ses lèvres s’approchèrent de ma joue pour m’embrasser. Ma cousine. Je l’adorais. Elle était tellement belle et incroyable ! Mon sourire revint sur mon visage quand elle complimenta ma fête. « Je viens d'arriver, mais démente la fête. Ton costume aussi, t'es trop sexy ! » Je rougis. « Merciiii. Avec une cousine comme toi, je me dois d’être à la hauteur ! » Alice était une grande joueuse de Quidditch même si elle disait toujours que j’en faisais trop.

Un garçon était planté à côté d’elle. Grand, maigre, il avait un visage assez banale. Ses cheveux étaient blonds foncés et ce qui était le plus attirant chez lui était sans doute ses yeux bleus. Mais comme il ne me regardait jamais en face, il était difficile de s’y attarder.

« Je te présente Lemony Morris-Clever. » m’annonça Alice. « Il est en 5ième année, comme toi, mais à Gryffondor. Vous avez dû avoir des cours en commun, je suppose. » Ah. Oui. Lemony. Je n’avais jamais prêté attention à ce garçon. On avait en effet quelques cours en commun mais comme il ne venait pas beaucoup en sortie à Pré-au-Lard, je n’avais jamais eu l’occasion de le fréquenter.

« Lemony, je te présente ma cousine, Vicky Prewett. Vicky est à Poufsouffle avec ta sœur. » Son regard parut s’illuminer à cette mention et je lui souris. Alice se pencha alors à mon oreille. « Il est célibataire… Et est toujours ok pour rencontrer des gens. En tout cas, je vous laisse faire connaissance, j'ai un paquet à donner… » J’ouvris la bouche pour lui répondre mais la voilà qui partait déjà dans l’autre sens. C’était bien ma cousine ça ! Toujours aussi maligne …

« Elle est où ? » Je levais les yeux vers Lemony (par la barbe de Merlin, ce qu’il était grand !). Il semblait chercher Alice du regard comme curieux et étonné qu’elle se soit volatilisée. Bon, allez Vicky, c’était Alice qui te donnait un coup de main. Il fallait te sortir Bleddyn de la tête et qui de mieux que Lemony pour cela ? Il était … assez banal mais il était un mec. Et un mec ça voulait toujours la même chose avec une fille. « On va dehors. »

Mon regard s’illumina. « Avec plaisir ! » chantonnais-je. « Attends, j’attrape juste deux verres ! » Je passais près de la table où plusieurs bouteilles étaient entreposées. « Je te sers quelque chose ? » me demanda Billy, visiblement planqué à cet étalage. « Deux cocktails ! » lançais-je. « Joli costume ! » Le 7ème année leva les yeux vers moi, guettant un sourire moqueur qui ne tarda pas à venir. « Je suis toujours ravie de voir ce que Joey peut faire de toi ! » « Note que je fais ça pour la bonne cause ! » « Ah oui ? Laquelle ? » Billy me tendit mes deux verres. « Joey veut remporter son pari et par la même occasion gagner le prix du meilleur costume d’Halloween, et je trouve qu’on s’en sort pas trop mal. » Je haussais les épaules, guère convaincue, avant de m’éloigner.


Où était Lemony ? Je zieutais la foule du regard avant de le repérer un peu plus loin. « On peut y aller ! » dis-je en lui tendant un verre. Je le suivis hors de la Cabane Hurlante où le vent frais me fit remonter les manches de ma robe sur mes épaules. « Pourquoi tu voulais aller dehors au juste ? » demandais-je par curiosité. Je tournais la tête vers lui avant d’épousseter naturellement ses cheveux. « Tu avais un peu de poussière ! » dis-je avec un grand sourire.

« A ta santé ! » Je levais le verre à son intention avant d’en boire une gorgée. Le liquide orangé glissa dans ma gorge et me fit faire la grimace. « Beurk … c’est quoi ça ? » Je levais le verre devant mes yeux pour en examiner le contenu avant de comprendre : « Billy … j’suis sûre qu’il s’est vengé du fait que je me sois moquée de lui. » Je ne pus retenir cependant un rire. « Mon frère a beau être chiant, je l’adore quand même. J’imagine que c’est pareil pour toi et Spencer ? » Je m’installais sur un banc en pierre un peu bancal. J’espérais que Lemony se joindrait à moi. Ce serait plus pratique si je devais me blottir contre lui ou même l’embrasser. En tout cas, s’il avait voulu aller dehors, c’était surement qu’il voulait un coin plus tranquille pour nous deux.

« J’adore Spencer ! Je la trouve tellement cool et elle a tellement de talent. » Essayer de trouver des points communs d’abord … puis tenter une approche. Je n’avais tout de même pas perdu le coup de main !

Shanna était arrivée comme une petite fleur. Ses cheveux bruns aussi raides que ceux de leur père lui tombaient sur les épaules et ses petits yeux espiègles observaient sa meilleure amie qui venait de s’éclipser avec Alice Bennett.

« Je vais très bien, grand frère. » répondit-elle d’un ton amusé. « Regarde ne suis-je pas resplendissante ce soir ? » répondit-elle en tournant sur elle-même avec sa robe de vampire. Sirius fronça le nez, n'appréciant guère la plaisanterie. « Tu es toujours très belle, mais ... ce n'est peut-être pas le costume que j'aurai choisi. Au moins Joey est un peu plus ... » Son regard se perdit sur le costume assez osé de Joey. Une robe courte, un décolleté plongeant et un rouge à lèvre extravagant. « ... elle-même ... » « Tu disais grand frère ? » Sirius tourna son regard vers celui, moqueur, de sa sœur. « Je ne suis pas sûre que tu sois prêt à me voir habillée comme Joey... » Non, il était évident que non. Sa petite sœur n’avait encore jamais bien attiré le regard masculin et Sirius n’était pas prêt à voir arriver cette époque.

« Et toi comment ça va ? C'est comment l'UMS ? Ça doit être tellement cool ! » Il observa Shanna qui déballait toutes les questions qu'elle avait en stock. Il esquissa un demi-sourire face à son débit de paroles toujours aussi impressionnant. « C'est ... bien. Mieux. » dit-il seulement. Sirius n’avait jamais été très expansif dans ses sentiments. Il ne racontait pas grand-chose, préférant écouter et observer. Mais il n’était plus à Poudlard pour veiller sur sa petite sœur et, si elle au moins avait l’habitude parler plus que lui, elle ne se confiait pas automatiquement à Sirius. Le garçon se massa la nuque avant d’ajouter : « En tout cas … Si tu as besoin de ... » « Bonsoir. »

Sirius tourna la tête vers cette voix presque enchanteresse qui venait de s’immiscer entre eux. La princesse héritière du trône d’Irlande se tenait devant eux. Pour la première fois depuis longtemps, Sirius manqua de mot. La jeune femme portait un magnifique costume pour l’occasion. Sa peau nue transparaissait à de nombreux endroits, les parties les plus intimes couvertes d’un large bandeau de feuilles vertes. Ses longs cheveux roux semblables à des flammes tombaient dans son dos. Son regard aussi sévère qu’inaccessible sondait les personnes autour d’elle.

« Je suis sincèrement désolée de vous déranger, mais pourrais-je vous emprunter Sirius ? J'aimerais danser avec une autre personne que mon frère. » Son sourire était éclatant. Elle ne ressemblait pas beaucoup à une reine en cet instant. Du moins, pas à l’image directe qu’on pouvait s’en faire, notamment quand on pensait à la famille royale d’Angleterre. Non. Louve Iceni était tout le contraire. Elle était flamboyante, jeune, vive, intelligente.

Sirius en avait presque oublié sa petite sœur et Joey. Il salua d’un signe de tête les deux jeunes femmes, ignorant le gloussement moqueur de Shanna, et prit la main de la princesse. Il allait avoir l’honneur de danser avec elle. Sirius n’accordait pas une grande importance à la famille royale, mais il devait avouer avoir été très intéressé quand il avait appris que les enfants venaient étudier à l’UMS et à Poudlard. Bleddyn était d’ailleurs dans le même club que lui, chez les Pendragon. Quant à Louve, il avait toujours pu l’observer seulement de loin. Elle dégageait une espèce d’aura qui amenait tout un chacun à lui accorder son respect et sa loyauté. On n’avait aucun mal à se douter de la puissance qu’elle avait rien qu’en parlant.

La jeune femme plaça automatiquement ses mains autour du cou de Sirius qui déposa à son tour ses deux mains sur ses hanches. Elle était … si peu habillée. Il s’efforça de ne pas baisser son regard et le laisser river sur son visage. « Ton frère t’ennuyait tant que cela ? » demanda-t-il alors en commençant à se dandiner sur place. Il n’aimait pas danser et il était d’ailleurs un piètre danseur. Pourtant, toutes les filles qu’il connaissait voulaient toutes danser avec lui et … il était bien incapable de refuser.

« Je suis désolée d'avoir menti. Mais je voulais te parler d'un sujet… Déplaisant. » Sirius haussa un sourcil. « Bleddyn m'a dit que tu ne voulais absolument pas parler de ton sang de loup-garou. Il m'a demandé de t'en parler. » Sirius soupira et détourna les yeux. Et voilà. Le piège.

Il chercha dans la foule Bleddyn Iceni mais celui-ci avait déjà dû s’éclipser dans une autre pièce. Il était incroyable de constater combien de gens se satisfaisaient à parler d’autrui et de leurs problèmes. Bleddyn avait remarqué que Sirius avait fait appel à son sang de demi-loup lors de l’épreuve des Pendragon un mois plus tôt. Il pensait sans doute bien faire mais Sirius avait rapidement fermé la discussion. Il ne souhaitait pas parler de ça. Il ne se sentait pas loup. Alors pourquoi la princesse venait lui en parler ?

« Je constate en tout cas que ton frère ne sait pas tenir sa langue … et donc, tu es venu pour … ? » Ce n’était pas parce qu’elle était de sang royal qu’il allait mieux agir avec elle. Elle voulait se mêler d’un sujet qui ne plaisait guère à Sirius et il réagissait de la seule manière qu’il connaissait : la fuite, l’évitement. « Je ne suis pas venue que pour faire plaisir à mon frère. Une autre personne m'a demandé mon aide. Ta sœur, Shanna. »

A la mention de son nom, Sirius tourna à nouveau les yeux vers Louve. Shanna ? Shanna lui avait demandé son aide ? « Pourquoi ? Comment ? » demanda-t-il. « Je l'ai rencontrée au mariage des Romanov, en septembre. » expliqua la jeune femme. « Elle sait que nous sommes tous des loups, et elle espérait que je puisse parler avec toi de ta nature… Pour t'aider à l'accepter. » Le regard de Louve semblait chercher dans ses yeux un signe de confiance. « En parler ne changera rien. » déclara-t-il d’un ton hargneux.

Ses mains se resserrèrent sans le vouloir sur la taille de Louve et il regretta d’être au milieu d’une foule. Plusieurs regards étaient braqués sur eux, observant la princesse. Trop de monde, trop susceptible d’être remarqué. La Pleine Lune était prévue pour le lendemain et il suffirait de peu de choses pour que Sirius s’emporte. Pourtant, Louve était déterminée à ne pas lâcher l’affaire. « Pourquoi la refuses-tu autant ? A cause de cette pitoyable image qu'ont les loups en Angleterre ? En Irlande, toi et ta sœur seriez des stars. La cour vous accepterait si facilement. »

Le regard de Sirius s’assombrit. « Je me contrefous d’être une star. » cracha-t-il, agacé. Pourquoi toutes les personnes qu’il rencontrait voyaient ça comme une bénédiction ? Être maudit par la lune n’avait rien de bien. « Tout ce que je veux c’est être un sorcier comme tout le monde. Je ne veux pas de cette partie de moi. » dit-il. Une certaine tension montait entre ses doigts, comme si … comme si des griffes voulaient en sortir. Son souffle s’accélérait. « Et je n’ai pas besoin de thérapie ni de quoi que ce soit de ce genre. Je pensais avoir été clair à ce sujet avec Bleddyn. »

Les derniers mots qui sortirent de sa bouche furent employés sur un ton plus fort qu’il ne le voulut et il ferma les yeux, les sentant changer de couleur au fur et à mesure que son cœur s’emballait. Un grondement monta de sa poitrine. Par Salazar ! Il allait perdre le contrôle s’il continuait comme ça. Pourquoi insistait-elle autant ?

Il lâcha furieusement la taille de Louve Iceni et, baissant la tête pour cacher ses yeux ambrés, il chercha une issue et trouva la sortie. Un petit groupe de personnes était dehors et il entendit même la voix de Victoria Prewett. Furieux et angoissé, Sirius continua de marcher pour s’éloigner de la Cabane Hurlante. Mais le bourdonnement dans sa tête refusait de cesser. Il leva la tête vers le ciel. La lune n’était pas complète. Ce n’était que demain. Que demain … Pourquoi était-il aussi en colère ? Pourquoi tous ses membres étaient-ils aussi tendus ?

« POURQUOI TU M’AS SUIVI ?! » lança-t-il en se retournant. La jeune femme était là. Là, dans la nuit, avec le vent qui soufflait un peu, on aurait dit une déesse. Elle était magnifique. Magnifique et dangereuse. « Je ne veux pas de ça. Je n’en ai jamais voulu. Alors dégage de là. Tu n’as pas des affaires royales à t’occuper ?! A moins que tu veuilles qu’un demi-loup rejoigne ta cour ? Désolé, mais le poste ne m’intéresse absolument pas. » Il ne savait comment se tenir, là, dans la nuit. Ses épaules semblaient se voûter alors qu’il ressentait comme des courbatures dans son corps. Sa tête bourdonnait et tout ce qu’il ressentait c’était une furieuse envie de violence.

C’était comme si sa tête allait exploser. Comme si ses os allaient se craquer un à un. Comme si tout son corps allait muter pour devenir cette bête atroce qu’il craignait par-dessus tout. Jamais il n’avait existé de demi-loup capable de se transformer à la Pleine Lune. Ils étaient seulement plus sujets à des variations d’humeur. Mais lui, c’était comme s’il ressentait chaque douleur, chaque souffrance, chaque contrariété puissance mille. Lui qui ne voulait pas de sa part de loup, il se retrouvait à devoir la gérer plus que d’autres. Shanna qui l’acceptait si bien ne semblait pas avoir ce soucis. Jared, son cousin, qui n’aimait pas son côté loup ne perdait pas autant le contrôle que lui.

Alors qu’il luttait pour ne pas perdre le contrôle, son ouïe lui fit comprendre que quelqu’un l’avait suivi. Louve. Et elle était plutôt contrariée. Pourquoi n’avait-elle pas peur ? Ne voyait-elle pas qu’il ne maîtrisait rien ? Ne voyait-elle pas qu’elle finissait de le contrarier et de le pousser à subir ces atroces douleurs ?

« Parce que tu ne m'as pas laissé finir ma phrase ! Et surtout, pour qui me prends-tu pour seulement penser que je te laisserais seul, dans un état pareil, alors que je suis responsable de ta colère ? Mais pour qui me prends-tu ? » S’il n’était pas autant en train de souffrir le martyr, il aurait sans doute admiré le courage et le sang-froid dont elle faisait preuve en se tenant là, juste à côté de lui. Il essaya de la repousser, en vain.

« Je n'aurais pas dû dire ça, je suis désolée, c'était maladroit. Mais il est vrai que je tiens à t'aider, Sirius ! » L’étudiant tomba à genoux et ferma les yeux. Des perles de sueur gouttaient sur son front alors qu’il s’efforçait de faire taire ce bourdonnement dans ses oreilles. Quelque chose grognait au fond de lui. Quelque chose qui brûlait de se faire entendre. « Tu ne peux pas ignorer cette partie-là de toi ! La pleine lune sera avec toi, pour le restant de ta vie. » continua-t-elle en levant les yeux vers le clair de lune. Sirius poussa un cri de rage et tourna la tête vers Louve, prêt à lui asséner d’autres cris furieux. Mais la jeune femme leva la main, comme pour lui intimer de se taire. Etait-elle à ce point imprudente ? Ne comprenait-elle pas ? Croyait-elle vraiment qu’il allait s’asseoir avec elle pour boire le thé ?

« Non, tais-toi, et laisse-moi parler. » Son ton était ferme, royal. Mais elle hésita et se ravisa : « Non, finalement, non. Au contraire, vas-y, hurle ! Hurle à la lune, laisse le loup en toi parler, et tu te sentiras beaucoup mieux ! » Sirius fronça les sourcils. Comment ? Que disait-elle ? Hurler à la lune ? Comme une bête sauvage ? Un nouveau grondement résonna en lui, comme si c’était ce dont il désirait le plus au fond de lui. Alors, toujours à genoux, il releva la tête en arrière et un hurlement se fit entendre. Il n’avait jamais fait ça auparavant et c’était tout ce qu’il semblait retenir en lui. La bête voulait parler. Elle voulait agir. Ses yeux étaient désormais ambrés et il sentait une force incontrôlable prendre possession de lui. Il se releva, aussi simplement que n’importe quel animal l’aurait fait et, d’instinct, se dirigea vers sa source contrariété : Louve. Elle avait réveillé la bête en lui. Et maintenant, c’était comme il ne se contrôlait plus rien. Il n’y avait plus qu’un sentiment qui dominait : la rage.

Il arriva à la hauteur de Louve mais celle-ci ne reculait toujours pas. Il avait envie de la frapper, de la traîner à terre et de s’acharner sur elle telle une bête. Pourtant, quelque chose le retenait. Sa conscience. Il n’était pas un loup-garou. Il n’était pas une bête. Il ne pouvait pas faire ça. Il ne pouvait pas écouter cette voix dans sa tête. Cet instant d’hésitation le trahit puisque Louve en profita pour se saisir d’un geste vif de lui. Ses doigts se plantèrent dans sa gorge et Sirius en eut le souffle coupé. La bête voulut se défendre et balança un coup de main vers le visage de Louve.

« Ne bouge pas. » Sirius grogna. « Je ne plaisante pas, Sirius. Je suis capable de faire pousser mes griffes et de les planter dans ta chair. Je pourrais te casser mortellement la nuque avec une seule main. Ou en dernier recours, me transformer en loup pour me défendre. » La bête luttait mais lorsque les yeux de la jeune femme devinrent dorés, celle-ci se mit au repos. C’était comme si elle sentait qu’un loup plus puissant pouvait le faire taire. Comme si la bête avait trouvé un maître. Un Alpha.

« Est-ce que tu es prêt à m'écouter, désormais ? » demanda-t-elle d’une voix toujours aussi calme et mesurée. Sirius déglutit, difficilement, mais hocha la tête. Alors, doucement, la jeune femme le fit se mettre à genoux. Au départ, Sirius résista mais c’était comme être dominé par une force étrange. Le loup en lui reconnaissait son maître et ne pouvait que s’incliner.

« J'ai compris que tu ne voulais pas cette part-là en toi. Je peux l'entendre, d'accord ? » commença Louve en relâchant sa prise sur sa gorge. « Mais tu dois aussi entendre que tu dois apprendre à composer avec. » Les bras de Sirius pendaient mollement à côté de lui alors qu’il reprenait son souffle. C’était comme s’il avait été dans une forme de transe et qu’il reprenait peu à peu le contrôle de son corps. De son côté humain. Il était humain. « Je ne veux pas … Je ne suis pas un loup. » murmura-t-il, défait.

« Jamais tu ne pourrais éliminer cette partie-là de toi. » Le doigt de la rouquine vint se placer sous le menton de Sirius qui fut forcer de relever la tête vers elle. Elle était impressionnante. Elle rayonnait de puissance et l’étudiant n’avait plus la force de résister. Il sentait ses barrières tomber une à une. Ses mains tremblaient et ses yeux ambrés reprenaient la couleur noir sombre habituelle. « Mais je peux t'apprendre à la contrôler pour qu'elle ne prenne plus le dessus. Ce ne sera pas comme si elle était éliminée, mais au moins, tu auras un semblant de vie plus… Normal, selon toi. Comme les autres sorciers. » La contrôler ? Elle voulait l’aider ? L’aider à contrôler cette bête ? A nouveau, son regard croisa celui de la jeune femme. Ses yeux dorés avaient disparu pour laisser place à des yeux marrons, noisette.

A cet instant, Sirius avait enfin l’impression d’avoir trouvé quelqu’un, quelqu’un qui pourrait le comprendre. Pas sa mère qui entrait sans cesse dans son esprit. Pas son oncle qui le forcerait à aimer sa partie lupine. Non, juste quelqu’un qui comprenait ce qu’il vivait et qui était prêt à l’aider à accepter au mieux sa partie lupine. Quelqu’un qui ne le forcerait pas à adorer cet aspect de lui. Quelqu’un qui prendrait le temps. Quelqu’un qui n’aurait pas peur., qui ne le jugerait pas.

« Ce sera un travail long et fastidieux, mais je te promets qu'on peut y arriver. Si tu me fais confiance. » Sirius, toujours à genoux, regarda la main tendue de la princesse. Toujours dans son costume d’Halloween, le clair de lune finissait de rendre sa peau claire et légèrement brillante. Elle le dominait de toute sa hauteur et c’était comme s’il voyait l’ombre de son loup à côté d’elle. Sirius attrapa sa main et se redressa lentement. Il était sensiblement de la même taille qu’elle, mais à cet instant, il avait l’impression de se sentir bien petit face à elle. « Je veux que tu m’aides. » dit-il à mi-voix.

Il se racla la gorge, comme ayant honte de cet hurlement qui avait pris possession de lui quelques instants plus tôt. « Je … ne veux pas faire du mal aux gens autour de moi. Je veux … comprendre pourquoi … cette bête prend autant de place dans ma vie. Je veux … ne plus être contrôlée par elle. » Il leva les yeux vers Louve. Le jugeait-elle ? « Je n’aimerais jamais cette partie de moi. Mais si tu dis que tu peux m’aider, je suis prêt à te suivre. » La bête en lui sembla ronronner de plaisir à cette idée. Comme si le fait d’avoir trouvé un semblable le contentait enfin. Sirius ferma les yeux et une larme roula sur sa joue. Était-il sérieusement en train de chialer comme une fillette ? May et Fey se foutraient bien de sa gueule si elles le voyaient. D’un geste rapide, il effaça cette larme de sa joue et ouvrit à nouveau les yeux.

« Pas un mot à Shanna. Je ne veux pas qu’elle se fasse de faux espoirs si jamais ça ne fonctionne pas. » Se faisait-elle vraiment du soucis pour lui ? Comment n’avait-il pas pu s’en rendre compte ? C’était normalement le contraire, lui qui s’inquiétait pour elle. Pas l’inverse. Jamais l’inverse.