| Vendredi 1er Mars 2002 |
Caché derrière la table renversée avec Sirius, j’essaie tant bien que mal de ne pas laisser mes émotions et la panique prendre le dessus. Sirius m’a assuré qu’il n’allait pas me lâcher mais, dans un tel contexte, sa parole ne suffit pas à me rassurer.
J’essaie tout de même de faire confiance à Sirius. S’il m’a dit qu’il ne me lâchait pas… Il ne me lâchera pas. Sirius Green est fort et intelligent. Il a des armes avec lesquelles se battre, contrairement à moi. Si seulement il n’avait pas été blessé…
Je confie ma crainte à Sirius quand bien même j’ai conscience que ça se voit et qu’il a dû comprendre que j’étais terrorisé il y a maintenant un moment. Cependant, on n’a pas le temps de trouver un nouveau plan que notre assaillant masqué nous retrouve.
Rictusempra !Je suis surpris une demi-seconde par le sort lancé par notre ennemi alors que Sirius se met à rouler à terre, pris d’un incontrôlable fou rire. Dans un autre contexte j’aurais sûrement prit un long moment pour me questionner quant au sort choisi mais je n’ai clairement pas ce temps, ici et maintenant.
Sectumsempra !Cette fois, c’est moi la cible de cette nouvelle attaque.
Un instant je suis figé. Une douleur vive me transperce au niveau du côté droit. J’appuie ma main à cet endroit et sent mon corps se geler. Je toussote alors qu’un liquide chaud glisse sur mes doigts. Je baisse les yeux sur ma blessure, laquelle saigne abondamment. C’est si douloureux que je n’arrive pas à hurler ou à pleurer. Les larmes sont suspendues au bord de mes yeux et je crois que je n’arrive plus à ordonner à mon corps de bouger.
Doucement, mes yeux roulent en arrière dans leur orbite et j’essaie de lutter mais c’est plus fort que moi. Le gel saisit tout mon corps et, en même temps, j’ai l’impression que ma blessure me brûle. La douleur est indescriptible. Je n’ai clairement pas la force de me battre contre
ça.
Mon corps est faible. Si faible que je m’écroule au sol. La douleur me transperce à nouveau vivement quand mon corps s’écroule, mais il m’est à nouveau impossible de geindre. Je me sens partir et une pensée affreuse me traverse l’esprit.
Je vais mourir…Pour moi, c’est évident. Je vais mourir. Ici et maintenant. Je n’aurais pas pu aider Sirius. Je n’aurais pas eu le temps de voir les garçons une dernière fois et d’aller boire un verre avec eux en riant de bon cœur. Je n’aurais pas eu le temps de revoir Oscar Swan et de m’excuser de l’avoir fuit. Je n’aurais pas pu le pardonner et accepter son amitié. Je n’aurais pas vu une dernière fois ma famille… Mon frère, ma sœur, mes parents, mes cousins, mes oncles et tantes… Je n’aurais pas trouvé l’amour, le vrai.
Je n’aurais pas réellement vécu. Et pourtant la fatalité me frappe. Je vais mourir.
« Dae ! »Je prends une bouffée d’air en entendant Sirius appeler mon nom. Mes yeux s’étaient fermés mais s’ouvrent à nouveau avec peine. J’ai l’impression de sentir le trajet de l’air jusqu’à mes poumons et celui-ci est atrocement douloureux. Mes paupières sont affreusement lourdes mais j’essaie de rester conscient.
Je ne peux pas mourir… Je ne peux pas mourir… Je ne peux pas—Je me répète ces mots en boucle dans ma tête, peu convaincu qu’ils suffiront à me garder en vie bien longtemps. Mais je ne peux pas abandonner. Sirius est là, je ne peux pas mourir devant ses yeux. Et comment réagiraient les autres, si je mourais ? Ma famille ? Mes amis ? Ils seraient brisés, abattus.
Pour eux, je dois vivre.Même si cela me semble impossible à accomplir. Même si c’est difficile. Et encore, “difficile” est un affreux euphémisme. Même si ça fait mal. Très mal. Tellement mal que je pense au fait d’abandonner et de me laisser mourir pour y mettre fin.
J’entends très vaguement la voix de Sirius après cela et le sent agir près de moi sans être capable de décrire ce qu’il fait ou de retranscrire ce qu’il dit. J’ai l’impression qu’il se passe une éternité avant que l’on soulève mon poids du sol. La douleur vive me transperce à nouveau et je me mets à tousser à nouveau. Un peu de sang glisse sur mes lèvres et mon corps se réchauffe soudainement avant de geler à nouveau. Si j’en avais la force, je supplierais qu’on me pose. La douleur est insoutenable… Mais elle a le mérite de m’aider à rester plus ou moins conscient. Enfin, plus “moins” que “plus”, mais tout de même… Dans une telle situation il n’y a pas de petites victoires.
« Accroche-toi. Reste avec moi, Dae ! » J’entends sourdement la voix de Sirius s'adresser à moi à nouveau après bien des agitations. J’entends surtout mon nom et devine un peu le reste. C’est au tour de Sirius de réclamer que je reste avec lui, que je ne le lâche pas. J’ouvre la bouche pour lui répondre mais, au lieu de ça, je me remet à tousser et mon ventre se serre douloureusement.
Ugh…« Chante-moi cette chanson. »Alors que mes paupières essaient à nouveau de se refermer, je lève un peu la tête. Très légèrement et subtilement. De toute façon, elle retombe tout de suite après. Une nouvelle fois, j’essaie de parler et, cette fois, un son m’échappe.
Uh…?Je voulais demander quelle chanson et surtout d’où vient cette étrange requête mais je n’arriverais sûrement pas à parler clairement même si les mots me venaient.
« Tu sais, celle que tu m’as proposé de chanter ensemble tout à l’heure. Comment ça fait déjà le refrain ? »...Je comprends ce que Sirius tente de faire. Il veut me garder conscient. C’est.. Très malin. Surtout d’utiliser la musique pour me maintenir éveillé.
I hear… Jeru…salem bells… a-ringin'...Il me faut un moment après avoir commencé à essayer pour que les premiers mots du refrain de cette fameuse chanson passent la barrière de mes lèvres.
...Rom…an… Cavalry choirs… are sin…gin'...Je balbutie et marmonne affreusement.
...Be… my mirror… my sword and… shield…Ma voix est cassée et très faible.
...My missio…naries… in a… for…eign field…Je dois m’arrêter presque tous les deux mots pour inspirer (ce qui est toujours aussi douloureux).
...For some reason… I can't ex…plain…Parfois même, je suis pris d’une nouvelle quinte de toux sanglante qui m’interrompt, réchauffe mon corps jusqu’à ce qu’il reprenne sa température affreusement froide.
...Once you'd gone… there was ne…ver…Mais je
chante.
Ne…ver an ho…nest word…Malgré l’atrocité de la scène, la douleur, le contexte, la mort qui me guette… Entendre Sirius chanter avec moi pour me maintenir en vie me fait chaud au cœur et me conforte dans l’idée que je
dois survivre à tout prix.
...And that was… when I ruled… the world…Malheureusement, ma volonté ne suffit bientôt plus et je sens mes yeux rouler à nouveau en arrière. Mon corps n’a plus d’énergie. Il n’y a plus que de la douleur. Les dernières paroles du refrain que je chante sont encore plus faibles que les précédentes. Ma voix s'éteint doucement au dernier mot. Mes yeux se ferment. Et puis, pendant un moment, il n’y a plus rien. Je sais que je ne suis pas mort, au fond je suis toujours conscient. J’entends les bruits sourd m’entourer. Je ressens encore une douleur aiguë. Mais, un instant, il m’est impossible de chanter, de bouger le petit doigt ou d’ouvrir les yeux. J’ai conscience, surtout, de la prochaine étape. De ce que sera mon prochain état. Et je suis terrifié.
Je crois entendre des noms. La voix de Sirius. Mon nom. Mais je suis incapable de l’affirmer, d’entendre ce qui est dit, de replacer tout ce qu’il se passe alors que je lutte désespéramment contre l’évanouissement. Mes yeux ne s’ouvrent pas complètement mais assez pour que je vois des lumières et des silhouettes très floues. Les larmes au bord de mes yeux ne doivent pas aider à voir clair non plus.
Je ne comprends pas ce qu’il se passe mais, doucement, je reprends vie. Cette sensation de gel devient du froid. Mon souffle reprend un rythme doux et plus ou moins régulier. Ma blessure me fait moins mal. Mes forces me regagnent.
J’ouvre les yeux.
J’inspire un grand coup et constate que je ne suis plus seul avec Sirius. Il y a un garçon avec nous. Non, deux. Je crois reconnaître le rouquin mais incapable de le replacer, encore moins dans mon état.
Malgré tout, je suis indéniablement en meilleure forme. C’est comme si l’horrible sortilège qui m’a touchée plus tôt s’était refermée pour ne laisser qu’une légère entaille à mon côté droit.
« Ça ira mieux mainte... »Je devine que je dois ma vie au garçon aux cheveux bouclés. A Sirius, avant tout, bien sûr. Mais c’est l’autre garçon qui m’a soigné. J’aurais bien remercié ce garçon et Sirius. J’aurais bien célébré la réalisation que, finalement, j’ai une chance de sortir de là vivant… Mais, une nouvelle fois, je n’en ai pas le temps. Le sorcier masqué qui a failli me tuer ressurgis et je pâli en le reconnaissant.
« C’est lui. C’est ce connard. »Sirius s’exclame tout haut, comme j’ai envie de le faire mais j’en suis incapable. La simple vue de ce sorcier me terrorise et je n'arrive pas à prononcer le moindre mot. Je suis même figé de peur. Je ne devrais pas. Je devrais me lever et fuir, au pire des cas, mais je ne devrais pas rester là sans bouger. Il pourrait tenter à nouveau de me tuer et, cette fois, y parvenir. Mais je ne parviens pas à faire obéir mon corps à ma volonté.
C’est ma victime…Notre ennemi affirme haut et fort. Je sens qu’il insiste sur le “ma”, comme pour faire comprendre qu’il n’aime pas qu’on lui pique ce qui lui appartient. Et donc, dans ce contexte, je serais “ce qui lui appartient”. Son geste vague en ma direction me le confirme. Il ne pense même pas à Sirius, là. Je me demande pourquoi… Sûrement la frustration de n’avoir pas réussi à me tuer…?
Je ne suis pas là pour vous deux. Laissez-le moi et je vous fiche la paix. Autrement, je serais obligé de m’attaquer à vous également. Ce serait fâcheux… Ne pensez-vous pas ?Mes yeux se posent sur le rouquin, puis sur le garçon qui m’a soigné et enfin sur Sirius. Je n’ai pas envie qu’ils s’en aillent et m’abandonnent face au sorcier qui nous menace, et pourtant…
Partez… Je m’en voudrais atrocement qu’il vous arrive quelque chose par ma faute…Je m’adresse aux trois garçons d’une voix un peu faible et peu confiante. Je n’ai pas envie qu’ils partent, je le répète. Mais mon cœur refuse de mettre qui-que-ce soit en danger pour me protéger. Ils ont déjà tant risqué…
De toute manière, ils ne m’écoutent pas. Ni le bouclé, ni le rouquin, ni Sirius.
Très bien. Dans ce cas, je n’ai pas vraiment le choix…Sirius me pousse pour me garder derrière lui alors que le sorcier lance un sortilège. Pour ma part, je me roule en boule, couvre mes oreilles et ferme les yeux. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine. J’ai si peur… Je n’aurais jamais fait le poids, seul, contre le sorcier masqué.
« Ca va aller ? » Je lève les yeux vers Sirius qui pose ses mains sur mes bras. Je décolle mes mains de mes oreilles. Je regarde Sirius dans les yeux un court instant avant de craquer et de le serrer dans mes bras. Je le serre fort mais brièvement avant de le lâcher et de hocher la tête pour répondre à sa question.
Merci, Sirius…. Infiniment…Désormais je serais éternellement redevable à Sirius. Je ne le dis pas à voix haute parce que quelque chose me dit qu’il nierait. Mais, parce que je lui suis redevable, je trouve la force de me lever et de le rejoindre dans sa bataille, ainsi que le bouclé. Le rouquin se bat avec le sorcier masqué et nous autres nous occupons des autres sorciers encapuchonnés qui l’ont rejoint. Ceux-ci sont bien moins doués que le sorcier qui a manqué de me tuer plus tôt, ou peut-être que le fait que l’on soit trois et que je sois décidé à ne surtout pas laisser qui-que-ce soit me remettre dans l’état d’agonie dans lequel j’étais il y a si peu aide pèse dans la balance à notre avantage.
Malgré cela, Sirius se fait toucher. Il émet un cri de douleur et puis, soudainement son état devient… Étrange. Il se tient droit debout, immobile, et ses yeux sont révulsés.
Sirius !Je n’ai pas vraiment le temps de m’arrêter sur mon ami, je dois me protéger des sortilèges qui fusent. Je n’arrive pas à attaquer mais je crois que, à force d’esquiver et de lancer des sortilèges de protection, je commence à assurer de ce côté-là. Je ne dis pas, si mon assaillant était plus fort, je n’aurais sûrement aucune force. J’ai dû tomber sur un mec pas très doué en magie… N'empêche que si je ne suis pas assez attentif, je risque de me prendre un coup.
Toujours que mon exclamation a interpellé le bouclé. Dès qu’il me regarde, je m’agite à nouveau. J’évite un sort qui fuse et je m’exclame à son intention.
Sirius Green, il a été touché, regarde !Je fais un geste vers Sirius qui est toujours immobile et dans son état hypnotique terrifiant.
Fais quelque chose !Comme ça, je ne suis pas certain de réussir à tenir éternellement contre mon adversaire mais je suis encore moins sûr de pouvoir secourir Sirius. Je prie pour que le bouclé arrive à immobiliser son adversaire à lui, ou à le mettre en état hors de nuire, pour qu’il puisse aller s’occuper de Sirius.
Je vois bientôt le bouclé filer aux côtés de notre ami du coin de l'œil mais je n’ai pas le temps de me concentrer sur eux, les sortilèges de mon adversaires fusent et je peine à suivre le mouvement. Alors que je fatigue, je tente de lancer une offensive, conscient que je ne vais pas tenir éternellement comme ça.
A ma grande surprise, mon adversaire se fige un moment. J’écarquille les yeux.
C’est moi qui aie fait ça !?La question flotte mais ne demeure pas. Lorsque mon adversaire s’écroule au sol, je découvre un jeune femme aux cheveux blonds derrière lui que je n’ai jamais vue avant. Je devine que c’est cette femme qui attaqué mon adversaire.
Bien sûr… J’y croyais à peine, de toute manière.
Qui es-tu…?La jeune femme lève les yeux vers moi. J’ai baissé ma baguette, plutôt sûr d’être safe. Après tout, elle m’a aidé avec mon adversaire… Mais alors qu’un sourire peu rassurant s’installe sur son visage, je comprends qu’elle n’est pas de mon côté
du tout. La blonde, qui est apparemment une vampire, montre les canines et c’est assez pour me faire flipper.
OH PU-...Pris par la surprise, je recule d’un mouvement vif et trébuche sur mon propre pied. Je tombe en arrière sur mon coccyx et grogne de douleur.
Ouch…...-naise…Je souffle un bon coup en levant les yeux vers la jeune femme.
Tu es enfin là…Le sorcier masqué ricane en rivant son attention vers la demoiselle également. Ce dernier n’a pas l’air en forme, le rouquin doit vraiment être un sorcier doué… Et, apparemment, la femme aux cheveux d’or qui m’a aidé plus tôt est une amie au sorcier masqué. Je ne sais pas quoi en penser. Pas quoi d’autre que
“j’ai peur”. Voici la seule vérité dont je peux être certain : tout est
terrifiant.
File moi un coup de main, le prince me les brise sévère…Grogne le sorcier masqué à l'attention de sa mystérieuse alliée.
Le prince !? Mon regard se dirige vers le rouquin. C’est… Je crois comprendre pourquoi il me disait quelque chose, soudainement. Je prendrais bien le temps d’être surpris mais s’il y a une chose que j’ai apprise aujourd’hui c’est que je n’ai le temps de m’arrêter sur rien.
Comme je ne pense pas pouvoir filer un coup de main au prince, je me hâte de rejoindre le bouclé et Sirius.
Tout va bien vous deux ?Je regarde tour à tour les deux sorciers avant que mon regard ne s’arrête sur Sirius. Je prends un peu instinctivement sa main et serre ses doigts dans les miens.
Tu m’as fait super peur à l’instant… Tu vas bien ? On devrait se mettre à l’abris…Sirius n’a pas l’air en forme et , pour ma part, je ne fais clairement pas le poids contre les deux adversaires contre qui le prince lutte actuellement. Je me tourne vers le bouclé. Je n’ai pas envie qu’il pense qu’on le laisse se débrouiller non plus à y penser… Mais, personnellement, je ne serais qu’un boulet… Je ne sais pas trop quel est le mieux à faire. Fuir ou rester ?
Par contre s’il y a bien une chose que je sais c’est qu’il y a quelque chose que je ne lui ai pas encore dite
En fait… Merci pour tout à l’heure… Tu m’as sauvé la vie…Je sais qu'on n'est pas tirés d'affaire mais sans son aide je serais condamné...
Je veux— comment est-ce que je peux aider ?Je leur dois ça à tous les deux. Autant à Sirius qu'au bouclé. J'ignore comment je peux être utile, mais je veux l'être. Il faut que je le sois.